samedi 30 juin 2012

Ensemble de 7 circulaires concernant le fonctionnement de la Société des Bibliophiles contemporains (1890-1894).


Voici quelques documents miraculeusement retrouvés grâce à un libraire parisien qui a eu l'extrême gentillesse de bien vouloir nous les signaler afin que nous puissions les acquérir. Ce sont des circulaires internes aux membres de la Société des Bibliophiles contemporains. Ces papiers traitent tous plus ou moins de questions d'argent, de quittances à régler, des éditions en cours entre 1890 et 1894, soit la presque entière période d'existence de cette société.

Bonne lecture !

Bertrand Hugonnard-Roche

--------------------------------------------

Ensemble de 7 circulaires concernant le fonctionnement de la Société des Bibliophiles contemporains (1890-1894).

--------------------------------------------


Circulaire 1 [2 mars 1890] :

                Paris, le 2 mars 1890

                Monsieur et Cher Collègue,

                Par suite de l’opposition formelle faite par les Héritiers de Gustave Flaubert à notre Projet d’Edition privée de la Légende de Saint-Julien l’Hospitalier, notre Comité, dans sa dernière Séance, a décidé la Publication du plus Héroïque Chapitre de la Légende des Siècles de Victor Hugo ; celui des Chevaliers Errants. Pour lequel nous nous sommes assuré l’Autorisation nécessaire.
                Toutefois, conformément au Règlement, nous soumettrons à votre sanction le choix fait par notre Comité, et nous vous prions de bien vouloir nous adresser par lettre signée votre avis, dans la Quinzaine, à défaut de quoi votre silence serait considéré comme une acceptation.
                Si le Projet des Chevaliers Errants, réunissait contre lui une opposition de 50 voix, il serait ajourné. – (Article 12 du Règlement).
                Agréez Monsieur et Cher Collègue, l’expression de mes sentiments distingués.

                                                                                                              Le Secrétaire
                                                                                                              Alfred PIAT
                                                                                                              68, Avenue d’Iéna

--------------------------------------------


Circulaire 2 [15 mars 1892] :

                Paris, le 15 mars 1892

                Monsieur et cher Collègue,

                Je m’empresse de vous donner avis que je fais mettre en recouvrement, la cotisation de la 3e année sociale (1891-1892), s’élevant à 50 francs.
                Le versement de cette cotisation aurait dû avoir lieu dans le courant de Décembre dernier, mais le Comité a décidé qu’il ne serait demandé qu’au moment de la distribution des Annales de la 2e année. Vous venez de recevoir ces Annales et un fascicule « Le Loup » des Contes choisis de Guy de Maupassant.
                Votre quittance de cotisation vous sera présentée du 20 au 25 de ce mois. Je vous serai obligé d’y faire bon accueil.
                Recevez, Monsieur et cher Collègue, l’expression de mes sentiments dévoués.

                                                                                                              Jules Brivois
                                                                                                              10, rue Montpensier

--------------------------------------------


Circulaire 3 [12 août 1892] :

                Paris, le 12 août 1892

                Monsieur et Cher Collègue,

                J’ai le plaisir de vous annoncer que vous allez recevoir franco un paquet soigneusement enveloppé, recommandé, contenant quatre fascicules des Contes Choisis de Mr. Guy de Maupassant (Allouma, Un soir, Hautot père et fils, Une partie de Campagne). Vous avez déjà reçu « Le Loup » en mars dernier.
                Les cinq derniers fascicules non encore prêts, vous seront envoyés dans la deuxième quinzaine d’octobre ; mais au moment de faire ce dernier envoi je vous demanderai les 50 f. formant le complément de votre quote-part dans les frais de cette publication.
                Je prendrai soin d’ailleurs, de vous aviser par lettre spéciale de la mise en recouvrement de cette somme que vous pouvez m’envoyer dès maintenant si vous le préférez.

                Recevez, Monsieur et Cher Collègue, l’expression de mes sentiments dévoués ;

                                                                                              L’Archiviste-Trésorier
                                                                                              Jules Brivois
10, rue Montpensier

 --------------------------------------------

Circulaire 4 [14 octobre 1892] :

                Monsieur et Cher Collègue,

                Par ma circulaire du 12 août dernier, j’avais le plaisir de vous annoncer l’envoi de quatre fascicules des Contes Choisis de Mr. Guy de Maupassant, envoi qui a été fait quelques jours après sous paquet recommandé ; et je vous demandais de vouloir bien m’envoyer 50 frcs. pour solder votre quote-part de cette publication.

                L’Assemblée générale avait aussi autorisé la publication d’une plaquette en vers d’un auteur contemporain pourvu que la dépense totale n’excédât pas 200 francs, mais notre Président n’a pas usé de cette autorisation, pensant avec juste raison, que la publication des Contes de Maupassant, qui ne comprend pas moins de dix fascicules, était suffisamment importante pour l’absorber tout entier.
                Il reste à distribuer cinq contes presque entièrement terminés ; les 100 francs versés par chaque sociétaire sont employés ainsi que la presque totalité du reliquat du premier exercice.
                Dans cette situation, je viens vous demander de verser d’ici au 3 novembre inclusivement, les 50 fr. formant le solde de votre quote-part dans la publication dont il s’agit, afin de me permettre de solder les artistes, imprimeurs, etc. ………… et de prendre livraison.
                Passé cette date extrême, je me trouverais obligé de mettre votre quittance en recouvrement par l’intermédiaire d’une banque, ce qui entrainerait des lenteurs.
                Persuadé que vous faciliterez ma tâche, je vous prie d’agréer, Monsieur et Cher Collègue, l’expression de mes sentiments dévoués.

                                                                                              L’Archiviste-Trésorier
                                                                                              Jules Brivois.

Paris, 10 rue Montpensier
14 octobre 1892. [ajouté au bas à la plume : « envoyé 21 octobre].

  --------------------------------------------

Circulaire 5 [peu de temps avant le 16 mars 1893] :

Paris, le  Mars 1893
10, rue Montpensier

                Monsieur et Cher Collègue,

                Conformément à la circulaire présidentielle du 1er novembre dernier (1892), je viens vous donner avis que je fais mettre en recouvrement par l’intermédiaire du Crédit Lyonnais & de ses Agences, une quittance de Cent francs à valoir sur la publication des Contes inédits de Mr. Edmond Haraucourt.
                Je suis autorisé par notre Président, à vous dire que cette publication, votée par l’Assemblée Générale du 25 novembre 1891, est dès maintenant en voie d’exécution, et qu’il espère qu’elle pourra être complètement terminée et distribuée vers la fin de l’année ou tout au moins au début de 1894. A cette époque, vous aurez à payer 50 francs pour solde de votre quote-part et même somme de 50 frs. pour la cotisation du présent exercice 1892-1893. Mais quant à présent je ne vous demande le paiement que des Cent francs dont il est question plus haut.
                Je vous serai reconnaissant de réserver bon accueil à la présentation de votre quittance.
                Vous recevrez dans le courant de ce mois les Annales du 3e exercice et le complément des illustrations pour Maupassant.
               
                Recevez, Monsieur et Cher Collègue, l’expression de mes sentiments dévoués.
                                              

                                                                                                              Jules Brivois

P.S. La prochaine réunion aura lieu le 17 juin (1893). Vous serez avisé en temps utile.

[Manuscrit  en marge de gauche : Remis cent francs à Mlle Jeanne le 16 mars 1893. Signé d’initiales, peut-être JB pour Jules Brivois ? Tampon rectangulaire marqué CAISSE à l’encre rouge.

 --------------------------------------------

Circulaire 6 [mars 1894] :

Paris, le  Mars 1894
10, rue Montpensier

                Monsieur et Cher Collègue,

                L’Annuaire de la Société pour 1893 (4e année) vous a été expédié récemment, et je viens vous demander le paiement de la somme de 50 francs montant de la cotisation de l’année 1894 (5e exercice) exigible depuis l’Assemblée générale de novembre dernier (1893).
Au total Cent francs
                La quittance vous sera présentée d’ici quelques jours par l’intermédiaire du Crédit Lyonnais et je compte sur vous pour y faire honneur.
                Dans le courant d’Avril vous recevrez deux contes : la 1ère partie de « L’Effort » de Mr. Edmond Haraucourt ;  dont notre Président s’occupe activement. Au moment de cet envoi, j’aurai à vous demander 50 francs pour solde de votre quote-part dans la publication  de cet ouvrage (dont le complément vous sera livré vers la fin de l’année et peut-être en novembre prochain, lors de l’Assemblée générale), et ferai appel en même temps d’une somme de 50 francs à valoir sur la publication de « Balades dans Paris » déjà en bonne voie d’exécution.

                Recevez, Monsieur et Cher Collègue, l’expression de mes sentiments dévoués.

                                                               L’Archiviste-Trésorier,
                                                               Jules Brivois

--------------------------------------------


Circulaire 7 [6 mai 1894] :

Paris, le 6 mai 1894
10 rue Montpensier

                Monsieur et Cher Collègue,

                Il y a quelques jours j’ai eu le plaisir de vous envoyer les deux premières parties de L’Efffort, ouvrage inédit de Mr. Edmond Haraucourt ; les deux autres en cours d’exécution vous seront expédiés aussitôt leur achèvement, avec titre et couverture.
                Et je viens vous demander le versement : 1° de la somme de 50 francs solde de cette publication ; 2° et d’une autre somme de 50 francs à valoir sur Balades dans Paris. Ce dernier ouvrage voté par l’Assemblée Générale de novembre 1893, est déjà en bonne voie.
Au total Cent francs
                Je compte sur votre exactitude habituelle pour le paiement.
                Je ne vous demanderai plus rien cette année.
                Permettez-moi d’aller au devant d’une objection. Cette objection consisterait à dire : Que le Trésorier ne doit réclamer le solde d’une publication, qu’au moment de la livraison finale de cette publication. En effet c’est la règle, mais pour l’Effort de Mr. Haraucourt, il y a été expressément dérogé par le Comité dans la séance qui a précédé l’Assemblée Générale de novembre dernier ; ainsi qu’il est dit dans le Rapport du Secrétaire, lu à cette Assemblée, approuvé par elle et inséré dans les annales administratives de 1893 page XVII.

                Recevez, Monsieur et Cher Collègue, l’expression de mes sentiments dévoués.

                                                                                              L’Archiviste-Trésorier,
                                                                                              Jules Brivois

jeudi 28 juin 2012

Dîner des Ombres des Bibliophiles contemporains - 6 avril 1895.

Tout est dit dans l'excellente notice donnée par la librairie Nicolas Malais dans son catalogue été 2011 concernant ce rare document éphémère. Il s'agit donc d'une eau-forte tirée en sanguine sur papier vergé épais. C'est un feuillet 36 x 25 cm plié en deux dans le sens de la largeur. En première page on découvre l'eau-forte ci-dessous, très belle, et due au talent de Paul Avril qui signe son oeuvre en bas à droite. En troisième page on trouve le menu, imprimé en bleu. Je vous laisse apprécier le menu par le détail.

Bonne lecture !

Bertrand Hugonnard-Roche



Collection Bertrand Hugonnard-Roche - 2012




Collection Bertrand Hugonnard-Roche - 2012


Notice Librairie Nicolas Malais, été 2011

mercredi 27 juin 2012

Société des Bibliophiles Contemporains : Compte définitif des recettes et dépenses du premier exercice social (1889-90).

Voici reproduits in extenso, tels qu'ils ont été fournis aux sociétaires, le compte définitif des recettes et dépenses du premier exercice social (1889-90) des Bibliophiles contemporains.

Ces comptes, outre qu'ils montrent une gestion saine et excédentaire de la jeune Société, donne le détail des coûts et des recettes concernant les premiers ouvrages proposés : Les Débuts de César Borgia et l'Abbesse de Castro. On y trouve également le détail des cotisations, des ventes de dessins originaux, le détail des tirages, etc.

Ce premier exercice (publié au 8 mai 1891) montre un reliquat de plus de 5.800 francs or (1), déposés en banque. Nous verrons que les exercices suivants ne feront qu'accentuer ce capital. Lorsque Octave Uzanne décide de dissoudre la Société des Bibliophiles contemporains à la fin de l'année 1894, ce sont plusieurs dizaines de milliers de francs qui sont alors en banque. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, même une fois dissoute, l'argent disponible permettra d'imprimer en puisant sur ces fonds, des ouvrages offerts aux anciens sociétaires. Nous en reparlerons bientôt.

Les Bibliophiles contemporains furent donc très prospères durant les cinq années (1889-1894) de leur existence.

Bonne lecture.

Bertrand Hugonnard-Roche

(1) le salaire de base variait en 1890 de 1 franc à 5 francs par jour, soit des salaires annuels de 300 à 1.500 francs environ. Ce qui est certain c'est qu'avec 5.800 francs or en banque dès la fin de la première année d'existence, les Bibliophiles contemporains détenaient une somme importante équivalent aujourd'hui à plusieurs dizaines de milliers d'euros. A titre de comparaison, il n'est pas rare de voir un livre rare catalogué 100 francs chez Morgand et Fatout à cette époque obtenir aujourd'hui un prix de vente aux enchères proche de 1.000 à 2.000 euros, soit un coefficient multiplicateur admis situé entre X10 et X20. Ces comparatifs sont évidemment très aléatoires en fonction des livres retenus pour l'étude, mais cela permet malgré tout de se faire une idée.






mardi 26 juin 2012

Deux circulaires et un « projet d’avenir » adressés par Octave Uzanne aux Bibliophiles contemporains (novembre 1893 et octobre 1894).


Deux circulaires et un « projet d’avenir » adressés par Octave Uzanne aux Bibliophiles contemporains
(novembre 1893 et octobre 1894).

Octave Uzanne aux Bibliophiles contemporains – Paris, ce 5 novembre 1893.[1]

                               Mon cher Collègue,

                L’Assemblée générale annuelle des Bibliophiles contemporains aura lieu, au Restaurant Marguery, boulevard Bonne-Nouvelle (théâtre du Gymnase), le mardi 28 courant, à neuf heures précises, immédiatement après le dîner à sept heures précises, au prix de 15 francs, comme précédemment.
                Les adhésions au dîner et à l’Assemblée, ainsi que les votes des non-adhérents, devront parvenir à notre Secrétaire, M. Alfred Piat, 68, Avenue d’Iéna, à Paris, avant le 25 de ce mois.
                Voici l’ordre du jour de la prochaine Assemblée :

1° Election du Comité. – Prolongation des pouvoirs du Président fondateur pour une nouvelle année ;
2° Examen et approbation des comptes de l’Archivite-Trésorier ; Rapport du Secrétaire ;
3° Admission de nouveaux Sociétaires en remplacement des radiés, décédés ou démissionnaires ;
4° Vote sur une nouvelle publication proposée pour l’exercice 1893-1894 ;
5° Mise en adjudication de deux exemplaires uniques sur grand papier Whatman, l’un de l’Epave, l’autre d’une Partie de campagne, de Guy de Maupassant. Le premier enrichi de nombreuses aquarelles originales dans de très grandes marges, par A. Lunois ; le second, illustré en couleur de dessins originaux et inédits de P. Dillon. – Chacun de ces livres sera mis à prix à 250 francs.

                J’espère, mon cher Collègue, que vous serez des nôtres à cette prochaine réunion ; il importe que les « Contemporains » échangent leurs idées, qu’ils se connaissent et prennent contact avec toute la sympathie qui doit les unir. Ce sont presque toujours les mêmes bibliophiles qui assistent à nos réunions ; il serait agréable à tous les habitués que nos collègues encore inconnus vinssent s’asseoir comme convives parmi nous au plus tôt.
                Je n’ai plus aujourd’hui à vous parler des succès de notre jeune Académie des Beaux Livres. Malgré une administration rigoureuse et qui n’hésite pas à radier tous ceux des Sociétaires qui poussent l’indolence jusqu’à ne point répondre aux courtoises sommations statutaires de notre Trésorier, nous demeurons, grâce à de nombreuses, incessantes et honorables candidatures, toujours au pair de notre capital de 160 sociétaires. (Déjà 37 Membres Fondateurs ont été remplacés depuis 1890.)
                
De plus, les échos des dernières ventes aux enchères vous auront appris, mon cher Collègue, que nos premières publications atteignent aujourd’hui une valeur trois et quatre fois supérieure à celle qui leur fut attribuée par nos votes ; les Contes choisis de Maupassant sont recherchés à 650 francs, et soyez sûr qu’une heure est prochaine où ces prix, déjà élevés, seront encore dépassés.
                La publication en voie d’achèvement : Contes inédits de Edmond Haraucourt, ne pourra, tout nous le fait prévoir, que relever encore le prestige de notre Association bibliographique. Au lieu de trois contes par vous votés, il vous en sera remis quatre sous ce titre général : L’EFFORT. Les titres des quatre contes sont : la Madone, l’Immortalité, l’Ante-Christ et la Fin du monde.
                Deux de ces contes vous seront livrés au plus tard vers février 1894 ; les deux derniers en mai probablement. Sans vouloir à l’avance  vouloir vous monter outre-mesure l’imagination, il me sera bien permis de vous dire, mon cher Collègue, que, tant au point de vue de l’art d’illustration qu’à celui de l’originalité du rendu, cet ouvrage, illustré par Carloz, Schwabe (sic), Lunois, A. Seon, etc., sera le plus parfait des ouvrages qui aient paru avec le filigrane de notre Société.
                Je vous manifestais l’an dernier, mon cher Collègue, la résolution d’abandonner en d’autres mains la direction de notre petite Académie moderniste ; mais, quelque plaisir que je puisse espérer de rentrer dans le rang et de conquérir, par cela même, une plus grande indépendance, je suis contraint de jouer le Président malgré lui, personne jusqu’ici n’ayant consenti à me décharger du fardeau assumé il y a cinq ans déjà et dont aujourd’hui je ressens, à vrai dire, un peu moins lourdement le poids qu’au début.
                Je ne veux pas croire toutefois qu’un providentiel successeur ne se présentera pas bientôt ; c’est pourquoi je vous convie, dans un but de liberté réciproque, de vouloir bien renouveler mes pouvoirs pour une année seulement.
                En ce qui concerne la publication à voter pour le prochain exercice, je vous demanderai, mon cher Collègue, de vouloir bien vous arrêter à un ouvrage illustré de dix ou douze gravures en taille-douce en couleurs dont je puis garantir la nouveauté et dont je pourrai, d’ailleurs, vous présenter des spécimens le 28 de ce mois, car, « proprio motu », j’ai devancé vos votes en ébauchant ce livre avec l’aide d’un dessinateur-graveur de grand talent, M. A. Bertrand, sans prétendre néanmoins engager notre Société par mon initiative privée. Vous déciderez.
                Cette publication aurait pour titre : Ballades dans Paris et serait rédigée par dix ou douze écrivains différents que je ne puis encore désigner, mais dont je me chargerai d’assurer le concours. Le montant en serait fixé à 150 francs, ainsi que précédemment ; mais comme il est à présumer que le prix de revient n’atteindrait pas cette quote-part, il serait agréable à notre Comité de consacrer le surplus à la mise au jour de quelque édition privée qui vous parviendrait peu après les Ballades dans Paris, c’est-à-dire vers la fin de l’année prochaine au plus tard.
                Dans le cas, mon cher Collègue, où vous ne pourriez assister à notre prochaine Assemblée du 28 courant, je vous prie très instamment de nous envoyer vos votes signés, afin que le quorum nécessaire aux conclusions de nos délibérations puisse être sûrement atteint ce soir-là.
                Veuillez agréer, je vous prie, mon cher Collègue, l’assurance de mes sentiments dévoués.

                                                        Octave Uzanne
                                                                                           (signature en fac-similé)

Paris. – Lib. Imp. réunies.

Octave Uzanne aux Bibliophiles contemporains – Paris, le 10 octobre 1894.[2]

                               Monsieur et cher Collègue,

                J’ai le plaisir de vous faire adresser (en deux paquets séparés), les deux dernières parties de l’Effort de M. Edmond Haraucourt, avec titre général et couverture de l’ouvrage ; et Balades dans Paris, broché sous sa couverture.
                Avec cet envoi, mon cher Collègue – ainsi que je vous en avais précédemment avisé – je m’acquitte envers vous des charges que j’avais assumées lors de la fondation de notre Société en 1889.
                J’espère, au cours de ces cinq années (1889-94), par les publications successives des  Débuts de César Borgia, de l’Abbesse de Castro, des Contes choisis de Guy de Maupassant, de l’Effort et de Balades dans Paris, ainsi que nos quatre volumes des Annales littéraires, avoir suffisamment démontré qu’il est encore possible de créer des livres avec une décoration nouvelle d’une variété incontestable de types et de procédés modernes, en dépit d’esprits traditionnaires et routiniers.
                Il ne me reste plus aujourd’hui, avec le désir d’employer mon activité à des œuvres plus exclusivement littéraires, qu’à vous exprimer ma résolution absolument définitive, d’abandonner la Présidence de notre Société ; et de plus, - en cela d’accord avec le Comité – à réclamer la dissolution de notre Association.
                Je vais vous en exposer les motifs.
                En fondant la Société des Bibliophiles contemporains, il y a cinq ans, je n’ai point entendu ériger une institution, devant se poursuivre pendant une longue période d’années, mais plutôt constituer une Assemblée temporaire, - tout au moins sous ma présidence – destinée à marquer un grand pas dans l’illustration du livre – et je suis persuadé que ce but a été largement atteint.
                D’autre part, j’ai dû me convaincre, à la suite de démarches réitérées auprès de ceux de nos collègues qui semblaient désignés pour me succéder et continuer, en l’élargissant, la voie que j’avais tracée, que je devais renoncer à rencontrer la bonne volonté et les énergies nécessaires pour remplir les fonctions que j’abandonne et poursuivre la tâche absorbante et de tous les instants que j’avais entreprise.
                Je ne chercherai donc point à vous dissimuler, mon cher Collègue, qu’en présence de cette situation, j’ai le tenace désir de voir disparaître, à la fin de mes fonctions, « l’Académie des Beaux-Livres » que j’avais inféodée peut-être avec excès à la personnalité absolue de son Président. Je viens donc vous demander de voter la dissolution de notre Société dans une Assemblée générale extraordinaire que, d’accord avec notre Comité, nous fixons au Samedi, 10 novembre prochain, à 9 heures du soir, à l’issue de notre dîner d’automne qui aura lieu, comme les années précédentes, au Restaurant Marguery, Boulevard Bonne-Nouvelle, à 7 heures précises.

Voici l’ordre du jour de cette Assemblée :

1° Lecture et approbation du compte de l’Archiviste-Trésorier ;
2° Dissolution de la Société ;
3° Proposition sur l’emploi, tant du reliquat net en caisse que des fonds à provenir du recouvrement des quote-parts de quelques Sociétaires en retard ; et de la vente aux meilleures conditions possibles par les soins de la commission dont il va être parlé, soit à des Membres de la Société, soit à des tiers : 1° des dessins originaux ayant servi à l’illustration de l’Effort, et de Balades dans Paris ; 2° des collections complètes des publications de la Société qui seront disponibles, soit 10 volumes (cinq ouvrages illustrés et cinq Annales), aux meilleures conditions ; 3° de quelques exemplaires isolés de l’Abbesse de Castro et de César Borgia, etc., restant en plus des collections complètes. (Les collections et ouvrages isolés non placés avant le 1er novembre 1895, seront lacérés).
                Lequel emploi est proposé comme suit :
                1° Frais des Annales de la présente année, qui, par exception, seront purement administratives.
                2° Frais d’établissement d’un ou deux ouvrages illustrés, dont les titres et l’illustration seront postérieurement annoncés. – L’exécution est dès aujourd’hui confiée au Président qui a offert de s’en charger à titre gracieux. Cet ouvrage sera adressé gratuitement à chaque Sociétaire dans le courant de l’année prochaine. Il sera tiré rigoureusement à 170 exemplaires numérotés, dont 160 pour les Membres de la Société et le surplus pour le Président, les Membres d’honneur, le dépôt légal, les auteurs et artistes, ainsi qu’un exemplaire pour les Archives.
                Les planches qui auront servi à l’illustration seront détruites.
                Les dépenses de ces deux ou trois publications, ainsi que les frais de bureau, ne pourront, en aucun cas, dépasser la somme disponible.
                Si, toutes dépenses payées et la situation entièrement liquidée, il restait encore un boni, il serait versé par les soins de la Commission, selon les vœux de notre Assemblée, au comité du monument à élever à la mémoire de Guy de Maupassant.
                4° Nomination, conformément à l’article 18 des statuts, d’une Commission de sept membres ; laquelle sera chargée d’exécuter les décisions de l’Assemblée générale, de donner toutes décharges à l’Archiviste-Trésorier, et de statuer sur toutes questions accessoires qui seraient la conséquence de la dissolution.
                Nous proposons les noms suivants :

                                               MM.
1.       Henri Beraldi, Président.
2.       Henri Vever, Vice-Président.
3.       Jules Brivois, Archiviste-Trésorier.
4.       Alfred Piat, Secrétaire.
5.       Emile Collet, Avoué.
6.       Albert Quantin, ancien Editeur.
7.       Eugène Rodrigues, Avocat.

                Et comme Membres supplémentaires, en cas de vacance ou de non acceptation :

                                               MM.

1.       Angelo Mariani.
2.        B.-H. Gausseron.
3.        Paul Eudel.
               
                La Commission rendra compte de ses agissements dans une circulaire qui sera adressée à chaque membre en même temps que l’ouvrage illustré.
                Par le seul fait de cet envoi, elle sera déchargée de toute responsabilité.
                Veuillez donc, mon cher Collègue, me faire savoir avant le 30 de ce mois, 17, quai Voltaire, - notre secrétaire, M. Piat, étant momentanément absent, - si vous assisterez au dîner et à l’Assemblée générale qui suivra ce dîner. Dans le cas où vous seriez empêché de le faire, je vous prie de me retourner le bulletin de vote ci-inclus après l’avoir signé, afin que je puisse réunir la majorité absolue exigée par les Statuts et que je ne sois point tenu de convoquer une seconde Assemblée.
                Croyez, mon cher Collègue, à l’expression de mes sentiments les meilleurs et les plus dévouées.

                                                                                              Octave Uzanne,
                                                                                              Président-Fondateur.

Cette dernière circulaire, imprimée sur 3 pages, se poursuit avec une quatrième page intitulée « PROJET D’AVENIR ». C’est un texte très intéressant par lequel Octave Uzanne se projette dans le futur et exprime ses aspirations « libertaires » pour l’après Biblio-Contempo. Le voici :

PROJET D’AVENIR[3]
----------------------

                Etant admis, mon cher Collègue, que la dissolution réclamée soit votée, ainsi que j’en ai le ferme espoir, je tiens à vous aviser, en mon nom personnel, que notre Société pourrait peut-être renaître sous une forme toute nouvelle, laissant à chacun des anciens membres une indépendance complète et supprimant cotisations, entrées, Statuts, Règlement, comité et autres formalités onéreuses et inutiles, etc., etc.
                Il est possible, en effet, qu’après la publication des ouvrages qui, d’ici un an environ, vous seront gratuitement délivrés, c'est-à-dire après 1895, je publie, - sous ma responsabilité absolue, comme naguère d’ailleurs, mais sans avoir à supporter d’oiseuses et vaines discussions, - les livres qu’il me conviendra de choisir et de proposer aux cent soixante sociétaires actuels.
                Ces ouvrages, tirés à 170 exemplaires environ, mis en souscription chez un libraire parisien[4], avec spécimens explicatifs, seraient édités sous la raison sociale des Bibliophiles contemporains, mais aucun des ex-sociétaires invités à y souscrire ne serait tenu de le faire, si pour raison de prix ou de convenance ils ne se ralliaient pas à l’ouvrage en cours ; ils auraient, pour ainsi dire,  titre de Souscripteurs privilégiés.
                La proposition faite, les exemplaires de ceux d’entre eux qui n’auraient point répondu à l’appel seraient livrés aux candidats inscrits par ordre, pour remplacer les abstentionnistes.
                Ce projet, qui ne doit du reste prendre forme définitive qu’en 1896, serait plus explicitement exposé en temps opportun. Je ne m’en ouvre ici que pour exprimer aux amis connus et inconnus une espérance de rencontre future, et atténuer ce que la nécessité de la dissolution imminente peut avoir pour eux de fâcheux.
                Un dîner annuel de Dilettantes du Livre pourra être aussi proposé, avec faculté pour chaque ex-sociétaire d’y conduire un ou deux amis. Il en sera, en 1895, plus amplement parlé. La dissolution ne serait donc en quelque sorte qu’une transformation favorable aux intérêts de tous.

                                                                                          O.U.

Lib.-Imp. réunies, 7, rue Saint-Benoit, Paris.


[1] Papier vergé crème à en-tête de la Société des Bibliophiles contemporains (vignette circulaire dessinée par Adolphe Giraldon avec la devise « Toujours de l’avant ».
[2] Papier vergé crème à en-tête de la Société des Bibliophiles contemporains (vignette circulaire dessinée par Adolphe Giraldon avec la devise « Toujours de l’avant ».
[3] Uzanne jette ici sur le papier les prémices des fondations des Bibliophiles indépendants.
[4] Le libraire en question sera H. Floury.

lundi 25 juin 2012

Le premier dîner des Bibliophiles Contemporains (18 décembre 1889).


On trouve le texte ci-dessous aux pages 49 à 55 du premier volume du Livre Moderne. C'est une intéressante description du premier dîner organisé par et pour les Bibliophiles contemporains. C'est sans doute dans ce texte qu'Octave Uzanne emploie pour la première fois le terme de Biblio-Contempo, qui restera.

De nombreux indices stylistiques nous invitent à penser que c'est Octave Uzanne lui-même qui est l'auteur de ce texte, même si, par pudeur, par modestie ou par un savant jeu de dédoublement de la personnalité, il se place dans le récit à la troisième personne tout en s'analysant lui-même : "Octave Uzanne, qui est loin d’être un timide cependant, mais qui semble se blottir avec plaisir dans un mutisme voulu – dont plusieurs d’entre nous voudraient bien le déloger."

Bonne lecture.
Bertrand Hugonnard-Roche

-------------------------------------

Le premier dîner des Bibliophiles Contemporains
(18 décembre 1889).

Mes chers confrères, le sieur de Cussy avait raison : Le dîner est le nerf de la vie sociale ; les Biblio-contempo – qu’on me passe ce diminutif familier – en ont fourni délicieusement la preuve en festoyant au nombre d’une trentaine, au café Riche, le mercredi 18 décembre dernier.

Puissent les absents ne point s’en consoler, mais il est de toute justice d’avouer que la chair était exquise, les vins délicats, et l’esprit confraternel digne de ces anciennes agapes où le bon Athénée fait converser entre eux ses étonnants et paradoxaux personnages.

Près de quarante membres avaient envoyé leur adhésion, on comptait sur S.A.R. Mgr le Duc d’Aumale et sur S. E. Lord Lytton ; mais, à la dernière heure, le prince fit prévenir qu’il devait rester à Chantilly, et l’ambassadeur d’Angleterre, retenu à la chambre par une entorse, envoya ses excuses au président. D’autre part, avec la grippe, qui est devenue la coqueluche générale, plusieurs académiciens des beaux livres, en coquetterie d’influenza, envoyèrent des profondeurs de leurs couvertures des télégrammes de regrets.

Parmi les présents figuraient : Charles Cousin, Henri Beraldi et Louis Beraldi, Henri Houssaye, Jules Brivois, représentant la caisse sociale ; Paul Lacombe, le comte de Contades, B.-H. Gausseron, Jean Richepin, Vigeant, le comte J. Dupontavice de Heussey, attaché militaire à Londres ; Albert Quantin, Rubattel, Georges Bengesco, Lucas, Alfred Piat, Archbold-Aspol, E. de Gourio de Refuge, Gaston Tissandier, Henri Vever, Georges Demory, Henri Thuile, Georges Vicaire, A. Mariani, Mercier et Jacques Leman, que nous ne reverrons plus, car il devait, hélas ! succomber quelques jours plus tard à une attaque subite d’angine de poitrine.
La table était fleurie, pomponnée, étincelante sous des lueurs électriques ; un Menu à l’eau-forte indiquait la place de tous les convives que le président s’était efforcé de placer par groupes sympathiques. Les présentations faites, la glace rompue, on se mit à table.

Au dessert, notre président, Octave Uzanne, qui est loin d’être un timide cependant, mais qui semble se blottir avec plaisir dans un mutisme voulu – dont plusieurs d’entre nous voudraient bien le déloger – pria ses commensaux de vouloir bien accorder les honneurs du discours à son cher vice-président et speaker ordinaire Charles Cousin, l’inénarrable Toqué, auteur et publicateur du Voyage dans mon grenier.

Cousin a l’éloquence impétueuse, sa langue bondit comme un pur sang au moindre aiguillon ; il est disert, malicieux et adorablement bavard à la fois ; il sait mettre la gaieté sur la nappe, et, rien qu’à regarder son faciès de Comus, cette mine grassement modelée par le rire et finement ponctuée par l’ironie, ces petits yeux allumés par l’esprit le plus espiègle, on se sent gagné par l’aisance sympathique, par le charme attractif qui émane de ce bibliophile éclectique et électrique, aussi jeune que les plus jeunes, malgré ses cheveux blancs.
Que n’eûmes-nous de sténographe pour recueillir en un opuscule tiré à petit nombre les paroles, hélas ! « déreliées » et envolées des lèvres anacréontiques du brillant vice-président ! – Ce fut de la pyrotechnie oratoire, du ruggierisme d’éloquence. Le Toqué porta en premier lieu la santé de notre gracieuse présidente d’honneur, Sa Majesté la Reine Elisabeth de Roumanie, puis celle de Mgr le Duc d’Aumale ; enfin il leva son verre en l’honneur de Lord Lytton, le poète, le lettré, le diplomate. Chacun de ses toasts fut accueilli avec enthousiasme, et le spirituel causeur sut envelopper les hommages, adressées à chacune de ces trois hautes personnalités, avec des observations les plus fines et des éloges les plus discrets.

Le président fondateur reçut naturellement une coupe d’honneur et dut subir avec modestie les acclamations provoquées à son endroit par l’incorrigible Toqué. Il remercia ses chers collègues pour le témoignage de tant de sympathie affectueuse, et donna la parole au vice-président n°2, Henri Beraldi, qui, en une brève et remarquable improvisation, chanta avec ferveur les mérites de l’art moderne et des artistes contemporains, littérateurs, imprimeurs, dessinateurs, graveurs et relieurs, qui valent bien d’être encouragés, dit-il, et auxquels on a jusqu’ici trop refusé d’attention, au profit d’un art rétrospectif qui ne doit absorber ni notre argent ni notre admiration. – Cette allocution nette, incisive et chaleureuse était bien faite pour ravir les Biblio-contempo qui toastèrent d’un même mouvement : Aux Modernes !

L’ère des discours n’était point achevée. M. Georges Bengesco, Conseiller de la légation de Roumanie, se leva pour remercier le vice-président, Charles Cousin, du toast chaleureux qu’il venait de porter à Sa Majesté la Reine Elisabeth de Roumanie, et il lut la petite harangue délicatement tournée que voici reproduite en partie :

En plaçant, dit-il, notre Société sous le haut patronnage de l’illustre écrivain qui, sous le pseudonyme, aujourd’hui presque populaire en France, de Carmen Sylva, a buriné des pensées dignes de vos meilleurs moralistes, vous avez voulu non seulement donner à la nation roumaine un témoignage de sympathie dont elle vous est reconnaissante, mais encore marquer votre respectueuse admiration pour mon Auguste Souveraine, qui porte si noblement la double Couronne de la Royauté et du talent.
Nulle assurément n’est plus digne qu’elle de présider à nos travaux, parce que nulle peut-être ne réunit au même degré ces qualités d’originalité, de charme, de grâce et de goût qui distingueront très certainement nos futures publications. Véritable âme de poète et d’artiste, aimant et cultivant le beau dans toutes ses manifestations et sous toutes ses formes, nulle ne pourra mieux seconder nos efforts pour réaliser dans cet art exquis du livre la perfection idéale vers laquelle s’élèvent nos aspirations ; et, tandis que ses œuvres si belles, si harmonieuses, d’une conception si touchante et d’une si rare perfection de forme, pourront inspirer délicieusement le pinceau magique d’une Madeleine Lemaire ou d’un Olivier Merson, qui sait, Messieurs, si Carmen Sylva ne daignera par un jour nous donner un gage précieux de l’intérêt qu’elle porte à notre Société, en illustrant Elle-même, de son crayon magistral, pour les Bibliophiles contemporains, quelque belle légende de Pierre Loti, son prosateur favori, ou quelque superbe poème de Leconte de Lisle, son poète préféré ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Sous de pareils auspices, et avec le concours dévoué de son fondateur, qui jouit à un si haut degré de notre confiance, de notre estime et de notre sympathie, la Société des Bibliophiles contemporains peut envisager sans crainte l’avenir. Elle est sûre du succès, et d’un succès d’autant plus éclatant que la pléiade de bibliophiles, de lettrés et d’artistes qui la composent ne voudra rien négliger pour lui faire atteindre très rapidement le but élevé qu’elle poursuit, et qui, aux termes mêmes de nos Statuts, est d’introduire dans l’art de la typographie de luxe le plus haut degré de perfection possible.

Permettez-moi en terminant, Messieurs et chers collègues, de me conformer à un constant usage diplomatique en portant la santé de M. le Président de la République française, et en buvant avec vous à la grandeur et à la prospérité de la France, cette terre classique de l’élégance, de l’esprit et du goût, si hospitalière pour les étrangers, et si largement ouverte aux savants, aux érudits et aux artistes de tous les pays.

Vivent les Bibliophiles contemporains !

Inutile de dire l’accueil galant et chaleureux qui fut fait à l’élégant Conseiller de la légation de Sa Majesté le Roi de Roumanie ; le savant bibliographe de Voltaire fut couvert de fleurs, et chacun, non content de l’avoir applaudi en communauté, tient à le féliciter en personne.

Charles Cousin, le Toqué, lâché en liberté de bavardage pétillant, voulut avoir la dernière manche ; il avait en face de lui le correct Jules Brivois, l’ami des livres brochés et des cotisations acquittées ; il porta la santé de notre très sympathique et courtois Archiviste-Trésorier dont les fonctions, souvent ingrates, réclament tant d’activité, de zèle, de soins constants et de dévouement pour notre Société.

C’était assez d’éloquence champagnisée pour un premier repas, et il était permis de se lever de table pour passer au salon voisin.


Le dîner fait, on digère, on raisonne,
On conte, on rit, on médit du prochain.

a si bien dit le patriarche de Ferney. Les Contemporains, chaudement enveloppés dans une bienfaisante atmosphère de cordialité, agitèrent les projets grandioses, conçurent des livres extraordinaires et jurèrent de se liguer contre la tyrannie des grands formats, si peu conformes à la vie moderne, si rarement élégants, si illisibles ou plutôt inlisibles.

On s’unit et causa par petits groupes, et Jean Richepin se vit fêté, rencontrant parmi nous autant d’admirateurs que de collègues heureux de lui être présentés. – Un joli mot au sujet de l’auteur des Blasphèmes : Béraldi père, le voyant entrer, demanda à Béraldi junior : Quel est ce Monsieur ? et sur de la réponse du fils désignant le chantre des Gueux : - Il lui ressemble ! clama le féroce iconophile qui n’aime à connaître les hommes de son temps que par l’œuvre gravé des portraitistes. Il lui ressemble est immense ! ce mot superbe piédestalise à lui seul un amateur d’estampes.

La petite fête, si cordiale, si intime, si impétueusement égayée par la verve de son vice-président – un roi de la toquade qui est son propre fol – prit fin peu avant le milieu de la nuit. Chacun partit à l’anglaise pour se retrouver à la française au mois des roses éditées à la verte feuille, chez le tant attendu Désiré Printemps, chasseur de brumes, de rhumes et d’influences.

Tous les convives du Dîner du 18 Décembre aimeront longtemps à se souvenir de cette belle soirée, où quelques-unes de nos charmantes biblio-contemporaines – ont, il faut bien le dire, malheureusement fait défaut. –

                                                                      Un monsieur du comité des dix
                                                       (férocement Bibliophile et vertement Contemporain).

Trois circulaires adressées aux membres de la Société des Bibliophiles contemporains (mai 1891 et mai 1893).


Trois circulaires adressées aux membres de la Société des Bibliophiles contemporains (mai 1891 et mai 1893).

---------------------------------------

Octave Uzanne aux membres de la Société des Bibliophiles contemporains[1].

Paris, le 8 mai 1891.
            Mon cher collègue,

            Le quatrième Dîner des Bibliophiles contemporains aura lieu le Samedi 30 courant, au Restaurant du Gymnase, chez Marguery, boulevard Bonne-Nouvelle, à sept heures précises du soir.
            Le prix de la cotisation reste, ainsi que précédemment, fixé à 15 francs.
            J’espère avoir le plaisir de vous compter au nombre des convives, et je vous prie de vouloir bien m’envoyer votre adhésion avant le 26 de ce mois.
            A l’issue de ce Dîner, les Sociétaires se réuniront en Assemblée générale extraordinaire, dans le but de donner leur sanction aux questions suivantes :

            1° Examen et approbation du compte définitif des recettes et dépenses de la première année sociale, dressé par l’Archiviste-Trésorier, et dont le résumé d’ensemble vous est adressé ci-inclus.

            2° Admission de quatre nouveaux Membres, en remplacement de quatre sociétaires démissionnaires, les deux premiers inscrits pour le présent exercice, les deux autres pour l’exercice suivant.
                        Noms des candidats présentés conformément au Règlement :
                        1° M. Frédéric RAISIN, Membre du Grand-Conseil, rue de la Poste, à Genève.
                        2° M. E. MAREUSE, Propriétaire à Paris, boulevard Haussmann, 81.
                        3° M. Alfred BARION, de Bressuire (Deux-Sèvres).
                        4° M. Antoine COLIN fils, rue de l’intendance, à Port-Louis (Île Maurice).

            3° VENTE DES DESSINS D’EUGENE COURBOIN POUR l’ABBESSE DE CASTRO. – Ces dessins comprennent : 1° Huit têtes de chapitres (l’une de ces compositions ayant été faite deux fois) ; - 2° Sept culs-de-lampe (l’un d’eux n’a pas été employé, faute de place dans le volume) ; - 3° Sept encadrements de chapitres, deux encadrements de début de pages, titre, dos de couverture et cartouche d’ornementation.
            La mise à prix de l’ensemble de ces pièces ne pourra, conformément au Règlement, être inférieure à la moitié du prix payé à l’Artiste, c'est-à-dire la somme de Mille deux cent cinquante francs.
            Au cas où, à ce prix, ces dessins ne trouveraient pas d’acquéreurs, ils seraient, en vertu de l’article 20 de notre Règlement, estampillés, puis tirés au sort entre les 160 Sociétaires, par trois lots successifs : - un lot des têtes de chapitres, un lot des culs-de-lampe, un lot des encadrements et ornements typographiques.
            4° Vente du dessin original de Paul Avril, pour le Menu du Dîner du 30 mai (mise à prix : Soixante francs).

            Dans le cas, mon cher Collègue, où vous ne pourriez assister à notre Assemblée du 30 Mai courant, je vous prierais de vouloir bien me faire parvenir vos pouvoirs, sous forme d’approbation signée, pour les divers votes ci-dessus désignés.
            Vous trouverez également inclus dans cet envoi un appel de versement de Cent francs, à valoir sur votre quote-part des frais de publication des Contes choisis de Guy de Maupassant, dont le prix a été fixé, lors de notre dernière Assemblée, à Cent cinquante francs, minimum par Sociétaire.
            Je saisis, mon cher Collègue, l’occasion qui m’est donnée de vous entretenir de notre Société pour vous faire savoir qu’il me sera très agréable de vous compter parmi les collaborateurs de nos prochaines Annales littéraires, et je vous prie instamment de vouloir bien m’adresser tout ce qui vous semblerait pouvoir concourir à l’attrait artistique ou à l’intérêt littéraire de notre prochain recueil collectif.
            Croyez, mon cher Collègue, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs, et agréez l’expression de ma considération distinguée.

                                                                                           Octave Uzanne,
                                                                                                17, Quai Voltaire.

P.S. – Peu de temps après le versement des Cent francs demandés par la circulaire ci-incluse du Trésorier, chaque Sociétaire recevra, gratis et franco, la suite complète, en tirage à part en noir, des diverses eaux-fortes des Débuts de César Borgia, dont notre Comité a décidé l’impression, les frais étant à prélever sur l’excédent des recettes du dernier exercice.
                       
-----------------------------------------------

Voici ci-dessous le texte de la circulaire signée par l’archiviste-trésorier Jules Brivois et envoyée aux sociétaires à la même date (8 mai 1891) :

Paris, le 8 mai 1891

                        Monsieur et cher Collègue,

            Permettez-moi de vous rappeler que l’Assemblée générale du 29 novembre dernier, a décidé que la Société publierait, cette année, un choix de Contes de M. Guy de Maupassant, et ferait, s’il y avait lieu, une seconde publication, sans que, toutefois, la dépense totale puisse excéder la somme de Deux Cents francs, maximum fixé par le Règlement.
            Les Contes de M. de Maupassant sont en voie d’exécution, et je viens en conséquence, vous demander de vouloir bien m’envoyer par la poste, d’ici un mois, c’est-à-dire au plus tard le 9 juin, un acompte de CENT FRANCS, afin que cette exécution marche rapidement.
            Vous pouvez, si vous le préférez, me verser cette somme directement ou par intermédiaire, au siège social, 10, rue Montpensier, les mardis 19 et 26 mai, 2 et 9 juin, de deux heures à quatre.
            Passé cette date extrême du 9 juin, je mettrais immédiatement votre quittance impayée en recouvrement par l’intermédiaire d’une maison de banque.
            Recevez, Monsieur et cher collègue, l’expression de mes sentiments dévoués.

                                                           L’archiviste-Trésorier :
                                                                       Jules BRIVOIS.
                                                                                   Rue Montpensier, 10.

Deux annnées plus tard, une nouvelle circulaire sur le même type que la première citée ci-dessus :

--------------------------------------------

Octave Uzanne aux membres de la Société des Bibliophiles contemporains[2].

Paris, le 25 mai 1893.

                        Mon cher Collègue,

            Le huitième Dîner des Bibliophiles contemporains aura lieu le Samedi 17 juin prochain, au Restaurant du Gymnase, chez Marguery, boulevard Bonne-Nouvelle, à sept heures précises du soir.
            Le prix de la cotisation reste, ainsi que précédemment, fixé à 15 francs.
            J’espère avoir ce soir-là le plaisir de vous compter au nombre des convives, et je vous prie de vouloir bien envoyer votre adhésion avant le 10 de ce mois à M. Piat, notre secrétaire, 68, avenue d’Iéna.
            A l’issue de ce Dîner, les Sociétaires se réuniront en Assemblée générale extraordinaire, dans le but de donner leur sanction aux questions suivantes :

            Admission de nouveaux membres, en remplacement de Sociétaires démissionnaires, tant pour le présent exercice que pour l’exercice suivant ;
            2° Vente d’un exemplaire unique, grand papier Whatman, de la Partie de campagne de Guy de Maupassant, illustré page à page d’aquarelles de Dillon (mise à prix minimum : 300 fr.). – Vente d’un exemplaire unique, grand papier Whatman, avec nombreuses illustrations d’Alexandre Lunois dans les marges de l’Epave (mise à prix : 300 fr.).

            Dans le cas, mon cher Collègue, où vous ne pourriez assister à notre Assemblée du 17 juin courant, je vous prierais de vouloir bien faire parvenir à l’un de nos secrétaires ou à notre trésorier vos pouvoirs, sous forme d’approbation signée, pour le vote ci-dessus désigné.
            Croyez, mon cher Collègue, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs, et agréez, l’expression de ma considération distinguée.

                                                                                   Octave Uzanne.


[1] Papier du Japon avec la vignette d’en-tête avec la devise NUNC ET SEMPER. Imprimé par Jouaust.
[2] Papier vélin avec la vignette d’en-tête avec la devise NUNC ET SEMPER. Paris. – Lib. –Imp. réunies.

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...