vendredi 26 décembre 2014

Deux billets autographes d'Octave Uzanne au poète et critique d'art Achille Segard (1872-1936).


     
Achille Segard (1872-1936)
dessin par Antonio de La Gandara
Voici deux lettres d'Octave Uzanne adressées au poète et critique d'art Achille Sègard (1872-1936). Ce sont les deux seules lettres d'Octave Uzanne qui se sont retrouvées vendues lors de la dispersion du fonds d'archives Achille Sègard chez ADER à Paris en décembre dernier.

       En 1899 Achille Segard est âgé de 27 ans contre 48 pour Octave Uzanne. 
      Ces deux courts billets nous montre une relation cordiale, sans plus. Les deux hommes ne semblent pas être amis ni intimes, c'est leur travail respectif dans le milieu littéraire qui les met ici en relation.
      Toutes deux envoyées à un mois d'intervalle entre début novembre et mi-décembre 1899, elles évoquent quelques événements qui ne nous sont pas encore tous connus. Quels sont les deux petits volumes que vient de faire paraître Sègard au début de novembre 1899 ? Quelle est cette conférence qu'Uzanne devait faire au Hâvre et dont on ne retrouve pas la trace ? De quel livre parle-t-il lorsqu'il évoque le sujet de cette conférence qui paraîtra "bientôt" en un volume de luxe ? Nous pourrons sans doute répondre à ces questions très bientôt. En attendant, les voici.

Bertrand Hugonnard-Roche


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Paris [17, Quai Voltaire], ce 4 novembre 1899

Cher monsieur,
J'ai été dans l'obligation absolue de sortir aujourd'hui, sans avoir le temps de vous aviser que je ne serais point chez moi.
Excusez-moi. Je vis en ce moment, comme à la veille d'un départ, très bousculé ; mais j'espère le plaisir de vous rencontrer en décembre et de vous parler de vos deux petits volumes dont je vous remercie. Je n'ai pu encore que les parcourir.
Agréez l'expression de mes sentiments sympathiques.

Octave Uzanne

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Paris [17, Quai Voltaire], ce 10 décembre 1899

Cher monsieur,
je n'ai reçu aucune nouvelle du Havre. J'attendrai pour prendre ma décision d'avoir été de nouveau provoqué à la conférence en question ; d'ici là, je me réserve le sujet et la conférence. Je vous aviserai s'il y avait pour vous à me suppléer. En tout cas le sujet de ma conférence est achevé d'écrire et paraîtra bientôt en un volume de luxe.

Mes salutations

Octave Uzanne

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mardi 23 décembre 2014

Octave Uzanne et les Sonnets du Docteur Camuset (1884).



Culispice de Félicien Rops
pour l'édition de 1884 des Sonnets du Docteur
Vous trouverez ci-dessous deux textes publiés à neuf ans d'intervalle au sujet des Sonnets du Docteur. Le premier est un compte rendu fait par Octave Uzanne lui-même et publié dans la livraison de janvier 1885 de la revue Le Livre qu'il dirige. Le deuxième est une notice de catalogue rédigée encore une fois par Uzanne pour la vente de ses livres en mars 1894. On apprend qu'Octave Uzanne a pris part à l'édition de ce petit ouvrage libertin illustré par Clairin et Rops. On déduit que c'est très certainement Uzanne qui a facilité l'impression de ce petit volume chez l'imprimeur dijonnais Darantière. C'est encore Uzanne qui permettra à Drumont de faire imprimer sa France juive chez le même Darantière à Dijon en 1886, à peine deux ans plus tard.
      Nous ne savons rien des relations d'Octave Uzanne et du Docteur Camuset (*). Le fait qu'il soit oculiste cependant, alors qu'Octave Uzanne souffre depuis son plus jeune âge de troubles de la vue (notamment un œil droit presque perdu depuis ses années d'école primaire à Auxerre et un oeil gauche souffrant), nous laisse croire qu'il a sans doute eu recours à ses services en tant que praticien.
      Octave Uzanne n'a pas jugé utile, semble-t-il, de faire un compte rendu de la réédition de 1888 imprimée par le même Darantière et illustrée de 2 nouvelles héliogravures de Félicien Rops.


Bertrand Hugonnard-Roche


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Les Sonnets du Docteur. A Paris, chez les principaux libraires. 1 vol. Prix : 5 francs.

      Le docteur... le nommerai-je ?... est un honorable oculiste dijonnais, natif du Vendômois, qui a conservé la pleine verdeur de son pays d'origine. - Poète rabelaisien de la bonne école, il aime le large rire gaulois et courtise la muse gaillarde et grasselette de Grécourt et de Panard. - Ses sonnets sont exquis et pleins d'originalité ; c'est de la médecine lyrique qui pourrait, dans une note spirituelle et délicate, faire une redoutable concurrence au Livre des Convalescents du pitre Cadet. Le docteur, en outre, est un parnassien très moderne, qui se plaît à ouvrer son vers et à ciseler sa rime ; une des pièce de son recueil est déjà célèbre, c'est le Homard à la Coppée, pastiche étonnant du jeune académicien, qu'on attribue à tort à Monselet, lequel a le tort de ne pas protester.
      Dix autres pièces sont aussi remarquables : le Cataplasme, Ecchymoses, le Massage, Dermatologie, Congestion cérébrale, Bonbon laxatif, Médecine légale, Transformisme, les Gaules, la Langue fumée, sont dignes des suffrages de tous les lettrés délicats.
      Cet opuscule d'une cinquantaine de pages est spécialement destiné aux bibliophiles ; le tirage total atteint à peine 500 exemplaires, et l'impression, faite par maître Vascosan Darantière, de Dijon, est hors ligne et fait grand honneur à ce trop modeste émule des Sheuring et des Hérissey. Le texte, d'une merveilleuse pureté, bien mis en page et interligné, est entouré d'un encadrement rouge très sobre et d'un ton harmonieux. Ce joli petit livre s'ouvre par un frontispice de Georges Clairin et se termine par un curieux culispice à l'eau-forte de Félicien Rops, le chemisier favori des déesses de la mythologie moderne et le gantier des amours, le seul qui sache attacher une jarretière sur les mailles rosées d'un bas follement capiteux ; un grand artiste, en un mot, qui est dans l'art le Villon des petites villotières et le Rembrandt des sabbats charnels.
      Les Sonnets du Docteur vivront spirituellement et typographiquement, et les bibliophiles du XXe siècle fouilleront les archives de l'Académie de médecine pour découvrir le nom de ce fantastique Hippocrate qui mis en exergue au cou de sa muse, au nez voluptueusement retroussé : Camuse est.


U. [Octave Uzanne]
Notice publiée dans Le Livre,
Livraison du 10 janvier 1885

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67. CAMUSET (Dr. G.). Les Sonnets du Docteur. Paris, chez la plupart des libraires (imprimé par Darantière, à Dijon), 1884, in-8, front. à l'eau-forte de Clairin. Texte encadré de fil r., cart. cuir japonais, non rogn., couv.

Exemplaire sur japon, contenant trois spirituelles lettres autographes du docteur Georges Camuzet (sic) écrites avant sa mort au sujet de ce livre, et un frontispice en couleur de F. Rops avec la signature autographe de l'artiste.
On y a ajouté, sur les marges, une série de jolis DESSINS ORIGINAUX coloriés par Emile Mas et qui font un Exemplaire unique.
Le docteur Camuzet, médecin oculiste à Dijon, fut un joyeux vivant dont l'esprit devint célèbre dans les cénacles parisiens au lendemain de la guerre. Ses poésies couraient les ateliers, et l'une d'elles, qu'on attribua longtemps à Monselet, est demeurée classique : c'est le Petit Homard à la Coppée. - Les Sonnets du Docteur sont une des curiosités bibliographiques à l'édition desquelles le Bibliophile [Octave Uzanne] prit part. - Rops devait l'illustrer en entier, mais il ne parvint à fournir qu'un culispice. Les jolies lettres du docteur ont trait à l'impression des sonnets et à la paresse de Rops, qui mériterait cependant d'être salué par le cliché : le plus fécond de nos aquafortistes.

Notice rédigée par Octave Uzanne
pour la vente des Livres contemporains d'un écrivain bibliophile
[vente Octave Uzanne des 2 et 3 mars 1894]


(*) Georges Camuset (1840-1885) est un médecin ophtalmologiste plus connu pour ses spirituels Sonnets publiés pour la première fois en 1884. Sa biographie nous est révélée par les travaux du Docteur A. Brunerie (Deux ophtalmologistes dijonnais, Cahiers lyonnais d’histoire de la médecine,‎ 1960, Lyon, n° 1). Camuset, nait en 1840, à Lons-le-Saunier, d’une famille de robins et décèdera le 12 mars 1885 à Paris. Après des études très éclectiques, il s'inscrit en médecine à Paris, s’oriente un moment vers le laboratoire et présente une communication sur la vaseline à la Société de Médecine. Il pratique également la botanique et joue de l’ophicléide. Il est également un des plus joyeux vivants des cénacles parisiens. Il voyage à travers l'Europe et rencontre Gustave Doré à Londres mais se destine finalement à l'ophtalmologie plutôt qu'aux lettres et s'établit médecin oculiste à Dijon. Il y compose ses fameux sonnets dont l'édition originale parait anonymement en 1884 (Imp. Darantière à Dijon), peu avant son décès, et sont réédités en 1888, 1926 puis avant 1939 par les laboratoires Camuset (parenté ? homonymie ?). Fantaisie légère, les Sonnets sont un grand classique spirituel et gaillard de la littérature médicale. Les Sonnets ne sont pas le seul ouvrage du Docteur Camuset, il écrit aussi un Manuel d'Ophtalmologie (publié chez Masson en 1877) et un Mémoire sur la Vaseline (Société de médecine, 1877), produit qu'il est le premier à utiliser en France3. Il s'essaye même à quelques chansons comme celle d'une lettre qu'il écrit « A mon ami Lamarche » (Paroles de Bibi sur une musique de Gounod). (source Wikipédia).

Octave Uzanne déménage du 72 bis, Rue Bonaparte pour le 17, Quai Voltaire à Paris : 8 décembre 1886 ou peu de jours avant.


Nous avons publié dernièrement cet extrait de lettre de Félicien Rops à Henri Liesse dans laquelle il écrit : "Je ne peux m’adresser à Uzanne qui n’a pas « un radis » ! Il vient de déménager ! Il a trois mille francs de dettes." 

Cette lettre est datée de janvier 1887.

Nous venons de trouver, encore une fois dans la correspondance de Rops, une information qui précise encore un peu plus les choses. Cette lettre de Rops adressée à M. H. et publiée en 1901 dans l'ouvrage d'Hugues Rebell "Trois artistes étrangers : Robert Sherard, Sattler, Félicien Rops" porte le numéro d'ordre XXVIII et est datée du 8 décembre 1886. On peut lire (p. 200) :



"Uzanne déménage et va planter sa bibliothèque au-dessus du quai Voltaire dans un des plus jolis coins aériens de Paris."

Ainsi nous avons désormais une date approximative qui se précise. Le 8 décembre 1886 Octave Uzanne est en train de déménager du 72 bis, Rue Bonaparte à Paris pour le 17, Quai Voltaire. Nous avions déjà publié un billet à propos de ce déménagement ICI. En août 1904 ou peu de semaines avant il a emménagé au 5, Place de l'Alma à Paris. Il sera resté 18 ans au 17, Quai Voltaire, de l'âge de 35 à 53 ans.


Bertrand Hugonnard-Roche

lundi 22 décembre 2014

" [...] La femme sait toujours résoudre la question sexuelle, même à son détriment, car sa curiosité intuitive fait parfois d'elle une vaincue passive, à ses débuts, mais une vaincue dont les revanches victorieuses sont assurées [...]" Octave Uzanne (1923)



      Notre ami Fabrice Mundzik, qui vient de lancer il y a peu un blog consacré à la romancière Renée Dunan, publie sa réponse à l'enquête lancée sur la polyandrie par Georges-Anquetil et Jane de Magny dans l'ouvrage intitulé L'amant légitime ou la Bourgeoise libertine (Paris, Editions Georges-Anquetil, 1923).
      Parmi ceux qui répondent à cette enquête on trouve Octave Uzanne (72 ans) qui avait déjà répondu l'année précédente à l'enquête publiée dans La maîtresse légitime sous-titré Essai sur le mariage polygamique de demain.
      Voici la courte mais néanmoins précise et cinglante réponse que fait Octave Uzanne au sujet de la polyandrie :

Madame et chère Enquêteuse,

Ce qu'on nomme les moeurs, disait Balzac, n'est que l'hypocrisie plus ou moins perfectionnée des sociétés constituées.
La morale est une filiale de la Mode, elle ne peut que nous tromper sur ses apparences. La chair qui palpite sous les falbalas dont on la revêt, est toujours la même, aussi sollicitée ou solliciteuse en tous temps.
La femme sait toujours résoudre la question sexuelle, même à son détriment, car sa curiosité intuitive fait parfois d'elle une vaincue passive, à ses débuts, mais une vaincue dont les revanches victorieuses sont assurées, surtout dans notre Paris Galant.
La liberté sexuelle chez la femme aussi bien que chez l'homme persiste ; elle se voile de pudeur, plus ou moins, ce qui est un véritable attrait pour le mâle qui guette les promesses qu'il découvre dans la proie dont il a appétit.
Les moeurs n'ont jamais opposé que des barrières conventionnelles aux poussées primordiales de la nature.
Tous les écrits, palabres ou opinions à ce sujet, sont de nulle importance. La vie continue, invariable et le grand Livre du Monde reste, en principe, aussi amoral sous la reliure à dos rigide, qu'on prétend lui imposer. L'amour et la mort dominent tous nos concepts humains.
Mes sentiments confraternels.

Octave Uzanne

Albert Quantin (1850-1933), Imprimeur-Éditeur pour Octave Uzanne dès 1878.



Albert Quantin (1850-1933) photographié par Pirou (vers 1890)
Imprimeur-Éditeur pour Octave Uzanne dès 1878


      S'il y a bien une personne qui fut déterminante dans la vie d'homme de lettres d'Octave Uzanne, ce fut l'imprimeur-éditeur Albert Quantin. Le premier livre imprimé par A. Quantin pour le compte d'Octave Uzanne paraît en septembre 1878 (Contes de Boufflers). Une longue collaboration de plus de dix années s'ensuivit. La revue bibliographique Le Livre imprimée par Quantin dont Uzanne fut le Rédacteur en chef-Directeur permit à ce dernier de s'imposer dans le monde des lettres. Albert Quantin était tout comme Uzanne un amoureux du beau, un esthète de la chose imprimée. Et même si les archives manquent cruellement aujourd'hui pour pouvoir retracer avec précision les relations qui unirent les deux hommes durant toutes ces années, il est probable qu'une grande complicité s'établit rapidement entre eux. Albert Quantin était bibliophile, pour preuve les exemplaires sur papier du Japon qui lui étaient réservés parmi les titres d'Octave Uzanne (et très probablement tous les autres auteurs qui sortaient de ses presses).
      Une chose intrigue de prime abord chez cet homme, c'est sa jeunesse lorsqu'il prend la direction de la maison Claye rue Saint-Benoît en 1876. Il a tout juste 26 ans. Il n'a guère plus de 36 ans dix ans plus tard en 1886 lorsqu'il cède la direction de l'imprimerie Quantin à MM. May et Motteroz. Il a entre 45 et 50 ans lorsqu'il dirige sa nouvelle revue le Monde Moderne à laquelle participe Octave Uzanne.
      Sa bibliothèque est vendue au début de l'année 1903 (*) (il a 53 ans). A partir de cette date on n'entendra pas ou peu parlé d'Albert Quantin, mis à part en tant qu'auteur de quelques ouvrages personnels.
      Il meurt en juin 1933, à peine deux années après Octave Uzanne, dans l'indifférence générale.
      Nous serons amenés à reparler de ce duo Uzanne-Quantin très prochainement.
      L'article ci-dessous est intéressant notamment par le portrait photographique qu'il livre de l'imprimeur (photographié par Pirou). Sur cette photographie Albert Quantin semble âgé d'une petite quarantaine d'années. Elle aurait donc été prise au début des années 1890. C'est le seul portrait d'Albert Quantin que nous avons pu répertorié à ce jour.


Bertrand Hugonnard-Roche



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Justificatif de tirage à la main pour un
exemplaire réservé à Albert Quantin
sur Son Altesse La Femme d'Octave Uzanne (1885)
Coll. B. H.-R., 2014
M. Albert Quantin, né à Tours en 1850 (**), après ses études universitaires fit un apprentissage manuel dans la grande maison Mame. Après la guerre, pendant laquelle il fut chargé du service d'impression des dépêches par pigeons voyageurs, il vint à Paris diriger d'abord l'imprimerie Jousset et ensuite la célèbre maison Claye, rue Saint-Benoît. Il succéda à M. Jules Claye en 1876 et, à la rentrée du Parlement à Paris, fut nommé imprimeur de la Chambre des Députés.

      Ses premiers ouvrages d'éditeur figurèrent à l'Exposition universelle de 1878 et lui valurent la médaille d'or. Il obtint le diplôme d'honneur et la croix de chevalier de la Légion d'honneur à l'Exposition d'Amsterdam, en 1883.
      Les éditions d'art de M. Quantin eurent un retentissement considérable. Dans Holbein et la collection des grands maîtres de l'art, La Renaissance en France, les Monuments de l'art antique, tous les procédés graphiques furent employés pour illustrer une typographie magistrale. L'Art japonais fut une révélation. La Bibliothèque de l'Enseignement des Beaux-Arts fut la première vulgarisation artistique de notre époque et obtint un prix Montyon de l'Académie française.
      L’Éventail et l'Ombrelle, par Octave Uzanne, introduisirent dans le texte, au moyen de l'héliogravure, la reproduction directe des compositions des artistes. Dans Gulliver et le Vicaire de Wakefield l'illustration en chromotypographie fit sa première apparition. Les Petits conteurs du XVIIIe siècle, les Petits Chefs-d'Oeuvre antiques, la Dame aux Camélias et nombre d'autres publications resteront comme des types achevés d'ouvrages de haut goût. Les nombreuses créations de M. Quantin, qui ne publia pas moins de cinq cents ouvrages en dix années, furent presque constamment des innovations initiatrices.
      Dans le domaine littéraire, il suffira de citer son édition complète de Victor Hugo (en collaboration avec Hetzel), édition ne varietur qui fixa le texte définitif des œuvres du maître.
      M. Quantin a écrit des ouvrages de technologie typographique, de nombreux articles de critique littéraire et artistique, un délicat volume pour les enfants, l'Histoire de Germaine, etc.
      Après avoir vendu son imprimerie, M. Quantin resta quelque temps éloigné des affaires. En 1895, il fonda le Monde Moderne. Cette revue, dont le succès a été grandissant, introduisit pour la première fois en France le type des grands magazines de l'étranger. Le Monde Moderne, illustré avec une abondance extraordinaire de fines gravures, traite de toutes les questions de littérature, de science et d'art. Tout y est inédit et du meilleur choix. Il donne, en fascicules séparés, des romans inédits qui comptent parmi les meilleures productions littéraires de l'année. C'est par excellence la revue de famille, sérieuse sans pédanterie et d'une forme particulièrement attrayante.


Notice extraite de
Henri Avenel, La Presse française au vingtième siècle : portraits et biographies,
Paris, Ernest Flammarion, 1901


(*) Bibliothèque de M. A*** Q*** 1ère partie. Catalogue de beaux livres anciens et modernes [Texte imprimé] : Paris, Hôtel des commissaires-priseurs, salle 10, 5 janvier 1903, Me Maurice Delestre c.p. - Bibliothèque de M. A*** Q*** 2me partie. Catalogue de beaux livres anciens et modernes [Texte imprimé] : Paris, Hôtel des commissaires-priseurs, salle 10, 26 au 29 janvier 1903, Me Maurice Delestre : c.p. - Bibliothèque de M. A*** Q*** 3me partie. Catalogue de beaux livres anciens et modernes [Texte imprimé] : Paris, Hôtel des commissaires-priseurs, salle 1, 19 au 25 février 1903, Me Maurice Delestre : c.p. Catalogue Bnf, notices FRBNF36556050, FRBNF40021154, FRBNF40021155.
(**) Albert Jérome Marie Quantin est né le 19 janvier 1850 à Bréhémont (Indre-et-Loire), fils de Jérome Quantin, percepteur, 45 ans, et de Laure (Virginie corrigé en marge) Gânier, 36 ans. Etat civil, acte numérisé 6NUM8/038/005. Il meurt âgé de 83 ans, aux Grandes-Ventes (Seine-Maritime), le 17 juin 1933.

dimanche 21 décembre 2014

Petites annonces immobilières du Figaro du mardi 4 juin 1895 : Joseph Uzanne administrateur de la vente d'un château renaissance.



Petite annonce immobilière dans Le Figaro du mardi 4 juin 1895


Nous avons trouvé cette petite annonce par hasard en fouillant dans l'antre Gallica ... De quel château s'agit-il ? Pour le compte de qui Joseph Uzanne est-il désigné administrateur de ce bien de grand valeur ? Nous pressentons un rapport direct ou indirect avec Angelo Mariani.

A suivre ...

Bertrand Hugonnard-Roche

samedi 20 décembre 2014

[...] – Uzanne vient de faire deux mois d’un travail de bénédictin se levant à 6 h. du matin & se couchant à minuit pour achever un livre qui est fini déjà, & il va dépenser cet argent si bien gagné à Venise & à Pesth, un tour de quinze jours. [...] écrit Félicien Rops à Léon Dommartin (29 mars 1882)


© Photographie Vincent Everarts

Voici un extrait de lettre issue de la base de donnée nouvellement mise en ligne par le Musée Félicien Rops de Namur (Belgique) et dont nous avons rendu compte dernièrement.

Lettre de Félicien Rops à Léon Dommartin (Paris 29 mars 1882)


Voici ce que Rops écrit à son vieux copain Léon Dommartin à propos d'Octave Uzanne :


[...] – Uzanne vient de faire deux mois d’un travail de bénédictin se levant à 6 h. du matin & se couchant à minuit pour achever un livre qui est fini déjà, & il va dépenser cet argent si bien gagné à Venise & à Pesth, un tour de quinze jours. [...]

Il doit s'agir de l’Éventail qui a été achevé d'imprimer le 1er décembre 1881. Uzanne dépense ses gains en voyages.


La lettre de Rops à Léon Dommartin se trouve en ligne ICI.

Bertrand Hugonnard-Roche

"Je trouve mon copain Uzanne bien rêveur depuis son retour, l’auriez vous rendu amoureux d’une Belge ?" écrit Félicien Rops à une inconnue ardennaise (janvier 1882).



© Photographie Vincent Everarts

Voici un extrait de lettre issue de la base de donnée nouvellement mise en ligne par le Musée Félicien Rops de Namur (Belgique) et dont nous avons rendu compte dernièrement.

Lettre de Félicien Rops à une inconnue datée de janvier 1882.


Voici ce que Rops écrit à une "Chère et Belle Madame" à propos d'Octave Uzanne :


[...] Je m’étais retiré à la campagne, comme un sage qui veut éviter les ennuis du nouvel an. À la noël, j’avais vu Uzanne deux secondes, le temps de lui dire que, – de nous dire – que vous étiez la plus adorable des femmes, naturellement, il est entré un gros de fâcheux qui m’a fait fuir & je ne l’ai revu qu’il y a deux jours. [...]


[...] – Je trouve mon copain Uzanne bien rêveur depuis son retour, l’auriez vous rendu amoureux d’une Belge ? [...]


Octave Uzanne amoureux ? Nous n'en saurons hélas pas plus pour le moment.



La lettre de Rops à cette inconnue se trouve en ligne ICI.

Bertrand Hugonnard-Roche

"Je ne peux m’adresser à Uzanne qui n’a pas « un radis » ! Il vient de déménager ! Il a trois mille francs de dettes." extrait d'une lettre de Félicien Rops à Henri Liesse (janvier 1887).


© musée Félicien Rops (Province de Namur)

Voici un extrait de lettre issue de la base de donnée nouvellement mise en ligne par le Musée Félicien Rops de Namur (Belgique) et dont nous avons rendu compte dernièrement. Cet extrait de lettre de Félicien Rops à Henri Liesse apporte un éclairage nouveau sur la situation d'Octave Uzanne à la date de rédaction, soit au début de de janvier de l'année 1887.
En effet, malgré toutes nos recherches, il est assez rare pour ne pas dire très rare d'avoir une idée des moyens financiers à la disposition d'Octave Uzanne. Or ici, Félcien Rops est catégorique. Il écrit, alors qu'Henri Liesse lui demande de l'argent :



Je ne peux m’adresser à Uzanne qui n’a pas « un radis » ! Il vient de déménager ! Il a trois mille francs de dettes.

Plus loin dans la même lettre il ajoute :

Je ne demanderais (sic) pas 25 frs à Uzanne pour l’instant, pour moi. Il ne les a pas.

La lettre n'est pas datée. Elle peut être datée des premiers jours de janvier 1886 par déduction. Rops s'était sans doute trompé lorsqu'il écrivait une lettre avec l'adresse d'Uzanne au 72 bis Rue Bonaparte en août 1886, c'est août 1885 qu'il fallait lire.

      On aurait donc ainsi la preuve par une indiscrétion de son ami Félicien Rops, que ce déménagement lui a coûté beaucoup d'argent et qu'il en ressort endetté de 3.000 francs. Uzanne n'aurait alors même pas 25 francs à prêter à son ami Fély.
Nous avons toujours cru que la situation financière d'Octave Uzanne avait été toujours saine voire opulente. Apparemment il y eut au moins ce passage difficile qu'il est intéressant de noter.

La Lettre de Félicien Rops à Henri Liesse est en ligne ICI.

Bertrand Hugonnard-Roche

© musée Félicien Rops (Province de Namur)

vendredi 19 décembre 2014

Le Miroir du monde d'Octave Uzanne vu par Paul Ginisty (L'Année littéraire, 1887). "M. Uzanne fait l'effet, dans ce coquet Miroir du monde, d'une sorte de Montaigne en habit noir, infiniment moins rude que l'autre, mais aimant, comme lui, à poser sa tête sur l'oreiller du doute."


Couverture du Miroir du monde
par Paul Avril
Paris, A. Quantin, 1888
M. Octave Uzanne a la passion du rare, du précieux, du nouveau. Ce bibliophile émérite, adorateur du Livre, rend un culte à sa chère idole en créant lui-même des livres types, conçus avec amour, dans l'hymen de l'art et de la fantaisie. Ses volumes sont des espèces de bijoux, qui scintillent et qui papillottent (sic), et il définit lui-même son Miroir du monde, dont chaque page a été encadrée par le dessinateur Avril d'ornements symboliques et modernes ou semés de capricieuses figures, légères comme des papillons, "un de ces essais pimpants, irradiés de couleurs gaies, qui chassent de l’œil la monotonie du noir". Voilà pour la forme, qui est exquise dans son ingéniosité, mais le fond de ses études, d'une jolie philosophie mondaine, qui vagabonde sur tous les sujets qui valent la peine d'occuper l'existence, n'a pas moins de grâce, soit qu'il s'agisse de réflexions, un peu désabusées, sur la comédie dont la société raffinée donne le spectacle, soit qu'il fasse le procès de l'habitation moderne, soit que, en un séduisant paradoxe, il développe, ce fin Parisien, les rares conditions dans lesquelles se peut goûter pleinement la joie de l'existence rustique. M. Uzanne fait l'effet, dans ce coquet Miroir du monde, d'une sorte de Montaigne en habit noir, infiniment moins rude que l'autre, mais aimant, comme lui, à poser sa tête sur l'oreiller du doute. Il y a là, entre autres, un tout à fait aimable chapitre sur l'histoire de l'amour et ses métamorphoses, - l’Évangile selon saint Cupidon !

Paul Ginisty
14 décembre 1887
in L'Année littéraire (1887)


Nous avons consacré plusieurs articles au Miroir du monde d'Octave Uzanne, vous pouvez les retrouvez en cliquant ICI.

jeudi 18 décembre 2014

Lettre de Joseph Uzanne à Laurent Tailhade (12 juillet 1884)



Lettre de Joseph Uzanne à Laurent Tailhade (*)


Paris 12 juillet [1884] (**)

Mon cher monsieur

J'ai été absent de Paris pendant un long mois, depuis que je n'ai eu le plaisir de vous voir. De là le retard à vous donner signe de vie.
Excuses et regrets !
Je n'ai pu, malgré mon désir, encager, comme je le voulais, votre charmant ourson (***) dans le premier n° de ma publication théâtrale et romancière (****). Nous prendrons une revanche cet hiver.
Je vous adresse un de mes derniers derniers exemplaires dudit.
Je pars ce soir pour fuir les fêtes populo-démocratiques du 14.
Nous nous verrons autour du 16 courant. Mille amitiés et à vous
Bien cordialement.

J. Uzanne.             168 Bd St Germain


(*) Cette lettre nous a été communiquée par Jean-David Jumeau-Lafond, historien de l'art. Elle est adressée à Laurent Tailhade, Hôtel Foyot, Rue de Tournon, au coin de la rue de Vaugirard. En 1884 Laurent Tailhade a 30 ans et est encore peu connu dans le monde des lettres. Il avait publié un premier recueil de poésies en 1880 (le Jardin des Rêves, chez Alphonse Lemerre). C'est son recueil Au pays du mufle qui le fera connaître vraiment en 1891. Octave Uzanne a écrit un article sur Laurent Tailhade que vous pouvez consulter ICI.
(**) Nous savons l'année de rédaction de cette lettre par l'enveloppe qui a été conservée.
(***) Un ours, en argot littéraire, est une oeuvre littéraire quelconque, plusieurs fois refusée et enfin acceptée. On supposera qu'un ourson est une petite oeuvre littéraire du même genre.
(****) Nous n'avons pas encore retrouvé de quelle revue naissante sur le théâtre et les romans il pouvait s'agir.

mercredi 17 décembre 2014

Octave Uzanne directeur artistique chez Albert Quantin (1889).

   
Achevé d'imprimer de
Un cas de rupture (1892)
par Alexandre Dumas,
Illustrations d'Eugène Courboin,
Direction Artistique Octave Uzanne
      Nous avons publié il y a quelques jours seulement une lettre du peintre-illustrateur Georges Cain à Octave Uzanne dans laquelle on apprend que ce dernier prend la direction de l'illustration de la collection des Chefs d'oeuvre du roman contemporain publiée par l'imprimeur-éditeur Albert Quantin. La lettre n'étant pas datée nous ne pouvions savoir avec précision à partir de quand Octave Uzanne avait pris la direction de cette collection qui s'étala entre 1885 et 1889.
      La lecture attentive du catalogue des livres contemporains d'un écrivain bibliophile (vente Octave Uzanne des 2 et 3 mars 1894) nous en apprend un peu plus.
      Le n°393. SAND (G.). La Mare au Diable, donne l'occasion à Octave Uzanne de préciser un peu les choses. Il écrit à propos de cet exemplaire tiré sur papier du Japon auquel on a ajouté les pièces suivantes : Frontispice (en 5 états), y compris le croquis original de Rudaux. Fleuron de titre (tirage à part en 3 états). Portrait de G. Sand, gravé par Desmadrye, d'après A. Charpentier. 9 lettres autographes de Rudaux (dont 2 avec croquis originaux). Vignette (tirage à part en 4 états, y compris le croquis original). Figures hors texte (en 5 états), y compris les croquis originaux. Cul-de-lampe (tirage à part en 4 états, y compris le croquis original).
      Octave Uzanne commente ainsi cet exemplaire unique : "Exemplaire absolument hors ligne et unique de ce livre, dont le Bibliophile dirigea l'illustration, ce qui lui permit de réunir en un même ouvrage tant de documents, dessins et pièces gravées en états extraordinaires."
      On sait donc désormais qu'Octave Uzanne dirigea l'illustration de ce livre, un des derniers de la collection, avec le Gerfaut de Charles de Bernard (1889). Octave Uzanne dirigea-t-il également cette illustration ? Nous ne savons pas. Octave Uzanne dirigea-t-il Georges Cain pour l'illustration de la Cousine Bette de Balzac parue l'année précédente ? Nous ne savons pas.
      Ce qui est certain, c'est qu'il ne semble pas diriger la collection en 1885 à la parution du Père Goriot de Balzac (n°12 de son catalogue), sans quoi il n'aurait pas manqué de le signaler. Le doute reste cependant permit puisqu'il précise dans cette notice : "Exemplaire tiré sur papier du Japon, contenant 2 suites des planches et auquel on a joint une superbe aquarelle originale de A. Lynch, primitivement destinée à cet ouvrage et qui n'a pas été gravée." Si Uzanne ne dirigeait pas l'illustration, il se tenait non loin du travail de l'artiste (A. Lynch) avec lequel il était par ailleurs en relation pour ses ouvrages Son Altesse la Femme et La Française du Siècle qui allaient paraître successivement au même moment.
      Octave Uzanne possédait de la même façon un exemplaire de Madame Bovary de Flaubert (n°171 de son catalogue) sur Japon avec états et dessin original de Rudnicki. Ce livre fut publié en 1885 également. Idem pour Germinie Lacerteux des Goncourt (n°206 - publié en 1886). Idem pour Mauprat de George Sand (n°392 - publié en 1886).
      
     
Épreuve photographique d'essai
Papier albuminé.
Notes de correction pour Un cas de rupture
d'Alexandre Dumas fils,
Paris, A. Quantin, 1892
Octave Uzanne directeur artistique
Coll. B. H.-R.
A la lecture de ce même catalogue de la vente de mars 1894 on apprend encore qu'Octave Uzanne dirigea l'édition d'un autre ouvrage publié chez A. Quantin à la même époque : Cinq-Mars ou une Conjuration sous Louis XIII, par Alfred de Vignt (Paris, Quantin, 1889). A propos de cet ouvrage, il écrit : "Exemplaire tiré sur papier du Japon et orné par le Bibliophile, qui dirigea cette édition d'art, d'une grande quantité de pièces importantes (la liste des pièces ajoutées est détaillée au catalogue)."
      On sait par ailleurs qu'il dirigea également en 1892 la publication d'Un cas de rupture d'Alexandre Dumas fils, illustré par Eugène Courboin. On trouve imprimé le nom d'Octave Uzanne au colophon en tant que directeur artistique.
      Voilà ce que nous savons à cette heure au sujet de cette direction artistique chez A. Quantin. Octave Uzanne était directeur de la revue bibliographique Le Livre de 1880 à 1889. Il cumula donc les fonctions de directeur de revue et de directeur (artistique) de collection au moins la dernière année 1889, très probablement plus tôt, dès 1888 ou 1887. Nous ne doutons pas qu'il fut payé pour ces fonctions. A ce jour aucun document comptable ou lettre ne permet de savoir à quel niveau de rémunération il parvint à cette période de sa vie. On supposera cependant des revenus confortables qui lui permirent de décrocher de ces fonctions à la fin de l'année 1889 pour fonder sa propre revue Le Livre Moderne (1890-1891), puis L'Art et l'Idée (1892).
      Il s'agit là de la période la plus féconde d'Octave Uzanne. A la fin de 1892 il prendra la décision de lever le pied et voyager. On sait cependant qu'il ne s'arrêtera pas dans ses activités d'éditions bibliophiliques et que son activité de journaliste prendra alors un essor qui ne se démentira jamais jusqu'à sa mort en 1931.

A suivre ...



Bertrand Hugonnard-Roche


Montage d'essai
Héliogravure et collage partie typographique
pour Un cas de rupture
d'Alexandre Dumas fils,
Paris, A. Quantin, 1892
Octave Uzanne directeur artistique
Coll. B. H.-R.

samedi 13 décembre 2014

Après les enchères ou Manifeste pour une Bibliophilie Moderniste, par Octave Uzanne. Texte réservé aux exemplaires de luxe du Catalogue de Quelques-uns des Livres Contemporains en exemplaires choisis, curieux ou uniques tirés de la Bibliothèque d'un écrivain et bibliophile parisien [Octave Uzanne]. 2 et 3 mars 1894.


Nous avons déjà parlé de la première vente des livres choisis dans la bibliothèque d'Octave Uzanne. Le catalogue édité à l'occasion de cette vente des 2 et 3 mars 1894 a été entièrement rédigé par le Bibliophile Uzanne. Il s'ouvre sur un manifeste intitulé "A tous ceux qui recherchent la raison des choses - Simple déclaration", quelques pages bien senties dans lesquelles il exprime son souhait de se défaire d'une partie de ses livres, les plus chéris d'entre tous. « Les livres sont des amis qui ne changent jamais, écrit-il, cependant l’homme le mieux assujetti à l’affection de ces constants camarades, le névrosé de ce siècle surtout, est parfois amené à trahir ces fidèles conseillers et à les abandonner par sagesse ou par folie, à les répudier par excès d’amour ou par raison d’état… d’âme, par prévoyance ou par stoïcisme et c’est un peu, beaucoup, le cas du renégat qui livre, avant sa mort, à leur destinée quelques-uns des plus proches et des plus somptueux familiers de son cabinet d’étude. » Uzanne se déclare bibliophile sans héritier. Il ne voulait pas laisser aux hasards d’après sa mort la dispersion de ces livres-là. Il souhaitait « connaître les protecteurs futurs de ses aimés, suivre leur destinée, juger de leurs transformations, pouvoir encore, par la suite, contempler chez autrui. (…) les marier de son vivant à quelques honnêtes gens qui auraient volontiers bibliothèque ouverte pour le « beau-papa » discret toutefois comme il convient pendant la lune de miel de ses biblio-gendres. ». Uzanne n’est pas préoccupé par la destinée future des six mille cinq cent ouvrages restant. Il s’interroge même sur un « vague et inquiétant narcissisme bibliophilesque » qu’il aurait contracté durant ces quinze dernières années passées à « se mirer vaniteusement dans ses œuvres. ». Il achève la présentation de ses « aimés » par ces mots que l’on sent vibrants de sincérité et d’une émotion réelle : « Allez maintenant, chers livres, Amis de quinze années heureuses et laborieuses, allez aux vendeurs, (…) Le Bibliophile qui vous accueillit, vous vêtit, vous fêta, vous voit partir, en ce moment suprême, avec douleur et intérêt ; il lui semble que sa sollicitude à votre égard sera désormais moins empoisonnée par la crainte du lendemain, et si, comme il l’espère, vous tombez entre des mains honnêtes, frémissantes d’une passion sincère, si la fortune vous protège et vous établit décemment, il pourra s’écrier, après l’heureux dénouement comme les pères sacrifiés et déjà vieillots, des anciens mélodrames : Et maintenant, mes chers enfants, je suis tranquille, je puis mourir… sinon recommencer ! ».
Ce dont nous n'avions pas encore parlé ici, c'est le manifeste pour une bibliophilie moderniste qu'on trouve relié à la suite des rares exemplaires de luxe de ce même catalogue. Nous avons eu la chance de pouvoir en prendre connaissance grâce à l'amabilité d'un collectionneur. Ce dernier possède un exemplaire sur vieux Japon tiré à 25 exemplaires seulement. Dans cet exemplaire les pages 187 à 192 sont occupées par un chapitre intitulé "Après les enchères". Ce texte non signé mais sorti tout droit de la plume acide d'Octave Uzanne, dresse un bilan rapide de cette vente qui fit du bruit. Ce texte éclaire en tous points la bibliophilie qu'il souhaite voir s'établir alors dans les rangs d'amateurs souvent désorientés ou encore empreints des habitudes rétrogrades du second Empire. Voici le texte dans son intégralité. Il faut le prendre tel un manifeste puissant qui corrobore la devise imprimée à la fin de son catalogue : TOUT AUX MODERNES !

Bertrand Hugonnard-Roche



APRÈS LES ENCHÈRES

     
La vente du Bibliophile Écrivain a produit, pour la première vacation, la somme de 14.876 francs, et de 22.807 pour la seconde vacation; au total : 37.683. Si l'on tient compte des dessins originaux, de la Dame aux Camélias, par Albert Lynch, qui avaient clé ajoutés et formaient le n° 156 bis (ces dessins ayant été retirés des enchères et vendus par la suite à l'amiable), le résultat d'ensemble dépasse 40.000 francs.

      Le Bibliophile était, il l'avoue, fort loin de s'attendre à un chiffre aussi élevé pour 474 numéros d'ouvrages exclusivement contemporains, dont la majeure partie était composée de livres par lui possédés en double, et dont il s'est plu à conserver les exemplaires les plus simples ou les plus modestement reliés en sa bibliothèque, dont aucun rayon ne semble avoir été vraiment bouleversé par cet appel d'aristocrates condamnés à l'émigration de l'Hôtel Drouot.

      Cette petite vente aura été toutefois l'événement bibliophilique de la fin de février 1894. Elle suscita bien des fureurs et bien des commérages dans le clan des réactionnaires du bouquin, et jamais l'art du débinage n'a peut-être fleuri avec plus de véhémence autour d'une collection de livres et d'un catalogue de bibliophile indépendant et par conséquent très discuté. Il y eut même quelques mornes articles écrits par d'obscurs et déjà vieux critiques bibliographes en style de pions désillusionnés et qui essayèrent, en des feuilles agonisantes, des sous-entendus d'une ironie amorphe et d'un esprit diabétique.

      Beaucoup de ces traditionnaires s'indignèrent à l'idée qu'on put priser de tels ouvrages contemporains, enrichis de dessins, d'autographes, d'épreuves diverses, de documents inédits et vêtus par des relieurs encore sans grand renom. On « bêcha » ferme l'ordonnance des livres, leur décoration, leurs reliures, et parmi les libraires, ceux-là même qui, étant « commissionnés », devaient les pousser, durant les enchères, au plus haut prix, semblèrent, avant la vente, les plus acharnés.

      Il faut rendre toutefois justice aux libraires de Paris et dire que, sous la conduite du marteau d'ivoire, ils marchèrent résolument.

      Parmi les amateurs, beaucoup de curiosité, mais non moins de réserve ; c'est à qui ne se prononcerait pas avant le résultat de la bataille. De la défiance, comme on en rencontre toujours devant des choses originales et non encore adoptées par l'usage et consacrées par la mode.

      Les uns criaient : « Allez voir les livres de Lignerolles ! voilà de la bibliophilie ! » Ce qui est à peu près aussi contraire à toute raison que de renvoyer les lecteurs de Maupassant, de Zola, de Richepin, de Bourget ou du Bibliophile lui-même à Montaigne, à Bossuet, à Descartes, à Ronsard ou à Bonaventure des Perriers.

      Il n'y a pas à ouvrir les yeux à ces aveugles pour qui l'art, le goût et la littérature en France semblent avoir disparu depuis la fin du dernier siècle, et qui se refusent à admettre que tout se transforme et se renouvelle, que c'est une loi nécessaire à la vie, et qui régit éternellement l'histoire des civilisations.

      Les livres du Bibliophile qui apparaissaient comme des livres ultra-contemporains, des livres révolutionnaires en quelque sorte, n'avaient pas à être comparés aux collections du millionnaire de Lignerolles, tous classiques, somptueusement corrects, chefs-d'oeuvre respectés par le temps et honorés par l'admiration et les marques de possession d'une série de générations.

      La modeste série d'ouvrages provenant de l'officine autant que du cabinet d'un chercheur de nouveau, d'un abstracteur d'art moderne, d'un bibliophile qui serait volontiers iconoclaste par amour des styles originaux, ne pouvait être placée en parallèle avec la collection d'un amateur richissime qui n'eut que la peine et le flair d'acquérir des ouvrages rares, impeccables, de bonne édition et d'illustre provenance.

      D'autres clamaient : « Peut-on vendre des livres donnés, porteurs d'ex-dono, munis de lettres autographes intimes ? » — Grand grief pour beaucoup ! — A ceci que répondre, sinon que si le critique d'art est moralement libre de disperser les tableaux dont certains peintres ont cru devoir lui faire hommage en remerciement de ses articles, à plus juste titre, le bibliographe ne saurait conserver tous les exemplaires dont il est assailli sous peine d'exproprier tous ses voisins et de faire concurrence à la Bibliothèque Nationale. A une époque où les éditions se succèdent, où il paraît cent volumes par semaine, où tout bibliophile a la folie de donner l'hospitalité à trois ou quatre exemplaires d'un même ouvrage sous divers formats et éditions, il est nécessaire de prendre parti et de pousser courageusement dehors les intrus, les inutiles, ceux qui n'ont jamais plu et ceux qui ont cessé de plaire et qu'on ne relira plus?

      Quant aux lettres additionnelles, lorsque le tact et la discrétion président à leur insertion dans l'ouvrage auquel elles se rapportent, non seulement leur addition au volume n'est pas blâmable, mais encore doit-elle être encouragée par tous ceux qui ne sont pas des bibliophiles indifférents et passifs. La lettre d'auteur ou d'illustrateur renseigne les curieux graphologiquement, littérairement ou artistiquement sur mille particularités morales du signataire. C'est un document de premier ordre qui se trouve ici à sa vraie place, et mieux encadrée que dans le dossier d'un marchand d'autographes. Or, le Bibliophile n'a livré dans sa vente que des lettres qui étaient comme les complémentaires des volumes qu'elles illustraient sans jamais donner libre cours à des épîtres intimes ou confidentielles. C'est un point important sur lequel il était urgent d'insister.

      La quinzaine qui précéda cette vente aura permis au Bibliophile qui s'en félicite, de faire d'esprit paisible et de belle humeur une de ces études d'humanité qui doivent si souvent être cruelles pour certains vaincus de la vie qui n'ont pas la réaction philosophique qui donne l'assurance de réaliser sans besoins directs ni prévus.

      Ah ! les délicieuses mines contrites ! les allures hypocrites et gênées, les interrogations à la fois craintives et insinuantes, les coups d'oeil furtifs, désireux de surprendre une détresse sur le visage du vendeur, les compliments de vagues condoléances !... Combien tout cela est gai, curieux, plein d'enseignement, pour qui aime à regarder ici-bas les éternelles lâchetés de la comédie sociale. Aux riches qui s'ennuient et s'affadissent dans le bien-être et l'optimisme il faudrait conseiller de prendre tout à coup héroïquement le masque de la débine ou des revers financiers, ils cesseraient alors de s'abîmer dans la monotonie des hommages et des empressements, pour jouir sans réserve des pitoyables changements de front des familiers et autres pantins mielleux de leur entourage.

      Cette postface est déjà longue, à quoi bon Schopenhaueriser davantage au lendemain du succès. Ce succès a été considérable, et comme ici-bas rien ne réussit comme le succès, n'insistons pas davantage sur une vente qui sera tôt reléguée dans l'oubli.

      Publions la liste des prix de l'adjudication, en constatant de quelle médiocre façon ce catalogue, que nous rêvions si coquet, fut imprimé, et semé clé coquilles et de défauts, au grand désespoir du Bibliophile habitué jusqu'ici à des typographies plus soignées, à des textes mieux expurgés.

[OCTAVE UZANNE]


mardi 9 décembre 2014

Lettre du peintre Georges Cain (1856-1919) à Octave Uzanne (vers 1887). "Voulez vous que je vienne chez vous ou préférez vous venir à mon atelier. J'aurais, là, le grand plaisir de vous montrer avec pas mal d’œuvres en train une foule de beaux bibelots qui vous intéresseraient certainement [...]"

     
 
Lettre autographe
du peintre Georges Cain
à Octave Uzanne (vers 1887)
Jolie lettre ornée d'une "pensée" à
l'aquarelle par l'artiste.
Voici une lettre retrouvée récemment du peintre Georges Cain (1856-1919) à Octave Uzanne. Dans cette courte mais néanmoins intéressante lettre, on apprend qu'Octave Uzanne a été nommé directeur de l'illustration pour la collection des Chefs d'oeuvre du Roman contemporain imprimée par Quantin entre 1885 et 1889. Jusqu'à ce jour nous n'avions pas connaissance de cette information.

      On y apprend par ailleurs que Georges Cain souhaite illustrer Mademoiselle de La Seiglière de Jules Sandeau pour cette collection bibliophilique dont les exemplaires étaient vendus 25 francs. Mademoiselle de La Seiglière ne parut jamais, comme le laisse entendre Georges Cain à Octave Uzanne dans cette lettre.
      Cependant, en 1888, c'est La Cousine Bette d'Honoré de Balzac qu'illustre Georges Cain.
      Bien que la lettre ne soit pas datée, on peut donc supposer qu'elle date de l'année 1887, année qui précède la collaboration de Georges Cain à cette collection.
      On apprend encore que Georges Cain est bien informé de la passion bibelotière d'Octave Uzanne et il le tente en lui proposant un rendez-vous dans son atelier rempli de bibelots. Uzanne s'est-il rendu chez G. Cain ou bien a-t-il reçu l'artiste au 7 de la rue Saint-Benoît (Maison Quantin) ? Nous ne savons pas.
      On notera, en haut à droite de la lettre, l'écriture d'Octave Uzanne qui note toujours le nom de l'expéditeur au crayon sur les courriers qu'il reçoit. Ici : Cain (g.).
      
Bertrand Hugonnard-Roche


* *
* *

Lettre de Georges Cain à Octave Uzanne. 111 rue Lafayette, sans date [après 1885, avant 1889, probablement 1887]

      Monsieur,

      Un mot de monsieur May (1) me dit que c'est vous qui avez maintenant la direction de l'illustration des Chefs d'Oeuvre du Roman Contemporain (2).
      J'ai demandé à illustrer Mlle de La Seiglière (3). Monsieur May croit bien que ce roman ne sera pas publié et me prie de m'entendre avec vous.
      Comme je suis très désireux de travailler à cette publication  et d'y travailler avec du temps devant moi, je serais heureux monsieur, d'en causer avec vous dont j'ai pu apprécier le goût si sur dans vos beaux volumes de l'Eventail, l'Ombrelle etc.
      Je viens donc vous demander un rendez-vous.
      Voulez vous que je vienne chez vous ou préférez vous venir à mon atelier. J'aurais, là, le grand plaisir de vous montrer avec pas mal d’œuvres en train une foule de beaux bibelots qui vous intéresseraient certainement (4). Je suis à votre disposition.
      Recevez je vous prie, monsieur, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.

      Georges Cain (5)

(1) L. Henry May, associé à Claude Motteroz, reprend la direction de l'imprimerie Albert Quantin vers 1889. Le Miroir du Monde d'Octave Uzanne a été achevé d'imprimer le 7 novembre 1887 par la Maison Quantin. Le Paroissien du Célibataire d'Octave Uzanne a été achevé d'imprimer le 10 décembre 1890 par l'ancienne Maison Quantin (mêmes locaux au 7, rue St-Benoït), May et Motteroz directeurs.
(2) Les Chefs d’œuvres du Roman Contemporain est une collection de luxe publié par Quantin puis May et Motteroz et qui comporte les 12 titres suivants : Gustave Flauvert, Madame Bovary, Paris, A. Quantin, 1885, illustrations de Albert Fourié ; Ed. et J. de Goncourt, Germinie Lacerteux, Paris, A. Quantin, 1886, illustrations de Jeanniot ; George Sand, La Mare au Diable, Paris, A. Quantin, 1889, illustrations de Edmond Rudaux ; Octave Feuillet, Monsieur de Camors, Paris, A. Quantin, 1885, illustrations de S. Rejchan ; H. de Balzac, Le Père Goriot, Paris A. Quantin, 1885, illustrations d'A. Lynch ; George Sand, Mauprat, Paris, A. Quantin, 1886, illustration de J. Le Blant (4e volume de la série) ; Jules Clarétie, Monsieur le Ministre, Paris, A. Quantin, 1886, illustrations d'Adrien Marie ; Gustave Flaubert, Salammbô, Paris, A. Quantin, 1887, illustrations de V. Poirson ; A. de Lamartine, Raphaël, Paris, A. Quantin, 1887, illustrations d'Ad. Sandoz ; H. de Balzac, La Cousine Bette, Paris, A. Quantin, 1888, illustrations de Georges Cain ; Alphonse Daudet, Sapho, Paris, A. A. Quantin, 1888,  illustrations de Rejchan ; Charles de Bernard, Gerfaut, Paris, A. Quantin, 1889, illustrations d'Adolphe Weisz.
(3) Par Jules Sandeau. Publié pour la première fois en 1847.
(4) La marotte bibelotière d'Octave Uzanne était alors connue de Georges Cain. Sans doute d'ailleurs cette marotte était-elle connue du tout Paris de l'époque.
(5) Georges Cain est né le 16 avril 1856 à Paris et est mort dans la même ville le 4 mars 1919. Peintre, illustrateur et écrivain français, il a puisé son inspiration dans l'histoire de Paris, de ses théâtres et de ses monuments. Il a été conservateur du musée Carnavalet de 1897 à 1919.

vendredi 28 novembre 2014

Octave Uzanne admirateur sans condition du Vice Suprême de Joséphin Péladan (1884). " [...] je suis charmé, émerveillé, réconforté par votre œuvre mâle, débordante d’un talent fier basé sur la plus profonde érudition et brillant par le style le plus chaud et le plus coloré dont je vous félicite d’être le virtuose. [...]"


En décembre 2013, nous nous interrogions : « Il est curieux de constater qu'il manquait à Uzanne un exemplaire du Vice suprême, publié par Chamuel en 1884. L'a-t-il conservé ? Ou ne connaissait-il pas encore le Sâr Péladan en 1884 ? »

Avec la lettre que nous dévoile pour la première fois Jean-David Jumeau-Lafond, nous avons désormais une réponse. Nous avons même là un témoignage d’admiration sans condition de l’œuvre naissante de Péladan.

La publication de cette lettre vous donne l’occasion de lire ou relire les deux articles déjà publiés concernant Péladan :

- Opinion d'Octave Uzanne sur le Sâr Joséphin Péladan et son oeuvre (février 1894)

- Octave Uzanne commente le nouveau roman du Sâr Joséphin Péladan : A coeur perdu (1888) in Le Livre, livraison du 10 mai 1888.


Bertrand Hugonnard-Roche

* *
*

Copie d'une lettre d'Octave Uzanne
à Joséphin Péladan
[Papier à en-tête du Livre.] Paris, le 27 octobre 1884 (*)

Mon cher Monsieur, (**)

Je viens de terminer votre vice suprême, contre lequel, je ne sais pourquoi, je nourrissais dès les premiers jours de sa réception de vagues soupçons, de ceux qu’on éprouve en parcourant un livre de ci de là, avec le nonchaloir ou la sottise d’une femme qui cherche à amorcer sa curiosité, ou plutôt avec le profond écœurement d’un critique encombré par la vase montante des grotesques romans de ce temps, qui ont la fadeur du bouillon de veau et la       désespérante platitude du « Panmuflisme » contemporain.

Ores, je suis charmé, émerveillé, réconforté par votre œuvre mâle, débordante d’un talent fier basé sur la plus profonde érudition et brillant par le style le plus chaud et le plus coloré dont je vous félicite d’être le virtuose.

Ne vous connaîtrais-je point que je vous écrirais encore – Merci, car votre livre me met en appétit [mots illisibles] votre décadence latine n’est point complète, et que le roman aura encore de belles envollées dans le domaine du beau – Vous êtes dans la belle tradition française de Balzac et de Frédéric Soulié et votre livre puissant m’a donné des sensations que je croyais avoir oubliées depuis la lecture des Mémoires du Diable, œuvre sans grand style peut-être, ce qu’on ne peut point dire de la votre, mais œuvre humaine entre toutes et qui remue plus d’idées que tout le fatras romancier des Zola, des de Goncourt et des Daudet.

J’eusse désiré, si j’en avais eu le loisir, analyser longuement votre vice suprême dans le Livre mais j’ai dernièrement excursionné de côté et d’autres et j’ai du confier votre ouvrage à un de mes collaborateurs pour que le compte rendu puisse paraître en novembre prochain.
Croyez, cher Monsieur, à ma plus vive sympathie littéraire, et trouvez ici l’expression admirative que m’inspire votre héros Merodack.

Octave Uzanne (***)
72 bis Rue Bonaparte –

(*) Cette lettre autographe d’Octave Uzanne à Joséphin Péladan a été copiée sur l’original il y a de longues années. La trace de l’original s’est perdue. Cette transcription a été faite sur une photocopie que nous a aimablement fournie M. Jean-David Jumeau-Lafond, historien de l’art.

(**) Octave Uzanne possédait les premiers ouvrage du Sâr Péladan : La Décadence latine (1886) -Curieuse ! (1886) - L'initiation sentimentale (1887) -Istar (1888) - La Victoire du Mari (1889) - Cœur en peine (1890) - L'Androgyne (1891) - La Ginandre(1891) - Typhonia (1892). 9 volumes in-12, tous brochés. Exemplaires avec envois autographes du Sâr, à l'encre verte, d'allure originale et kabbalistique, précise Uzanne. L'ensemble a été vendu 47 francs.

(***) « Les romans de Péladan, frontispicés par de véritables artistes, resteront marqués d'originalité et seront longtemps sympathiques aux néo-bibliophiles. Quoi qu'on puisse penser du Sâr et de son esthétique, son talent d'écrivain reste indéniable et ses fictions sont toujours nobles, élevées, dégagées des bassesses et des ordures naturalistes. Au milieu de son oeuvre évidemment trop touffue, des pages superbes apparaissent, des conceptions grandioses se dégagent. Parfois la phrase du mage atteint au mystère et s'égare dans un impénétrable occultisme, mais elle ne traîne jamais, il faut le dire, dans la fange ou la vulgarité. La postérité sera clémente à ce laborieux. Elle oubliera les excentricités de l'homme pour ne se souvenir que de l'oeuvre vaillamment accomplie dans la constante recherche du rare et du beau, toujours au-dessus du banal. Le cri de guerre du Sâr : Ohé ! les races latines ! n'a rien en soi de si fol. - Ces pauvres races sont bien vieillottes, bien exténuées, bien calamiteuses sur le fumier des âges où elles expirent avec l'orgueil des vieilles coquettes qui prétendent ne jamais déchoir. » in Octave Uzanne, Livres contemporains d'un écrivain bibliophile, (n°331 du catalogue de la vente d'une partie de la bibliothèque Octave Uzanne), Paris, Durel, 2 et 3 mars 1894

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