samedi 21 juin 2025

La Faustin, par Edmond de Goncourt. 1 vol. in-18. Paris, Charpentier. — Prix : 3 fr. 50. Compte rendu signé O. (Octave Uzanne) publié dans la revue Le Livre (10 mars 1882).


La Faustin, par Edmond de Goncourt. 1 vol. in-18. Paris, Charpentier. — Prix : 3 fr. 50.

Il est peu de livres dans ces derniers temps, — si nous exceptons Pot-Bouille en feuilleton et les productions en général du « tam-tamiste » Barnum Zola, — il est peu d’ouvrages qui aient soulevé plus de polémiques, de critiques acerbes, de remarques et de plaisanteries que cette fameuse Faustin, d’Edmond de Goncourt, qui fut d’abord accueillie au Voltaire et lancée dans le public avec grand tapage, à l’encontre même du sentiment de l’auteur, qui est bien l’écrivain le plus modeste et le moins associé de grosse réclame que l’on puisse trouver en ce temps d’américanisme des lettres.

Toutes ces critiques de la presse sont, à notre avis, excessives et brutales : Edmond de Goncourt est au premier chef un artiste dans la belle acception du mot. Il a écrit ce livre avec toutes ses délicatesses, ses sensations profondes et à l’aide de ses documents minutieusement amassés. Il l’a rêvé lentement dans les langueurs troublantes des conceptions qu’on aime à promener en soi, il a porté cette œuvre en lui comme ces vrais écrivains qui jouissent de l’enfan­ture cérébrale et qui veulent mettre au monde un livre venu bien à terme. Aussi sa Faustin, quoi qu’on dise, en dépit des imperfections inhérentes à tout homme et à toute œuvre, restera un des bons romans de cette époque, où la littérature s’éparpille et se gaspille au lieu de se grouper et d’être une comme en 1830.

Le tort du directeur du Voltaire, et aussi de l’édi­teur, est d’avoir porté la Faustin, bien avant son appa­rition, sur les tréteaux de la grosse réclame. M. de Goncourt est un délicat qui ne sera jamais compris que par des raffinés de délicatesse ; il ne peut être livré à la foule, et, malgré le nombre très respectable d’éditions qui se sont succédé rapidement en moins d’un mois, nous pensons que la majorité des lecteurs n’aura pas eu le sens et le tact assez fins pour appré­cier ce roman moderne comme il le mérite.

« Quand je vois des gens grossiers se mêler d’a­mour, s’écrie Chamfort, je suis tenté de dire : “De quoi vous mêlez-vous ? du jeu, de la table, de l’ambition à cette canaille !” Qu’on remplace le mot amour par le mot littérature, et la véhémente apostrophe de Chamfort restera aussi belle dans son mépris souverain. »

Nous n’analyserons pas ici la Faustin, cette co­médienne amoureuse, à la fois troublante et troublée que l’auteur nous montre dans la fange de ses atta­ches originelles et dans son monde de cabotinage, pour mieux nous la peindre dans ses fièvres d’amour et ses hantises de tragédienne. — L’œuvre se tient et reste poignante. — Qu’importent les inexactitudes de détails et les fausses peintures d’accessoires que l’on reproche à M. de Goncourt. Nous ne voulons voir que l’ensemble, que la vigueur de touche, que le brio de la facture et la lumière générale du tableau. La critique n’épluche que ce qu’elle ne peut entamer par le fond.

O.

(pour Octave Uzanne)


(*) Ce compte rendu a été publié dans la revue Le Livre dirigée par Octave Uzanne (Troisième année, Troisième livraison, 10 mars 1882, pp. 142. L'article est signé O. (Octave Uzanne lui-même).


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Résumé

L’article rend compte de l’accueil polémique réservé à La Faustin, roman d’Édmond de Goncourt publié chez Charpentier. Malgré un succès éditorial rapide (plusieurs éditions en moins d’un mois), le roman a été l’objet de vives critiques dans la presse, jugées ici excessives, brutales et souvent injustes. Le critique défend l’auteur contre ces attaques, soulignant la finesse, la délicatesse et la profondeur de sa démarche artistique. Il critique au passage la stratégie éditoriale du Voltaire et de l’éditeur, qui ont « porté la Faustin sur les tréteaux de la grosse réclame », trahissant selon lui la nature même de l’œuvre.

Sans entrer dans une analyse détaillée du roman, le texte évoque Faustin, comédienne à la fois sensuelle et tourmentée, plongée dans un univers de cabotinage et de passion. Malgré certaines faiblesses de détail reprochées à Goncourt, l’œuvre est jugée solide, sincère, poignante, et méritant l’attention de lecteurs raffinés plutôt que du grand public. La critique est accusée de s’attarder sur la surface sans saisir l’essence profonde du livre.


Analyse critique

Ce texte est à la fois une défense d’un auteur injustement attaqué et une réflexion sur la réception littéraire à l’époque du sensationnalisme médiatique. En comparant Goncourt à un artiste véritable, le critique oppose la « littérature moderne » à la « littérature de réclame », incarnée notamment par Zola et son succès tapageur. Il dessine en creux une opposition entre l’œuvre d’art sincère, longuement méditée, et les produits du feuilleton ou du battage commercial.

La Faustin est présentée comme un roman cérébral, né d’un lent mûrissement, nourri de documents et d’introspection, que le public n’aurait pas su reconnaître à sa juste valeur. Le recours à Chamfort, en fin d’article, renforce cette posture élitiste et méprisante envers la vulgarité supposée du lectorat de masse, jugé incapable d’apprécier la vraie littérature. Ce plaidoyer pour la subtilité et la « littérature pour les délicats » est aussi une défense de la modernité littéraire contre les jugements hâtifs.

Le passage final assume une vision formaliste et impressionniste de la critique : il importe moins d’analyser les détails ou les erreurs que de juger « l’ensemble », la force d’expression, la lumière, la composition — autrement dit, la cohérence esthétique de l’œuvre. Cette position anticipe des critères qui seront chers à la critique d’art du XXe siècle.


Publié le 21 juin 2025 par Bertrand Hugonnard-Roche

Pour www.octaveuzanne.com

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