vendredi 31 mai 2013

Octave Uzanne aux enchères : Un exemplaire des Contes Choisis de Guy de Maupassant (1891-1892) illustrés par Lunois, Jeanniot, Boutet, Van Muyden, Vidal, Scott, Gérardin, Morel, Gervais, Avril et Gueldry. Reliure de Cretté.


Sera vendu aux enchères publiques dans les prochains jours :

Vente aux enchères du Mardi 11 juin 2013
Livres Anciens et Modernes
Piasa - Paris

Photographie Piasa, juin 2013
Lot 219. Guy de MAUPASSANT. Contes choisis. Paris, Bibliophiles contemporains, 1891-1892. 10 plaquettes reliées en un volume grand in-8, maroquin vert lierre, décor couvrant les plats et passant sur le dos à 4 nerfs, composé de multiples filets horizontaux et verticaux, et de liserés horizontaux de maroquin vert prairie formant un quadrillage écossais, encadrement intérieur avec filet doré, doublure et gardes de reps moiré vert printemps, doubles gardes, tranches dorées sur témoins, couvertures à motifs différents de multiples couleurs, chemise demi-maroquin vert à recouvrements et étui (Cretté succ. de Marius Michel) Ravissante et délicate publication renfermant 10 contes dont 8 illustrés de gravures, eaux-fortes, lithographies, héliogravures… par un artiste différent et 2 non illustrés devant être décorés par un artiste du choix du possesseur Elle contient ainsi Le Loup, Histoire de chasse illustré par Ever Van Muyden, Hautot père et fils par Georges Jeanniot, Allouma par Paul Avril, Mouche, Souvenir d'un canotier par Ferdinand Gueldry, La Maison Tellier par Pierre Vidal, Un soir par Georges Scott, Le Champ d'oliviers par Paul Gervais, Mademoiselle Fifi par Gérardin et Charles Morel, L'Épave et Une partie de campagne non illustrés devant être décorés par deux artistes du choix du possesseur. L’Épave est ici illustrée de 5 lithographies de Alexandre Lunois dont une en 3 états et Une partie de campagne est illustrée d'un titre gravé en couleurs de Henri Boutet Ces dix pièces sont présentées sous couverture générale avec frontispice en couleurs de Paul Avril d'après Félicien Rops Tirage hors commerce à 188 exemplaires sur vélin pour les membres de la Société, celui-ci nominatif imprimé pour Ferdinand Pradeau. Estimation : 2.000 / 3.000 euros. Résultat : 4.722 euros frais compris.


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J'ai eu beau chercher dans la fiche ... Octave Uzanne n'est pas même cité brièvement alors que c'est à son instigation et sous sa direction que cette édition de luxe voit le jour pour les Bibliophiles contemporains.

Bertrand Hugonnard-Roche

Octave Uzanne photographié par Charles Gerschel (vers 1900 ? 1910 ?)




Octave Uzanne photographié par Charles (?) Gerschel (vers 1900 ? 1910 ?). Photographie assez rare qui a été reproduite au format cabinet en offset en noir (ci-dessus) et en couleurs pour la chocolaterie Louit (ci-dessous).


La photographie originale (tirage argentique) reste à trouver.

Bertrand Hugonnard-Roche

Extrait de la correspondance entre Octave Uzanne et son frère Joseph : 26 avril 1907 (St-Raphaël) « […] Voilà mon rêve pour demain. »





Rappel de l'encadré en mode texte pour indexation internet : « […] Je tire toujours des plans pour mes arrangements futurs. Si j’avais trouvé un logis vraiment supérieur ici pour 800 à 1000 non meublé je crois que je l’aurais pris pour l’occuper 7 à 8 mois au maximum, de décembre à juin et je n’aurais cherché à Paris que 2 chambres et cuisine pour les jours de passage et pour les ½ mois de juin, de septembre octobre nécessaires pour y traiter les affaires littéraires. Je ne puis désormais me voir à Paris plus plus de ces 2 mois ½ alors, où l’utilité d’un logis coûteux pour si peu de temps ? Avec 6 à 700 à Paris 8 à 900, ici, ou ailleurs, il me semble que ce serait bien dans mes convenances. 1500 frs en tout et juste ce qu’il faut comme mobilier. Voilà mon rêve pour demain. » Octave Uzanne, Extrait d’une lettre à son frère Joseph, St-Raphaël, Vendredi 26 avril 1907, 10h du matin. Source : Archives départementales de l'Yonne (89), Fonds Yvan Christ.

Bertrand Hugonnard-Roche

mercredi 29 mai 2013

Préface d'Octave Uzanne pour l'Amour Romantique de Léon Cladel (Paris, Ed. Rouveyre, 1882).



Dessin original de la couverture du volume par A. Ferdinandus (encre de chine)
Exemplaire broché, tiré à petit nombre sur papier vergé
Coll. B. H.-R., 2013


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Léon Cladel (1834-1892)
Les préfaces, que les Italiens nommèrent « La Salsa del Libro », seraient évidemment dignes de l'apostrophe du célèbre jurisconsulte Dupin, alors que, par humeur paradoxale, le bonhomme s'écriait à propos de ces biographies de contemporains, dont le nombre était infini en son temps comme au nôtre : « Il serait à souhaiter qu'on n'en eût pas fait une seule, mais la première une fois faite, la seconde est devenue nécessaire. Dans le Brouhaha terrible de la grande Kermesse littéraire de ce siècle, au milieu des clameurs et des époumonnements de Barnums à voix rauque qui lancent le boniment, font la parade, battent le rappel, sonnent la cloche, roulent des rra et des fla à qui mieux mieux ; dans cet affolement du public auquel on crie des : « Entrez, entrez, venez voir », sans la moindre pudeur, à la porte même d'un ouvrage nouveau, l'auteur qui a le respect de son art et de son lui, a dû, — son oeuvre parachevée, — se retirer sous sa tente et constituer pour préfacier, un de ses proches dans cette grande famille des lettres qui compte tant de bâtards et si peu de vrais pères nobles
 Il faut donc aujourd'hui, lorsque le maître de céans n'officie pas lui-même, un introducteur à toute fête intellectuelle, en quelque sorte un maître de cérémonies, un Alcôviste, comme on eût dit chez les précieuses dames de là rue Saint-Thomas-du-Louvre, et, à ce titre, dans notre société ultra-banale à force de civilisation, un Monsieur honnêtement cravaté de blanc, à l'égal d'un Semainier de la Comédie-Française doit venir frapper les trois coups et conférencier quelques courts instants avant le lever du rideau. Pour peu qu'une haute sympathie vous place à l'avant-scène ou qu'une amitié sincère vous y pousse, le préfacier ne remplit pas un sacerdoce, mais un devoir ; il ne reste plus rien d'empesé, de froid ou de dogmatique dans son discours qui devient une causerie. Puisque donc, sur le désir formel de Léon Cladel (*), je me trouve obligeamment désigné ici comme le cicérone de ce livre : « L'Amour romantique,  (**) » je prendrai familièrement le lecteur au passage pour lui faire l'historique de cette œuvre de jeunesse qui a conservé la grâce et les naïvetés des premières manières, de celles qu'on voudrait retrouver pour les perdre gaiement de nouveau.
Lorsque l'auteur des Va-nu-pieds s'en vint à Paris, en mars 1857, à l'aurore de sa vingtième année, il apportait avec les rayons d'or du capiteux soleil du midi, cette bonne foi souriante dans l'humanité, cette « fièvre de trouée » qui s'irrite chaque jour davantage dans la lutte et cette passion ardente qu'il devait mettre au service d'un rouge idéal. — Tour tout bagage littéraire, Cladel n'avait guère alors en tête que ce fatras de lectures variées qui s'entassent sans ordre et fermentent si hâtivement dans l'imagination des prédestinés. — On ne saurait dire de quelles œuvres opposées, de quels romans d'aventures, de quelles poésies ou nouvelles sentimentales s'est formé lentement, par couches de lectures successives, cet humus intellectuel déposé dans l'organisme cérébral et au milieu duquel doit poindre et se développer un jour le talent naissant d'un écrivain et sa personnalité réelle. Il y a là un mystère d'incubation étrange, un phénomène de cette lente digestion de la pensée qui abêtit Balzac au sortir du collège, une période « de mue » difficile à franchir dont le danger faisait dire, je crois, à Montesquieu, que l'esprit producteur n'atteignait guère sa puissance qu'aux environs de la trentième année ; que jusqu'à cet âge un auteur devait se fortifier et ne rien écrire ou du moins publier.


Première page de la préface d'Octave Uzanne
Léon Cladel n'eut pas cette sapience recommandée par le rédacteur de l'Esprit des Lois ; la sève littéraire montait en lui comme une sève d'amour, car, ainsi que le disaient malicieusement nos grand'mères : « il faut que jeunesse jette sa gourme » et nul ne résiste à ce besoin d'épanchement aux effluves « printaniers des premiers baisers de la Muse. — Dans ce cerveau où tour à tour avaient défilé comme en une grande et bruyante cavalcade les héros empanachés de Dumas père, les Lions de Frédéric Soulié, les Grisettes de Paul de Kock, les Personnages de l'humaine Comédie de Balzac, les grands Révoltés de Musset et tous les demi-dieux de la Légende des siècles, dans cette imagination enluminée et illuminée par tant de curieuses ou merveilleuses épopées, un dernier venu, Edgard Poe, se profila plus longtemps comme une ombre sardonique et se fixa comme une puissante hantise.
La lecture des Histoires extraordinaires et des Poèmes fut une révélation pour ce méridional épris d'étrange et de grand art ; il se passionna pour le Scarabée d'or, pour Une descente dans le Maëlstrom, pour Ligeia et surtout pour l'admirable traducteur Charles Baudelaire, ce Dante des paradis artificiels et cet impeccable poète des Fleurs du mal, dont la première édition et la condamnation venaient alors d'émouvoir Tout le Paris des lettres.
Cladel écrivit vers cette époque (1858) sa première nouvelle : « Aux amours éternelles » que l'on retrouvera à la fin de ce livre, et dont la rédaction devait être interrompue par les événements de l'indépendance italienne et la guerre de Sicile. Cette nouvelle, revue et corrigée avec soin, ne devait paraître que vers 1862 dans la Revue fantaisiste de Catulle Mendès où elle demeura jusqu'à ce jour oubliée, en dehors de la réunion en volume des œuvres de l'auteur.
A bien prendre les choses, le premier écrit de Cladel, sa première ébauche, serait les Martyrs ridicules, rédigés en brouillon vers 1857, à la Vallée aux Lilas, chez M. Styllite de Saint-Lary (nom patois de Saint-Hilaire) un gentilhomme gascon, de ses amis, et ce fut en réalité à ces Martyrs ridicules, tour à tour repris, remaniés et délaissés, que le jeune enthousiaste dut la joie de connaître le dieu-poète Baudelaire.
Poulet-Malassis, qu'on nommait familièrement en ce temps Coco mal perché, régnait alors comme le prince des libraires, au Passage Mirès ; toute l'arrière-garde du romantisme l'avait accepté et reconnu pour son éditeur, en raison de ses incontestables qualités de lettré et d'artiste. Ce fut Paulin Limayrac, dont le frère, détail curieux, était le directeur de conscience de Mme Cladel mère, qui présenta le néophyte à Malassis.
Le débutant portait craintivement sous le bras son manuscrit des Martyrs qu'il remit avec bien peu d'espoir à l'associé de De Broise.
L'éditeur, après avoir pris lecture du Roman, fut si vivement frappé des qualités originales du nouveau venu qu'il engagea Baudelaire à parcourir cette œuvre dont les heureuses exubérances de jeunesse compensaient bien les défauts d'inexpérience. « Bravo ! Bravo ! clama, après quelques chapitres entrelus, l'auteur des Curiosités esthétiques ; il me faut connaître ce jeune homme ; je le conseillerai, nous travaillerons ensemble et vous publierez ce volume, n'est-il pas vrai ? car je le veux patronner dans une préface où je dirai mon sentiment tout entier sur le talent frisque et aromal qu'il recèle. »
Et Baudelaire, à la suite de cet entretien, parut un soir dans les bureaux de la Revue fantaisiste, nouvellement fondée, passage Mirès ... ; il s'avança, saluant de droite et de gauche Banville, Glatigny, Babou, Théophile Sylvestre et autres, l'œil inquiet et chercheur ; et demanda tout à coup de sa voix étrangement timbrée : « Monsieur Cladel est-il ici ? »
De ce jour, — car Cladel était là, — le maître eut un ami à toute épreuve et un fervent disciple de plus. Les Martyrs ridicules furent remis sur le métier, polis et repolis dans une sorte de collaboration intime, et, vers la fin de 1861, le livre parut et obtint le légitime succès que l'on sait.
Ce fut un an plus tard que les Amours éternelles furent reprises sous l'oeil vigilant et sévère du traducteur d'Edgard Poe. « Cher enfant, écrivit-il un jour au jeune écrivain, il serait bon de revoir ensemble une fois pour toutes vos Amours éternelles que vous avez bien voulu me dédier, et dont la neuvième épreuve m'a été communiquée hier par l'imprimeur de la Revue fantaisiste ; une demi-douzaine de termes impropres et quelques locutions d'outre-Loire, plus romanes que françaises, et qui me semblent trop hétérodoxes, déparent, à mon avis, votre curieux travail : accourez, accourez vite chez moi où je vous attendrai, s'il y a lieu, toute cette après-midi. »
L'élève d'accourir aussitôt au rendez-vous, empressé comme à un assaut d'escrime littéraire, ne songeant qu'à faire des contres avec le virtuose étincelant, et, comme il le conta depuis dans une curieuse nouvelle de Bonshommes intitulée Dux, il y apprit à soigner sa forme, à raboter et sertir des périodes de style, à « manger des lexiques », à dénicher le mot vrai, le terme exact et voulu, à compiler les dictionnaires, à les feuilleter, à les sonder avec rage et passion dans un pourchas sans merci ; à s'imboire enfin de tous les secrets de notre vigoureuse langue si riche et si féconde dont l'usage si mal appliqué faisait dire à un homme d'esprit cette phrase d'une ironie charmante : « Que de gens sauraient le français, s'il était su de tous ceux qui le parlent ou l'écrivent ! »
Cladel, pour tout dire, sous l'égide de Baudelaire, comprit qu'il fallait savoir être artisan pour mieux mériter d'être artiste ; il ne recula devant aucune fatigue : il forgea, martela les mots douteux, se fit un arsenal de termes brillants, empruntant au seizième siècle les damasquinures de somptueux adjectifs,  au dix-septième ses ingénieuses métaphores et ses préciosités, au dix-huitième ses termes papillottants de grâces inoubliables ; sentant la gamme infinie des synonymes comme un coloriste qui voit les gradations innombrables d'un même ton. Par ce jeu d'un labeur féroce, il conquit sa robustesse d'écrivain, sa mâleté de narrateur, sa maestria de styliste, si bien que le maître put promptement sacrer chevalier ès-lettres, son disciple de la veille et lui crier, le voyant éperonné, cuirassé pour la lutte : « En avant maintenant, mon garçon, boutez moi en avant, et sus aux profanes ! »
Des trois nouvelles qui composent l'Amour romantique, je n'ai parlé que de la troisième (la première par ordre chronologique ou mieux encore l'aînée des trois, et qui paraît avec cette dédicace dans la Revue fantaisiste) ;


AUX AMOURS ÉTERNELLES !

A Charles Baudelaire.

Cher Monsieur,

La lecture de vos ouvrages a suscité en moi des rêves nombreux. L'un de ces rêves, ayant pris corps, s' appelle : Aux Amours Éternelles ! Toute créature appartient au créateur. Je sais que vous ferez bon accueil à cet essai dans le genre noir où vous excellez.


L.C.

La seconde, Huit jours dans les nuages, fut écrite spécialement pour la même Revue avec une dédicace de gratitude à Poulet-Malassis. Quant à la Confession d'une mondaine, la dernière en date, elle parut pour la première fois dans un journal bonapartiste La Situation et pour la seconde (singulière antithèse) dans l'organe républicain Le Peuple. Cette nouvelle fut depuis traduite en allemand et publiée à Francfort, à l'insu de l'auteur, auquel Alphonse Daudet révéla cette particularité il y a peu d'années seulement.


Etat définitif de la couverture illustrée
par A. Ferdinandus
Je n'ai pas à m'occuper ici ni de la fiction, ni de la forme de ces morceaux littéraires que l'on va lire. Les admirateurs du bon Cladel du Bouscassié, de la Fête Votive de Saint-Bartholomée Porte-Glaive et de l'Homme de la Croix aux Bœufs, trouveront évidemment un grand intérêt à se reporter à l'origine de ce talent feuillu et si foisonnant dans sa maturité ; ils comprendront le charme de ces premiers tâtonnements du jeune homme qui « flirte » alors avec sa muse saine et luronne plutôt qu'il ne l'engendre.
Ici ce sont des « Amusements aux bagatelles de la porte », de ces œuvres qu'on nomme avec tant d'indulgence des « péchés de jeunesse, » mais qui restent toujours les œuvres préférées comme la première maîtresse qui fit battre notre cœur, la première épreuve d'imprimerie qui nous parvint chargée d'errata ou le premier article au milieu duquel notre nom nous sauta aux yeux dans les gerbes de feu des éloges. Et qui sait, si ces œuvres de la vingtième année, d'une génération toute spontanée, ne contiennent pas, sous leurs défaillances et leurs mièvreries apparentes le meilleur de notre Nous vibrant et cette sorte de « beauté du Diable » qui caractérise aussi bien le moral que le physique de l'adolescence et dont la physionomie principale semble pétrie de malice, de naïveté, de bravoure et d'insouciance superbe ! — A coup sûr, ces premières oeuvres sont celles qui nous émeuvent le plus profondément, elles sont certes moins mûries au soleil de la réflexion que les cadettes, mais elles saillent tout d'un jet du coeur et de la tête comme ces frais bourgeons duveteux qui se hâtent imprudemment de se montrer sur les arbres aux premières tiédeurs des beaux jours de mars.
L'âme de Cladel chantait alors des hymnes à l'amour en s'épanouissant à la vie, et sous le vaillant forgeron de prose sonore, sous les brutalités et les emportements du romancier que l'on connaît, un poète, un doux rimeur, un fin madrigalier, un sonneur d'amoureux sonnets se dissimula longtemps.
On ne sait guère de lui qu'un petit chef-d'œuvre : mon Ane. Je veux donner ici deux sonnets inédits que je choisis parmi nombre d'autres. Oyez ; — celui-ci est daté de 1859 :

Nous irons, chère, où tu voudras,
Là-bas, au loin, sous les vieux chênes,
L'herbe nous servira de draps.
Nous boirons aux sources prochaines.

Viens, je dormirai dans tes bras
Qui me seront de douces chaînes
Nous aurons des fils gros et gras.
Des filles mignonnes et saines.

Il sort des nids une chanson,
Les grands bœufs traînent la moisson.
Au ciel luit un essaim de perles.

Viens, viens nous rouler dans les foins
Où je t'aimerai sans témoins
Au chant du coq, aux cris des merles.

N'est-ce pas d'un grand sentiment d'amour champêtre et l'auteur du Bouscassié aurait-il besoin de signer ce sonnet marqué à son cachet d'exquis paysagiste ? — Voici le second sonnet, sous la date de 1861 :

Près des sources, là-bas, nous étions isolés ;
Il arrivait des bois une sauvage haleine :
Vous eûtes peur de l'ombre immense de la plaine
Et des arbres hurlant ensemble, échevelés.

Attentive aux rumeurs dont la nuit était pleine.
Vous me laissâtes mordre à vos doigts effilés ;
Je crus que vos effrois s'en étaient tous allés,
Et vous serrai plus fort parmi la marjolaine.

Il faisait noir, très noir ; or, déjà mes baisers
Couraient de votre lèvre à vos yeux embrasés,
Et les ormes riaient, rangés en demi-lune...

Oh ! pourquoi fis-tu luire au front de la forêt
Les deux cornes en feu de ton disque indiscret,
Vieille indiciblement insupportable, ô Lune !

Dans ce dernier vers, le parnassien romantique se révèle bruyamment avec toute son impétuosité lyrique. Si j'avouais que l'agreste poète était alors, quoique fervent républicain,  non moins fervent catholique et qu'il fut très remué par la belle légende du christianisme, j'étonnerais peut-être quelques-uns de ses amis politiques,  mais Cladel ne se défend aucunement contre son passé,  où il retrouve, au milieu de ses croyances perdues, l'image de la sainte qui les lui avait inspirées, cette image tant évoquée d'une mère qui n'est plus, dont l'affection et les tendresses infinies semblent vous suivre dans l'humain combat, et dont, aux jours de désespérance et d'abandon, on aime à enfermer le souvenir en soi pour le bercer comme une rêverie consolante et fortifiante à la fois. Il reste toujours tant d'enfance bienheurée dans l'âme de ceux qui ont profondément aimé leur mère !
Je ne saurais suivre ici l'auteur de l'Amour romantique, sous peine de devenir son biographe. Ce n'est certes, ni son intention d'être pourtraicturé de point en point dans cette Introduction, ni la mienne d'aquafortiser une figure si complexe et si originale. Après avoir rappelé largement la carrière littéraire de cet artiste ès-belles lettres, depuis le Bouscassié paru en 1869 ; la Fête-votive en 1871 ; les Va-nu-pieds en 1872 ; l'Homme de la Croix-aux-Bœufs, en 1876, jusqu'à Ompdrailles, Bonshommes, Crète-Rouge, les petits Cahiers et autres œuvres remarquables qui ont vu le jour en ces dernières années, je dirai que le rude écrivain reste toujours opiniâtrement et sereinement fixé à sa tâche en dépit des nauséabondes fumées de dépotoirs qui semblera obscurcir le ciel littéraire de ce temps. Léon Cladel n'est pas un frère quêteur de documents soi-disant humains ; il n'a point rayé l'inspiration et l'invention de son programme, « bien qu'il ne dédaigne pas l'observation ou plutôt la « Scrutation » des passions modernes », car il croit plus fermement que jamais à la divination du talent et à la seconde vue du romancier de race. Il fera paraître bientôt Mi-Diable, roman de haute et rustique passion dont je ne suis pas autorisé à déflorer le sujet ; Urbains et Ruraux, mélanges et souvenirs, sa singulière Kyrielle de chiens, le Deuxième Mystère de l'Incarnation, titre étrange d'une œuvre non moins étrange, et enfin ce fameux Paris en travail dont la gestation lui coûta tant d'efforts et de soins, et au milieu duquel il doit faire défiler toutes les personnalités de ce temps,  depuis le célèbre tribun, qui fut son ami, jusqu'à l'archi-fallot avocat Gagne.
Ce n'est qu'après avoir lu ces livres ouvragés dans la dernière manière de l'écrivain que l'on pourra suivre à petites journées les étapes de cet audacieux talent, et que l'on comprendra de quels labeurs est tissé le style d'un maître en son art. — L'on jugera ainsi de la distance morale réellement parcourue à dater de cet Amour romantique, premier coup de feu d'un fringant conscrit, lequel, depuis lors, a si vaillamment conquis un à un ses chevrons dans la mêlée, et qui, j'en suis assuré, restera longtemps sur la brèche, jeune vétéran, comme un porte-fanion dont on aperçoit la fière silhouette dominante au-dessus du branle-bas des assauts.


OCTAVE UZANNE.

Paris, 20 mars 1882.



Bandeau placé en tête de la Préface d'Octave Uzanne
Non signé il semblerait qu'il soit l'oeuvre de Marius Perret.
On retrouve l'inspiration et la thématique du faune et de la vierge si chers à Uzanne


Note : lorsqu'on inspecte par le détail l'édition de l'Amour romantique chez Ed. Rouveyre, la mise en page, les ornements, la préface, etc, nous vient à l'idée qu'Octave Uzanne a peut-être présidé à la mise en forme de cette édition lui-même, avec l'approbation de Léon Cladel. La chose est probable même si elle n'est pas confirmée par des preuves tangibles pour le moment. Nous restons sur cette idée. A suivre ...

Bertrand Hugonnard-Roche


(*) Léon Alpinien Cladel, né à Montauban (Tarn-et-Garonne) le 13 mars 1834 et mort à Sèvres (Hauts-de-Seine) le 21 juillet 1892, est un romancier et nouvelliste français. Léon Alpinien Cladel est issu d’une famille catholique d’artisans et d’agriculteurs du Quercy. Son père, Pierre Cladel, était bourrelier, métier fort prisé et rentable à l’époque. Ce dernier habitait à Lafrançaise au Moulin de Lalande sur la route de Lauzerte. Après un grand nombre de procès, il finit ruiné et ne laisse à son fils que le mobilier du Moulin et un appartement à Montauban. Le reste de ses biens est vendu pour éponger ses dettes. Léon Cladel monte à Paris à l’âge de vingt ans. Homme de lettres, il se construit une solide réputation de romancier naturaliste dont la matière principale était le peuple. Il aimait d’ailleurs mettre en avant ses origines paysannes quercynoises. Il se fit connaître dans un cercle restreint par son premier roman, Les Martyrs ridicules, préfacé par Charles Baudelaire. L’ensemble de son œuvre connaît un réel succès en France et en Belgique. D’ailleurs, il adhère à l’Académie Goncourt dès sa création avec des auteurs comme Alphonse Daudet, Zola … Puis il retourna vivre dans son Quercy natal, où il écrivit sur la vie des paysans. Il réside et écrit à Montauban, quartier de la Villenouvelle, qui devient plus tard un lieu de séjour d'été pour sa famille. Revenu à Paris, Léon Cladel publia les deux romans qui sont généralement considérés comme ses meilleures œuvres, Le Bouscassié (1869) et La Fête votive de Saint-Bartholomée Porte-Glaive (1872). Léon Cladel a vécu de près la période de la Commune (mars 1871-mai 1871). S'il n’y joue pas un rôle prépondérant, il manque cependant d’être fusillé comme suspect par les hommes de Thiers. Cette période de la Commune est présente dans un grand nombre de ses œuvres : Trois fois maudites (1876) - qui lui vaut un séjour en prison - Les Va-nu-pieds (1883), Revanche (1887), Urbains et Ruraux (1890). Mais son œuvre majeure sur la période est I.N.R.I (1887). Dans ce roman, il tente de réhabiliter la Commune. Le 14 novembre 1871, il épouse, à Paris, une jeune musicienne de confession juive : Julia Mullem. Tous les deux non pratiquants, ils vont marquer leurs origines à travers les prénoms donnés à leurs cinq enfants : Judith-Jeanne, Sarah-Marianne, Rachel-Louise, Eve-Rose, Pierrine-Esther, Saül-Alpinien. Malgré tout, l’éducation que recevront ces enfants sera laïque et républicaine. Sa descendance va confirmer les talents artistiques de la famille Cladel. Sa fille Judith va se lancer à son tour dans une carrière littéraire. Elle a écrit une biographie de son père. Son fils Saül-Alpinien va entrer comme élève dans l’atelier de Rodin et deviendra sculpteur spécialisé dans les monuments aux morts après la Première Guerre Mondiale. La statue du monument aux morts de Lafrançaise est son œuvre. Enfin, une petite-fille de Léon Cladel, Dominique Rolin est un écrivain belge célèbre. De tempérament colérique et de santé fragile, Léon Cladel meurt à Sèvres, à côté de Paris, en 1892 à l’âge de 58 ans. Contemporain et ami du sculpteur Antoine Bourdelle, il acceptera avant sa mort de servir de modèle pour la réalisation d’un buste. (Source : Wikipédia)

(**) Léon Cladel, L'Amour romantique, préface par Octave Uzanne. Illustrations de A. Ferdinandus gravées par Gaujean, F. Beaumont & Puyplat. Paris, Ed. Rouveyre et G. Blond, 1882. 1 vol. in-18 (20,5 x 13,5 cm), XX et 220-(5) pp. 4 eaux-fortes hors-texte, ornements. Couverture illustrée. Achevé d'imprimer chez Darantière à Dijon le 25 mars 1882. Vendu 10 francs sur papier vergé (tirage à petit nombre).

mardi 28 mai 2013

Encore des chiffres pour Octave Uzanne : O U se fait discret dans deux bandeaux des Caprices du Bibliophile (1878).


Nous avons déjà évoqué ici même quelques chiffres utilisés par Octave Uzanne dans diverses publications bibliophiliques et artistiques. Ses initiales O U font, en effet, l'objet d'un véritable culte pour l'auteur des Caprices d'un Bibliophile (1878). Et c'est justement dans ce livre qu'on vient de retrouver, presque par le hasard d'une lecture distraite, deux bandeaux décorés dans lesquels on retrouve les fameuses initiales O U pour Octave Uzanne.
Les ornements des Caprices d'un Bibliophile (imprimé par Bluzet-Guinier à Dole dans le Jura pour Edouard Rouveyre à Paris) sont l'oeuvre d'un artiste qui les signe presque tous de ses initiales : L M. L M pour Louis Monziès. Ce n'est pas ici un travail d'aquafortiste qu'il donne mais celui d'un graveur-ciseleur sur bois de fleurons, culs-de-lampe, bandeaux et lettrines, le tout d'une facture assez classique dans le goût des ornements gravés sur bois du XVIe et du XVIIe siècle.
Ainsi Monziès donne-t-il pour les Caprices d'un Bibliophile plusieurs bandeaux, dont deux retiendront notre attention.
Le premier se trouve en tête de la première page de préface [I] (voir photographie ci-dessus). Il représente une galère antique. En haut du mat se déploie une banderole sur laquelle on peut lire VOGUE LA GALÈRE. Et sur la voile gravée en noir on voit se détacher les initiales O U en blanc. Le tout entouré d'arabesques au trait dans une forme rectangulaire classique de bandeau.
Le deuxième bandeau se trouve en tête du texte [page 1] (voir photographie ci-dessous). Il représente deux griffons gravés en noir se tenant face à face avec au centre un vase dont s'échappe une fumée, le tout gravé en noir, entouré d'arabesques dans une forme rectangulaire classique de bandeau. Cette fois les initiales O U se trouve au centre du bandeau, juste au dessus de la patte levée de chaque griffon.


Bien qu'il y ait d'autres bandeaux dans le volume, seuls ces deux là présentent cette particularité de contenir les initiales O U pour Octave Uzanne.
Habile metteur en scène de ses propres ouvrages comme de ceux des autres lorsqu'il fit imprimer pour les sociétés de bibliophiles notamment, Uzanne n'a bien évidemment pas laissé place au hasard lorsqu'il pose ainsi ses initiales sur le premier livre vraiment entièrement de sa plume. Il n'a pas encore 27 ans !
Ce n'est pas un hasard non plus si ses initiales O U se retrouvent sur la représentation d'une galère (vaisseau) qui porte la devise bien connue VOGUE LA GALÈRE  devise qui n'est autre à l'origine que celle du célèbre libraire parisien de la première moitié du XVIe siècle : Galiot Dupré. Cette devise fait référence à son nom (une Galiote pour Galiot). Galiot Dupré se distingua comme l'un des plus grands libraires de son temps. Uzanne se pose ainsi ici, non certes comme un grand libraire ce qu'il n'est pas, mais comme un bibliographe, un bibliophile, un érudit, qui doit marquer son temps.

A noter que le bandeau VOGUE LA GALÈRE sera réutilisé à l'identique pour orner Nos Amis les Livres (1886), imprimé chez A. Quantin. Et les deux bandeaux tels que montrés ci-dessus seront réutilisés pour décorer Les Zigzags d'un Curieux (1888), également imprimé chez A. Quantin. Il n'est pas impossible qu'il aient encore servi pour d'autres éditions.

Nous vous ferons découvrir très bientôt d'autres chiffres employés par Octave Uzanne tout au long de sa carrière d'homme de lettre et de bibliophile.

Bertrand Hugonnard-Roche



Extrait de la correspondance entre Octave Uzanne et son frère Joseph : 26 avril 1907 (St-Raphaël)





Rappel de l'encadré en mode texte pour indexation internet : « […] J’ai écris à Jules Charles Roux, à propos d’une croisière initiale de son paquebot le « Charles Roux » qui doit partir de St Nazaire le 4 juin pour Porto, Lisbonne, Madère, Casabianca, Tanger, Gibraltar, Alicante, les Baléares – ça m’intéresse – Les voyageurs doivent payer 500 f. Je demande à Jules Charles de me traiter comme l’individu favorisé, susceptible de faire la publicité de cette croisière, et d’user de son influence sur les organisateurs pour m’admettre à titre privilégié ou à moitié prix – En juin, quinze à vingt jours de mer me seraient très salutaire. […] » Octave Uzanne, Extrait d’une lettre à son frère Joseph, St-Raphaël, Vendredi 26 avril 1907, 10h du matin. Source : Archives départementales de l'Yonne (89), Fonds Yvan Christ.

Bertrand Hugonnard-Roche

lundi 27 mai 2013

Extrait de la correspondance entre Octave Uzanne et son frère Joseph : 15 décembre 1908 (St-Raphaël, Hôtel Beau-Rivage)



Nous donnerons régulièrement, sous cette forme d'encart-image, quelques extraits choisis de la correspondance entre Octave Uzanne et son frère Joseph. Cette correspondance est conservée aux Archives Départementales de l'Yonne (AD89) à Auxerre. C'est une première approche d'édition "choisie" de cette importante correspondance intime et intimiste qui contient près de 350 lettres. Ces lettres nous permettent d'explorer, entre 1907 et 1911 et même encore parfois plus tardivement jusque dans les années 1920, la face cachée d'un Octave Uzanne qui n'avait pas dévoilé au grand public (bibliophile et journalistique) sa personnalité complexe.

Bertrand Hugonnard-Roche

Rappel de l'encadré en mode texte pour indexation internet : "aujourd’hui, grâce à mon activité pour mettre ma vie au point matériel voulu, en réduisant mes dépenses locatives, etc., je puis vivre aisément, même en voyageant, avec 8 à 9000 francs par an. Je ne veux donc travailler qu’en raison d’un bon gain, ne pas forcer ma production et dédaigner tout ce qui m’apporterait fatigue, heures passées à la chambre, pour un maigre profit."

Joseph Uzanne aux enchères : Une lettre autographe de Jehan Rictus (13 novembre 1903).



Sera vendu aux enchères publiques dans les prochains jours :

Vente aux enchères du mardi 18 juin 2013
Maison de vente Henri Godts
Hôtel de ventes "Horta"
Bruxelles - Belgique

Lot 383 : Jointe à un exemplaire de La Française du Siècle par Octave Uzanne, une lettre autographe de Jehan Rictus adressée à Joseph Uzanne. Voici la transcription intégrale du texte :

Photographie H. Godts,
Bruxelles, juin 2013
13 9bre [novembre] 1903

Mon cher Uzanne (1),
Lors de notre dernière rencontre chez Monsieur Mariani, Madame Coullet, la mère de la jeune poétesse (2) prodige me demandant mon volume je lui pris son adresse. Sauf erreur de ma part : je crois qu'elle m'indiqua le n°61 rue de Bretagne.
Rentré, j'ai envoyé mon volume à cette adresse et voilà qu'il me revient avec la mention - Inconnu -
De deux choses l'une : ou je me suis trompé en écrivant l'adresse qu'elle m'a donné ou elle a quitté ce domicile, est repartie en province et les hôteliers n'ont pas voulu se charger de lui faire parvenir le paquet.
Vous seriez fort aimable de m'envoyer, d'un mot son adresse parisienne et si elle a regagné la province de m'envoyer son adresse provinciale. Je veux absolument tenir la promesse que je lui ai faite du don de mon bouquin.
J'ai lu le volume de sa fillette. C'est de plus en plus, confondant. Et je vais vous taper encore de quelques bouteilles de vin if you please ? Ces temps ci au Quartier Latin j'ai refait un peu de cabaret et j'en ai pas mal bu (du vin) pour me donner de la voix. Je n'en ai plus en voilà.
Permettez moi de compter sur vous pour l'adresse.
Bien cordialement à vous,


Jehan Rictus
50. R[ue]. Lepic
Paris



(1) Joseph Uzanne (1850-1937), frère d'Octave Uzanne, directeur des Figures Contemporaines (Album Mariani) et frère d'Octave Uzanne. Fournisseur de vin Mariani pour une bonne part de la jet set parisienne de l'époque.
(2) Antonine Coullet (1892-1983), née à La Roche-sur-Yon. Elle a été découverte par François Coppée, disant d'elle qu'elle faisait des vers tout naturellement, sans s'en douter, comme un églantier donne des fleurs. Elle est aujourd'hui totalement oubliée. Elle a 11 ans en 1913, époque de ce courrier. Elle a commencé à publier l'année précédente alors qu'elle avait tout juste 10 ans ses "Poésies d'une enfant". Elle est décédée en 1983 à l'âge de 91 ans.

Bertrand Hugonnard-Roche

dimanche 26 mai 2013

Octave Uzanne aux enchères : Un exemplaire avec envoi autographe des Badauderies parisiennes (Les Rassemblements) illustré par Félix Vallotton



Photographie Alde, juin 2013

Sera vendu aux enchères publiques dans les prochains jours :

Vente aux enchères du Jeudi 6 juin 2013
Livres Choisis, Livres Maçonniques
Alde - Paris


Photographie Alde, juin 2013
Lot 52. [UZANNE (O.)] VALLOTTON (F.). Badauderies parisiennes. Les Rassemblements. Physiologies de la rue… Paris, H. Floury, 1896, gr. in-8°, demi-maroquin bleu à coins, dos à nerfs orné et mosaïqué, double couverture, tête dorée, non rogné (Randeynes & fils). ÉDITION ORIGINALE. Publiée par Octave Uzanne pour la jeune Société des bibliophiles indépendants, celui-ci présente son travail comme la première tentative d’édition de luxe, avec le concours d’écrivains de la dernière heure. Les textes réunis sont d’auteurs souvent liés à La Revue blanche : Paul Adam, Tristan Bernard, Léon Blum, Romain Coolus, Félix Fénéon, Gustave Kahn, Jules Renard… Premier livre où le nom de Félix Vallotton apparaît en tant que graveur. 30 bois gravés hors-texte, tirés sur papier du Japon et 2 compositions dans le texte. Ce sont, en réalité, des reproductions par le procédé du gillotage. Elles constituent néanmoins la plus belle contribution du peintre-graveur suisse au livre illustré. François Courboin complète l’illustration par 120 vignettes réparties au gré du texte. Exemplaire offert par Octave Uzanne, avec cet envoi : Félix et Henri Randeynes exercèrent dans la première moitié du XXe siècle. Édition limitée à 220 exemplaires sur papier vélin, tous numérotés à la presse. Dimensions : 230 x 170 mm. Provenance : Gérard-Charles Archbold-Aspol. Négociant à Sète, il était l’ami du poète Raoul Ponchon et fut membre fondateur de la Société des bibliophiles contemporains. Coron (A.), Des livres rares depuis l’invention de l’imprimerie, 122. Estimation 2.000 / 3.000 euros Résultat : 4.500 euros sans les frais (+23% de frais soit 5.535 euros. Estimation 2.000 / 3.000 euros. (ALDE, Paris, 6 juin 2013)


Bertrand Hugonnard-Roche

Octave Uzanne aux enchères : Deux exemplaires remarquables du Voyage autour de sa Chambre (1896).


Seront vendus aux enchères publiques dans les prochains jours :

Vente aux enchères du Jeudi 6 juin 2013
Livres Choisis, Livres Maçonniques
Alde - Paris


Photographie Alde, juin 2013
Lot 51. UZANNE (O.). Voyage autour de sa chambre … Paris, Henri Floury, 1896, in-4°, cartonnage de tissu décoré à la Bradel, doublure et gardes de papier floral stylisé, double couverture dont l’une illustrée par Henri Thiriet. ÉDITION ORIGINALE de ce roman d’amour, conté sur un ton empreint de simplicité qui tranche avec le maniérisme habituel des œuvres d’Octave Uzanne, l’auteur-éditeur de ce livre entièrement gravé. Illustrations d’Henri Caruchet, gravées à l’eau-forte par Frédéric Massé et rehaussées à l’aquarelle. Texte gravé d’après Antoine Barbier. L’exemplaire est enrichi : - d’une grande aquarelle originale de Caruchet, signée, Buste de femme (175 x 140 mm). - d’une suite des illustrations et ornements, en noir avec remarques. Il est conservé dans une chemise à rabats, ornée d’un décor floral stylisé, à répétition, très réussi et titré au dos à l’encre de Chine. Il est possible que le cartonnage ait été réalisé dans les ateliers de l’éditeur au moment de la parution du livre. Édition limitée à 210 exemplaires. Dimensions : 272 x 200 mm. Estimation  600 / 800 euros. Résultat : 2.000 euros sans les frais (+23% de frais) soit 2.460 euros.


Fiche de la librairie Henner
novembre 2009
[à noter qu'il s'agit de l'exemplaire vendu le 28 juin 2002 à la vente de Livres Rares du dix-neuvième siècle, chez Artcurial-Briest, Pierre Berès expert, estimé alors 7.000 euros - Il n'y aucune confusion possible grâce à l'aquarelle originale d'Henri Caruchet précisément décrite. Le volume n'avait finalement pas été adjugé. Ce volume s'est ensuite retrouvé catalogué à la librairie Henner, Alain Sinibaldi, juin 2008, n°256 au prix de 5.500 euros - descriptif rigoureusement identique - puis encore à la même librairie Henner, en novembre 2009, n°84, avec photographie de l'aquarelle originale (voir photo ci-contre), au prix resté inchangé de 5.500 euros.]


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Vente aux enchères du Mardi 11 juin 2013
Livres Anciens et Modernes
Piasa - 75009 Paris (France)

Photographie Piasa, juin 2013
Lot 263. Octave UZANNE. Voyage autour de sa chambre. Paris, Pour les Bibliophiles Indépendants, Floury, 1896-1897. In-4, maroquin chocolat, délicats encadrements sur les plats formés de liserés de maroquin bordeaux sur lesquels s'enroulent des branches avec bourgeons et fleurs de rosier, dos à 2 nerfs avec titre et roses mosaïquées, encadrement intérieur du même maroquin avec fleurettes et feuilles alternées, doublure et gardes de soie brochée vert tendre, doubles gardes, tranches dorées sur témoins, couverture, étui (Cuzin) Ouvrage entièrement illustré à chacune des pages de compositions différentes de Henri Caruchet, gravées en taille-douce par Frédéric Massé, réservant un espace rectangulaire pour le texte imprimé en calligraphie et reporté à l'eau-forte par Antoine Barbier. Chaque page a été ensuite aquarellée à la main Tirage à 210 exemplaires, celui-ci sur Hollande Van Gelder Zonen contenant une suite au trait avec remarques Très bel exemplaire, bien complet de la très belle couverture Art nouveau bleue et or de Henri Thiriet De la bibliothèque Lucien Gougy (V - 11, 12 et 13 mai 1936, n° 1180). Estimation 2.000 / 3.000 euros. Résultat : 1.988 euros frais compris.


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Bertrand Hugonnard-Roche

vendredi 24 mai 2013

Octave Uzanne fut-il l'homme d'une seule femme ? - Le Paroissien du Célibataire (1890) et ses secrets intimes : « En amour, le nombre de femmes successivement aimées par un même homme est en raison contraire de la supériorité morale et amoureuse de cet homme. - Plus l'Amant s'élève au-dessus de la norme, plus il isole ses conquêtes, plus il les gagne ou les assujettit profondément et mieux il les conserve. »


Tout le problème d'Octave Uzanne, si problème il y a, vient du fait qu'il n'a pas été lu. Pas été lu comme il aurait mérité. Tout juste goûté, dégusté à l'apéritif, sans jamais avoir été la pièce de choix, le plat de résistance, ni même ce dessert savoureux qu'on attend souvent avec toute l'impatience de la gourmandise. Ceux qui ont le plus critiqué Uzanne, hier comme aujourd'hui, ne l'ont pas lu, et par conséquent n'ont aucune idée de la foule de choses qui se trouvent enfouies, cachées, travesties derrière ses phrases alambiquées bourrées de néologismes périlleux.
Or pour comprendre la personnalité d'Uzanne, pour rentrer dans son intimité, nul n'est besoin d'avoir recours aux correspondances privées ou aux archives secrètes qui restent encore à découvrir. Plusieurs de ses ouvrages imprimés nous livrent quantité de confidences, d'indiscrétions, autant de pistes à suivre pour appréhender le personnage Uzanne et son intimité profonde.
Tels sont notamment ses trois ouvrages de prime jeunesse qui traitent de l'amour et des femmes : le Bric-à-Brac de l'Amour (1879), le Calendrier de Vénus (1880) et les Surprises du Cœur (1881). Tels sont encore le Miroir du Monde (1888) et le Paroissien du Célibataire (1890). Il ne faudrait pas croire pour autant que ses autres ouvrages, presque tous dévotement consacrés à la femme et à la mode, ne contiennent rien qui nous éclairerait sur Octave Uzanne intime. Quantité de petites choses, de petits faits, d'anecdotes éparses, sont semées ici ou là comme pour indiquer un chemin à suivre au psycho-biographe qui oserait se mettre à la tâche. Osons !
Nous prenons pour exemple un passage du Paroissien du Célibataire qui nous semble receler bien plus qu'il ne voudrait faire croire. Octave Uzanne, dans le chapitre consacré l'Homme à Femmes, au Féministe et à l'Amoureux par innéité, discourant tout au long avec une gente dame très attentive et questionneuse, à propos de la physiologie du Célibataire-Homme à Femmes, voici ce qu'il répond :

« (...)
- Mon paradis, Madame la malicieuse, est un Paradis d'exception, incomparablement restreint, enclos dans un immense purgatoire, dont je reste jusqu'ici le dolent Jérémie.
- Mais n'y donnez-vous pas libre accès à ceux qui ont beaucoup aimé ?
- Beaucoup aimé, oui ; beaucoup possédé, non. Notez bien cet aphorisme ! - « En amour, le nombre de femmes successivement aimées par un même homme est en raison contraire de la supériorité morale et amoureuse de cet homme. - Plus l'Amant s'élève au-dessus de la norme, plus il isole ses conquêtes, plus il les gagne ou les assujettit profondément et mieux il les conserve. »
Avoir des femmes en grand nombre appartient au premier venu ; augmenter ses passades est aussi aisé que de multiplier les fagots de son foyer ; la difficulté, le raffinement, c'est d'user le moins de fagots possible, et, par l'art de tisonner, de faire feu qui dure, sans que le brasier d'amour, à force de nous chauffer, en arrive à se consumer trop vite et à se refroidir aussitôt. Les cendres d'un amour ardent doivent demeurer si chaudes toute une vie que le souvenir s'y puisse encore éternellement blottir avec des délices rétrospectives aussi attristées qu'attendries.
- Alors les feux de paille ? ...
- Je les condamne absolument, les trouvant bons pour flamber les porcs et certains animaux à plumes, mais vraiment trop insuffisants pour réchauffer le cœur, si peu que ce soit, même en ne recherchant le calorique que pour son enveloppe superficielle. - Ils jettent une lueur gaie qui illumine un instant le Méphistophélès d'apothéose qui sort à tout moment des trappes bien machinées de notre vanité, mais le feu de paille enrhume plutôt les délicats cérébraux, car le froid et les ténèbres ressentis après qu'il est consumé en une seule flambée les abat, les consterne et les endolorit. (...) »

Octave Uzanne fut-il l'homme d'une seule femme ? ou plus exactement, cette phrase « Les cendres d'un amour ardent doivent demeurer si chaudes toute une vie que le souvenir s'y puisse encore éternellement blottir avec des délices rétrospectives aussi attristées qu'attendries » signifierait-elle qu'il n'aima qu'une femme d'un vrai amour, si grand, si puissant, si fort, un amour déchu, déçu, interrompu par on ne sait quel sort, qu'il vive encore dans des délices aussi tristes que joyeux ? Octave Uzanne connut-il un amour de jeunesse malheureux ? un amour contrarié (un amour du ruisseau qui aurait mal fini - une prostituée aimée qui meurt subitement ? de maladie ? d'accident ?). Plusieurs éléments ici ou là dans les ouvrages cités plus haut permettent au moins le doute à ce sujet (nous avons déjà publié plusieurs articles concernant ses amours de jeunesse dans le ruisseau ...). A-t-il jamais encore aimé ensuite ? Aucune preuve. Des sensations, des suppositions étayées par une fidèle fréquentation de ses textes les plus intimes, permettent seulement d'échafauder les suppositions les plus extraordinaires. Uzanne se définit souvent dans les lettres qu'il échange avec son frère comme un être chargé « d'accablantes dépressions » accompagné au quotidien « d'états neurasthéniques » troublé sans cesses « d'inquétudes nerveuses ». Ce sont là ses propres termes dévoilés dans l'échange quasi permanent d'une correspondance fraternelle.
Ainsi, Octave Uzanne écrit à son frère Joseph, le jour du 1er janvier 1908, depuis sa villégiature à St-Raphaël : « Ma santé est parfaite, je deviens chaque jour plus fort, plus pondéré, et mes six mois de chasteté aujourd’hui révolus, me mettent en goût de continuer sans coup de canif dans mon contrat de sagesse. » Quel est donc ce contrat de sagesse qu'il s'est imposé vers 1906 ou 1907 ? En 1908 Octave Uzanne a 57 ans. Le calme, l'éloignement de Paris et du Monde, un peu plus de six mois de chasteté lui donnent santé, force, pondération. Que signifie tout cela ?
Il nous reste encore tant à découvrir sur ce tournant décisif qu'Octave Uzanne vécut d'une décision ferme et irrévocable dans les années 1905 ou 1906 !

A suivre ...

Bertrand Hugonnard-Roche

Carte de voeux pour Octave Uzanne pour la nouvelle année 1897 dessinée par George de Feure. Lithographie en couleurs par l'imprimerie Eugène Mauler, 9, rue de l'Estrapade, Paris.



Carte de voeux pour Octave Uzanne pour la nouvelle année 1897
dessinée par George de Feure.
Lithographie en couleurs par l'imprimerie Eugène Mauler, 9, rue de l'Estrapade, Paris.
146 x 100 mm, papier vélin fort teinté.

Coll. B. H.-R. [acquisition mai 2013]


Cette carte a été reproduite en grand format (220 x 148 mm) dans les Programmes illustrés des Théâtres et des Cafés-Concerts : Menus, Cartes d'invitation ... par Ernest Maindron (1897). Elle est alors imprimée par F. Appel, Paris.

Le tirage au format carte de voeux (146 x 100 mm), sur carton vélin fort, est très difficile à rencontrer, il semble bien qu'il s'agisse d'une des plus rares cartes de vœux pour Octave Uzanne, dessinée par un artiste de renom.

Georges Joseph Van Sluÿters (6 septembre 1868-26 novembre 1943), alias George(s) de Feure, est un artiste français de descendance hollandaise par son père et belge par sa mère. Il est né à Paris en 1868, mais la famille est obligée d'émigrer en 1870 lors du déclenchement de la guerre franco-prussienne. De retour à Paris en 1889, il s'établit à Montmartre et se joint à la Bohème parisienne. Son cercle d'intimes inclus les compositeurs Claude Debussy, Maurice Ravel et Erik Satie. Son œuvre picturale est définitivement inspirée par les poèmes de Charles Baudelaire et les romans de Georges Rodenbach. Dans les années 1890, il est reconnu par Puvis de Chavannes comme un des peintres les plus importants du mouvement symboliste français. Son œuvre est caractérisée par de nombreuses représentations de la Femme fatale, thème que l'on retrouve dans l'ensemble des œuvres du courant Art nouveau. Sa renommée comme peintre symboliste et son expérience comme affichiste pousse le marchand d'art Siegfried Bing à l'approcher afin de lui confier la réalisation de la façade du pavillon de l'Art nouveau à l'Exposition universelle de 1900 qui se tient à Paris. De plus, Bing confiera à de Feure la réalisation de deux intérieurs dans ce même pavillon. Les meubles qu'il conçoit pour le boudoir sont louangés par la critique qui y voit une représentation de la quintessence de l'art français. On vante leur délicatesse et leur grâce toute féminine. En 1900, G. Mourey de La Revue des Arts décoratifs les décrit comme « un des ensemble décoratif les plus exquis et parfait que notre époque ait créé ». Une grande rétrospective de son œuvre se tiendra en 1903 et voyagera de Paris à Hambourg et La Haye. Durant les premières décennies du xxe siècle, il continuera à créer des ensembles décoratifs (évoluant du style Art nouveau vers le style Art déco), il créera une compagnie de construction d'aéroplanes et s'intéressera à la confection de costumes et de décors pour le théâtre. En février 1942, suite à une longue maladie, il demandera au ministère des Beaux-Arts d'acquérir deux de ses tableaux pour la collection nationale, ce qui lui sera refusé. Il meurt le 26 novembre 1943 dans le Paris de l'Occupation. (Source : Wikipédia).

George de Feure a participé à trois livres pour Octave Uzanne. Le premier en date est Féminies (pour les Bibliophiles contemporains) dont il illustre la couverture (achevé d'imprimer le 15 février 1896). Il composa presque dans le même temps la première couverture pour le Dictionnaire Biblio-Philosophique (1897) pour les Bibliophiles contemporains. La troisième et dernière participation de George de Feure à un ouvrage "dirigé par Uzanne" est La Porte des Rêves de Marcel Schwob publié par Octave Uzanne pour les Bibliophiles indépendants (1899), entièrement illustré par l'artiste, sa plus importante contribution à la bibliophilie uzannienne.

Octave Uzanne était admiratif du travail d'artiste de George de Feure, et il l'écrit dans intéressant article publié dans la nouvelle revue Le Monde Moderne lancée au début de l'année 1895 par Albert Quantin. Il y donne en effet au cours du premier semestre 1898 (janvier - juin) un article intitulé Les Maîtres de l'estampe et de l'affiche. M. Georges de Feure. Vous pouvez lire ou relire cet article ICI. Il donnera encore un autre article sur George de Feure dans l'Echo de Paris du 10 décembre 1897 (que vous pouvez lire ICI), article qui sera repris en volume dans Visions de notre heures, Choses et Gens qui passent (Paris, H. Floury, 1899).

Par ailleurs, lorsqu'il vend une partie de sa collection de dessins et estampes aux enchères le 30 mai 1908 à l'hôtel Drouot à Paris, Uzanne présente 3 œuvres originales de George de Feure au catalogue : n°105. Composition allégorique pour la couverture de Féminies (Bibliophiles contemporains). Aquarelle gouachée, signée. n°106. Le Rendez-vous. Aquarelle, signée. n°107. Parisiennes aux champs. Aquarelle gouachée.

Bertrand Hugonnard-Roche

mercredi 22 mai 2013

Léon Bloy écrit à Joseph Uzanne pour réclamer du vin Mariani : "Toutes les réclames vous seraient acquises pour tous les albums. La plus belle de toutes n'est-elle pas ceci que ma femme ne voit plus d'autre moyen de vivre que ce remède ?"


Mon cher Joseph Uzanne,

Nous voilà revenus de Danemark, à moitié morts. Voulez-vous nous faire envoyer sur le champ quelques bouteilles de vin Mariani ?
Toutes les réclames vous seraient acquises pour tous les albums.
La plus belle de toutes n'est-elle pas ceci que ma femme ne voit plus d'autre moyen de vivre que ce remède ?
Voici notre adresse nouvelle.
Léon Bloy
Consommateur de vin Mariani
9, rue Saint Laurent
à Lagny
Seine & Marne
Votre
Léon Bloy
15 avril 1901

Cette lettre se trouve jointe à un exemplaire du Désespéré (Paris, Crès, 1913) qui sera vendu aux enchères le lundi 27 mai 2013 par Savoie Enchères (Chambéry). La photographie de l'autographe est celle fournie par l'étude sur son site internet.

Joseph Uzanne était le petit mamamouchi de la maison Mariani (un esclave dira son frère Octave en privé) juste derrière le grand patron Angelo Mariani. Directeur de la publicité aussi bien que Directeur des publications et Rédacteur en chef des Notices biographiques des Albums Mariani, autrement appelés Figures Contemporaines (14 volumes publiés entre 1894 et 1926 - avec une large interruption pendant et après la grande guerre).

Ce n'est pas la seule fois que Léon Bloy (*) fait appel à Joseph Uzanne pour le dépanner en vin Mariani. On en trouve plusieurs mentions dans son Journal inédit et dans sa correspondance. Mais il n'est pas question seulement de vin entre Uzanne, Bloy et Mariani, mais aussi d'argent.

En juin 1902 Bloy écrit dans son journal : "Lettre de Joseph Uzanne en réponse à l'envoi de l'Exégèse. Il m'annonce six bouteilles de Mariani pour ma femme. (...) Bloy écrit plus loin qui pense à demander de l'argent à Joseph Uzanne. Il est sans le sou. En Juillet 1902 Bloy écrit : "Je suis invité à retirer un télégramme venu en mon absence. J'y cours. C'est Uzanne qui m'informe que je recevrai cent francs envoyés par Mariani."

En décembre 1902 il écrit encore : "A 9 h le facteur me demande ma signature. Encore une ironie. C'est Uzanne qui renvoie mon portrait en demandant une signature pour la notice de Jeanne, disant que le ton un peu amer de ce travail, qu'il croit être le mien, ne peut pas être épousé par l'anonyme et mielleux auteur des autres notices. Soit. Jeanne signera son oeuvre. Ce pharmacien de Mariani voudrait des lavements. Telle est sa conception littéraire. Réponse à Uzanne. Je lui apprends que la notice est de ma femme qui consent à la signer si on veut lui envoyer une nouvelle caisse de Mariani. (...)"

Le 28 octobre 1896 Bloy avait eu le secours de 10 francs par Joseph Uzanne en échange de livres dédicacés.

Le 14 octobre 1902 Léon Bloy rend visite à Joseph Uzanne (Boulevard Saint-Germain) et ce dernier lui explique que Mariani n'est pas riche. Joseph Uzanne promet du vin Mariani pour la femme de Bloy qui est, selon ses propres mots singulièrement débilitée en ce moment. Bloy n'est pas toujours tendre avec Uzanne dont il note les retards ou les oublis de livraison de vin Mariani dans son journal. Le petit Uzanne comme l'appelait Léon Bloy dans son journal.

Nous reviendrons prochainement sur les relations entre Léon Bloy et Joseph Uzanne (et Octave Uzanne).

Bertrand Hugonnard-Roche


(*) Léon Bloy (1846-1917) Lire à son propos un article récent par Pierre Assouline dans la République des Livres

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