mardi 27 janvier 2015

Octave Uzanne et Miss Mabel McIlvaine (28 janvier 1906). Uzanne choisit des étoffes japonaises pour orner une reliure d'art pour Miss McIlvaine (USA).

      
Doublure de la reliure exécutée par G. S. en 1908
étoffe de soie japonaise acheté par O. Uzanne pour Miss Mabel McIlvaine
Coll. B. H.-R.


      Lettre autographe d'Octave Uzanne adressée à Miss Mabel McIlvaine (*), université de l'Illinois, Urbana (USA). Miss Mabel McIlvaine est la traductrice américaine de The french bookbinders of the eighteenth century by Octave Uzanne, publié en 1904 (Octave Uzanne a 53 ans) à Chicago par le Caxton Club en 1904.
      Ce volume de format in-4 est d'ailleurs assez difficile à trouver en France du fait de son impression outre-atlantique. Le texte a été imprimé à Chicago par R. R. Donnelley & Sons Company at the Lakeside Press, tandis que les illustrations hors-texte ont été imprimées par Edward Bierstadt & Ringler & Co, à New York. Imprimé à 252 exemplaires seulement dont 243 exemplaires furent mis en vente. 3 exemplaires furent tirés sur Japon dont 2 furent vendus à la réunion annuelle des membres du Caxton Club. Il a été livré au public, comme nous l'explique une notice en anglais jointe à la fin de l'ouvrage, aux environs du 10 mars 1904. Le prix était de $18.
      Chaque membre du Caxton Club ne pouvait souscrire en son nom que pour un seul exemplaire (mais pouvait malgré tout s'inscrire pour obtenir un second exemplaire dans la limite des exemplaires encore disponibles...) Les souscriptions étaient payables d'avance et devaient se faire auprès de M. Gookin, trésorier du Caxton Club.
      En résumé, c'est un très beau livre, richement illustré de planches hors-texte tirées en camaïeu de diverses couleurs. Certaines illustrations sont tirées sur des papiers pelure contrecollés, une merveille de finesse ! Le volume est imprimé sur une sorte de papier vélin épais qui ressemble à du papier Whatman. Il est orné de compositions artistiques par Paul Avril.
      Miss Mabel McIlvaine était bibliothécaire, historienne et universitaire ; elle s'est intéressé de près à l'histoire de la reliure d'art. La Cary Library conserve un dossier (**) qui fait état des ces recherches et des contacts qu'elle a pu avoir, notamment avec Octave Uzanne. On apprend qu'Octave Uzanne projetait d'écrire un ouvrage historical and documentary study of the illustration of books, from the 14th to the 17th century par l'intermédiaire du Grolier Club. Ce volume ne vit jamais le jour.
      Miss Mabel McIlvaine devait être son très bon contact outre-atlantique. Elle serait née en 1872 (***). Elle avait donc 32 ans au moment de leur "rencontre" avec Octave Uzanne. Il est fort probable qu'elle soit la fille de Laura Jane Hinds et John Slaymaker McIlvaine. Il semblerait que les McIlvaine viennent d'Irlande. Andrew McIlvaine est né en 1694 dans la province d'Antrim, Ulster, Irlande et il est mort en 1754 dans la province de Franklin en Pennsylvanie. Il aurait émigré avec ses deux frères. Nous ne savons pas la date de décès de Miss Mabel McIlvaine.
      Quoi qu'il en soit, Miss McIlvaine a fait relié son volume avec les étoffes japonaises dénichées par Uzanne pour elle. Pour preuve l'exemplaire en question retrouvé en novembre 2011 chez un libraire de New York. Le volume n'avait pas voyagé. Il était resté sur le sol américain plus d'un siècle. La reliure est signée G. S. et datée 1908. Enveloppé de maroquin rouge brique janséniste, le volume se distingue justement par le choix de ces étoffes choisies (voir photo).
      Cet ouvrage n'a jamais été publié en français.


Bertrand Hugonnard-Roche

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Coll. B. H.-R.
Paris, 28 janvier 1906

Chère Mademoiselle, votre mot, qui m'est très agréable, me parvient au moment où je quitte Paris pour une absence de quelques semaines.
Je suis très disposé à vous chercher l'étoffe de doublure de votre livre relié. Toutefois, je désire savoir la dimension de la soie, si vous l'employez non seulement à l'intérieur du maroquin (sur le carton) mais aussi sur la garde de face.
D'autre part désirez-vous un ton complémentaire en vieux rouge, c'est-à-dire en un vert turquoise, un bleu de mer ou quelqu'autre tonalité se mariant au rouge chaudron, ou bien un ton sur ton, c'est-à-dire vieux rose, orange pâle, cuivre ou rouge brique ?
Vous me renseignerez sur ces questions et vous comprendrez que je vous les pose. Si j'ai votre réponse vers le 15 février, je ferai de mon mieux pour vous acheter une vieille étoffe vers le 20 ou 25 de ce mois de février. 
Croyez à mes sentiments bien distingués.


Octave Uzanne


Coll. B. H.-R.



(*) Mabel Mc Ilvain serait née en 1873 à Washington mariée à Bertram Mc Cracken décédée le 2 février 1929 (source internet à vérifier).

(**) The papers contain two manuscripts, five letters, and one newspaper clipping. The manuscripts are in Mabel McIlvaine's hand and are texts of her lectures on bookbinding, one an historical overview delivered to the West End Women's Club, and one titled "The New Movement in Bookbinding," delivered to the alumnae of the University of Chicago on January 12, 1901. The five letters were written to McIlvaine in New York and Florence, Italy, by Octave Uzanne during 1906 and 1907. They focus on Uzanne's ideas for an "historical and documentary study of the illustration of books, from the 14th to the 17th century," which he hoped would be published by the Grolier Club in New York; Uzanne asked for advice and intercession on his behalf. The newspaper clipping mentions McIlvaine's translation of Uzanne's work on French bookbinders of the eighteenth century, published by the Caxton Club of Chicago in 1904. © 2010 Rochester Institute of Technology, New York, USA. All Rights Reserved - 90 Lomb Drive, Rochester, New York.

(***) On trouve de nombreuses données généalogiques sur les McIlvaine sur les sites spécialisés. On lit par exemple "The Scotch Irish McIlvaines of America point to Ayrshire, Scotland, as the home of their ancestors and revert to a period as far back as 1315 when Edward, brother of Robert Bruce, led a large force into Ireland with the purpose of expelling the English troops from the soil of Erin, great numbers of his soldiers and retainers remaining in Ireland and founding what is known as the Scotch Irish race, many of whom migrated to America in colonial times."

dimanche 25 janvier 2015

Envoi autographe d'Octave Uzanne à son ami Jacques de La Resle sur un exemplaire des Poésies de Sarasin (1877)



"à Jacques de la Resle,
Pour qu'il ne traite point ce Sarazin
de Turc-à-maure
Un poëte exquis, ami Jacques.
Goûtez-y par amitié pour son
parrain-Alcôviste
Octave Uzanne"

Source internet - Janvier 2015


      Pour faire suite à l'article consacré à deux autres envois autographes d'Octave Uzanne à son ami Jacques de La Resle, voici un autre envoi autographe adressé au même. Octave Uzanne s'y décrit comme parrain de Sarasin, celui qui l'a déniché des alcôves de l'oubli sans doute, recommandé vivement à son ami comme poète exquis. Traiter quelqu'un de Turc-à-Maure signifie traiter quelqu'un avec une extrême dureté. En clair Uzanne demande l'indulgence pour ce poète oublié. Ce petit volume a été achevé d'imprimer le 20 décembre 1876. C'est donc chronologiquement le premier envoi des trois connus à ce jour fait à cet ami.

Bertrand Hugonnard-Roche

vendredi 23 janvier 2015

Octave Uzanne et la Confession d'un enfant du siècle d'Alfred de Musset (Paris, Ancienne Maison Quantin, 1891).



"Bon à payer à m. E. Abot
la somme de 300 f
pour la terminaison de cette planche
des confessions d'Alfred de Musset
Octave Uzanne"

Copyright Susan Dwight Bliss Collection, Bowdoin College Library, Brunswick, Maine, USA 


      Voici une nouvelle découverte faite ces derniers jours grâce aux limbes d'internet, encore une fois. C'est au sein de la Susan Dwight Bliss Collection, Bowdoin College Library, Brunswick, Maine, USA que nous avons retrouvé une mention autographe d'Octave Uzanne sur un exemplaire de la Confession d'un enfant du siècle par Alfred de Musset. Il s'agit de l'édition donnée par l'Ancienne Maison Quantin, Librairies-Imprimeries réunies, en 1891. Voici la description qui est faite de l'exemplaire sur le site internet de la bibiliothèque :

Musset, Alfred de, 1810-1857

La Confession d'un Enfant du Siècle / Alfred de Musset ; avec dix compositions de P. Jazet, gravées à l'eau forte par E. Abot. Paris : Ancienne Maison Quantin, Librairies-Imprimeries Réunies, 1891.

Bound, and signed, by Charles Meunier in blue levant with a conventional daisy-design border, inlaid with olive and citron, on the front and back covers and on the spine. The doublure of mauve morocco has a fleur-de-lis inlay; the lining is of blue watered silk; and the end papers are marbled. All edges are gilt. The book's original cream colored pictorial wrappers are bound in.

An unnumbered copy of the 20 that were printed on Japan paper.

Each plate is in four states with the exception of that facing page 98, which is in five. One plate bears a pencil note by Octave Uzanne stating that 300 francs was paid E. Abot for the "termination" of that plate.

      Nous devons remercier ici Sophia Mendoza pour sa collaboration. Elle a bien voulu nous faire une photographie de la mention autographe d'Octave Uzanne et nous pouvons ainsi la partager avec vous (voir photo ci-dessus).

      Que déduire de cette simple note autographe ? Octave Uzanne était sans aucun doute le maître d'oeuvre de cette jolie édition de la Confession. On a vu dernièrement qu'Octave Uzanne était devenu vers la fin des années 1880 (vers 1886-1887 environ) directeur artistique pour les Chefs d'oeuvre du roman contemporain chez Quantin. Cette nouvelle preuve vient confirmer que cette fonction de directeur artistique s'est étendue à de nombreux ouvrages de bibliophilie sortis des presses de cette imprimerie. L'exemplaire présenté ici était-il celui d'Octave Uzanne ? Un des rares exemplaires sur Japon. On peut le supposer puisqu'il contient cette planche d'état avec mention autographe. La reliure d'art signée Charles Meunier vient appuyer cette thèse.
      Nous avons retrouvé dans le catalogue de la vente Uzanne des 2 et 3 mars 1894 l'exemplaire qui nous semble correspondre à celui conservé aux Etats-Unis, sous le n°317. Quelques pièces supplémentaires comme des autographes, des dessins originaux, etc., sont signalés. Nous allons essayer d'en savoir un peu plus sur l'exemplaire conservé précieusement dans le Maine. Nous reviendrons très probablement rapidement sur celui-ci pour compléter ce billet.

Bertrand Hugonnard-Roche


Copie d'écran du site internet
de la Susan Dwight Bliss Collection, Bowdoin College Library,
Brunswick, Maine, USA

jeudi 22 janvier 2015

Le voyage à l'étranger est un acte patriotique, Le voyage à l'étranger est un devoir, par Octave Uzanne (2 novembre 1916). "Nous n'avons que trop pratiqué cette vie renfermée, maussade en soi, nuisible à nous-mêmes, inutile à autrui. La France de ces dernières années, avant que les grands conflits ne nous aient éveillés, sentait quelque peu "la boîte à conserves"."


     
Couverture illustrée de la revue
En Route !
N°21 - 2 novembre 1916
2 novembre 1916, la bataille de Verdun n'est pas encore gagnée pour la France. Octave Uzanne, horrifié par les horreurs de cette guerre qui 'éternise, n'a plus sa chronique régulière dans les colonnes de la Dépêche de Toulouse. La censure empêche son travail de journaliste-chroniqueur au ton libre. Sans travail régulier, il doit trouver ici ou là de quoi placer ses lignes qu'il ne peut réprimer.
      Voici une revue qui nous était encore inconnue hier. En Route ! revue hebdomadaire illustrée consacrée au tourisme, à l'alpinisme, aux voyages et aux sports. Le rédacteur en chef est Théodore Chèze. Octave Uzanne est publié en première page du fascicule. Dans le sommaire son article est intitulé : Le voyage à l'étranger est un acte patriotique. Une page plus loin ce titre devient : Le voyage à l'étranger est un devoir.
      Uzanne le voyageur, le vagabond même comme il se décrit lui-même dans un envoi autographe à un ami, prend plaisir à défendre le cosmopolitisme et les plaisirs de l'évasion à l'étranger. Il critique un français casanier et recroquevillé sur lui-même alors même que tout montre que son intérêt est dans son expansion au delà de ses frontières.
     Laissons la parole à Octave Uzanne, 65 ans en 1916, grand voyageur passionné qui devra hélas ! stopper ses longs voyages pour raison de santé.

Bertrand Hugonnard-Roche

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LE VOYAGE A L’ÉTRANGER EST UN DEVOIR

      Au premier abord, il peut sembler paradoxal d'affirmer que, dans l'ensemble de la population et en prenant en considération les successifs moyens de communication, les Français aient relativement davantage voyagé à travers l'Europe et le nouveau monde, dans le cours du XVIIIe siècle, qu'ils ne l'ont fait depuis le milieu du XIXe.
      A bien considérer les choses, il apparaît toutefois que le paradoxe prend, à l'aide des documents, figure de vérité fort peu contestable. Les témoignages de l'histoire sociale confirment cette opinion qui paraîtrait aventurée aux esprits superficiels. L'influence française, au temps de Louis XV et des Encyclopédistes, fut répandue généreusement à l'étranger. Nos intellectuels, nos peintres, architectes, statuaires, nos artistes dramatiques, nos musiciens et nos hommes de sciences, sans parler des aventuriers, n'hésitaient guère à se mettre en route pour aller offrir aux principautés d'Allemagne, à l'Angleterre, à la cour de la Grande Catherine de Russie, et aussi aux Pays scandinaves, les enseignements de leur esprit, l'éclat de leurs talents, les leçons de leur goût, de leur mesure et de leurs arts indiscutés.
      Le Français payait alors très volontiers de sa personne ; il voyageait avec ardeur, avec gaîté et entrain, en dépit de l'insécurité des chemins et de la longueur et des difficultés de la locomotion en usage. C'était plaisir pour lui de courir en poste et de brûler les relais. Mais le pittoresque de cette vie vagabonde et pleine d'imprévus n'excluait pas la fatigue, et le voyageur avait besoin de toutes ses forces physiques et surtout d'une étonnante souplesse d'humeur et d'enjouement moral pour supporter cette existence de patache et de berline si fertile en accrocs et en meurtrissures de toute nature.
      N'importe ! nos professionnels de la pensée, de l'élégance et de la biendisance, les financiers aussi bien que les négociants, les maîtres opulents et les valets frontins, les cuisiniers et les danseurs, les belles comédiennes et les marchandes de modes et de frivolités, les curieux de moeurs étrangères, les amoureux d'aventures, les joueurs et les militaires de fortune, partaient en souriant aux pays des grands Electeurs, vers l'attirante Pologne, l'Helvétie hospitalière et les contrées moscovites ; vers les cités de l'Ibérie ou les villes fastueuses du Piémont, de la Toscane et de la Vénétie. Le parler français s'imposait assez généralement comme langage des cosmopolites.
      Il n'était modes acceptables pour les femmes, idées aimables, écrits estimés, plaisirs et manières distinguées qui ne vinssent de France, de cette France alors si sociable, si appliquée à se rendre sympathique à toutes les nations du monde et qui n'entrait guère en concurrence d'influences et de valeurs négociables qu'avec le Royaume britannique, seul soucieux d'entraver les progrès et l'activité si ingénieuse de nos énergiques pionniers du Canada et de notre grande Compagnie des Indes.
      Nous fûmes, il faut ne le point oublier, de subtils et agréables agents de civilisation, supérieurs à d'autres par la bonne grâce de nos relations, la façon de nous assimiler aux mœurs étrangères et de traiter avec les indigènes. Le malheur fut toujours que la persévérance n'ait été une de nos vertus. Nous ne pûmes suffisamment raciner sur les sols étrangers, savoir nous y implanter de façon durable et opiniâtre et y établir une action continue et permanente. Nous nous sommes sans cesse montrés des passants, de plaisantes et inoubliables marionnettes qui font quelques petits tours et s'en vont. Nous sentons très vite, trop vite, l'exil hors de nos frontières. Dès que notre curiosité s'évanouit, dès que notre enthousiasme initial s'atténue, un invincible besoin de retour nous empoigne, auquel nous ne savons résister. C'est contre quoi une éducation nouvelle se doit employer afin de nous cuirasser contre le mal du pays.
      Pourquoi faut-il qu'après la Révolution et les grandes heures conquérantes de l'Empire, la France se soit peu à peu accagnardée dans ses foyers, laissant à d'autres peuples le privilège dominant d'influencer l'étranger ? Elle y avait excellé. Pourquoi nous êtres montrés si peu enclins à redoubler d'ardeur au voyage alors que de nouvelles acquisitions de la Science nous dotaient de moyens de transports plus rapides et confortables ?
      Il y a une étude à entreprendre pour éclairer le mystère de ces Pourquoi ? Il ne m'appartient pas de l'ébaucher ici, ni de dévoiler les raisons qui nous rendirent si réfractaires aux grandes entreprises à l'étranger et si indifférents aux progrès des nations voisines dans tous les domaines de l'activité humaine.
      Il est urgent que la victoire que nous attendons, que nous espérons, dont nos héros nous donnent chaque jour davantage la certitude, ne nous surprenne pas dans la satisfaction de nous-mêmes et que nous prenions conscience de nos devoirs de Français qui sont d'être des représentants actifs de notre admirable pays chez tous les autres peuples. Tout enfant de France qui voyage, qui se fait aimer sur la terre étrangère, qui vulgarise son propre esprit de race, ses qualités originelles, sa gaîté naturelle, son entregent, son ingéniosité, même sa frivolité, agite à sa manière et de façon utile, nécessaire, le drapeau national dont il est une des expressions dans son entité claire et colorée.
      Rester chez soi, aveugle sur ce qui se passe ailleurs ; vivre parmi ses préjugés, ses commérages locaux ; ne pas extérioriser à la fois sa personne et ses pensées, ignorer d'autres ciels et horizons, se borner à la connaissance de son seul parler, à la vision exclusive de ses mœurs politiques, faute de s'être comparé, c'est, à vrai dire, se suicider.
      Nous n'avons que trop pratiqué cette vie renfermée, maussade en soi, nuisible à nous-mêmes, inutile à autrui. La France de ces dernières années, avant que les grands conflits ne nous aient éveillés, sentait quelque peu "la boîte à conserves". On y découvrait partout, aisément, les ptomaïnes qui se développent dans les corps stagnants, les toxines des habitudes, les relents inquiétants des logis insuffisamment aérés. Le conservatisme outrancier en toutes choses nous poussait à une sorte de misonéisme mesquin et regrettable. Nous devenions, et nous restons encore, hostiles aux changements, aux nouveautés, soucieux avant tout de continuer notre petit tran-tran d'existence, sans songer à la nécessité de renouveler le terrain sur lequel nous évoluons et de l'aménager selon les progrès accomplis.
      Il est de toute urgence qu'une révolution intervienne dans nos moeurs sédentaires. Nous témoignons encore une fois actuellement, vis-à-vis de nos ennemis et des neutres, de notre puissance de réaction et d'une force morale dont on nous jugeait incapables.
      Lorsque nous aurons vaincu nos contempteurs et nos calomniateurs et acquis les sympathies et l'admiration universelles, Jacques Bonhomme devra reprendre son bâton de chemineau et se décider à montrer aux peuples qui auront applaudi à ses succès, combien il mérite d'être mieux connu, fréquenté et estimé.

OCTAVE UZANNE.
En Route !, Revue hebdomadaire illustrée,
1ère année. N°21. Jeudi 2 Novembre 1916.

mardi 20 janvier 2015

Les Caprices d'un Bibliophile d'Octave Uzanne analysés par M. Challe de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne (Auxerre) - 5 mai 1878.


Séance du 5 mai 1878 de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne.

      - M. Challe prend la parole ensuite et dit qu'il a conservé pour la fin de la séance l'analyse d'un charmant volume que notre jeune compatriote auxerrois, M. Octave Uzanne, vient de publier sous le titre de : Caprices d'un Bibliophile. L'auteur, dans un style pittoresque et animé, nous fait passer en revue le monde parisien de la bibliophilie avec ses qualités, mais aussi avec ses travers et ses ridicules, avec son personnel recruté aussi bien parmi les érudits de bon aloi que parmi les collectionneurs à la toise. A lire les pages si pétillantes d'esprit de M. Uzanne, on croirait tenir un chapitre de J. Janin, de Lacroix ou de Théophile Gautier, si quelques néologismes qui sentent un peu la jeune école ne venaient rappeler qu'il s'agit ici d'un disciple et non d'un maître. Mais le disciple ira loin sans aucun doute, et M. Challe analyse toutes les qualités du jeune talent qui vient de se révéler et qui miroite dans les Caprices d'un Bibliophile. Il faut lire ces pages aimables et coquettes qui se divisent en chapitres : Une venté de livres à l’Hôtel-Drouot ; la Gent bouquinière ; le Quémandeur de livres ; le vieux Bouquin ; le Libraire du Palais ; les Quais en août ; les Catalogueurs, etc., sont autant de joyaux d'un même écrit. Restif de la Bretonne et ses Bibliographes est une étude spéciale qui intéresse plus spécialement encore les Auxerrois. Dans les Galanteries du sieur Scarron, et dans un ex-libris mal placé, il y a certaines historiettes qui sont peut-être un peu lestes ; mais elles sont si joliment tournées. Et puis, comme l'a dit M. P. Blanchemain, dans un compte rendu récent de cette charmante bluette « Dès le frontispice, les curieuses sont prévenues ; il y a là une douzaine de petits Cupidons, n'ayant pour tout vêtement que leurs paires d'ailes et qui sont si jolis, si mignons ! Ce sont des enfants on leur pardonne tout. »
      

      Sous le rapport typographique, le livre de M. O. Uzanne est digne en tous points des bibliophiles auxquels il est destiné ; il est encore rehaussé par une charmante création de Lalauze. L'artiste nous fait assister au saccagement d'une bibliothèque par les Amours. Que représente cet envahissement du sanctuaire de l'étude par ces lutins et ces diables rosés ? Est-ce une épigramme à l'adresse de la science austère, ou une allégorie du livre ? Le lecteur en décidera. Mais il reste un fait acquis, c'est que l'auteur a gagné ses chevrons. L'esprit charmant qui a créé les Caprices d'un Bibliophile reprendra bientôt sa plume brillante. Nous y comptons pour applaudir a ses succès.
      Après cette communication, la séance est levée.
__________________


Extrait du Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne,
année 1878

Octave et Joseph Uzanne nommés membres titulaires de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne (Auxerre) - 5 mai 1878 et 7 juillet 1878.



      Séance du 7 avril 1878 de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, Octave Uzanne, homme de lettres à Paris, est présenté par MM. Monceaux et Claude.
      Séance du 5 mai 1878, Octave Uzanne est nommé membre titulaire de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne.
      Séance du 2 juin 1878 de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, Joseph Uzanne, frère de M. Octave Uzanne, est également présenté comme membre titulaire par MM. Claude et Monceaux.
      Séance du 7 juillet 1878 de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, Joseph Uzanne, homme de lettres à Paris, est nommé membre titulaire.

Extrait du Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne
année 1878.

Énigme : Carte gravée par Léon Lebègue pour Octave Uzanne (vers 1898) "Octave déjeune Jeudi chez Sylvain"



Carte gravée par Léon Lebègue pour Octave Uzanne
Sans date [vers 1898 ? 1899 ?] (détail du cuivre)

"Octave déjeune Jeudi chez Sylvain"

coll. priv.


      Cette carte qui appartient à un collectionneur conserve tout son mystère. Seul l'artiste Léon Lebègue qui signe la composition, nous est dévoilé. Il nous faut tenter de décrire cette carte le plus précisément possible pour tenter d'en percer le mystère.
      C'est une eau-forte (cuivre) tirée sur papier d'Arches. Le cuivre mesure 10,8 x 6.2 cm sur un papier mesurant 19 x 12,5 cm.
      Léon Lebègue signe la composition en bas à droite. L'artiste signe une très jolie carte de vœux pour la nouvelle année 1898 pour les frères Uzanne. Cette même année 1898 Octave Uzanne publie pour les Bibliophiles indépendants La Leçon bien apprise d'Anatole France avec des illustrations du même Léon Lebègue. Octave Uzanne avait pour habitude de travailler avec un artiste pendant un temps puis de passer à un autre. On peut donc supposer que cette carte gravée a été faite dans cette période "Lebègue" comprise entre 1897 et 1899.
      Essayons maintenant de décrire la composition. Au centre court une portée musicale avec plusieurs "têtes" de personnages, quelques symboles, des hirondelles, un nid, des bouteilles, une poire, une toile d'araignée ; sous la portée des points d'interrogation, à gauche sous la portée une cuisinière est en train de faire cuire sur son fourneau une poule vivante. A la clé de sol est suspendu un chat noir. Sous la cuisinière on peu voir un M majuscule. Située au dessus de la portée on voit une femme nue courant avec dans les bras tendus en avant un lapin dont sort de la gueule les mots suivants : Espoir charmant. Entourant la jeune femme nue on lit : Octave déjeune Jeudi chez Sylvain.
      Tout ceci est on ne peut plus énigmatique. De quoi s'agit-il ? D'un carton d'annonce ? Qui annonce qu'Octave Uzanne va déjeuner Jeudi (pas de date) chez Sylvain ? Qui est Sylvain ? Ce Sylvain ne serait-il pas une métaphore de la forêt ? Ne s'agirait-il pas d'un déjeuner en forêt ? En forêt de Fontainebleau près de Barbizon, lieu que l'on sait si cher à Octave Uzanne. Si Sylvain est une personne, qui est-il ? Nous ne savons pas.
      Faut-il essayer de reconnaître des amis d'Octave Uzanne dans les quelques portraits-charge accrochés à la portée ? Est-ce un rébus ? Est-ce une invitation déguisée ?
      Ce qui est certain c'est que cette carte indique seulement Octave, sans le nom Uzanne. Elle est donc destinée à quelques personnes qui connaissent très bien Uzanne, sans doute quelques amis proches. Quel événement, tel un simpe "déjeuner", peut bien valoir la peine de faire graver une carte à l'eau-forte par un artiste tel Léon Lebègue, ce dernier fut-il du nombre des amis proches ?           On sait seulement par un courrier orné d'un dessin original de l'artiste, que Léon Lebègue écrit à Uzanne le 14 février 1898.
      Cette carte risque de nous tenir en haleine encore bien des jours et des nuits avant que d'avoir un semblant d'explication !
      Toutes vos suggestions sont les bienvenues, n'hésitez pas à nous envoyer vos idées par mail ou en commentaire.

Bertrand Hugonnard-Roche


Feuille entière au format 19 x 12,5 cm

lundi 19 janvier 2015

Octave Uzanne rédacteur à La Jeune France (septembre 1878) : Les Fakirs Littéraires


Octave Uzanne à 24 ans en 1875
anc. coll. Y. Christ
      La Jeune France paraît pour la première fois le 1er mai 1878. Cette revue littéraire regroupe de jeunes auteurs passionnés d'art et de littérature. Octave Uzanne, 27 ans, fait partie des premiers rédacteurs. Plusieurs des premiers articles sont signés de pseudonymes, peut-être Octave Uzanne a-t-il ainsi donné d'autres textes avant celui-ci , publié le 1er septembre 1878.
      Octave Uzanne parle-t-il en son nom sous celui de Max ? C'est une technique littéraire qu'il emploie suffisamment régulièrement pour confirmer positivement cette interrogation. Qui sont X et Z ? Nous ne savons pas.
      A cette époque Uzanne était encore bien jeune en littérature, son nom ne résonnait pas encore de l’Éventail et de l'Ombrelle qui paraîtront en 1882 et 1883 et lui assureront une petite gloire dans le milieu littéraire élitiste des bibliophiles parisiens.


Bertrand Hugonnard-Roche

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LES FAKIRS LITTÉRAIRES

      Mon excellent ami Max, le plus aimable compagnon que je connaisse, a sur toutes choses en général, et sur la littérature en particulier, des idées à lui bien arrêtées, originales et saillantes ; il sait les exposer avec un entrain du diable, avec une délicatesse, une causticité, un bon sens et à la fois un scepticisme que ne sauraient contester ses plus mortels ennemis - et il en a beaucoup, ce qui n'est pas son moindre mérite.
      Max possède surtout au plus haut degré le don inappréciable des qualificatifs ingénieux, brillants et images qui l'eût fait admettre d'emblée dans la société de la Marquise de Rambouillet. Il saisit dans leurs nuances les plus fines les différents vocables des précieuses et comprend parfaitement qu'on puisse nommer l'homme : L'aîné de la nature, les peintres : des poètes muets, et que "dévorer sa colère" c'est : jurer entre cuir et chair. Il nommera par exemple Sarah Bernardt : Le squelette des Grâces, Arsène Houssaye : une mouche à ... miel, et Louis Veuillot : l'éponge du Christ ou le goupillon sans poil. Si on lui demande son avis sur le talent d'Adolphe B., il répond ingénument qu'il ne saurait passer le démêloir de la critique sur un crâne qui n'a pas de cheveux. Il dira de C** que c'est une illustre plume dont les ancêtres ont sauvé le Capitole ; et, plutôt que de nommer Clairville un écrivain, et Albert W*** un chroniqueur, il appellera le premier dédaigneusement Scatographe, et s'écriera à propos du second, dans un transport de feinte douleur, ces quelques mots de Candide : Ma, che sciagura d'essere senza cogi... !
      Un soir, après dîner, Max, tout en sirotant un grog, concassait joyeusement du sucre sur la tête de quelques mauvais drôles de littérateurs tout au plus dignes de sa verve à l'emporte-pièce. Il analysait, avec malice, l'indécence de leur gibbosité malsaine ; il courait sus à leur orgueil de Barbarie, selon son expression, c'est-à-dire à cet orgueil qui dégénère en scie, à cette fatuité qui se complaît en elle-même ; il éreintait au mieux, enfin, l'accaparante personnalité de ces ridicules écrivassiers qui se tirent des pétards sous le nez, lorsque, dans une péroraison, il vint à les nommer des Fakirs littéraires.
      Ici, je l'arrêtai, lui demandant une explication.
      - Les Fakirs littéraires ! pardieu ! mon cher, ce sont X, Y ou Z, ce sont ces infimes nourrissons des muses qui battent de la grosse caisse sur la vide sonorité et la misérable richesse de leurs rimes ; ce sont ces plumitifs qui s'adorent, qui se complaisent à regarder perpétuellement leur nombril et qui se tiennent béatement sur un pied ; ce sont ces pauvres diables de Dieux en chambre qui voudraient troquer leurs vers contre la timbale de la popularité qu'ils ne peuvent décrocher ; ce sont tous ces Trisottins au rabais, gent hargneuse et inutile dont la vie est ballottée lamentablement de déceptions en déceptions.
Les Fakirs Littéraires ! Mais on les rencontre à chaque pas, drapés dans leur fierté trouée, la tête droite, l’œil dans le vague, semblant, selon une amusante métaphore de l'Arétin, pêcher dans le lac de leur mémoire avec l'hameçon de leur pensée. Ils ont la mine d'un industriel en grève et le nez d'un gendre chassé de chez lui par sa belle-mère. S'ils vous aperçoivent, ils vous narrent entre deux bocks leurs écœurantes vicissitudes ; ils cognent dur sur l'éditeur du Passage... du Désir, et ils se frappent le front avec un geste à la Chénier, semblant indiquer des tempêtes d'idées, là où il n'y a qu' "un pauvre grelot vide où manque ce qui sonne".
      Les Fakirs Littéraires, continua Max, ne sont pas absolument des Ratés, ce sont des Demi-ratés, des maigres feux d'artifice sans bouquet, dont il ne reste que la carcasse noircie. Assez semblables à de vieilles poules, ils pondent peu et n'ont jamais couvé ; ils ont généralement fait paraître, il y a quelque dix ans, un petit in-douze où ils ont découpé leur jeunesse en alexandrins et leur cœur en regrets de huit pieds ; cela s'est vendu à dix, quinze ou vingt exemplaires ; les critiques, pour s'en débarrasser, leur ont brûlé dans quelques journaux d'anodines pastilles du sérail ; voilà le baptême de leur talent. Avec cet esprit d'intrigue qui leur est propre, ils ont su se créer des relations, ont enfoncé avec rage leur nom dans la cervelle du "Tout Paris" artiste, si bien que, de temps à autre, on les nomme sans les avoir lus. Le nom fait du chemin, mais l'homme demeure stationnaire, il reste fakir.
      Ils sont nombreux, hélas ! ces littérateurs grotesques qui se nourrissent au râtelier de notre mémoire ; leur célébrité prend un nouvel essor au milieu des tables d'estaminet ou s'ébauchent tant de projets morts-nés qui font sourire Gambrinus, et d'aimables petites femmes qui changent plus souvent d'amants que de corsage, colportent au Monsieur de la veille, ou à celui du lendemain, d'un fakir poëte le quatrain crasseux plié en quatre dans leur porte-monnaie. Dans le royaume de la Bohême ce sont de petits souverains, mais la Bohême n'est plus de notre temps, et Mürger, qui nous a si tristement égayés hier, a une "queue" qui nous ennuie terriblement aujourd'hui. Notre époque littéraire avec raison se range dans la vie pratique ; nous ne devons pas compatir aux fausses douleurs des Byrons de brasserie. Il n'y a pas de malheureux, il n'y a que des imbéciles ; c'est un proverbe américain, je crois, qu'il est fort bon de méditer.
      - Bigre ! tu es roide pour ceux qui se rongent les doigts au pied du Parnasse, dis-je à Max ; admets au moins les circonstances atténuantes.
      - Eh ! il n'y en a pas, continua mon fougueux ami ; ils sont si agaçants, tous ces ruminants qui vivent un an d'un sonnet et dix ans d'un poëme ; il sont si agaçants lorsqu'ils vous racontent d'un air éploré et les yeux au ciel qu'ils n'ont pas "le sens de la vie pratique" et qu'ils lancent d'affreux anathèmes contre la société qui ne s'inquiète pas d'eux, contre les lecteurs qui passent indifférents devant leurs bagatelles, contre les femmes qu'ils ennuyent mortellement et qui ont le bon sens de les tromper. Ils sont si peu virils, si méchants surtout, si envieux, si rageurs à froid, si amers dans leurs louanges, qu'on ne saurait les pardonner. Toutes les excentricités sont permises au talent, tous les paradoxes ont une valeur lorsqu'ils sont habilement présentés. Mais si la médiocrité s'en mêle, où allons-nous, mon Dieu ?
Le Fakir Littéraire le plus réjouissant, poursuivit Max, est à coup sur notre ami commun X, que, malgré ses défauts, on ne peut s'empêcher d'aimer. - La femme tient toute la place dans maigre vie du poète X ; il est atteint d'un priapisme sentimental dont les effets sont curieux à noter. X ne pourrait vivre sans maîtresses, et Pétrarque lui-même, qui était le talent le plus fécond dans l'art de dire toujours la même chose, Pétrarque n'était qu'un caniche rimailleur à côté de cet excellent X, qui compose à la douzaine madrigaux, sonnets et stances amoureuses en faveur des Chloris qu'il honore de sa couche. L'existence de X est périodiquement brisée par le départ d'une maîtresse et les regrets rimés qu'il exhale forment le plus sûr palliatif à sa douleur. Lorsque l'amour s'envole, la muse arrive et le fait accoucher d'un poëme, mais les muses excitent sans éteindre les feux qu'elles allument, c'est alors que nous voyons X à la recherche d'un éditeur et d'une nouvelle maîtresse ; il colporte son cœur en offrant son poëme - les maîtresses lui dérobent l'un et les éditeurs lui refusent l'autre. X est le plus infortuné des mortels !
      Un autre type de Fakir, c'est Z, surnommé le Sonnet voyageur.
      Z enfante laborieusement un sonnet qu'il comble de petits soins et d'attentions délicates. Z ne peut voyager ; les opinions de sa bourse s'y opposent et les Passes lui sont impitoyablement refusées du nord au midi, de l'est à l'ouest. Que fait Z ? Il songe qu'un sonnet n'est jamais prophète en son pays et se décide à l'envoyer de journaux en journaux, de localités en localités. Malheur au touriste qui suivra la même route que le sonnet de Z, il deviendra fou ou idiot, il ne pourra ouvrir un journal de province sans y trouver le fameux sonnet ; dans l'Indépendant, dans la Constitution, dans l'Avenir de chaque chef-lieu, le sonnet se dressera implacable, terrible, avec la signature du poète en gros caractères. Avec dix ou douze sonnets munis de bons billets circulaires pour la France, la Suisse ou l'Italie, Z s'est acquis une réputation relative dont il se glorifie vaniteusement.
      Comprends-tu maintenant à peu près ce que j'entends par Fakir Littéraire ? me dit Max, et n'en vois-tu pas à l'infini défiler devant toi du haut en bas de l'échelle sociale ? Tous ces êtres-là sont des rêveurs, et l'on ne saurait trop se garder ici-bas de la rêverie dans le monde des lettres. La rêverie engourdit la pensée que la parole ou la plume remettent en sensation. Pourquoi rêver à la recherche de félicités impossibles, lorsqu'il est si simple d'employer ce temps à préparer son bonheur du lendemain ou à réaliser le plaisir du jour même ? Les rêveurs - rêveurs inféconds vais-je dire, - sont des inutiles et des orgueilleux.
      Des inutiles, parce qu'ils marchent dans la marge de la vie alors qu'ils pourraient lutter vaillamment ; des orgueilleux, parce qu'ils méprisent tout ce qui travaille, tout ce qui conçoit, tout ce qui est forgé sur l'enclume de la volonté. - Les Fakirs Littéraires vouent une haine féroce au bourgeois. Mais le bourgeois a une vengeance bien terrible : il les ignore.
      Ainsi parla mon ami Max ; je ne fais ici que transcrire fidèlement ou plutôt que sténographier ses paroles dans la familiarité de leur forme. Avait-il tort ? avait-il raison ? A vous de juger, lecteurs, à moi de ne souffler mot.


OCTAVE UZANNE.
La Jeune France,
1er septembre 1878

dimanche 18 janvier 2015

Félicien Rops à Octave Uzanne : "Je penche pour la femme qui ouvre le ventre de son pantin du ventre duquel tomberait ou plutôt s’échapperait du son des louis d’or, un cœur sanglant [...]"


      Voici encore une pépite découverte dans la correspondance de Félicien Rops mise en ligne par le Musée Félicien Rops de Namur. Cette lettre se rapporte à la gravure de la femme au pantin publiée en 1885 dans Son Altesse la Femme d'Octave Uzanne. On y découvre avec intérêt la genèse de ce dessin dans l'esprit bouillonnant de Rops.
      La suite de la lettre montre l'esprit rêveur et au combien inspiré de l'artiste.

Bertrand Hugonnard-Roche

Lettre n°258 © musée Félicien Rops (Province de Namur)© Photographie Vincent Everarts - copie d'écran 19/01/2015.

[1r° : 1]

Mon Cher Octave,
Tu sais que je tiens absolument à ma femme pendue ! Je suis tout à la femme au frontispice nous ne mettons pas « de lettres » hein. Je ne connais rien de bête comme ces lettres qui chevauchent lorsque l’on fait un dessin « rempli ». Puis il faut nous entendre pour le « pantin » & pour les « écus d’or ». Il faut que le bonhomme en habit noir soit « un pantin » pour justifier les ficelles. Tout cela est assez difficile à arranger & je te porterai deux croquis Vendredi chez Godmichetski Je penche pour la femme qui ouvre le ventre de son pantin du ventre duquel tomberait ou plutôt s’échapperait du son des louis d’or, un cœur sanglant, & « quelques sonnets ! » La femme aurait à la main le poignard classique qui aurait servi a ouvrir la panse.
J’ai rêvé d’un joli conte moral :

[1v° : 2]

Un mari de province, un savant jeune & à lunettes habite un Paraclet, une vieille abbaye d’ex-Chartreux ou une ex-abbaye de Chartreux plutôt. – Il surprend sa femme – une belle femme, – avec un pianiste quelconque. Le mari fort comme la Halle, étrangle le pianiste puis l’attache à la femme nue & enferme le couple dans l’in-pace de la vieille abbaye remis en lumière par lui, & aux murailles desquel attachés à des chaînes se trouvent les squelettes des moines qui ont failli. Tous les jours le mari savant curieux & que le cas intéresse, le nez dans un mouchoir phénique vient voir les progrès de sa petite farce.
Dessin :
L’In-pace – le mari entre avec sa lanterne, les squelettes de moines dont quelques uns ont des débris de frocs, on est au douzième jour, – le pianiste est changé – la femme vit ! le mari « sourit sous ses lunettes

[2r° : 3]

[fig. 1]

[1r° : 4]

Contes Courants –
MOMEMENTO QUIAI PULVIS EST
[fig. 2]
Contes Courants
par – Félicien Rops
[fig. 3]


Eau-forte en couleurs par Charreyre d'après le dessin de Félicien Rops
pour Son Altesse la Femme d'Octave Uzanne (1885)

" [...] Je suis tout à la femme au frontispice nous ne mettons pas « de lettres » hein. Je ne connais rien de bête comme ces lettres qui chevauchent lorsque l’on fait un dessin « rempli ». Puis il faut nous entendre pour le « pantin » & pour les « écus d’or ». Il faut que le bonhomme en habit noir soit « un pantin » pour justifier les ficelles. Tout cela est assez difficile à arranger & je te porterai deux croquis Vendredi chez Godmichetski Je penche pour la femme qui ouvre le ventre de son pantin du ventre duquel tomberait ou plutôt s’échapperait du son des louis d’or, un cœur sanglant, & « quelques sonnets ! » La femme aurait à la main le poignard classique qui aurait servi a ouvrir la panse. [...] (Félcien Rops)

samedi 17 janvier 2015

Envoi autographe d'Octave Uzanne à son ami Jacques de La Resle, sur un exemplaire des Poésies de Montreuil (1878) et sur le Miroir du Monde (1887).



"à Jacques de La Resle
avec l'espérance que l'ombre de ce
petit abbé musqué, plaira à sa
poëtique et à sa délicatesse

Octave Uzanne"

Coll. B.-H.R.


      Le 15 août 1878 sort des presses de l'imprimeur Damase Jouaust un petit volume intitulé Poésies de M. de Montreuil. Octave Uzanne n'a pas encore 27 ans et donne là quelques poésies retrouvées dans de vieilles éditions perdues ou d'après des manuscrits inédits issues des archives de Conrart conservées à la bibliothèque de l'Arsenal à Paris. Uzanne dédicace son volume à M. René Kerviler, ingénieur des Ponts et Chaussées (épître dédicatoire imprimée). Vient à la suite une Préface sur Mathieu de Montreuil qui s'ouvre sur ces mots : "Le commerce des femmes est, dit-on, la meilleure école de la politesse et des belles manières." A la fin du volume on trouve les Notes sur les Poésies de Montreuil.
      Ce petit volume in-18 a été imprimé à 517 exemplaires aux frais d'Octave Uzanne. Les exemplaires ordinaires sont imprimés sur beau papier vergé. C'est un exemplaire de cette sorte qu'Octave Uzanne offre à son ami Jacques de La Resle. avec ses mots : "avec l'espérance que l'ombre de ce petit abbé musqué plaira à sa poétique et à sa délicatesse".
      Qui était Jacques de La Resle ? Les quelques recherches rapides que nous avons effectué semblent nous guider vers un ancien domaine seigneurial, celui de La Resle près de Chablis dans le département de l'Yonne, et non loin d'Auxerre. Le château de La Resle a été construit au XVIIe siècle sur la commune de Montigny-la-Resle. La famille Lenfernat ou Lenfernat de La Resle est à l'origine de ce domaine et a vécu de nombreuses générations dans ce château. Le véritable nom du dédicataire d'Octave Uzanne serait donc Jacques Lenfernat de La Resle. La devise de la famille était “Qui fait le bien L’Enfer n’a. Qui fait le mal L’Enfer a”. La généalogie des Lenfernat de La Resle se trouve sur Généanet en ce qui concerne les individus du XVIIe et XVIIIe siècle. Les résultats pour les individus de la fin du XIXe siècle sont minces voire inexistants. Ainsi nous ne savons pas qui était ce Jacques de La Resle, si ce n'est qu'il était sans doute un descendant de cette noble lignée des Lenfernat. Octave Uzanne originaire d'Auxerre aura sans doute fait sa connaissance pendant ses jeunes années, peut-être aux petites écoles d'Auxerre ? 
      Octave Uzanne le décrit "délicat" et appréciant la poésie. Était-il poète ? Probablement du même âge qu'Octave Uzanne, entre 25 et 30 ans en 1878, né vers 1850. Une registre plus approfondie des registres d'état civil nous permettra sans aucun doute d'en savoir plus.
     Le hasard a mis récemment sur notre route un second envoi autographe d'Octave Uzanne au même Jacques de La Resle. Le voici :


"à mon ami Jacques de la Resle,
J'envoie cet exemplaire en feuilles, avant
tout brochage, pour qu'il lise, dans ce
"miroir" sans tain, toute la sympathie
que lui porte
Son affectionné
Octave Uzanne"


Coll. privée


      Le Miroir du Monde a été achevé d'imprimer le 7 novembre 1887. L'envoi date probablement des jours ou semaines qui ont suivis, soit à la fin de l'année 1887 ou au début de 1888, soit près de dix ans après l'envoi autographe sur les Poésies de Montreuil dont nous venons de parler. Une amitié durable donc, qui se traduit par ces volumes offerts accompagnés de mots sympathiques.
      Un troisième envoi qui reste à découvrir prochainement (ou jamais) nous permettra sans doute d'en savoir un peu plus sur cette relation affective.

Bertrand Hugonnard-Roche

jeudi 15 janvier 2015

Octave Uzanne et Marc de Montifaud (Marie Quivogne) : Un curieux procès (20 décembre 1876). "Qui se serait douté que cet écrivain, que ce bibliographe, cachait sous la mâle enveloppe de ce nom qui sonne si gaillardement, une jeune femme blonde, grande et frêle, dont les beaux yeux bleus, l'air alangui, et l'attitude charmante de hardiesse, nous ont fait penser aux délicieuses figures de Lawrence et de Reynolds."


UN CURIEUX PROCÈS

     
Le 12 décembre dernier, la onzième chambre correctionnelle voyait comparaître Madame Marie Quivogne, qui, sous le pseudonyme de Marc de Montifaud (*), a su créer un certain renom d'érudit parmi le monde des lettres et des bibliophiles.
      Nos lecteurs ne sont pas sans connaître les travaux de Marc de Montifaud : les Courtisanes de l'Antiquité (Marie-Madeleine), l'Histoire d'Héloïse et d'Abélard, les Vestales de l'Eglise, et les nombreuse réimpressions parues chez Jouaust et ailleurs, les Triomphes de l'Abbaye des Conards, les Voyages de Cyrano de Bergerac, etc., etc.
      Qui se serait douté que cet écrivain, que ce bibliographe, cachait sous la mâle enveloppe de ce nom qui sonne si gaillardement, une jeune femme blonde, grande et frêle, dont les beaux yeux bleus, l'air alangui, et l'attitude charmante de hardiesse, nous ont fait penser aux délicieuses figures de Lawrence et de Reynolds.
      Quel idéal pour un jeune bibliophile qu'un si gracieux bas-bleu... mais... chut ! ne sortons pas de notre sujet et revenons au procès.
      Le 12 décembre dernier, Madame Marie Quivogne, dite Marc de Montifaud, comparaissait devant la onzième chambre, comme prévenue d'outrage à la morale publique, pour la publication d'un ouvrage intitulé : Alosie ou les Amours de Mme de M. T. P.
      Les débats eurent lieu à huit clos, et malgré une chaude plaidoirie de Me Georges Lachaud, qui présentait la défense, le jugement rendu condamnait Madame Marie Quivogne à huit jours de prison et 500 d'amende, et M. Debons, son imprimeur, à une amende égale.
      Or qu'est-ce que Alosie ou les Amours de Mme de M. T. P. ? La simple réimpression, ni plus ni moins, d'une des historiettes scandaleuses des Amours des Dames illustres de nostre siècle, ouvrage attribué à Bussy Rabutin par les uns, à Corneille-Blessebois par les autres.
      Les journaux qui parlèrent du procès de Madame Marie Quivogne présentèrent Alosie comme une oeuvre de la jeune bibliographe, et, comme le huis clos, exigé par la onzième chambre, laissait entrevoir tout un horizon de littérature voluptueuse, de passages scabreux, de scènes érotiques, ce livre, saisi en partie, mais qu'il était encore possible de se procurer, fit prime en peu de temps et atteint aujour'hui le prix fol de dix à quinze francs.
      Nous devons nous élever contre un tel trafic, qui ne vise qu'une curiosité malsaine, et prémunir nos lecteurs contre une spéculation dont trop de personnes peut-être seront les victimes.
      Nous ne blâmerons pas Madame Marc de Montifaud d'avoir réimprimé Alosie, mais nous nous étonnerons qu'elle n'ait songé qu'à cette historiette, qui, prise isolément, n'a qu'un attrait de polissonnerie. Pourquoi n'avoir fait qu'une petite plaquette lorsqu'il était si naturel de donner une belle et bonne édition des Amours des Dames illustres de nostre siècle.
      A cela Madame de Montifaud nous répondra sans doute que la plupart des éditions de l'Histoire amoureuse des Gaules sont châtrées, et qu'Alosie n'y figure que rarement. Rien de mieux, mais il fallait dissimuler le corps du délit et, pardonnez-nous la trivialité du mot, dans une réimpression complète, la sauce eût fait passer le poisson.
      Les Amours de Dames illustres de nostre siècle se trouvent facilement de deux francs à dix francs, bien complets, dans les jolis formats des imprimeurs de Cologne ou d'Amsterdam : c'est certes l'un des volumes les plus curieux que l'on puisse se procurer sur les maîtresses de Louis XIV. On y sent bien l'esprit de cour et les cancans qui couraient alors les ruelles, mais il se dégage de tout cela comme un parfum de couleur locale, qui nous imprègne mieux des moeurs du temps que vingt ouvrages de nos historiens modernes.


LOUIS DE VILLOTTE [OCTAVE UZANNE]
Conseiller du Bibliophile, livraison n°12, 1er janvier 1877
Paris, 20 décembre 1876


(*) Marie-Amélie Quivogne de Montifaud, née Chartroule, dite Marc de Montifaud, née à Paris entre 1845 et 1850 et morte vers 1912-1913, est une écrivaine libre-penseuse française. Marie-Amélie Chartroule dite Marc de Montifaud naît en avril 1845 (personne n'est d'accord sur la date de sa naissance) d'un père médecin libre-penseur et d'une mère catholique. Selon le Dictionnaire Larousse qui lui consacre une notice, elle commence sa carrière littéraire à douze ans en écrivant un roman italien, une ébauche de tragédie et des essais de critique. Un journal intitulé Plaisir et Travail publiera quelques-uns de ses fragments littéraires. Pendant que sa mère tente de lui enseigner les principes du catéchisme, son père lui inculque les idées nouvelles et l'initie à la philosophie. Passionnée d'art, elle complète sa formation dans l'atelier du peintre Tissier. En 1867, elle épouse un homme de vieille noblesse espagnole, de vingt ans son aîné, le comte Juan-Francis-Léon Quivogne de Montifaud, secrétaire d'Arsène Houssaye, le directeur de L'Artiste qui ouvrira à la jeune fille les pages de sa revue où elle fera ses premières armes en tant que critique. Le comte de Quivogne crée lui-même La Haute-Vie en 1867, un journal qui n'aura que quelques numéros. Madame « Marie-Amélie Quivogne de Montifaud » aura avec lui un fils, Marc, né en 1874. Comptant parmi les amis de Villiers de L’Isle-Adam, qui lui dédie Le Nouveau Monde (Ève nouvelle et Axel), on lui doit surtout un nombre important de nouvelles drolatiques, d’esprit galant et provocateur, à saveur parfois anticléricales et coiffées de titres suggestifs : Entre messe et vêpres, ou les Matinées de carême au Faubourg Saint-Germain (1882)… Ses écrits lui valent un certain nombre de poursuites judiciaires et quelques-uns sont censurés. Sa publication de l’ouvrage contre les religieuses, Vestales de l’Église, lui vaut même un emprisonnement. Ses activités de critique d’art se concentrent à la revue l’Artiste à laquelle elle collabore entre 1865 et 1877. Elle fonde l’Art moderne avec son mari en 1876. Les artistes qui l’intéressent constituent une compagnie très disparate : on retrouve, côte à côte, Cabanel, Hébert, Breton, Doré et Corot. Manet et les impressionnistes finissent par s’ajouter, non sans de sérieuses réticences. Elle demande surtout à l’art des effets de séduction et d’émotion que sa plume d’écrivain peut traduire : ses commentaires glissent alors du motif à la forme avec une égale délectation. Elle perd son mari le 18 juin 1901 et, en 1905, semble devoir faire face à des ennuis de santé et des tracas financiers. La dernière entrée que l'on trouve à son nom dans le catalogue de la Bibliothèque nationale est un drame patriotique en un acte et en vers intitulé Alsace paru en 1904. Elle meurt probablement vers 1912-1913, peu après la disparition de La Fronde, si l'on en croit les souvenirs de Laurent Tailhade.

mercredi 14 janvier 2015

Carte de vœux pour le nouvel an 1905 dessinée par Giovani Bellini (gravée par Félix Vallotton) pour Octave Uzanne.



Carte de vœux pour le nouvel an 1905
dessinée par Giovani Bellini et gravée par Félix Vallotton pour Octave Uzanne (*)

"La "Cieca Fortuna" de Giovani Bellini,
Image symbolique de l'Inconsciente
Déesse, vous portera mes voeux pour
- 1905 -
Puisse t-elle vous distribuer, de l'une
et l'autre main, les essentiels Baumes
de vie que renferment ses Amphores.

Octave Uzanne
5, Place de l'Alma
Paris, VIIIe Arr.

Dimensions : 14,3 x 11,1 cm. Papier type Arches fin.

Coll. privée


(*) Cette eau-forte a servi de frontispice au second tome de la revue L'Art et l'Idée en 1892. C'est Uzanne lui même qui indique que ce frontispice a été gravé par Félix Vallotton d'après un tableau du peintre vénitien Giovani Bellini (1430-1516). L'eau-forte originale de 1892 a été retouchée pour faire apparaître l'adresse d'Uzanne en 1905 et pour effacer le titre L'Art et l'Idée. Voir photo ci-dessous.


Frontispice pour le second tome de l'Art et l'Idée, 1892
d'après le tableau de Giovani Bellini, gravé à l'eau-forte par Félix Vallotton
épreuve terminée tirée en vert d'eau pour les exemplaires ordinaires.



Frontispice pour le second tome de l'Art et l'Idée, 1892
d'après le tableau de Giovani Bellini, gravé à l'eau-forte par Félix Vallotton
épreuve non terminée, avant la lettre, tirée en noir sur Japon ancien,
réservée aux 50 exemplaires de luxe (30 ex. Japon, 15 ex. Chine et 15 ex. Whatman)


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