vendredi 30 mars 2012

Prospectus et réclame pour les Zigzags d'un curieux d'Octave Uzanne (1888). Exemplaire offert par l'auteur à l'illustrateur Adolphe Giraldon.

Supplément publicitaire à la livraison du Livre (10 mai 1888).


Couverture imprimée or sur papier maroquiné noir pour les Zigzags d'un curieux (1888).


Page de titre.


La revue Le Livre recèle de petites pépites qu'on ne trouve pas à tous les coups. Je veux dire qu'il faut pour cela détenir les exemplaires des livraisons, brochées, restées intactes. En effet, à la fin de chaque livraison de cette admirable revue parue de 1880 à 1889, et dont nous avons déjà traité ici partiellement, on trouve quelques feuillets de papier mince, rose, parfois jaune ou crème, feuillets destinés à la réclame et autres publicités diverses et variées. Tarifs des lignes de chemin de fer, prospectus d'ouvrages parus ou à paraître, catalogue de livres d'étrennes, etc. Ces feuillets sont fragiles, souvent ils ont été détachés ou perdus, le plus souvent ils n'ont pas été conservés à la reliure. On ne les trouve donc pour ainsi dire que dans les exemplaires en livraisons et brochés.

C'est ainsi à la fin de la cinquième livraison de la 9e année (10 mai 1888) qu'on trouve un feuillet rose dont le recto est entièrement consacré à la réclame des Zigzags d'un curieux par Octave Uzanne (voir photo ci-dessus) : Zigzags d'un curieux, causerie sur l'art des livres et la littérature d'art. Ce volume de format in-18 jésus de 300 pages est orné d'un très joli et très étrange frontispice gravé à l'eau-forte par Félix Buhot (*). Le tirage est de 1.000 exemplaires sur vergé de Hollande et de 65 exemplaires de luxe (30 Whatman, 30 Japon et 5 Chine). Je vous laisse lire le papier rose qui donne tous les détails sur cet ouvrage.

L'exemplaire prit pour exemple ici est celui d'Adolphe Giraldon (**), génial illustrateur, ami de l'auteur. Vous pouvez voir ci-contre l'envoi d'Octave Uzanne à "son excellent ami" Giraldon, en souvenir de "vieille camaraderie". L'exemplaire a été relié pour Adolphe Giraldon avec son chiffre au bas du dos de la reliure (demi-chagrin lie de vin).

Bertrand Hugonnard-Roche




(*) Félix Hilaire Buhot est né à Valognes le 9 juillet 1847 et mort à Paris le 26 avril 1898, c'est un peintre, aquafortiste et illustrateur, entre autres, des œuvres de Barbey d'Aurevilly. Buhot participe pleinement du renouveau de l'eau-forte au xixe aux côtés, notamment de Félix Bracquemont ou encore Charles Jacque. Les eaux-fortes de Buhot sont célèbres pour leurs marges dites « symphoniques » (aux côtés du sujet central, l'artiste réalise dans les marges des ajouts - on parle aussi de « remarques » - parfois très détaillés). Buhot signe ses œuvres au moyen du monogramme « FB » qui apparaît parfois inversé. Il signe parfois aussi d'un hibou (« Buhot » en espagnol). Une exposition lui a été consacré le 15 février 1888 à New-York.


(**) Adolphe Giraldon (1855-1933) est un artiste-peintre, illustrateur et décorateur français. Il a également conçu de nombreux décors de reliures industrielles ou pour des amateurs. Son style typique de l'Art nouveau est très reconnaissable.

mardi 27 mars 2012

Papier à en-tête pour les Bibliophiles contemporains (5 novembre 1893), quel artiste ?


Un ami libraire m'a offert aujourd'hui deux documents très intéressants pour qui, comme moi, essaye de comprendre le cheminement du travail d'Octave Uzanne au fil des années. Qu'il en soit vivement remercié. Un des deux documents est un courrier imprimé adressé aux membres de la Société des Bibliophiles contemporains servant de convocation pour l'assemblée générale annuelle des sociétaires. Cette assemblée, comme il est indiqué aura lieu au restaurant Marguery, boulevard Bonne-Nouvelle (théâtre du Gymnase), le mardi 28 novembre 1893, à neuf heure précises, immédiatement après le dîner fixé à sept heures précises, au prix de 15 francs. Le courrier fixe ensemble quelques points importants de la réunion comme l'élection du comité (avec demande de prolongation des pouvoirs du Président fondateur [Octave Uzanne] pour une nouvelle année, l'examen et l'approbation des comptes, le rapport du secrétaire [Alfred Piat], un vote sur une nouvelle publication proposée pour l'exercice 1893-1894, la mise en adjudication de deux exemplaires uniques sur grand papier Whatman, l'un de l’Épave, l'autre d'Une partie de campagne, de Guy de Maupassant. Le premier enrichi de nombreuses aquarelles originales dans les marges par A. Lunois, le second, illustré en couleurs de dessins originaux et inédits de P. Dillon. Chacun de ces livres sera mis à prix 250 francs. Vient ensuite une missive plus personnelle du Président fondateur qui invite les membres discrets de la Société des Bibliophiles contemporains à venir assister à l'assemblée et au dîner. Le nombre des sociétaires reste de 160 mais il indique que 37 membres ont déjà été remplacé depuis la fondation en 1890. Il donne quelques détails sur la publication en cours [L'Effort par Edmond Haraucourt]. Il évoque le fait qu'il souhaitait laisser sa place de Président à un autre, mais que personne ne se présente. Il demande donc à être reconduit dans cette fonction encore une année. Enfin, il évoque une nouvelle publication encore en gestation Ballades dans Paris qui devrait être livré vers la fin de l'année 1894.

Amusant ephemera pour tout dire, devenu rare puisque par nature non destiné à être pieusement conservé.

Le plus amusant et le plus énigmatique dans ce courrier imprimé par les Librairies-Imprimeries réunies, c'est la jolie vignette (voir ci-dessus) qui orne l'en-tête de ce document. Inscrite dans un cercle, voici une belle composition gravée sur bois et probablement reproduite ici en photogravure. Elle a été spécialement dessinée pour les Bibliophiles contemporains. Elle n'est pas signée dans le dessin. Elle porte en caractères dans un cartouche en haut BIBLIOPHILES CONTEMPORAINS et la femme en partie dénudée placée au centre de la composition assurément symboliste porte un cartouche avec en petits caractères TOUJOURS DE L'AVANT. Quel artiste a dessiné cette charmante vignette pour les Bibliophiles contemporains ? Cela reste encore un mystère à percer.

Bertrand Hugonnard-Roche

lundi 26 mars 2012

Un exemplaire du Goethe et Diderot de Jules Barbey d'Aurevilly (1880) offert à Octave Uzanne. Compte rendu par Jean Richepin dans Le Livre (15 décembre 1880).

 Portrait photographique de Jules Barbey d'Aurevilly par Nadar.


C'est non pas Octave Uzanne mais Jean Richepin (*) qui rend compte du dernier ouvrage publié par le Connétable, Jules Barbey d'Aurevilly (**). Ce compte rendu est publié dans la douzième livraison de la première année de la revue bibliographique Le Livre dirigée par Octave Uzanne, en date du 15 décembre 1880. C'est un compte rendu sincère et révérencieux, que nous livre là l'auteur de la Chanson des Gueux.

"Le nouveau livre de M. J. Barbey d'Aurevilly porte en épigraphe ce simple mot : Iconoclaste. Et je ne sais pas, en effet, de plus rude briseur d'images, de plus vaillant renverseur d'idoles que ce Polyeucte de la critique catholique. Tout homme garde au fond du coeur un vieux tison de révolte et de diabolique athéisme, et M. d'Aurevilly, comme les autres, ce croyant ! Mais, l'ayant étouffé en matière religieuse, il le rallume d'autant plus furieusement en matière littéraire. C'est aux fétiches du Panthéon moderne qu'il est athée et qu'il pousse la torche au visage pour les regarder et pour les rôtir. Ne lui demandez pas de ployer le genou devant nos manitous les plus vénérés ! S'il le faisait jamais, ce ne serait que comme un maître d'armes qui ploie le jarret pour donner plus de détente à son coup d'estoc. Aujourd'hui, c'est contre le dieu Goethe et le demi-dieu Diderot qu'il tombe en garde. Un superbe assaut, palsambleu !
De Goethe, il ne laisse rien debout, ou peu s'en faut. En quelques rapides une-deux, le théâtre est d'abord percé de part en part. Boutonné, le Faust ! Boutonné et déboutonné. Et les boutons défaits, le dedans est montré vide. Flambergé, Goetz de Berlichingen, dont tous les personnages agissent "comme s'ils étaient montés sur roulettes". Passés au fil de l'analyse, un fil tranchant, les drames et les tragédies et les comédies ! Théâtre fait de pièces et de morceaux par un "Trublet colossal" et mis en morceaux par un railleur aussi acéré en son genre que celui qui a saigné à blanc le vrai Trublet. De Goethe dramaturge il ne reste que sa Marguerite "l'Allemagne" laquelle s'appelle de toutes sortes de noms, mais est solitaire dans le sérail de "ce pauvre sultan intellectuel".
Et après le théâtre, la poésie, et la philosophie, et le roman, et l'art, et les voyages, et la science, et tout Goethe enfin, sous ses aspects divers, est pris, retourné, vidé et trouvé creux. M. d'Aurevilly parle quelque part d'un souvenir d'amour emporté d'Italie par Goethe, "parmi les plâtres achetés comme un plâtre de plus", et il ajoute : "Ah ! plâtre toi-même, je te casserai !..." Et il le fait comme il le dit. Somme toute, le grand pontife de l'impossibilité se résume en ces trois mots : "Mesquinerie, égoïsme, bourgeoisisme." Et tout cela péremptoirement, avec des raisons que je ne puis abréger ici et qu'il faut lire. C'est vraiment un chef d'oeuvre d'iconoclastie.
J'avoue que j'ai pris plaisir à cette démolition d'un temple dont je n'ai jamais non plus été le dévot. J'ai dit aussi à l'occasion, mais d'une voix trop jeune, l'ennui que m'a toujours causé ce grand ennuyeux de Goethe. Mais il y a jouissance à l'entendre dire et crier par le pavillon de cette trompette d'or, qui sonne comme celles de Jéricho.
Les oreilles, par exemple, m'ont un peu tinté quand la fanfare s'est tournée vers Diderot. Ici, je ne suis plus tout à fait d'accord avec M. d'Aurevilly. Certes, le Diderot a été surfait par notre temps matérialiste, qui voit en lui un de ses aïeux. J'abandonne volontiers toute sa grosse besogne d'encyclopédiste, et ses romans aussi, et son théâtre surtout, contre lequel ce cuistre de La Harpe a eu un jour un mot spirirtuel : "C'est du La Chaussée moins la versification et le mélange de comique." Je vais même plus loin que l'iconoclaste, qui donne un coup de chapeau aux Salons. J'en trouve le style magistral, mais l'inspiration antiartistique. Diderot, par une inconséquence que loue M. d'Aurevilly, est idéaliste en sa critique d'art, et par là horripile quiconque entend la peinture picturalement. Mais passons ! Ce que je reproche surtout au briseur d'idoles, c'est de ne pas s'être arrêté, ne fût-ce que pour les jeter cul par-dessus tête devant le Neveu de Rameau. Il l'exécute d'une pichenette. Cela ne suffit pas. Pendant qu'il était en train d'athéisme à la religion moderne, je veux dire au matérialisme, voilà où il devait polyeucter le plus. Le Neveu de Rameau, c'est une des Bibles morales, ou immorales, mettons amorales (a privatif) de la philosophie du néant. Et par cela Diderot est grand sans conteste. En mal, soit ! Mais Satan aussi. On ne rive pas le clou du diable avec une épigramme en passant. Pour le coup, il faut reconnaître, l'adversaire n'a pas à crier "Touché !" La botte est à recommencer.
Mais M. d'Aurevilly la recommencera s'il le faut. Je ne suis pas en peine de lui. Il a toujours la plume en garde et ne demande qu'à plastronner avec les plus forts. Aussi ne lui gradé-je pas rancune du coup indiqué seulement, et non poussé à fond, sur le Diderot. Je m'en console en contemplant le Goethe, "cette gélatine figée" où vibre l'épée plantée en plein." Jean Richepin (pp. 359-360)

Goethe et Diderot, par J. Barbey d'Aurevilly. Paris, Dentu, 1880. 1 vol. in-18 jésus. - Prix : 3 fr. 50.

(*) Jean Richepin est né à Médéa (Algérie) le 4 février 1849 et mort à Paris le 12 décembre 1926. Ce poète turbulent, fils d'un médecin militaire originaire d'Ohis (Aisne), eut dans sa jeunesse une réputation de « fort en thème », ce qui lui permit de faire de brillantes études secondaires et d'intégrer l'École normale supérieure en 1868, avant d'obtenir une licence en lettres en 1870. Avec la guerre, il prend goût à l'aventure en s'engageant dans un corps de francs-tireurs et, faisant alors l'expérience de la liberté, il mène pendant quatre ans une vie d'errance, gagnant sa vie en s'engageant successivement comme journaliste, professeur, matelot, docker à Naples et à Bordeaux. En 1866, il découvre le quartier latin, où il se fait très vite remarquer par ses excentricités et fait la connaissance de Léon Bloy, Paul Bourget, Maurice Rollinat et surtout Raoul Ponchon qui deviendra son ami inséparable. Avec ce dernier et Maurice Bouchor, il fonde le Groupe des Vivants auquel viendra se rallier, plus tard, le poète Tancrède Martel. Fortement inspiré par les œuvres de Petrus Borel, Baudelaire et Jules Vallès, qu'il considérait comme le réfractaire par excellence, il se décide à rejeter le joug des conventions sociales et culturelles, à célébrer l'instinct. Vantant, non sans humour, sa force physique, sa virilité, sa prétendue hérédité bohémienne, il se crée une biographie imaginaire et riche en couleurs. En 1876, le grand public découvre soudain Richepin avec La Chanson des Gueux, qui vaut immédiatement à son auteur un procès pour outrage aux bonnes mœurs. Le livre est saisi, Richepin condamné à passer un mois de prison à Sainte-Pélagie, mais il était d'ores et déjà trop tard : il était célèbre. L'apparition du naturalisme lui fait découvrir, après sa libération, de nouveaux horizons, mais si, dans ses Caresses (1877), il emploie un langage cru, argotique, populaire, l'étalage de sensualité affectée, souvent grotesque ou vulgaire, laisse trop facilement transparaître son désir de scandaliser la bourgeoisie, ce qui vaut au recueil d'être considéré comme manquant de sincérité poétique. Le matérialisme grandiloquent et le nihilisme fanfaron des Blasphèmes (1884) lui valent le surnom de « Lucrèce de foire ». Dès 1873, il avait fait avec L'Etoile des débuts simultanés d'acteur et d'auteur de théâtre. Il paraît encore en 1883 aux côtés de Sarah Bernhardt dans le premier rôle de son drame, Noha-Sahib, qui se heurte à une semi-indifférence du public. Mais à force de persévérance, il connaît un véritable succès théâtral avec Le Chemineau en 1897. Il collabore de plus activement au Gil Blas et publie plusieurs romans très populaires, tels La Glu (1881) et Miarka, la fille à l'ourse (1883). Voyageur invétéré, on le voit souvent à Londres, ou parcourant des contrées plus ou moins éloignées, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, la Scandinavie, l'Afrique du Nord, où il ne cherche pas plus à rencontrer des personnalités littéraires que des espaces « exotiques », le grand air, le nouveau enfin. Le 5 mars 1908, suite au décès d'André Theuriet, son élection à l'Académie française, où il fut reçu par Maurice Barrès le 18 février 1909, consacra en quelque sorte une carrière de révolté que les honneurs avaient rendu inoffensif.
Jean Richepin écrivit jusqu'à la fin de sa vie. Il collabora à La Bonne chanson, Revue du foyer, littéraire et musicale, dirigée par Théodore Botrel et on vit paraître en 1922 et 1923 encore deux recueils de vers, Les Glas et Interludes.
Il s'était tout d'abord imposé par une remarquable truculence verbale. Il était d'un caractère violent, exalté et romantique, d'un romantisme dont il ne retint que la « parure », le pittoresque et surtout la recherche de mots nouveaux. C'était là ce que l'on pourrait appeler le « domaine » de Richepin, maître incontestable de son métier poétique et fort de sa culture de normalien lettré. Mais, victime de sa prodigieuse facilité à trouver des mots et des images, ce révolté n'est plus considéré de nos jours que comme un « très grand rhétoricien ».
Jean Richepin fut enterré à Pléneuf-Val-André, dans les Côtes-d'Armor, où il venait souvent passer des vacances dites bretonnes avec Raoul Ponchon, qui reposera à ses côtés en 1937.
Il habita le château des Trois-Fontaines à Montchauvet (Yvelines), et y fut élu maire de la commune le 19 mai 1912, mais ne sera pas réélu le 7 décembre 1919. « En réalité, vous vous foutez de tout, excepté de deux choses : jouir le plus possible et faire du bruit dans le monde. Vous êtes naturellement un cabotin, comme d'autres sont naturellement des magnanimes et des héros. Vous avez ça dans le sang. Votre rôle est d'épater le bourgeois. L'applaudissement, l'ignoble claque du public imbécile, voilà le pain quotidien qu'il faut à votre âme fière. » — Léon Bloy, Lettre à Paul Richepin (1877). On notera que Richepin collabora avec Uzanne à la revue Le Livre dès ses débuts. (Source Wikipedia).

(**) Jules Barbey d'Aurevilly a 72 ans lorsqu'il publie cet ouvrage de critique polémique. Il écrit à Miss Elysabeth, de Paris, le 17 août 1880 : "Ce n'est donc pas cela qui me retient à Paris. C'est le Goethe et Diderot que Dentu doit faire paraître au mois de septembre (...)." (Lettres intimes, éd. 1921). Barbey connaissait Uzanne de quelques années auparavant. Il avait notamment préfacé le Bric-à-Brac de l'amour du jeune Uzanne qui avait paru chez Ed. Rouveye le 5 décembre 1878. Barbey offre ici en témoignage de son amitié un exemplaire de ce livre à Uzanne. Sans doute pour en rendre compte dans la revue Le Livre nouvellement fondée au début de 1880. Quoi qu'il en soit, l'exemplaire offert, et que j'ai en mains, est resté broché (débroché devrais-je dire) et même non coupé, c'est à dire que Octave Uzanne n'a pas lu ce texte de Barbey dans cet exemplaire. C'est un exemplaire sur papier courant, il n'est pas fait mention de grands papiers. (voir photo pour l'envoi autographe de Barbey à O. Uzanne).

Bertrand Hugonnard-Roche

vendredi 23 mars 2012

Quand l'art du livre devient l'art des petites affiches. Envoi "Pour Octave Uzanne qui aime les belles couvertures de livres." Scaramouche de Maurice Lefèvre, couvertures lithographiées par Jules Chéret (1891).























Maurice Lefèvre publie son Scaramouche, conte suivi de l'argument du ballet, chez Paul Ollendorff à Paris, en 1891. Il offre alors un exemplaire (*) du tirage ordinaire à Octave Uzanne qui aime les belles couvertures de livres. Il avait été tiré de ce livres 10 exemplaires sur papier du Japon. C'est un volume de format in-8 (21 x 15 cm) de 64 pages illustrées dans le texte de jolies et humoristiques vignettes au trait imprimées en noir. Ce volume est surtout remarquable pour la couverture illustrée en couleurs par la lithographie par Jules Chéret. Jules Chéret ce grand spécialiste de l'affiche fin de siècle.

Octave Uzanne aimait les belles couvertures de livres ! et cela se savait ! Et ce n'est qu'en 1898 qu'il se décide finalement à donner son ouvrage majeur sur le sujet : L'Art dans la décoration extérieure des livres en France et à l'étranger - Les couvertures illusrtrées - Les cartonnages d'éditeur - La reliure d'art. Paris, Société Française d'Editions d'Art, L.-H. May, 1898 (**). Ce volume de format in-4 reproduit un très grand nombre de couvertures illustrées. Il semble que Uzanne ait apprécié cette belle couverture de Jules Cheret puisqu'il décide de la faire reproduire en camaïeu de violet à la page 29 de son ouvrage où Il écrit :




















"Le livre, comme la femme, est fait pour plaire et pour être orné, vêtu avec apparat de tous les attributs de l'art, il porte, avec aisance, avec bonheur, toutes les élégances, tous les luxes, toutes les décorations conçues et exécutées avec goût ; il est crée pour séduire le regard avant de charmer l'esprit ; c'est un compagnon, un ami qu'on ne saurait trop embellir et dont l'aspect doit être sympathique et souriant, dont l'abord doit inspirer un désir de relation, c'est pourquoi nos modernes esthètes accordent au livre et à la joliesse de son costume initial une si grande attention, le voulant de tout point parfait, joyeux d'apparence et fleuri de décor."






















Il insiste sur l'influence de l'affiche murale dans ce domaine : "L'imagination des artistes, qui, jusqu'alors, ne semblait appelée qu'à l'illustration courante des textes, s'est tout à coup dévouée à l'ornementation des couvertures-frontispices, à la mise en valeur et en lumière des titres, à la polychromie des enveloppes mobiles de nombreux ouvrages contemporains. La renaissance du goût, qui se manifesta dans l'expression de l'affiche murale, montra son influence salutaire dans les maisons d'édition ; le livre nouveau cesse d'apparaître en librairie sous un aspect morne, gris, monotone, purement typographique ; il se couvrit d'oeuvres d'art portées à l'effet, de chromo-typo ou chromo-lithographies éclatantes ; ce fut à qui imaginerait les plus pittoresques couvertures, et, parmi les maîtres du genre, Jules Chéret, Eugène Grasset, Luc-Olivier Merson, Myrbach, Adolphe Giraldon, Georges Fraipont, Caran d'Ache, Steinlen, Albert Guillaume, Lucien Métivet, A. Mucha, Bac, P. Verneuil, et tant d'autres, rivalisèrent, à l'aide de tous procédés graphiques, dans cette singulière course à l'originalité et à la synthèse expressive d'un roman, d'une monographie ou d'une étude historique. Cette évolution du livre broché vers la couleur, vers le symbole et la fougue du dessin devait nécessairement influencer la vision du public toujours assez lent à se familiariser avec de nouvelles formules graphiques auxquelles son oeil ne s'est point encore accoutumé. La concurrence formidable des livres, le nombre croissant des romanciers en vedette, la difficulté pour les nouveaux venus de talent d'atteindre au succès, le peu de crédit qu'ont les réclames de presse auprès de lecteurs blasés sur les éloges de la publicité, toutes ces pénibles conditions de se manifester, d'émouvoir l'opinion, d'attirer le regard du passant indifférent, poussèrent éditeurs et auteurs à chercher le moyen de tirer le nécessaire coup de pistolet qui surprend et arrête cet insaisissable Tout le monde. Ce moyen s'offrit par l'affiche bruyante, avec la pyrotechnie de ses couleurs si joyeuses sur les murs et qui sidèrent le flâneur en balade ; il s'offrit aussi sous forme d'affiche réduite, en manière de couverture illustrée de toute oeuvre offerte à la convoitise du bibliophile. Dès lors, ce fut une course à l'originalité ; on chercha l'illustrateur magicien des tons, le compositeur pervers capable de formuler en un petit rectangle un frontispice extérieur aguichant comme une fille, raccrocheur, émoustillant et assez artistique pour faire se pâmer un iconomane. Du livre de luxe, du livre d'étrennes in-4 ou in-8°, la couverture illustrée atteignit le modeste roman à 3 fr. 50, et, en dehors de la bibliothèque Calmann-Lévy et de la collection Charpentier, il est peu de libraires qui aient résisté à cette amorce de l'estampe en couleur dont tout livre ne visant pas un prix d'académie se doit depuis des années d'être recouvert. Elle gagna tous les mondes de l'édition ; les romans se frontispicèrent de scènes suggestives, de groupes tendrement enlacés, de tableaux dramatiques attirants ; on y vit des peintures d'idylle et des échappées d'alcôve, des fleurs et du sang, des oiseaux et des poignards, des spasmes d'amour et des râles de suicidés ; tout y apparut, le paysage provincial et le bouge parisien ; le petit lever de la Parisienne et aussi la terrible silhouette de la veuve : la guillotine. Les vitrines des libraires détaillants en furent transformées. Grâce à l'éclat des images, la foule se prit à stationner dans les boutiques des marchands de littérature, comme naguère elle s'écrasait, d'après une gravure de Debucourt, devant l'étalage du libraire Martinet au Palais-Royal, aux jours licencieux et plaisants du Directoire. Foule peu littéraire en somme, badauds épris d’icônes polychromes ou de frais tableautins rappelant les couvertures de romances, mais cette attirance indéniable du livre ainsi revêtu ne peut-être contestée, car il met en appétit de sensations amoureuses ou dramatiques tant de médiocres intelligences facilement troublées par les grosses actions de passion des oeuvres de Richebourg ou de Montépin. L'art est, en cette fin de siècle, une manifestation collective à laquelle auront indistinctement participé les efforts coalisés de toute une génération d'esthètes, doublés de remarquables techniciens de la gravure sur nois, sur cuivre et sur pierre. Les peintres et les écrivains concourent à faire du livre un chef-d'oeuvre de luxe et de grâce. Sa brochure longtemps terne s'égaie sous un chatoiement de couleurs. (...)"

On pourrait continuer de reproduire le texte d'Uzanne qui court sur des dizaines de pages sur l'attrait indéniable et novateur des belles couvertures de livres... Il s'attache à décrire cette foule nouvelle qui apporte sa curiosité plus moderne qui s'attarde complaisamment aux déshabillés de Chéret, au réalisme de Steinlen et aux Jean-bout-d'homme de Bob.

Nous vous laissons vous reporter aux pages 1 à 116 de cet important ouvrage, entièrement consacré à ce passionnant sujet.

Je ne pouvais terminer ce billet sans vous montrer la couverture illustrée de cet ouvrage qui traite aussi longuement du sujet des belles couvertures illustrées et qui, décemment, ne pouvait pas faire l'économie d'une très belle devanture. La couverture de L'Art dans la décoration extérieure des livres en France et à l'étranger - Les couvertures illusrtrées - Les cartonnages d'éditeur - La reliure d'art. est due au talent de Louis Rhead (***).

Bertrand Hugonnard-Roche


(*) exemplaire sur papier ordinaire qui a très mal vieilli, devenu marron et cassant. Seuls les exemplaires sur Japon (10 seulement...) ont dû traverser le temps sans encombre. Le volume est par ailleurs modestement relié en demi-toile marron. C'est la reliure de l'époque. Sans doute celle que Uzanne a eu entre les mains. C'est sans doute grâce à cet exemplaire que la couverture a été reproduite dans le livre d'Uzanne.
(**) exemplaire de luxe sur japon (60 exemplaires seulement).
(***) Louis Rhead - Louis John Rhead, souvent appelé Louis Rhead, né à Etruria, Stoke-on-Trent (Staffordshire), le 6 novembre 1857 et mort à Amityville (New York) le 29 juillet 1926, est un illustrateur américain d'origine britannique qui a marqué l'âge d'or de l'illustration américaine à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle. Né en Angleterre, il part étudier à Paris à l'âge de 13 ans, sous l’égide du peintre Gustave Boulanger. Il entre ensuite dans l’atelier du célèbre potier Thomas Minton, puis, comme son frère George, gagne une bourse à l'école des beaux-arts de South Kensington. Avec son frère, à Londres, il travaille en tant que concepteur de couvertures de livres et d’affiches pour l'éditeur Cassell. La maison d'édition américaine Appleton offre alors à Louis le poste de directeur artistique. Il émigre aux États-Unis en 1883, devenant par la suite citoyen américain. Fortement influencé par Eugène Grasset, il est le premier affichiste à remporter un succès international, notamment grâce à ses affiches pour le New York Sun et des magazines comme Century, Scribner's et The Bookman. En 1895, il réalise la première exposition américaine d'affiches. Louis John Rhead fut également céramiste, peintre et aquarelliste et illustra avec ses deux frères de nombreux ouvrages pour la jeunesse, tels que Le Voyage du pèlerin, Robin des bois et les légendes arthuriennes. Il publia plus tard plusieurs livres sur la pêche et créa une gamme de mouches et d’appâts.

mercredi 21 mars 2012

Octave Uzanne se fait faire un nouveau sous-main pour son bureau par un relieur (28 octobre 1902).

Voici une acquisition récente. Il s'agit d'une petite correspondance, carte-lettre autographe envoyée par Octave Uzanne à un relieur "mosaïste" de ses connaissances. Uzanne souhaite se faire faire un nouveau sous-main pour son bureau. Sous-main qu'il souhaite décoré et façonné par ledit relieur, celui-ci étant expert dans l'art de "fleurir de la mosaïque sur écoinçons". Quel est donc ce relieur avec qui Uzanne prend quelques gants pour lui demander un sous-main décoré plutôt qu'une belle reliure d'art ? Difficile à dire. Marius-Michel ? Charles Meunier ? Émile Carayon ? Victor Champs ? Bien malin celui qui pourra répondre à cette question. Peut-être le hasard me permettra-t-il de découvrir la suite de cette histoire de sous-main.

Voici la retranscription intégrale de cette jolie carte-lettre. Celle-ci est illustrée de la belle vignette dessinée par Félicien Rops pour Le Livre Moderne en 1890.

"17, Quai Voltaire. Paris, ce 28 août 1902.

Je ne voudrais pas, cher Monsieur, que le mot que je vous lançais hier en regardant le Délabre de mon vieux sous-main, vous ait peiné ou ennuyé.
J'ai craint, vraiment, de vous avoir demandé un travail hors de vos belles reliures et, j'ajouterai, d'avoir été en quelque sorte indiscret - c'est pourquoi j'avais comme un remords et je voulais vous dire, par un mot, mon regret de vous avoir surchargé encore que vous l'êtes déjà suffisamment.
Je suis évidemment impatient d'avoir ma table un peu plus harmonieuse et "d'oeuvres en beauté" mais je ne veux pas que vous vous bousculiez plus que de raison et si vous me fleurissez de vos mosaïques sur écoinçons, avant le 12 ou 15 novembre, je vous en serai, croyez le, tout à fait reconnaissant.
Mes sympathies et bien à vous
Octave Uzanne"

Bertrand Hugonnard-Roche

mardi 20 mars 2012

Octave Uzanne à 24 ans (août 1875). Cliché photographique Reutlinger.


Octave Uzanne à 24 ans (août 1875).
Cliché photographique Reutlinger, Paris.

Seule photographie connue d'Octave Uzanne à cet âge...
(en attendant d'en découvrir d'autres...)
Publiée dans la revue Médecine de France, n°247 - décembre 1973.
Collection Yvan Christ (1973), arrière petit-neveu d'Octave Uzanne.


Bertrand Hugonnard-Roche

dimanche 18 mars 2012

Octave Uzanne et la notion de propriété : le fardeau des riches (1911).

Octave Uzanne est dans soixantième année en 1911 lorsqu’il publie son Sottisier des Mœurs. Ouvrage composé de nombreux petits tableaux à la Mercier ou à la Restif de La Bretonne pour certains, teintés de psychologie et d’analyses presque ethnologiques, plusieurs nous interpellent encore aujourd’hui, un siècle ayant passé. La plupart nous offrent un panorama éclaté et disparate de la pensée versatile et pourtant toujours si tranchée de l’auteur.
Ainsi s’exprime-t-il à propos de la propriété, cet attachement qui aliène plutôt qu’il ne sert. Évidemment tous les paradoxes sont détectables dans son propos empreint des facilités d’une classe de « bien né » pour laquelle tout est facile. Uzanne nous explique ses préférences de nomade qu’il défendra toute sa vie. Positions d’autant plus défendables qu’il n’eut à se préoccuper, et ne voulut se préoccuper jamais d’aucunes contingences matérielles.

Suivons son propos (*) :

"Chaque année, de septembre à novembre, la vie de château bat son plein dans toutes les contrées d’Occident. Les prolétaires de la fortune payent leurs dettes à la société en tenant l’hôtellerie ouverte durant deux mois de l’année. Ce sont là des charges souvent onéreuses que la vanité, plus que la philosophie, aide à supporter. On ouvre table d’hôte chez soi aux chasseurs, bridgeurs, sportsmen, hommes et femmes de flirt, gens d’esprit notoire ou de réputation assise, et l’on s’efforce de tenir tout ce monde-là en haleine de gaieté, de plaisance et de confort. Ce n’est pas une petite affaire et les amphitryons et châtelaines qui réussissent dans cette profession masquée de mondanité ne sont point sans mérite.
En France, la vie de château ne s’est jamais écartée d’une relative intimité, et le luxe qui s’y déploie est encore modeste. Les mœurs de large hospitalité n’ont guère pénétré chez nous et, même chez les plus fortunés des propriétaires de domaines seigneuriaux, on sent comme une sourdine dans le faste des réceptions et l’ampleur de la porte ouverte. C’est le régime des privilégiés appliqué avec une prudente mesure. – Pauci sed electi, disent finement les maîtres de céans qui ont fait leurs humanités. Tout est correct, convenable, rien de plus. On n’oserait dire que c’est la grande vie large et indépendante, car chacun est tenu de représenter ce pour quoi il est invité, qui le chic et l’élégance continue, qui la drôlerie et la verve boute-en-train, qui la beauté bien nippée ou l’allumage pervers du mâle, qui la suprématie dans la conduite du cotillon, dans l’art de la danse ou dans tel ou tel sport. Combien d’autres menus talents entrent en compétition en dehors des invités qui se blasonnent de leurs titres, de leurs prérogatives sociales ou des honneurs qui les ont consacrés !
En Angleterre, il n’en va point de même. La vie de château confine à l’open air life ou country life. On y reçoit moins par genre, par vanité, par désir d’illustrer la compagnie que par pure et sincère cordialité et altruisme convaincu. On ne saurait dire en quelques mots ce que fut jusqu’à cette heure l’hospitalité seigneuriale outre-Manche et combien elle se rapproche de ce qu’elle pouvait être naguère aux temps héroïques des Tudor et à l’époque des Georges. Elle ne règne pas seulement deux mois, ainsi qu’en France, mais, pour ainsi dire, toute l’année. Aussi est-elle prodigieusement coûteuse, car il est impossible d’en atténuer les charges. La tradition exige que, d’un bout à l’autre de l’année, un château anglais demeure ouvert et en fonction domestique. Tout y reste installé à train complet, personnel de serviteurs, de jardiniers, de piqueurs, de cochers et de wattmen. Le cuisinier est tenu de n’être jamais pris à l’improviste et de pouvoir, à l’arrivée subite des hôtes de passage, servir des repas supérieurement ordonnés. Les écuries contiennent les chevaux de selle et d’équipages, les autos prêtes à l’allumage et en état d’être actionnées à toute heure de printemps, d’hiver ou d’automne. La livrée en grande tenue est constamment sur le pied de service, si bien que les frais d’une telle existence représentative exigent aujourd’hui une fortune comparable à celles des grands milliardaires américains. Il n’y a qu’un moyen de s’en tirer, c’est de considérer son château comme en faillite ou de mettre, comme nous disons, la clef sous la porte.
C’est précisément ce que fit tout dernièrement l’un des premiers grands propriétaires du Royaume-Uni, le duc de R…, qui, malgré ses immenses revenus, trouvant l’entretien de son domaine trop onéreux à son gré, prit la résolution radicale de fermer son château de Belvoir, dans le Leicestershire, et de n’y plus désormais convier ses amis.
Ce fut la grande surprise de la saison à Londres. On ne parla longtemps que ce cette détermination dans le West-End et dans tout le royaume britannique. Les uns approuvèrent le noble duc, d’autres, les traditionnaires, les gentlemen old style, estimèrent que le devoir du duc était de demeurer fidèle à ses obligations de châtelain et de se ruiner sur place plutôt que de faillir à sa mission, de manquer aux droits d’hospitalité légués par ses ancêtres.
Toutefois, l’exemple sera suivi, car le duc eut déjà de nombreux prédécesseurs de moindre marque et notoriété. Chaque année, nombre de châteaux des contés les plus pittoresques de l’Angleterre se trouvent abandonnés, mis en vente ou en location, à la semaine. C’est ainsi que chez nous la majorité des propriétés seigneuriales se trouvent proposées à l’amiable dans toutes les études de notaires. Les occasions sont offertes en tous lieux, innombrables, de devenir possesseurs de superbes castels tout meublés avec jardins et parcs d’agrément de large étendue, chasse, pêche et terrains de rapport. Les amateurs et curieux se trouvent souvent amorcés par des affiches et des réclames qui mettent en goût et appétit d’acquérir un domaine durant quelques heures, mais l’examen pratique des charges fait vite repousser l’exécution de tout projet d’achat. La place est difficilement tenable pour un rentier moyen et aucun philosophe indépendant ne saurait envisager l’acquisition de ces sortes de guets-apens que sont devenues les propriétés de plaisance.
Selon un mot de Bossuet, je crois, nous ne possédons par les biens, ils nous possèdent. Aussitôt qu’ils deviennent nôtres, ils nous tiennent et nous attachent à eux, nous solidarisent avec leurs défaillances, nous enracinent à leur tréfonds et ils constituent un mariage féroce, tenace, nous enlevant toute liberté d’action voyageuse, toute possibilité de fantaisie, à moins qu’un bon divorce raisonnable nous en puisse délivrer. Le propriétaire, à de rares exceptions près, ne peut plus quitter pour un long temps ses terres. Tout est prétexte à le retenir, ou à le rappeler, semailles ou moissons, coupes de bois ou réparations, intérêts multiples. Il ne peut à loisir reposer au loin, franchir les mers, voir des pays neufs, satisfaire ses curiosités géographiques ou ses besoins d’errance. Qui terre a, guerre a. Ce sont les procès avec voisins, les mitoyennetés, les lapins aux incursions dévastatrices, les accidents imprévus. Tout est prétexte à querelles avec les petits cultivateurs qui veulent tirer quelque dîme du gros seigneur. La vie paisible s’achève ; le financier regrette l’état d’âme chantante de l’heureux savetier.
Aujourd’hui où l’on acquiert plus vivement que naguère la sensation très nette de la rapidité et de la brièveté de la vie, où l’on découvre quels petits locataires à brefs termes nous sommes de l’existence militante, on convient plus nettement de la sottise qu’il y a à se créer des charges inutiles et nuisibles.
La locomotion mondiale, terrestre et maritime est là qui nous offre les merveilleuses facilités du globe à parcourir, des visions toujours renouvelables et des hôtelleries très confortables où l’on a si peu le temps de s’acagnarder jusqu’à sentir le poids de l’ennui.
Comme on le remarque outre-Manche, le voyage, au demeurant, est plus économique que la propriété et combien plus agréable ! On conçoit que les Américains et nombre de cosmopolites, par goût, en soient arrivés à élire domicile à l’hôtel. Ils savent ce qu’ils y dépensent et se sentent une prodigieuse liberté de nomades. Ces mœurs, de plus en plus, se feront jour à l’étranger et pénétreront même en France peu à peu par infiltration et surtout par logique. Les hommes sages regarderont avec plus de lucidité le peu de necessité qu’il y a à laisser de grandes propriétés à leurs héritiers, sauf à leur conseiller de les réaliser avant que le temps ne les déprécie davantage. Les châteaux, les gentilhommières même sont aujourd’hui un fort lourd fardeau pour les riches. Le poids en devient chaque jour plus pesant, car les charges diverses augmentent et augmenteront toujours, le socialisme et les lois menaçantes aidant. Nous voyons, cela s’explique, davantage de propriétés closes, des demeures rustiques abandonnées. Les économistes s’inquiètent de cet état de choses. Il n’y a rien cependant qui nous puisse surprendre. L’être humain ne vit qu’une fois, en somme, et il cherche avec plus de clairvoyance à vivre agréablement. Or, les châteaux ne sont, en définitive, que les bagnes des riches ou les prisons déguisées des moyennement fortunés. Les hommes de ce temps commencent à s’en évader. Ah ! comme je les comprends !"

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(*) In Le Spectacle contemporain – Sottisier des mœurs, par Octave Uzanne. Paris, Emile Paul, 1911. Cf. pp. 197-201 – A lire également, dans le même volume, sur le même sujet « Les hôtels et la vie en locatis » pp. 263-273.

Bertrand Hugonnard-Roche

mercredi 14 mars 2012

Quelques informations de base concernant la fondation de la Société des Bibliophiles Contemporains (1889).



Voici quelques informations relatives à la formation de la Société des Bibliophiles Contemporains, Académie des Beaux Livres (*) : cette société est formée de 160 membres fondateurs (non compris M. Octave Uzanne et les présidents et membres d’honneur. La réunion constitutive date du 18 novembre 1889. Cette société a été formée à l’initiative personnelle de M. Octave Uzanne, directeur du Livre, avec le concours de bibliophiles, de littérateurs et d’artistes. Chaque membre doit s’acquitter d’un droit d’entrée ainsi que d’une cotisation annuelle. Les membres versent par ailleurs une quote-part contributive pour les dépenses occasionnées par les publications de la Société (Annales et ouvrages de bibliophilie). Les sommes perçues par ladite Société sont déposées à la Banque de France, l’archiviste-trésorier ne doit pas garder plus d’un millier de francs en caisse. Le droit d’entrée est fixé à 15 francs pour les membres fondateurs et à 300 francs pour les nouveaux titulaires. Les membres anciens ou nouveaux de la Société payent une cotisation annuelle de 50 francs ou une somme de 1.000 francs une seule fois versée.


Liste des membres fondateurs de la Société des Bibliophiles Contemporains.


Fondateur de la Société :

Octave Uzanne 17, quai Voltaire, Paris.

Présidence d’honneur :

S. M. la Reine Elisabeth de Roumanie, à Bucharest.
S. A. R. Mgr. Le Duc d’Aumale, à Chantilly.

Membres d’honneur :

S. E. Lord Lytton, ambassadeur d’Angleterre à l’ambassade, faubourg Saint-Honoré, 39. M. Léopold Delisle, Directeur de la Bibliothèque Nationale.

Membres fondateurs :

Aigle (le comte de L’), député de l’Oise, 12, rue d’Astorg, Paris.
Arbaud (Paul) (des Amis des Livres), à Aix en Provence.
Archbold-Aspol (Charles), négociant, à Cette (Hérault).
Arnal (Albert) (des Amis des Livres), 57, avenue d’Antin, Paris.
Ashbee (H.-S.). (Society of antiquaries), 53, Bedfort square, Londres.

Bellemain (André), architecte (des Amis des Livres, de Lyon), 25, rue Saint-Pierre, Lyon.
Bellon (Camille), rentier (des Amis des Livres, de Lyon), 50, avenue Roaillet, Lyon.
Bellon (Paul), 9, rue de la République, Lyon.
Bengesco (Georges), Conseiller de la légation de Roumanie, 21, rue Beaujon, Paris.
Beraldi (Henri) (des Amis des Livres), 65, rue d’Anjou, Paris.
Bormenville de Berlaymont (Comte Guy de) (des Bibliophiles de Belgique), Hamois-Condroz (Château de Bormenville), Belgique.
Bernard (vicomte de), ancien officier de marine, à Bellerive, par le Cendre (Puy-de-Dôme).
Bezuel d’Esvenal (baron), 29, rue Saint-Guillaume, Paris.
Bibesco (Prince Alexandre), 69, rue de Courcelles, Paris.
Blacque (Valentin), banquier, 39 Est. 33e rue, à New York.
Blondeau (Paul), banquier, 9, rue de Prony, Paris.
Bocquin (Jules), ingénieur, rue de la Terrasse, 6 bis, Paris.
Boissy (Paul de), 26, avenue Marceau, Paris.
Bonaparte (S. A. I. le prince Roland), 22, Cours la Reine, Paris.
Bonnefoy (Pierre), ingénieur, à Ismaïlia (Egypte), Compagnie du Canal de Suez.
Bormans (Paul van der Vrecken de), secrétaire d’ambassade, 103, rue de Rennes, Paris.
Bougard (docteur Emile) (des Amis des Livres), à Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne).
Boulland (Georges), commissaire-priseur, 26, rue des Petits-Champs, Paris.
Bovet (Alfred), autographophile, à Valentigney (Doubs).
Brissaud (docteur Edouard), médecin du chemin de fer d’Orléans, 9, quai Voltaire, Paris.
Brivois (Jules) (des Amis des Livres), 10, rue Montpensier, Paris.
Broca (André), préparateur de physique à la faculté de médecine, 211, boulevard Saint-Germain, Paris.
Brun (M.-E. Irénée), négociant, 12, rue de Jarente, Lyon.

Cartier (Alfred) (Société d’histoire de Genève), Florissant, 2, à Genève (Suisse).
Charmel (baron Fernand de), château de Vaussieux, par Saint-Léger-Carcagny (Calvados).
Chaze (Ernest), 18, quai de Béthune, Paris.
Chéret (Jules), dessinateur lithographe, 18, rue Brunel, les Ternes, Paris.
Cherrier (Henri), notaire (des Amis des Livres), rue du Louvre, 44, Paris.
Copley-Christie (Richard), président de The Chetham Society, the Elms Rochampton, S. W., par Londres.
Clapiers (comte de), 71, rue de Grenelle, Paris.
Clarétie (Jules), de l’Académie Française, 10, rue de Douai, Paris.
Collet (Emile), avoué, 24, avenue de l’Opéra, Paris.
Colomb (Victor), de la Société d’archéologie de la Drôme, 13, rue du Jeu-de-Paume, à Valence.
Comte (Jules), Directeur des bâtiments civils et des Palais nationaux, 8, rue de Greffulhe, Paris.
Contades (comte de), 28, avenue Marceau, Paris.
Corcelle (François de), Conseiller d’Ambassade, 88, rue de Varenne, Paris.
Cornil (docteur H.-V.), professeur à la faculté de médecine, Sénateur, 19, rue Saint-Guillaume, Paris.
Cousin (Charles), Inspecteur principal délégué à l’exploitation des Chemins de fer du Nord, vice-président des Amis des Livres, 20, rue de Dunkerque, Paris.

David (docteur T.-H.), Député des Alpes-Maritimes, 180, boulevard Saint-Germain, Paris.
Delacroix (Norbert), professeur à l’école spéciale, rue Smolna, 19, à Varsovie (Pologne Russie).
Delafosse (Charles), avocat (des Amis des Livres), rue Saint-Guillaume, 32, Paris.
Deladerière (Gustave), industriel, 11, rue du Grand-Breuille, à Valenciennes (Nord).
Delierre (Auguste), artiste peintre, 204, boulevard Saint-Germain, Paris.
Delpit (Albert), homme de lettres, 8, avenue Percier, Paris.
Démory (Georges), propriétaire, 161, boulevard Haussman, Paris.
Dervillé (Stéphane), juge au Tribunal de commerce, 37, rue Fortuny, Paris.
Desaix (Ulrich-Richard), propriétaire aux Minimes à Issoudun (Indre).
Descamps-Scrive, 23, boulevard Vauban, Lille (Nord).
Déseglise (Victor) (des Amis des Livres), 24, rue Singer, Paris-Passy.
Doby (l’abbé), vicaire à Saint-Thomas d’Aquin, 37 rue du Bac, Paris.
Droin (Ernest) (des Amis des Livres), 53 bis, quai des Grand-Augustins.
Drujon (A.-Fernand), Bibliographe (des Amis des Livres), 17, rue du Vieux-Colombier, Paris.
Dubois (Henri), négociant, 30, rue d’Angleterre, à Lille (Nord).
Dubufe (Guillaume) fils, artiste peintre, 43, avenue de Villiers, Paris.
Durand (Armand), 8, rue de Furstemberg, Paris.

Esperonnière (comte René de), château de Soulaye, par Condé (Maine-et-Loire).
Eudel (Paul), critique d’art, 9, rue Victor-Massé, Paris.

Fabre (Auguste) (des Amis des Livres, de Lyon), ) Méribel (Ain).
Ferrari (Henri), homme de lettres, 6, rue du Pont-de-Lodi, Paris.
Forest (Georges Beach de) (Grolier-Club), 14, East 50 th street, New-York city, à New-York.
Fournier (docteur Alfred), member de l’Académie de medicine, 1, rue Volney, Paris.
Fournier (P.-L.-Ange), substitut du procureur de la République, 43, rue d’Amsterdam, Paris.

Gadala (Charles), agent de change, 21, boulevard Poissonnière, Paris.
Garon (Henri) (des Amis des Livres, de Lyon), 76, cours Vitton, à Lyon.
Gausseron (B.-H.) professeur de l’Université, 55 bis, rue de l’Assomption, Paris-Passy.
Gille (Philippe), auteur dramatique, 62, rue Jouffroy, Paris.
Girandeau (docteur Abel) (des Amis des Livres), 174, boulevard Haussmann, Paris.
Goncourt (Edmond de), homme de lettres, 53, boulevard de Montmorency, à Auteuil.
Granges (marquis de Surgères de), 66, rue Saint-Clément, à Nantes (Loire-Inférieure).

Haggin (Blanche B.), 15, rue de Montchanin, Paris.
Hellot (Alexandre), ancien officier d’artillerie, 62, boulevard Malesherbes, Paris.
Hettier (Charles), rue Guilbert, 27, à Caen (Calvados).
Hornung (Albert), brasseur, 29, Grand-Faubourg, à Chartres (Eure-et-Loir).
Houssaye (Henri), homme de lettres, 47, avenue Friedland, Paris.
Houyvret (Henri), substitut du procureur de la République, à Argentran (Orne).

Imhoof-Blumer (Frédéric), à Winterthur (Suisse).

Jacob (Eugène-Amédée), notaire honoraire, à Angerville (Seine-et-Oise).

Knight (Joseph), homme de lettres, 27, Camden Square, à Londres, N.W.
Kuhnholtz-Lordat (Achille), 23, rue Saint-Guilhem, à Montpellier (Hérault).

Lacombe (Paul), bibliographe parisien, 5, rue de Moscou, Paris.
Lacroix-Laval (vicomte de), capitaine au 11e dragons, à Tarascon (Bouches-du-Rhône).
Lafaurie (baron), 45, rue de Courcelles, Paris.
Lagarrique (Fernand), consul honoraire, Château-de-Mus, par Murviel-les-Béziers (Hérault).
Launette (Henri), ancien éditeur, 6, rue Bernard-Palissy, Boulogne (Seine).
Lavedan (Henri), homme de lettres, 12, rue du Pré-aux-Clers, Paris.
Leclaire (Joseph), ingénieur, 40, boulevard Henri IV, Paris.
Levi (le commandeur Cesare-Augusto), directeur du Musée de Torcello, Grand Canal, palais Levi, à Venise.
Leiris (Louis de), avocat, 10, rue Saint-Dominique, à Lyon.
Leloir (Maurice), artiste peintre, 21, avenue Gourgaud, Paris.
Lemaire (Mme Madeleine), artiste peintre, 31, rue de Montceau, Paris.
Leman (Jacques), artiste peintre, 50, avenue des Ternes, Paris.
Lepetit (Jules), bibliographe, 24, rue du Buisson Saint-Louis, Paris.
Loriol (Louis de), ingénieur (des Amis des Livres, de Lyon), 46, rue Centrale, Lyon.
Lucas (Paul) (des Amis des Livres), 16, rue de la Grange-Batelière, Paris.
Ludlow (Thomas-William), cottage Lawn-Yonkers, à New-York.

Magnard (Charles), notaire, à Dardilly, par et près de Lyon (Rhône).
Magnard (Francis), Directeur du Figaro, 27, boulevard de Montmorency, Paris.
Manchon (Léon), rentier, 56, rue du Rocher, Paris.
Maneyro (Luis), consul du Mexique, 104, rue Saint-Sernin, Bordeaux.
Mariani (Angelo), 11, rue Scribe, Paris.
Marshal (Julian), homme de lettres, 13, Belsize avenue, Londres, N.-W.
Massagli (Charles), professeur à la Faculté de droit, 25, avenue de l’Observatoire, Paris.
Meignen (Henri Le), vice-président des Bibliophiles bretons, 7, rue Bonne-Louise, Nantes.
Mendès (Catulle), homme de lettres, 18, rue Berlioz, Paris.
Mercier (L.-Victor), juge au tribunal civil de la Seine, 1, rue Volney, Paris.
Meurice (Paul), homme de lettres, 24, rue Fortuny, Paris.
Monceau (Julie de) (Mme May), 7, rue Logelbach, Paris.
Monnereau (docteur Arthur), à Barbezieux (Charente).
Montozon (G. de), avocat, 51, rue Pierre-Charron, Paris.

Nevez (Francisco), rue de San-Pedro d’Alcantara, 95, Lisbonne (Portugal).
Noel (Arthur), 17, rue Regnard, au Havre (Seine-Inférieure).

Odinet (Ernest), 14, rue Edouard-Larue, au Havre (Seine-Inférieure).
Ollivier (docteur Auguste), professeur à la Faculté de médecine de Paris, 5, rue de l’Université, Paris.
Olombel (Philippe), manufacturier, 24, rue Godot-de-Mauroy, Paris.
Ouachée (Charles), (des Amis des Livres), 17, quai Conti, Paris.

Paillet (Eugène), Conseiller à la Cour d’appel, président des Amis des Livres, 40, rue de Berlin, Paris.
Pasquier (J.-H.), avocat, 3, rue d’Argenson, Paris.
Paz (José), ministre plénipotentiaire de la République argentine, 22, rue de Téhéran, Paris.
Pelay (Edouard), ex-président de la Société rouennaise des bibliophiles, 74, rue de Crosne, Rouen (Seine-Inférieure).
Peralta (Manuel de), ministre plénipotentiaire de Costa-Rica, 3, rue de Castiglione, Paris.
Piat (Alfred), ancien notaire, 68, avenue d’Iéna, Paris.
Piet (Alfred), Archiviste-trésorier des Amis des Livres, 17, boulevard de la Madeleine, Paris.
Pochet (Georges), 74, boulevard Magenta, Paris.
Pommereul (baron de), 47, avenue des Champs-Elysées, Paris.
Pontavice de Heussey (comte du), boulevard de Sévigné, 40, à Rennes (Ille-et-Villaine).
Puy (Paul du), maire de Vitry (Maine-et-Loire), 61, avenue d’Antin, Paris.

Quantin (Albert), ancien éditeur, 6, rue du Regard, Paris.
Quentin-Bauchard (Maurice), 31, rue François Ier, Paris.

Read (général Meredith), ancien ministre des Etats-Unis, 128, rue de la Boétie, Paris.
Refuge (Edgar Gourio de), ex-receveur des finances, 12, rue Ribeira (Auteuil), Paris.
Revertegat, lieutenant de vaisseau, Indo-Chine, chez Ferroud, libraire, 192, boulevard Saint-Germain.
Riboud, avocat, à Lyon, quai Tilsitt, 27.
Richepin (Jean), homme de lettres, 9, rue Galvani, Paris.
Richet (Charles) professeur à la faculté de médecine, 15, rue de l’Université, Paris.
Ridder (Gustave de), avocat, 6, avenue du Coq, Paris.
Robert (Julien) (des Amis des Livres), à Font-Lade, près Brignols (Var).
Rodrigues (Eugène), avocat des Amis des Livres, 16, rue Moncey, Paris.
Rubattel (Gustave), Directeur des bureaux de Paris au Crédit Lyonnais, président des Amis des Livres, de Lyon, 11, rue du Havre, Paris.

Salvert-Bellenave (Etienne de), ingénieur de la marine, 13, rue de l’Université, Paris.
Sarcey (Francisque), homme de lettres, 53, rue de Douai, Paris.
Schuck (Léon), place Saint-Féréol, Marseille.
Segond (Paul), professeur à la Faculté de médecine de Paris, 11, quai d’Orsay.
Socquet (Jules), médecin, expert près le Tribunal de 1ere instance de la Seine, 6, boulevard Richard-Lenoir, Paris.

Teller-Giron (Dolorès), marquise de Lombay, Casa Lombay, avenue d’Osuna, à Biarritz (Basses-Pyrénées).
Thévenin (Marcel), Directeur à l’Ecole des hautes études, 17, rue de Médicis, Paris.
Thuile (Henri), chef de district aux chemins de fer de l’Etat, rue Barbotin, à Bressuire (Deux-Sèvres).
Tissandier (Gaston), homme de lettres, 19, avenue de l’Opéra, Paris.
Toulgoet-Treanna (comte de), 21, avenue des Champs-Elysées, Paris.

Vever (Henri), joaillier, 19, rue de la Paix, Paris.
Vicaire (Georges), homme de lettres, 24, rue Singer, Paris.
Vigeant (Arsène), bibliographe de l’escrime, 108, rue de Rennes, Paris.
Vigneaux (Henri), assureur maritime, 83, rue Saint-Sernin, Bordeaux.

Werlé (comte A. de) (des Amis des Livres), à Reims (Marne).


Membres suppléants par ordre d’inscription :

Pradeau (F.-Joseph), Paris, 70, rue de Rennes.
Galichon (Louis), critique d’art, 15, boulevard Malesherbes, Paris.
Tual (Léon), commissaire-priseur (des Amis des Livres), 56, rue de la Victoire, Paris.
Soufflot (Paul), juge au Tribunal de commerce, Paris, 53, rue de Lisbonne.
Meynard (Albert), Paris, 17, rue Saint-Fiacre.
Pratt (Charles-Edwards), avocat (Boston), 79 Franklin street, Boston, Mass. U.S.
Roux (Agricole), notaire, à Cavaillon (Vaucluse), Grande-Rue.
Hirsch (Henry), avocat, Paris, 3, rue des Poitevins.
Denegri (Pedro), Buenos-Ayres (République argentine).
Gavoty (Georges), avocat, Paris, 17, rue de Suresnes.
L’Huillier de Lamardelle (Henri), château de Coffy (Indre-et-Loire), par Montrésor.
Festugière (Paul), 25, rue d’Antin, Paris.
Paquignon (J.), Paris, 52, rue Lafayette.
Bourdery (L.-J.-Baptiste), docteur en médecine à Cozals (Lot).
Guillon (Léon), Paris, 7, rue Choron.
Lebeuf (Charles), Paris, 52, avenue Kléber.
Moreau (Paul), avocat, Paris, 8, rue des Ecoles.
Masson (Paul), rentier, Paris, 2, rue Mazagran.
Sauveur (Michel), Saint-Etienne (Loire), rue de la Loire, 4.
Devansaye (Alphonse de La), Noyant-Méon (Maine-et-Loire), au château du Fresne.
Fraipont (Gustave), artiste dessinateur, Paris, 72, rue du Cherche-Midi.
Ferrier, (de Calvocoressi-Antoine), Marseille, 14, rue du Muguet.

NOTA. – Sur les ving-cinq membres suppléants (i.e. 22), choisis lors de la constitution provisoire de la Société en avril 1889, les trois premiers par ordre d’inscription sont devenus membres fondateurs. Ce sont : 1° M. André Broca, en remplacement de M. Maurice Jametel, décédé ; 2° M. Irénée Brun, de Lyon, remplaçant M. Armand Hayem également décédé ; 3° M. Descamps-Scrive, de Lille, prenant la place de M. Albert Chevereau, notaire à Tours, démissionnaire pour raisons privées.


Nous donnerons bientôt la chronologie des différentes publications de cette société qui s'éteignit de sa belle mort en 1895.

Bertrand Hugonnard-Roche


(*) ces informations sont extraites du volume intitulé "Société des Bibliophiles contemporains – Académie des Beaux Livres – Statuts et règlement suivis de la liste, noms et adresses des membres fondateurs." A Paris, Imprimé pour les Bibliophiles contemporains. Novembre 1889. [achevé d’imprimer à 200 exemplaires le 4 novembre 1889].

mardi 13 mars 2012

Ephemera ! Diner des Bibliophiles Contemporains. Convocation pour le dîner du 31 mai 1890.


Convocation pour le deuxième dîner
des Bibliophiles Contemporains le 31 mai 1890.


Voici un document devenu rare. Octave Uzanne envoie au membres de la Société des Bibliophiles Contemporains ce courrier imprimé en noir sur papier du Japon. De format in-4 (30,5 x 22 cm), cette invitation autographiée est illustrée par Émile Mas.

Il s'agissait d'organiser le second dîner des Biblios Contempos. Uzanne s'adresse à ses biblio-congénères en ces termes :

"Paris ce dix mai 1890. Mon cher collègue, les Bibliophiles contemporains se réuniront le samedi 31 mai courant [1890], en un dîner confraternel, dont la cotisation est fixée à 15 fr.
J'espère avoir le plaisir de vous compter parmi les adhérents, et je vous prie de bien vouloir envoyer votre adhésion à notre secrétaire Mr. Alfred Piat 68 Avenue d'Iéna à Paris.
Le choix du local dépendant du nombre de convives, sera ultérieurement porté à la connaissance des adhérents.
Trouvez ici, mon cher collègue, l'expression de mes sentiments les meilleurs. [Signé] Octave Uzanne."

Je vous laisse étudier cet intéressant document par le menu détail. On peut voir dans la partie haute une assemblée de convives réunis autour d'une grande table ovale. On compte 25 convives, on ne distingue qu'une seule femme, semble-t-il placée à la droite d'Octave Uzanne que l'on croit reconnaître au centre, en haut (cheveux denses, barbe en pointe). Au bas du document, Emile Mas à dessiné 8 personnes qu'on pourrait aisément identifier. On reconnait Octave Uzanne (deuxième en partant de la gauche), avec son monocle, ses cheveux bruns frisés et sa barbe frisée taillée en pointe. Il est amusant de constater la présence d'une femme, une seule. Qui était-elle ? Elle tient un livre dans ses mains.

Nous complèterons l'identification au fur et à mesure de nos découvertes. Ce document a dû être imprimé à environ 176 ou tout au plus 200 exemplaires, pour répondre au nombre d'adhérents des Bibliophiles Contemporains. Nous traiterons bientôt à nouveau de cette société de bibliophiles fondée par Octave Uzanne dans le courant de l'année 1889.

Bertrand Hugonnard-Roche

jeudi 1 mars 2012

La triste fin d'Octave Uzanne. Incinéré au cimetière du Père Lachaise le 3 novembre 1931. "On l’a tourné en ridicule" écrit Georges Normandy.


Case 5.441, colombarium du cimetière du Père Lachaise,
occupée un temps par les cendres d'Octave Uzanne,
incinéré le 3 novembre 1931.
Crédit Photo. Odile Juillac. 1.3.2012.


C’est dans le Journal littéraire de Paul Léautaud (*) de l’année 1931 qu’il faut aller chercher les détails sordides sur la fin de vie d’Octave Uzanne et son incinération au crematorium du cimetière du Père Lachaise à Paris, le 3 novembre de cette même année .

Léautaud écrit ainsi dans son journal : "Mardi 3 novembre (…) Mort d’Octave Uzanne. Incinéré aujourd’hui. 79 ans. Vallette nous a raconté tout ce qu’il a subi ces dernières années : opération de la prostate – opération d’un cancer à l’anus – opération d’un anus artificiel – depuis longtemps nanti d’un œil de verre, il était devenu à peu près aveugle de l’autre œil. Il vivait à St-Cloud avec une servante plus vieille que lui : 82 ans. Elle était à l’incinération. Le frère, Joseph Uzanne, son aîné, paraît-il, n’y était pas. Il a dit : « Je ne peux pas, je ne peux pas. » Vallette dit qu’on peut compter que la vieille servante ne sera pas abandonnée : par Joseph Uzanne d’abord, qui est un cœur excellent, et ensuite par Mariani, qui est la bonté même, comme l’était son père, une bonté comme on en voit rarement. Il paraît que Joseph Uzanne est fort mécontent de tout ce qu’on écrit dans les journaux d’inexact sur la carrière littéraire de son frère. Un journal va jusqu’à le faire débuter à La Plume, alors qu’il y avait beau jour que Uzanne avait publié et était connu.
J’ai dans mes papiers une lettre d’Uzanne écrite à Vallette à la mobilisation de la « Grande guerre », pleine du mépris, de la pitié, de la désolation que lui inspirait l’évènement, gardant toute sa raison et tout son jugement. Gourmont, bien supérieur comme écrivain, n’a pas montré cette sagesse, loin de là. Je dis : Gourmont – comme bien d’autres. (…)"


Mur de cases du colombarium du cimetière du Père Lachaise,
la cinquième en partant de la gauche, tout en haut,
fut occupée un temps par les cendres d'Octave Uzanne,
incinéré le 3 novembre 1931.
Crédit Photo. Odile Juillac. 1.3.2012.


On lira aussi avec fruit sur cette même cérémonie un article de Georges Normandy publié dans La Bourgogne d’Or, éditée à Chagny-en-Bourgogne, numéro de Noël 1931.

Georges Normandy écrit : "Ce matin, au monument crématoire du Père-Lachaise, je suis arrivé au début de la cérémonie. Il y avait là douze personnes, en me comptant : sa fidèle bonne Alphonsine, si vieille et si dévouée, Raoul Vèze, Mariani, Edmond Pilon, Sedeyn et quelques anciennes très jolies femmes dont deux pleuraient. Quelle tristesse, ce vide d’une espèce de salle de réunion où la tribune serait remplacée par un simulacre de catafalque, en céramique apparemment, flanqué de deux rideaux poussiéreux et dominé par les armes de la ville de Paris voilées d’un crèpe plus poussiéreux encore !
Pendant une heure on sera là, dans ce cadre pauvre et banal. Des conversations se tiendront, pas tristes du tout… Alphonsine sanglotera. Je penserai tristement au vieil ami si vivant, qui fit de son existence « un chef-d’œuvre » comme il me le répétait souvent et que nous verrons passer devant nous, tout à l’heure, tas de cendres, sur une dérisoire petite civière, généralement employée pour le transport des cercueils de nouveaux-nés. Et nous suivrons en désordre jusqu’au colombarium où, parmi tant de petits compartiments tenant de l’étagère à chaussures et du coffre-fort de banque, une petite case est ouverte. L’urne de marbre sera glissée là-dedans. Un employé cassera brutalement les chrysanthèmes blancs apportés par une vieille dame qui fut belle – Uzanne fut un grand amant : je n’écris pas amoureux – et un ouvrier en costume de travail malpropre maçonnera cela d’une truelle pressée en criant : - Case numéro cinq mille … (je ne me souviens plus du numéro exact) comme on crie dans certains magasins : « Voyez caisse ! »
On restera là en tas, un instant. Quelques poignées de mains. Je salue Alphonsine et c’est le départ à travers le cimetière étincelant sous un soleil doux et comme printanier. Je n’étais jamais entré dans le colombarium.
La crémation ! Si c’est cela le progrès… Je me suis juré, aujourd’hui, de n’être pas incinéré : le respect des morts est une de nos dernières noblesses. Gardons-là : il ne nous en reste plus tant !
Beaucoup médité sur la vie et la mort – et la grande et magnifique simplicité de tout cela, pendant que le feu faisait son œuvre.
Comment peut-on venir saluer un défunt dans ce… commercial et mesquin colombarium ?
Je me sens trop solidaire de tous les miens pour ne pas me soumettre à la tradition séculaire comme je me soumets sans révolte aux lois naturelles. Je ne tiens pas aux cérémonies, mais je tiens à la dignité.
J’ai des pincements au cœur depuis ce matin : il me semble qu’on a tourné en ridicule mon vieil ami qui fut stoïque. Il ne pouvait se défendre, lancer un de ces mots à la Barbey ou à la Jean Lorrain, ses amis – un de ces mots qui remettaient choses et gens en place – et que suivaient si facilement des coups d’épée. On l’a tourné en ridicule – On : un invisible anonyme. Et j’ai assisté à cela !
Toute autre question mise à part, il me semble que la solennité du four crématoire pourrait facilement user d’un cérémonial très digne – et même très émouvant. Hélas ! « La Brute gagne … » écrivait déjà Léon Bloy."


Carte postale ancienne datée 1906
montrant un mur du colombarium du cimetière du Père Lachaise à Paris.
C'était quelques 25 ans avant qu'Octave Uzanne ne s'y trouve lui-même.


Depuis que cet après-midi une Amie des Lettres et d’Octave Uzanne, Odile Juillac, a fait le déplacement au cimetière du Père Lachaise pour savoir ce qu’il était advenu des restes d’Octave Uzanne, on sait qu’il occupât un temps la case temporaire numéro 5.441. La concession ne fut visiblement pas renouvelée, les cendres dispersées sans doute, sans pourtant qu’aucune trace d’une quelconque restitution à la famille ou à tout autre ne soit consignée dans les archives du cimetière. Un courrier que j’enverrai très bientôt aux services administratifs du Père Lachaise, ainsi qu'une nouvelle enquête menée sur place par Odile Juillac, permettra peut-être d’en savoir encore un peu plus.

Je crois qu’il est inutile de s’étendre en commentaires forcément superflus sur cette triste mise à mort définitive du Prince des Bibliophiles comme disaient les anglais de la fin du XIXe siècle ; ce que Uzanne c’était plût à répéter. Finalement Octave Uzanne n'aura dû sa propre gloire qu’à lui-même dans beaucoup de domaines. Avait-il si tort que cela après tout ?


Bertrand Hugonnard-Roche, Jean-Paul Fontaine
Odile Juillac



(*) Journal littéraire de Paul Léautaud, tome IX, Mai 1931 - Octobre 1932. Paris, Mercure de France, 1982. pp. 136-137

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