mercredi 25 février 2015

Envoi autographe d'Octave Uzanne au directeur de la Dépêche de Toulouse Remy Couzinet (1899). "à m. Remy Couzinet en sympathie totale de vision sur la vie et les pantins qui la peuplent Octave Uzanne"



"à m. Remy Couzinet
en sympathie totale de vision
sur la vie et les pantins qui la peuplent
Octave Uzanne"

Bandy Center, Vanderbilt University (Nashville, TN) Pascal Pia Collection PQ 2454 U8 Z477 1899.
Communiqué le 24 février 2015 par Vincent Gogibu


     Envoi autographe d'Octave Uzanne sur les Visions de notre heure (Paris, H. Floury, 1899). Exemplaire broché. Un des 50 exemplaires sur papier de Chine, celui-ci portant le numéro XIV au composteur. Exemplaire provenant fonds Pascal Pia de la bibliothèque de l'université Vanderbilt à Nashville, Tennessee (USA). Cet envoi nous a été aimablement communiqué par Vincent Gogibu (CARGO).
      Cet envoi est adressé à Remy Couzinet qui fut directeur de la Dépêche de Toulouse de 1882 à 1893. Il est né en 1849 et mort à Corbeil en septembre 1912.
      Il est amusant de constater cet envoi sur ce livre lorsqu'on sait que les articles publiés dans ces Visions sont des articles de l'Echo de Paris des années 1897 à 1898 et qu'Octave Uzanne devient aussitôt après 1900 l'un des chroniqueurs phares de la Dépêche de Toulouse, et ce pendant près de 30 ans.

Bertrand Hugonnard-Roche

Un livre qu'Octave Uzanne n'a jamais publié : Paris-Montmartre, 1 volume grand in-8° (en préparation en novembre 1893)



Nous avons déjà parlé ici des livres qu'Octave Uzanne n'a jamais publié mais qu'il avait pourtant projeter de mettre au jour. Soit qu'ils n'ont finalement jamais écrits, soit qu'ils n'ont pas été publiés et qu'ils sont resté à l'état de manuscrit, ces livres méritent toutes notre attention et font, à part entière, partie de sa bibliographie.
      On trouve à la fin de La femme à Paris, Nos contemporaines, publié par l'ancienne Maison Quantin, May et Motteroz, en 1894 (achevé d'imprimer le 8 novembre1893), la liste des ouvrages et publications littéraires de Octave Uzanne. A la fin de cette liste on trouve une petite liste d'ouvrages en préparation. Parmi ces ouvrages on note celui-ci : Paris-Montmartre, 1 vol. grand in-8°.
      C'est la seule mention de cet ouvrage que nous connaissons. Cet ouvrage n'a jamais paru. Ou plutôt, il n'a jamais paru écrit par Octave Uzanne. Même si cela n'est pas signalé, tout porte à croire que cet ouvrage devait être illustré par Pierre Vidal, tout comme La femme à Paris, Nos contemporaines. Voici quelques concordances troublantes qui nous amène à la conclusion suivante : Octave Uzanne n'a finalement pas publié cet ouvrage. Un ouvrage similaire  est publié par Georges Montorgueil chez G. Boudet en 1899, avec des illustrations de Pierre Vidal, sous le titre : La vie à Montmartre. Le projet Uzanne a-t-il été abandonné ? C'est probable. Octave Uzanne se serait-il fâché avec l'illustrateur probable de l'ouvrage Pierre Vidal ? Qu'en était-il des relations entre Octave Uzanne et Georges Montorgueil ? Relations dont on ne sait rien à ce jour. Fait troublant : Octave Uzanne publie sa Femme à Paris en novembre 1893, le 1er décembre 1895 Georges Montorgueil publie chez le même éditeur (ancienne Maison Quantin) La vie des boulevards Madeleine-Bastille, avec 200 dessins par Pierre Vidal. Cet ouvrage est composé sur la même maquette que La femme à Paris d'Octave Uzanne, à l'exception des hors-textes qui ne s'y trouvent pas. L'illustration en couleurs est disséminée dans le texte. Le tirage de cet ouvrage est de 700 exemplaires (plus quelques exemplaires de luxe sur Japon). Tout comme sera le tirage de La vie à Montmartre 4 ans plus tard. Nous avons lu La vie des boulevards Madeleine-Bastille : on n'y trouve aucune mention d'Octave Uzanne, ce qui nous étonne lorsqu'un chapitre entier est consacré aux Cythères parisiennes (les petites cythères) et aux Femmes du boulevard. On ne peut s'empêcher de penser qu'Octave Uzanne a dû s'étrangler en ne lisant pas son nom mentionné là tandis que le nom de bien d'autres était cité tout au long de l'ouvrage.
     
illustration pour La vie de Boulevards
Madeleine-Bastille

par G. Montorgueil,
ill. P. Vidal, 1896
      Sans preuve, nous ne pouvons rien affirmer, cependant voici notre ressenti et notre analyse : Octave Uzanne publie La femme à Paris en novembre 1893 et prévoit un ouvrage intitulé Paris-Montmartre, également illustré par Pierre Vidal. Le projet ne se fait pas ou traîne en longueur. Georges Montorgueil, en contact avec l'ancienne maison d'imprimerie Quantin, sort son livre La vie des boulevards Madeleine-Bastille avec 200 dessins par Pierre Vidal fin 1895. Octave Uzanne, toujours bien en place au sein de l'ancienne maison Quantin, ne peut ignorer la mise en train de cet ouvrage. Sans doute grince-t-il des dents en voyant que son projet est repris par un autre, modifié certes, mais inspiré largement de son Paris-Montmartre. Sans doute pourrait-on découvrir une fâcherie entre les deux hommes à cette époque. Montorgueil publie sa Vie à Montmartre en 1899, l'ex-projet d'Octave Uzanne est accompli ou presque, par un autre. Tout ceci n'est peut-être que déductions hasardeuses, mais nous ne désespérons pas de trouver un jour les preuves (lettres autographes) qui nous manquent pour être certain de cette version de l'histoire.



Bertrand Hugonnard-Roche

dimanche 22 février 2015

Une carte dessinée et gravée par Paul Avril pour le Dîner des Ombres (6 avril 1895) des Bibliophiles contemporains.



Carte dessinée et gravée par Paul Avril pour Octave Uzanne
à l'occasion du Dîner des Ombres du 6 avril 1895

Papier type Arches. Dimensions : 16 x 12 cm

coll. Bertrand Hugonnard-Roche, acquisition janvier 2015


      Cette carte qui vient de rentrer dans notre collection devait-elle servir de papier à lettre pour le Dîner des Ombres des Bibliophiles contemporains, à savoir le dîner du 6 avril 1895 dont nous avons déjà parlé il y a quelques temps ici même ?
      C'est aussi Paul Avril qui dessine et grave le menu illustré pour ce même dîner qui marque la fin des Biblios contempos. Fin pas tout à fait définitive cependant puisqu'un dernier dîner d'adieu sera donné le 24 janvier 1898.

Bertrand Hugonnard-Roche

Carte-lettre autographe d'Octave Uzanne à un membre des Bibliophiles contemporains à propos de la dissolution de ladite société (26 octobre 1894)



coll. B. H.-R., acquisition janvier 2015


      Nous avons déjà publié plusieurs billets relatifs à la dissolution des Biblio-contempos demandée par Octave Uzanne, Président-fondateur de ladite société de bibliophiles.
      En voici quelques uns à lire ou à relire :

- Deux circulaires et un « projet d’avenir » adressés par Octave Uzanne aux Bibliophiles contemporains(novembre 1893 et octobre 1894).

- « Uzannophiles » : néologisme narcissique, par Octave Uzanne lui-même et imprimé à l'occasion de la publication des Annales administratives des Bibliophiles contemporains (1er décembre 1894) : « Aux Bibliophiles contemporains je donne donc volontiers un adieu, aux Uzannophiles je ne consens à dire qu'un cordial : au revoir ! » 

- « Eh ! bien, la Société des Bibliophiles Contemporains a donc vécu (...) » écrit le bibliophile et bibliographe Georges Vicaire à son ami Victor Déséglise le 2 décembre 1894. 

      Nous avons acquis dernièrement une carte-lettre autographe du Président-Fondateur adressée à l'un des membres des Bibliophiles contemporains et faisant demande expresse du pouvoir signé pour le samedi 10 novembre 1894 jour de la dissolution de ladite société en cas d'absence le soir de la réunion. Nous ne savons pas précisément à qui était adressé ce billet.
      Nous en donnons ci-dessous la transcription exacte.

Bertrand Hugonnard-Roche



17, Quai Voltaire
Paris, ce 26 octobre 1894

Mon cher collègue,

Je tiens à vous rappeler que notre dîner des "Bibliophiles contemporains", suivi d'une assemblée générale de dissolution, aura lieu le samedi 10 novembre prochain chez Marguery à 7h du soir.
Prière instante, mon cher collègue, de m'envoyer vos pouvoirs signés, 17 quai Voltaire, au cas où vous ne pourriez venir parmi nous ce soir là.

Agréez l'expression de mes sentiments les meilleurs.


Octave Uzanne

mardi 17 février 2015

Octave Uzanne bien représenté dans la bibliothèque du bibliophile américain Robert Hoe (1911-1912).



La bibliothèque du bibliophile américain Robert Hoe (*) est sans aucun doute l'une des plus importantes bibliothèques dispersée dans les premières années du XXe siècle. Ce ne sera pas moins de 8 parties réunies en 4 forts volumes in-8, représentant plus de 14.000 références dont un nombre considérables de trésors bibliophiliques de toutes époques, de l'incunable au manuscrit médiéval en passant par les éditions bibliophiles de la fin du XIXe siècle, qui seront dispersée entre avril 1911 et novembre 1912. La France, pays phare de la bibliophilie, est évidemment richement représentée par plusieurs milliers d'ouvrages. La curiosité nous a poussé à rechercher dans ces catalogues les exemplaires des ouvrages d'Octave Uzanne conservés par le bibliophile américain. Nous ne savons pas si Octave Uzanne a connu ou rencontré personnellement Robert Hoe, mais à la vue des ouvrages présentés ci-dessous, cela est peu probable. Voici la liste de ces ouvrages.

Part I.

3290. Le Bric-à-Brac de l'amour. Paris, 1879. 1 des 4 ex. sur vélin avec frontispice en 4 états et dessin original de la couverture (trois états de la couverture). Maroquin olive, fleurs mosaïquées dans les angles en maroquin citron, doublure de maroquin citron, reliure signée Chambolle-Duru. Adjugé 200 dollars.

3291. Le Calendrier de Vénus. Paris, 1880. 1 des 4 ex. sur vélin. Plusieurs états de la couverture et du frontispice. Maroquin bleu, doublure de maroquin orange, reliure signée Chambolle-Duru. Adjugé 100 dollars.

3292. L'Eventail. Paris, 1882. 1 des 100 ex. sur Japon. Maroquin bleu signé Chambolle-Duru. Adjugé 110 dollars.

3293. L'Ombrelle. Paris, 1883. 1 des 100 ex. sur Japon. Maroquin bleu signé Carayon. Adjugé 85 dollars.

3294. La Reliure moderne artistique et fantaisiste. Paris, 1887. Maroquin marron doublé maroquin bleu. Reliure signée Bretault. (Exemplaire du tirage ordinaire). Adjugé 65 dollars.

3295. Physiologie des Quais de Paris. Paris, 1893. Maroquin vert (reliure signée The Club Bindery). 1 des 75 ex. sur Japon avec le frontispice en 4 états. Adjugé 40 dollars.

3296. L'Art dans la décoration extérieure des livres en France et à l'étranger. Paris, 1898. Papier vélin (tirage ordinaire). Adjugé 45 dollars.

Part II.

3280. Caprices d'un Bibliophile. Paris, 1878. Maroquin marron signé Chambolle-Duru. 1 des 2 ex. sur Vélin. Frontispice en 4 états. Adjugé 16 dollars.

3281. La Chronique scandaleuse. Pairs, 1879. Broché. 1 des 50 ex. sur "India paper" avec frontispice en 2 états. Adjugé 5 dollars.

3282. Le Bric-à-Brac de l'amour. Paris, 1879. Broché. 1 des 50 ex. sur Whatman. Adjugé 3 dollars.

3283. La Gazette de Cythère. Paris, 1881. Broché. Papier Whatman (50 ex.). Adjugé 3 dollars et 50 cens.

3284. Les Moeurs secrètes du XVIIIe siècle. Pairs, 1883. Broché. Papier Whatman (50 ex.). Adjugé 4 dollars.

3285. Son Altesse la Femme. Paris, 1885. Broché sous chemise en cuir japonais. 1 des 100 ex. sur Japon avec les planches en 2 états. Adjugé 7 dollars.

3286. La Française du Siècle. Paris, 1886. Broché sous chemise en cuir japonais. 1 des 100 ex. sur Japon avec les planches en 3 états dont 2 en couleurs. Adjugé 7 dollars.

3287. Les Zigzags d'un curieux. Paris, 1888. Broché. 1 des 30 ex. sur Whatman avec le frontispice en 2 états. Adjugé 3 dollars et 50 cens.

3288. Contes pour les Bibliophiles. Paris, 1895. Broché, 1 des 30 ex. sur Japon (n°26) avec les illustrations hors-texte en 2 états. Avec une lettre autographe d'Octave Uzanne insérée. Adjugé 11 dollars.

3289. Voyage autour de sa chambre. Pairs, 1896. Maroquin bleu doublé de maroquin rose, reliure signée The Club Bindery. 1 des 210 ex. avec un état en noir des planches en plus. Adjugé 50 dollars.

3290. Féminies. Paris, 1896. Demi-maroquin rouge. Exemplaire truffé d'épreuves avant la lettre des eaux-fortes d'après les dessins de Félicien Rops, avec le prospectus et 6 lettres autographes de Gyp, 6 de Hermant, 4 de Lavedan et 8 de Schwob. (pas de lettres d'Octave Uzanne signalées). Adjugé 110 dollars.

3291. La Nouvelle Bibliopolis. Paris, 1897. Maroquin rouge, reliure signée The Club Bindery. 1 des 100 ex. sur Japon avec les planches en 2 états. Adjugé 27 dollars et 50 cens.

Part III.

3260. La Chronique scandaleuse. Paris, 1879. Broché. 1 des 50 ex. sur Whatman. Adjugé 5 dollars.

3261. Anecdotes sur la comtesse Du Barry. Paris, 1880. Broché. Tirage à petit nombre. Adjugé 2 dollars.

3262. Les Surprises du Coeur. Paris, 1881. 1 des 4 ex. sur vélin. Avec le dessin original de la couverture par Paul Avril et bon à tirer. Maroquin rouge doublé maroquin vert, reliure signée Chambolle-Duru. Adjugé 85 dollars.

3263. La Gazette de Cythère. Paris, 1881. Broché. 1 des 50 ex. sur Chine, 2 états des planches. Adjugé 3 dollars.

3264. L'Eventail. Paris, 1882. Maroquin rouge doublé maroquin vert, reliure signée David. 1 des quelques exemplaires sur "papier vélin" avec un état des planches sur Japon. Adjugé 25 dollars.

3265. Quelques-uns des livres contemporains en exemplaires choisis, curieux ou uniques, tirés de la Bibliothèque d'un écrivain et bibliophile parisien [Octave Uzanne]. Paris, 1894. Demi-maroquin rouge signé Bretault. Prix à l'encre avec parfois les noms des adjudicataires. Adjugé 2 dollars et 50 cens.

Part IV.

3153. L'Eventail. Paris, 1882. Maroquin bleu signe The Club Bindery. Papier vélin avec un deuxième état des planches sur Japon. Adjugé 25 dollars.

3154. Bouquinistes et Bouquineurs. Paris, 1893. Demi maroquin marron signé The Club Bindery. 1 des 75 ex. sur Japon avec le frontispice en 4 états. Adjugé 5 dollars.

3155. La Femme à Paris. Paris, 1894. Demi maroquin blanc signé The Club Bindery. 1 des 110 ex. sur Japon avec les 20 hors-texte en 2 états. Adjugé 5 dollars.

3156. Dictionnaire Bibliophilosophique. Paris, 1898. Maroquin bleu signé Meunier. Exemplaire d'Octave Uzanne. 1 des 2 ex. sur Japon, états des couvertures ajoutés, dessins originaux des couvertures de Berthon et De Feure, 8 états de la couverture. 1 page du manuscrit original à la fin. Adjugé 23 dollars.

3157. The french bookbinders of the eighteenth century. Chicago, Caxton Club, 1904. 1 des 250 ex. cartonnage éditeur demi-toile. Adjugé 15 dollars.

Quelques commentaires s'imposeraient d'eux-mêmes. Mais mieux vaut parfois laisser régner le silence et le recueillement ... Robert Hoe ne possédait pas d'exemplaires dédicacés par Uzanne, ce qui laisserait supposer qu'ils n'ont pas été en contact direct. Par ailleurs on notera le faible prix obtenu pour certains exemplaires uniques qu'on rechercherait aujourd'hui, comme le Dictionnaire Bibliophilosophique (exemplaire Uzanne) adjugé seulement 23 dollars si l'on en croit les listes de prix imprimées jointes aux catalogues.


Bertrand Hugonnard-Roche

(*) Catalogue of the library of Robert Hoe of New York. Illuminated manuscripts, incunabula, historical bindings, early english literature, rare americana, french illustrated books, eighteenth century english authors, autographs, manuscripts, etc. To be sold by auction beginning on monday, april 24, 1911 by Anderson Auction Company, New York.  Part four to be sold by auction beginning monday, november 11, 1912. Le listing ci-dessus n'a pas répertorié les ouvrages publiés par Octave Uzanne au nom des Bibliophiles contemporains et des Bibliophiles indépendants.



lundi 16 février 2015

Octave Uzanne aux Etats-Unis, Félicien Rops lui écrit (28 avril) : "Chicago est plus monumental que New-York. Le mauvais gout new yorkais s’y grandiose & disparait. L’énormité a aussi sa beauté."


Voici une nouvelle lettre extraite de la base de données nouvellement mise en ligne par le Musée Félicien Rops de Namur (Belgique) et dont nous avons rendu compte dernièrement. Cette lettre est intéressante : Octave Uzanne est aux Etats-Unis pour couvrir la World's Fair de Chicago pour le Figaro. Elle date du 28 avril 1893.

Bertrand Hugonnard-Roche
  
Lettre N°196 de la nomenclature


© Photographie Vincent Everarts
[1r° : 1] Paris 28 avril 1893 Mon Cher Vieux, Reçu & avec quel grand plaisir, enfin, de tes nouvelles ! Il fait ici un temps du mois d’Aout, – & tu dois avoir à peu près le même temps labas, puisque tu as fait un pacte avec le soleil ; Ton grand enthousiasme américain ne m’étonne pas, je t’en avais prévenu. La médaille a bien quelques petits revers, mais tu ne t’en apercevras guère, les conditions particulières dans lesquelles tu voyages labàs serviront à continuer ton enchantement. Chicago est plus monumental que New-York. Le mauvais gout new yorkais s’y grandiose & disparait. L’énormité a aussi sa beauté. Plus facile à atteindre que l’autre, celle qui doit être petite pour être vue. La Ste Chapelle & St Marc de Venise danseraient dans l’hotel de ville de Philadelphie, mais tout le génie américain ne pourrait pas en inventer un chapiteau gros comme le poing. Ne t’y laisse pas prendre. Je connais la genèse de ces grosseurs qui sont même souvent des grossièretés : Ce sont des bandes d’architectes de Francfort & de Hambourg qui se sont jetés, après l’incendie de Chicago sur l’Amérique du Nord et qui aidés par les admirables matériaux que fournissaient le pays se sont livrés à des grossoyements qui ne manquent pas « de curiosité » mais sans plus ! Ce n’est pas encore eux qui feront Notre Dame ! Les soubassements en grès de Chicago vont t’étonner, mais un maçon 

© Photographie Vincent Everarts
[1v° : 2] n’a pas besoin d’un architecte pour entasser ces choses là les unes sur les autres. N oublie pas que le Temple de Gnide en Carie, n’avait que six petites colonnes ioniques sous la pureté de son attique, mais qu’elles constitueaient le canon de la proportion humaine : la somme ! Je ne veux pas que mon ami Octave, Parisien, Français et artiste, se déshonore par des admirations injustifiées, et souligne de son approbation des laideurs qui ne méritent que l’approbation des gros publics de labàs, dont l’œil est gros comme l’entour. – Quant au reste, au machinisme amusant de la boutique Américaine : tu as raison c’est très neuf, et facile en voyage. Ici, mon vieil, on se plaint de la sécheresse ! ! Nous avons quitté la rue de Grammont pour la : rue du Marché des Blancs Manteaux ! N°2. « Drôle ! – Sans bail, pour un an nous nous sommes campés là en attendant. Écris toujours à la ½ Lune –, j’y vis presque toujours. Je me remets au travail tout doucement. La maison : DULUC & FRESNAY-GOUFFÉ est ouverte. Il n’y a pas moyen d’empêcher ma femme de faire quelque chose ! Mais enfin cette nouvelle association, laisse mes deux chères compagnes à peu près libres, & ne les astreindra à aucun travail assidu, tout en leur laissant la moitié des bénéfices. Ce sont d’excellentes conditions de société. Je t’écris chez Mariani. je t’enverrai

© Photographie Vincent Everarts
[1v° : 3] une lettre pour Montréal, pour un abbé charmant spirituel & lancé labas. Grandes amitiés a notre vieil ami Jolly Boivallot & à son fils. Nous gardons ma femme et moi tous les deux, le meilleur souvenir. Vu personne. Haraucourt disparu dans des mondes chics o[ù] il pontifie en vue de l’Académie future il tire de loin : sous œil a comme les carabines Minié une hausse à parabole. L’Exposition ouvre demain. Les vernisseuses sortent leur toilettes & leur exclamations d’admirativité les plus fin de-siècle. Godebski y sera, que la Pologne se rassure ! Nous t’embrassons tous à vieux & jeunes bras. Ton ancien copain Fély

© Photographie Vincent Everarts - http://ropslettres.province.namur.be/

dimanche 8 février 2015

Souvenirs sur Thomas Edison par Octave Uzanne (7 mars 1908)


      Thomas Edison a survécu à l'effroyable état physique décrit par Uzanne en mars 1908. Il mourut la même année qu'Octave Uzanne, le même mois, à quelques jours d'intervalle, en octobre 1931, âgé de 84 ans. Après 1908 Edison resta un inventeur prolifique et ne cessa son activité que dans les tous derniers moments de sa vie de génie-inventeur-industriel.
      Le témoignage d'Octave Uzanne lors de sa visite en avril 1893 à Orange-Park chez Edison est précieux et nous révèle quelques détails physionomiques et psychologiques intéressants. Uzanne était alors envoyé spécial pour le Figaro afin de couvrir la World's Fair de Chicago. A 15 ans de distance sans doute les souvenirs ont-ils été quelque peu altérés, modifiés par l'imaginaire. Cela est tout à fait acceptable.
      Néanmoins cette rencontre fut importante pour Uzanne, qui, nous le pensons, conserve toujours très nettement un souvenir fiable de ses impressions, même les plus anciennes.
      Nous reviendrons bientôt sur cette visite à Edison au travers du texte publié à l'époque dans l'ouvrage Vingt jours dans la Nouveau Monde, de Paris à Chicago publié à la fin de l'année 1893.


Bertrand Hugonnard-Roche


* *
* *


CAUSERIES
__________
  
Souvenirs sur Thomas Edison


Thomas Edison en 1901 dans un de ses laboratoires
    Le grand faiseur de miracles scientifiques, l'homme extraordinaire auquel nous sommes redevables du Téléphone, du Phonographe, du Kinétographe, du Télégraphe  quadruplexe, du Mégaphone, du Dynamogénérateur d'électricité et de la plupart des grandes inventions électriques constituant le progrès contemporain, Edison est, en ce moment, mourant, victime de ses expériences, les yeux aveuglés par les rayons violets, ayant subi, pour la troisième ou quatrième fois, de douloureuses opérations qui ont fait de lui un martyr de la science.
      Qu'il survive ou non à l'effroyable état physique, où son génie prisonnier du corps est entré en agonie, ce vaincu ne fera plus désormais retentir le monde du bruit de ses merveilleuses découvertes. A soixante et un ans, le voici au bout d'une carrière surprenante qui lui assure, mieux qu'à tout autre, l'Ilmmortalité, celle qui est due à un surhomme, à une sorte de Prométhée ayant dérobé au ciel et à la terre ses mystérieux secrets, ayant capté les sources de ses forces jusqu'alors inconnues, pour nous créer une vie nouvelle d'une intensité prodigieuse qui en centuple l'activité.
      J'ai connu Thomas Edison en 1889, lorsqu'il vint à Paris et, plus particulièrement encore, je le vis chez lui à Orange-Park, en 1893, alors qu'il me fit l'honneur de me choisir comme le révélateur de son invention de Kinétographe, devenu depuis lors biographe et cinématographe aux mains des adaptateurs. Je me souviens avec une netteté absolue de cette journée passée dans la compagnie de ce bon sorcier à Orange-Park, un peu au-delà de Newart, dans le New-Jersey, à une distance d'environ une heure et demie de New-York par Ferry boat et Electric car. C'était là que s'élevait l'énorme bâtisse de briques rouges, l'Edison's factory, où il travaillait sans trêve, après avoir abandonné ses ateliers du Menlo-Park, qui servirent à ses débuts.
      Edison ne le faisait pas à la pose. Il ne faisait parade d'aucune vanité. Bien qu'il n'eût alors que quarante-six ans, il en paraissait au moins cinquante-six. Vêtu à la façon des ouvriers anglais, en bras de chemise, les manchettes retroussées, sans faux col, le chapeau melon posé à l'arrière du crâne, la figure poupine, non rasée depuis plusieurs jours, les cheveux set et poivre, on eût dit, en le voyant, chez lui, qu'il appartenait, en sous-ordre, à quelque équipe de chauffe ou d'ajustage. La démarche était lente, le dos légèrement vouté, l’œil gris-bleu froidement inquisiteur, malicieux, pénétrant, bien que sans feu. Je remarquai ses mains courtes aux ongles en deuil, meurtries, éraflées par des travaux de métallurgie. Il vint moi, dans la salle où je l'attendais avec beaucoup de rondeur affable et cette cordialité d'accueil si agréable, presque si fraternelle chez les anglo-saxons supérieurs.
      Il convenait de lui parler fort, car déjà sa surdité était profonde ; mais il s'approchait de lui-même, la main en corne d’acoustique, riant gaminement de son infirmité qui l'obligeait à tant de combinaisons pour converser. Il avait énormément d'humour et de drôlerie dans son langage et sa diction nasillarde. Il ne connaissait pas un traître mot de français, d'italien et très peu d'allemand. Mais chose étrange - était-ce par galanterie - il me déclara aimer passionnément la France et les Français et n'avoir pour ses compatriotes et même pour les Anglais que des sentiments antipathiques. Les uns et les autres sont, me dit-il, trop brutaux, insensibles (unfeelings) ; ils meurtrissent les délicats et sont impitoyables dans leur arrivisme. Et avec une grimace de dédain et d'amertume, une crispation clownesque de son visage de vieux cabotin, il ajoutait : "Vilaines, vilaines bêtes ! Sales bêtes !"
      La vérité est qu'Edison avait à se plaindre énormément des hommes d'affaires yankees. Il avait été exploité, trop souvent même dépouillé du fruit de certaines de ses découvertes. Son indignation à ce sujet ne s'apaisait pas et tout en me prenant le bras familièrement, pour me conter la férocité des procédés dont il avait eu à souffrir, il concluait, moitié riant hautement, moitié se lamentant, avec un geste tragique : "Les hommes sont trop canaille et voleurs" voyez-vous ! Puis, gentiment, comme pour corriger son dire : "... Sauf les artistes, les poètes, les rêveurs, ce sont les bon d'entre les méchants !"
      C'était d'autant plus aimable de sa part qu'à son avis, j'en suis sûr, l'art n'était qu'un luxe superflu et que les œuvres d'imagination ne pouvaient servir les intérêts réels et pratiques de l'humanité. Comme je lui parlais de l'Eve future, le roman de Villiers de l'Isle-Adam, dont il était en quelque sorte l'inspirateur et le prototype, il m'avoue l'ignorer et n'avoir jamais perdu une seconde de sa vie à lire un roman, un livre de poésie, une œuvre de critique ou de voyage.
      Ah ! cette promenade faite en sa compagnie à travers son grand village d'industriel, combien variée fut-elle, depuis la vision du Kinétographe, l'audition de ses phonographes, - où lui-même semblait prendre, à écouter des airs de cirque, un plaisir de vieux gosse échappé de la salle d'étude, - jusqu'aux ateliers d'expériences d'éclairage et de fabrication des lampes-ampoules. Je ne saurais décrire tout ce que je vis comme outillages inédits, inventions à l'essai, machines à graver les chiffres et les lettres d'imprimerie, machines à chiffrer, à additionner, téléphones nouveaux styles, etc. Je revois encore Edison, penché sur les cylindres des phonographes en fabrication, me faisant admirer, à l'aide du microscope, les infinitésimales parcelles de saphir servant à fixer le son, à accrocher la note sur l'appareil enregistreur. Plus loin, il me mettait en main, fébrile de gaieté, en me pressant de la mettre en poche, comme souvenir, une montre à bon prix de 1 dollar, qu'il venait d'éditer. Et il sortait la sienne, la jetait en l'air comme un camelot pour me montrer qu'elle ne craignait rien et qu'il était fier de n'en point avoir d'autre pour mesurer son temps si précieux. Au cours de cette visite le brave homme ne savait que m'offrir et me prodiguer, riant sans cesse d'un rire de sourd à ses propres saillies, avec une joie très manifeste et de fréquents tapotements de main affectueux sur mon épaule.
      Ce puissant créateur de phénomènes avait une physionomie extraordinaire de mobilité, il semblait prendre plaisir à être comique, à grimacer, à exprimer par des expressions énergiquement drôlatiques ses goûts et dégoûts. Il y réussissait à merveille, et me faisait éclater d'alacrité, ce qui le réjouissait. Comme j'écoutais une musique allemande reproduite par l'un de ses appareils et qu'il avait saisi un des récepteurs pour savoir de quoi il s'agissait, il fit une mimique d'épouvante, d'horreur, un simulacre de nausée digne d'un maître acteur. Il semblait vouloir vomir toute l'Allemagne et tout l'art allemand, la musique et le reste.
      A quoi travaillez-vous actuellement ? demandai-je à Edison.
      - A faire des diamants me répondit-il, à constituer le carbone pur, le diamant noir, le boart. Et, d'un geste dédaigneux, montrant ses doigts, ses boutons de chemise, il indiquait : Pas ça, pas ça, pas des diamants de luxe inutiles, mais le boart qui servira à l'industrie, au forage, le diamant pratiqe, le diamant blanc taillé, mimait-il ... Zut ! ça m'est égal ! C'est bon pour les snobs. - Et d'imiter l'allure du snob !
      Lemoine était moins modeste et plus bluffeur. Edison ne parvint point à faire le boart, mais il n'aurait trompé personne. Ce fut le travailleur patient, honnête, borné à ses découvertes, qui transforma le monde sans presque vouloir sortir de son home et qui, richissime, vécut comme le plus médiocre des usiniers, le moins vaniteux des ouvriers.
      Il détestait New-York, n'y allait presque jamais et souffrait d'entrer en contact avec les hommes et les mœurs de son pays. On peut croire qu'il ne connut ni les spectacles ni les spectateurs de son temps. C'est sans doute ce qui avait conservé son apparence de vieux Fellow loustic et ses manières d'Aladin ébloui des miracles de sa propre lampe. On ne fit jamais de plus grandes révolutions avec pareille modestie. Je conserve de ce grand homme l'image d'un vieux gamin amuseur et amusé, à l'âme simple et candide, insoucieux de sa gloire et presqu'insconscient de son génie.


OCTAVE UZANNE.
La Dépêche de Toulouse,
Samedi 7 mars 1908

samedi 7 février 2015

Un coin de la bibliothèque d'Octave Uzanne en octobre 1884 et avant cette date, au 72 bis, Rue Bonaparte à Paris.



Octave Uzanne à sa table de travail au 72 bis Rue Bonaparte à Paris

Bandeau gravé d'après le dessin de G. Vastine
placé en tête de la table des matières de Son Altesse la Femme
achevée d'imprimer le 28 octobre 1884


      Un coin de la bibliothèque d'Octave Uzanne au 72 bis, Rue Bonaparte à Paris, révélé par un simple bandeau gravé ! Un bandeau signé d'un certain G. Vastine et gravé ou imprimé par Delâtre publié en tête de la table des matières de Son Altesse la Femme achevé d'imprimer chez Quantin le 28 octobre 1884.
      Uzanne se cache partout ! se montre partout ! On peut une fois de plus s'en rendre compte. C'est son côté Alfred Hitchcock comme je l'avais déjà écrit une fois par le passé.
      Que voit-on ici ? Octave Uzanne est un jeune homme de 33 ans. Il est assis à la table de travail. Des livres, des bibelots, des fleurs dans un vase, un tableau accroché au mur, une étagère remplie de livres, un fauteuil (qui n'est pas le même que celui qu'il utilisera dans son logement du 17, Quai Voltaire un an plus tard). On distingue même posée devant lui ce qui doit être une demi-reliure du XVIe en peau de truie et ais de bois. Uzanne travaille, il bibliographe.
      C'est à peu près tout ce qu'on peut déduire de cette gravure d'après nature à n'en pas douter. Cette bibliothèque est à comparer avec celle du Quai Voltaire, plus ample, plus faste.

Bertrand Hugonnard-Roche

Une gravure, une adresse, une erreur de datation : Uzanne emménage au 17, Quai Voltaire, très probablement peu de jours ou semaines avant novembre 1885 et non 1886 comme nous l'avions cru jusque là. Errare humanum est ...


      On croit savoir, et puis on s’aperçoit que ce n'est pas si simple. Dans un précédent billet nous donnions à quelques jours près la date de déménagement d'Octave Uzanne pour le 17, Quai Voltaire, à Paris, soit peu de jours avant le 8 décembre 1886. La chose est acquise de source sûre et ne peut être remise en question. Sauf que ...

      Dans un autre article nous donnions quelques vues de la bibliothèque d'Octave Uzanne. Nous donnions ces vues pour des vues de cette même adresse au 17, Quai Voltaire. Un problème de chronologie vient bouleverser cette hypothèse pourtant hautement probable. Quel est ce problème ?
      C'est assez simple à comprendre. Dans la Française du Siècle par Octave Uzanne, achevée d'imprimer le 4 novembre 1885, on trouve en tête du volume, le bandeau ci-dessous gravé à l'eau-forte par Gaujean.


Octave Uzanne dans sa bibliothèque du 17, Quai Voltaire, avec vue sur la Seine
vers octobre-novembre 1885 ... et non 1886 !


      Nous connaissions pourtant bien ce bandeau pour l'avoir déjà publié ici même. Comment Uzanne peut-il être représenté dans sa bibliothèque du 17, Quai Voltaire à la date du 4 novembre 1885 (et même avant - la gravure date d'au moins plusieurs semaines voire plusieurs mois auparavant) alors qu'il n'emménage dans ce logement d'un an plus tard, aux environs du 8 décembre 1886 ? Il n'y a aucun doute sur les lieux représentés ici et qui sont bien les mêmes que ceux que nous avons montré dernièrement dans un billet récapitulatif ... et désormais caduque pour ne pas dire erroné.
      Penchons-nous un instant sur l'adresse précédente d'Octave Uzanne. Avant décembre 1886 (croyons-nous) Octave Uzanne habite au 72 bis, Rue Bonaparte. Nous ne savons pas s'il était à l'étage, mais quoi qu'il en soit, il est impossible que depuis sa fenêtre il ait une vue panoramique sur la Seine telle qu'on peut la voir sur la gravure ci-dessus.
      Qu'est-ce que cela signifie ? Ce qui est certain c'est que cette vue en hauteur sur la Seine ne peut indiquer que le 17, Quai Voltaire, seule adresse en bord de Seine pouvant permettre un tel panoramique. Comme nous l'avions déjà indiqué, nous savons par une lettre de Félicien Rops qu'il logeait encore au 72 bis, Rue Bonaparte le 10 août 1886. Rops se sert en effet de l'adresse d'Uzanne pour se faire envoyer de l'argent sur Paris. Nous savons par ailleurs qu'il occupe son logement du Quai Voltaire le 10 janvier 1887, d'après une lettre de son frère Joseph. Où est l'erreur ? Où est le piège ? Uzanne ne peut pas, un an avoir déménagé, avoir imaginé ce que serait la vue sur la Seine qu'il aurait alors ! Le mystère est complet. On s'embrouille.
      Il n'y a qu'une seulement explication plausible : Nous nous serions trompé en indiquant 1887 comme date de la lettre de Rops à Liesse (publiée sur ce blog), ce serait 1886 qu'il faudrait lire ... Uzanne aurait donc déménagé au 17, Quai Voltaire en décembre 1885 ou quelques semaines avant. La Française du Siècle ayant été achevée d'imprimer début novembre 1885, on peut même supposer que le déménagement a eu lieu quelques semaines avant. Cela supposerait que Félicien Rops s'est également trompé d'année lorsqu'il indique l'adresse d'Uzanne au 72 bis, Rue Bonaparte le 10 août 1886, ce serait le 10 août 1885 qu'il faudrait lire.
      Si vous avez une meilleure explication, je suis preneur. Des recherches approfondies parmi les autographes datés et situés d'Octave Uzanne permettra sans doute rapidement d'y voir plus clair.
      Pour le moment, retenons, à la vue de cette gravue, qu'Octave Uzanne est déjà installé au 17, Quai Voltaire début novembre 1885, sans doute même plusieurs semaines auparavant.

Bertrand Hugonnard-Roche


Nous corrigeons en note de bas de billet les articles erronés en lien.

mardi 3 février 2015

Octave Uzanne et le troisième sexe : homo-sexuels, invertis, bougres et autres Allemands : Opinion en Une de la Dépêche de Toulouse (8 février 1908).

     

      Octave Uzanne publie cet article le samedi 8 février 1908. Il court entre la une du journal et la deuxième page où il s'achève sur une colonne. Nous avons décidé de republier aujourd'hui ici cet article dans son intégralité car il nous paraît lourd de sens et mérite d'être versé au dossier encore très incomplet des préférences sexuelles d'Octave Uzanne. Octave Uzanne a 57 ans.
      A la même époque, le 15 mai 1908 exactement, il écrit à son frère Joseph : "Je n’ai pas besoin de te dire que si ça te chantait de venir dimanche, je te recevrais avec plaisir (à Paris, Place de l'Alma), mais tu as immobilisé ton temps avec cette petite serine de Cladel ce qui t’est moins salutaire qu’une promenade en plein air – Je le regrette pour toi, Barbizon eut mieux valu – Moi, je ne me laisse plus aller à ces choses, je crois avoir raison ; je tâche de diriger ma vie dans les voies essentielles de la santé, les plus jolies et les plus intelligentes des femmes ne m’en détourneraient pas … et pour cause, c’est que je n’en veux et que je m’en fous, ne voulant les foutre [...]" (*). Uzanne est sur le point de déménager pour les hauteurs de Saint-Cloud (été 1908) et comme il l'écrit encore : "J’ai parfois des heures de mélancolie dans le chambardement de ma vie ; vieil atavisme de français conservateur, mais je me reprends vite." En résumé Octave Uzanne est à un tournant de sa vie personnelle. Il choisit de déménager au vert et de se séparer d'une grande partie des objets, bibelots et meubles qu'il avait accumulé toutes ses années.
      C'est dans ce contexte qu'il écrit donc ces lignes sur l'homosexualité qui paraissent dans la Dépêche de Toulouse. C'est à notre connaissance la première fois qu'il publie un texte aussi long et aussi incisif sur ce sujet de société et de mœurs. Nous avons déjà publié une réponse d'Octave Uzanne à une enquête publiée en 1926 et qui tenait en trois questions : 1° Avez-vous remarqué que la préoccupation homosexuelle se soit développée en littérature depuis la guerre ? A quelles causes attribueriez-vous le développement de cette préoccupation ? 2° Pensez-vous que la présentation, dans le roman, dans la poésie ou au théâtre, de personnages invertis puisse avoir une influence sur les mœurs ? Est-elle nuisible à l'art ? 3° Si vous croyez qu'on doive combattre cette tendance, par quels moyens ? Si vous croyez qu'on doive la tolérer, pour quelles raisons ? Octave Uzanne a été classé parmi les réponses favorables et il s'exprimait alors en ces termes : « J’estime que les mœurs demeurent les mêmes à travers les âges : l'humanité est immuable ; seule l'hypocrisie est plus ou moins perfectionnée. Baudelaire avait raison de dire que la nature n'a mis aucun obstacle formel à l'accomplissement de certains accouplements que l'humanité, aussi bien que l'animalité, ont toujours pratiqués selon les opportunités. Pourquoi donc parler de mœurs contre nature, antiphysiques, anormales ? Là où il y a possibilités physiologiques d'adaptation et des conséquences nulles et aucunement nocives, peut-il y avoir criminalité ou offense aux lois naturelles? C'est question de vie privée, de goûts, d'impulsion (Baudelaire dixit). ». 1908 - 1926 : 18 années de réflexion sur le sujet. En 1926 Octave Uzanne ne pense sans doute plus que ces infortunés aliénés de la vie amoureuse et des galanteries normales soient autant de dégénérescences. Les monstrueuses conquêtes de l'homosexualité sont-elles devenues pour lui normales ? Quoi qu'il en soit, de cet article de 1908 ressort plusieurs éléments qu'il conviendrait d'analyser finement si nous voulions tenter d'esquisser un portrait psycho-physiologique d'Octave Uzanne.  Octave Uzanne n’appréciait pas les homo-sexuels et pourtant il était l'un des meilleurs amis et confident de Jean Lorrain (mort en 1906), grand amateur de débauches des deux rives, sur lequel il publiera d'ailleurs des Souvenirs intimes en 1913. Que penser ? Uzanne amant des femmes, ami des homosexuels ? Il écrit dans ses Souvenirs intimes : "Jean Lorrain me fut un ami cher, dont j'appréciai les rares délicatesses, l'âme endolorie et fière, le pénétrant esprit d'observation, l'honnêteté littéraire et surtout le sentiment impérieux, le rare diagnostic de la beauté sous toutes ses formes et origines. Il eut tous les dons de la valeur subtile de sensitivité artistique au suprême degré." Uzanne savait les débauches de Lorrain. C'est donc dans ce contexte d'admiration sensible qu'il faut remettre cet article de 1908, peut-être finalement plus virulent pour les Allemands que pour les homo-sexuels. Car à travers eux, c'est toute l'Allemagne qu'il veut voir vaincue, avant même que la guerre n'ait recommencé. Cela viendra quelques années plus tard.
      A celles et ceux qui s'interrogent encore au sujet de l'orientation sexuelle d'Octave Uzanne, cet article pourrait servir de réponse. Mais probablement reste-t-il encore quelque mystère à découvrir. Octave Uzanne amoureux de l'amour ? Sans doute. Amoureux des femmes ? Probable. Repenti des femmes ? Très certainement.

Bertrand Hugonnard-Roche


(*) Correspondance inédite des frères Uzanne, Archives Départementales de l'Yonne, Auxerre.


* *
* *


CAUSERIES

Le troisième Sexe


      Après le premier procès Harden (1), l'Europe surprise, un instant écœurée par les scandaleuses révélations des témoins cités, admirait néanmoins qu'il y eût toujours des juges à Berlin. Depuis lors, l'hypocrisie de la justice est devenue, sur les rives de la Sprée, une vertu de commande. On y pressentit un ordre formel de montrer mœurs orthodoxes, candeur et pureté. On fit blanchir le linge douteux du comte de Moltke (2) et il n'est point jusqu'aux cas des Hohenau et des Lynar, cependant si peu défendables qui n'aient été soumis à une désinfection partielle grâce au sublimé corrosif (3) distillé par le pharisaïsme de la Cour d'Allemagne et des pouvoirs religieux.
      Mais toute cette mascarade de la magistrature qui étouffe les témoignages nidoreux (4) par le tout-à-l'égout souterrain du huit clos, n'empêche pas les faits de se reproduire, ni l'étude des bouillons de culture de l'homo-sexualité d'être poursuivis par les savants disciples de feu le médecin légiste A. Tardieu, auteur d'un ouvrage naguère célèbre intitulé : Les Attentats aux mœurs, publié vers 1865 et où le latin bravait, de façon plus que cocasse, l'honnêteté et l'argot de la basse pègre.
      Les volumes et les brochures traitant de l'homo-sexualisme se multiplient depuis quelques mois en Allemagne sous la plume autorisée des doctes professeurs et des docteurs de toutes les Facultés. Au dix-huitième siècle, on désignait les anormaux du joli mot dédaigneux de "non conformistes", ce qui avait un petit ragoût de casuistique bien digne de cette aimable époque où la religion, jusqu'au jésuitisme, inclinait si malicieusement vers l'épicuréisme et le paganisme le plus élégant. Depuis lors, les étiquettes ont beaucoup varié dans le but de désigner les infortunés assez mal influencés pour préférer Ganymède (5) à Vénus. Nos médecins sociologues employèrent les termes de pervertis ou d'invertis, alors qu'en Angleterre on adoptait le mot d'uraniens. Au temps de Scarron et de Molière, on disait plus simplement les bougres, pour évoquer les déplorables habitudes des Bulgares ; je crois qu'un jour prochain le qualificatif d'Allemand suffira pour flétrir des moeurs répugnantes, qui, quoi qu'on en puisse dire hors de nos frontières, n'auront jamais rien de français. Tous les ouvrages germaniques dont je parle indiquent en effet un déplorable état de perversion dans le vertueux pays de Goethe, de Schiller et de Frédéric Nietzsche. Je viens de lire un opuscule de haut intérêt tout récemment sorti des presses et qui est signé par un savant dont, au-delà du Rhin, m'affirme-t-on, la situation scientifique est éminente et sérieusement assise : le docteur Magnus Hirschfeld (6). Cet ouvrage est intitulé : "Le Troisième sexe. Les homo-sexuels de Berlin." Il affecte une allure d'étude de documentation, d'observation, de statistique et de sociologie pathologique, mais on n'y trouve aucune réprobation, nul dégoût à remuer un sujet aussi répugnant, et, ce qui est fait pour nous surprendre, on y sent un constant appel à l'indulgence, à la non répression légale, à la tolérance nécessaire qui seule peut arrêter la propagation du mal. Ce singulier troisième sexe que les Allemands ont imaginé, après la publication de certain livre sur la sexualité d'un jeune dément de génie, Otto Schweninger (7), exprime bien la mentalité étrange de nos voisins de l'Est. Chez nous, nous disons "ni homme ni femme : Auvergnat", par esprit de pure blague ; mais, chez les Boschs, on prend au sérieux le troisième sexe ; il sert à frontispicer des livres inquiétants ou l'androgynat se révèle dans l'armée, dans le peuple et surtout dans la haute société aristocratique avoisinant le grand kaiser aux attitudes de Lohengrin (8) et de demi-dieu, style chevalier de la Table ronde.
      "Les initiés (charmant euphémisme!) écrit le docteur Magnus Hirschfeld, ceux qui savent, remarquent bien vite dans les rues et les endroits publics de Berlin, outre les hommes et les femmes, au sens reçu du mot, des personnages qui, parfois, par leurs manières, souvent même par leur mise, se différencient au point qu'entre le sexe masculin et le sexe féminin il a fallu créer un vocable spécial, celui du troisième sexe. Cette expression, déjà en usage dans l'antique Rome, poursuit l'Herr Doctor, ne me paraît pas particulièrement heureuse, mais, en tous cas, meilleure que le terme d'ores et déjà si fréquemment employé d'homo ou de simili-sexuel, lequel terme peut fortifier la conception fort répandue que ceux auxquels on l'applique ne peuvent se trouver réunis sans commettre certains actes physiques, ce que les faits ne confirment en aucune manière."
      Et le docteur s'explique. "Quand nous parlons des anormaux, il ne faut pas toujours supposer que tous se livrent à des pratiques sexuelles de quelque ordre que ce soit. Quand bien même il s'en produirait, elles échappent à l'observation, non seulement à cause des pénalités qu'elles entraînent, mais avant tout par suite d'un sentiment de pudeur, de convenance de moralité tout aussi inné chez les homo-sexuels que chez les normo-sexuels. En aucun cas elles ne constituent l'essentiel et souvent elles font complètement défaut. L'essentiel, ce n'est pas l'acte, c'est la nature même de l'uranien, c'est son attitude vis-à-vis du sexe masculin et du sexe féminin ; ce sont les sympathies et les antipathies qui découlent de sa constitution naturelle. Beaucoup de cas restent impénétrables, soit que les indices fassent défaut, soit que les homo-sexuels jouent avec une rare adresse leur comédie de la vie, en calquant toutes leurs habitudes sur celles des normaux et apprenant l'art de dissimuler sagement leurs penchants."
      Ah ! qu'en terme calviniste ces choses-là sont exprimées. On sent que le docteur Magnus est plein de magnanimité pour ses chers invertis ; il se garde bien de parler de leur honte, il parle de leur pudeur et s'efforce à nous faire croire à la pure sentimentalité, à l'absolu platonisme de ces infortunés aliénés de la vie amoureuse et des galanteries normales. Mais, on pourrait dire que, dans la mentalité allemande, nos révoltes contre le socratisme (9) restent incomprises. On se plait, dans la vertueuse Allemagne, à cultiver la littérature spéciale de la décadente latinité. On y traduit et commente les Sonnets de Shakespeare, on y publie les pires oeuvres du marquis de Sade ; on y exalte les lettres inquiétantes et passionnées de Wagner, et on y donne comme ayant été antiphysiques les principaux grands intellectuels, peintres, poètes, musiciens, grands généraux, souverains de l'antiquité et de l'histoire contemporaine : Néron, César, Antonius, Le Tasse, Egmont, Karl Moor, Molière, Frédéric-le-Grand, Napoléon et même l'homme symbolisant le séducteur féminin par excellence, le collectionneur de mille et trois maîtresses.., Don Juan, ce qui semble un comble et une gageure folle.
      Le livre du docteur Hirschfeld est le plus terrible qui ait été écrit sur la prostitution masculine à Berlin, où, selon lui, on compterait au minimum plus de 50.000 homo-sexuels avérés et pratiquant, sans parler des doux ingénus qui se contentent de flirter, les demi-vierges du troisième sexe qui seraient dans les proportions de 25 à 30% de la population, ce qui est assez coquet pour un pays dont on nous a toujours vanté les placides amours à la guimauve.
      Les prostitués masculins, d'après l'auteur qui semble posséder et si bien goûter son sujet, se divisent à Berlin, en deux groupes : normaux et authentiques. Ces derniers, très efféminés, portent assez fréquemment des robes de femmes, particulièrement très mal vue par les filles galantes et qui occasionne des batailles réglées entre les deux trottoirs sous prétexte de concurrence déloyale.
      Jetons un voile épais sur ces turpitudes des sentines germaniques dont il convient de signaler toute la profondeur afin de nous rehausser dans notre propre estime, nous, Français qu'on ose accuser, Outre-Rhinn d'être immoraux, pourris et gangrenés au point de menacer nos voisins de contamination. Des ouvrages tels que celui du docteur Hirschfeld sont très nombreux en Allemagne et y obtiennent le plus considérable succès ; j'avoue qu'ici j'hésiterais à en faire une analyse rigoureuse tant les détails scandaleux y abondent.
      Il serait difficile de citer les scènes qui se déroulent dans les réunions uraniennes uniquement composées de princes, de comtes et de barons. Nous ne sommes plus au temps de Pétrone, et, franchement, nos vainqueurs le dépassent d'une belle longueur dans leurs descriptions d'orgies ; mais ils sont plus lourds, moins fleuris, et sans aucune poésie dans ce genre. Ils ne savent pas feuilleter la galette du vice et ce qu'ils nous servent est pitoyablement grossier, compact, écœurant et inassimilable.
      Ils savent toutefois nous révéler le mal, l'ignoble ulcère qui ronge leur société. C'est un chancre hideux qui ne fait qu'apparaître en façade mais qui s'étend traîtreusement par derrière d'effrayante manière, sous le regard bienveillant des apologistes de l'homo-sexualité, qui prétendent étudier les moyens d'utiliser les homo-sexuels d'une façon profitable à la nation. Cette prétention est un cas de folie. Reprenons donc vis-à-vis de ces dégénérescences conscience de nos supériorités françaises, de nos forces morales, de nos galanteries affichables. L'heure n'est pas prochaine où le troisième sexe fera chez nous les monstrueuses conquêtes qu'il recueille en Allemagne.

OCTAVE UZANNE.
Dépêche de Toulouse,
Samedi 8 février 1908


(1) L’affaire Harden-Eulenburg ou affaire Eulenburg désigne le scandale qui secoua le deuxième Reich de 1907 à 1909 à la suite d'une campagne de presse contre l’entourage présumé homosexuel de l’empereur Guillaume II et les procès qui s’ensuivirent. Cette affaire, qui connut un vaste retentissement, est considérée par certains historiens comme un scandale majeur qui ébranla l’Empire allemand.
(2)
(3) Autre nom pour le Chlorure de mercure ou mercurique, alors utilisé comme désinfectant. On traitait alors la Syphilis à l'aide de ce toxique qui faisait autant de mal que de bien.
(4) Le comte Kuno von Moltke, gouverneur militaire de Berlin, surnommé "la douceur". Les 13 et 27 avril 1907, Harden reprend ses attaques. Cette fois il précise clairement l’homosexualité de Kuno von Moltke et d’Eulenburg rappelant que l’Ordre de l’Aigle noir avait été conféré à celui-ci alors que la dignité de l’Ordre de Saint-Jean avait été refusée au prince Frédéric-Henri de Prusse en raison de son « inversion sexuelle ».
(5) Dans la mythologie grecque, Ganymède (en grec ancien Γανυμήδης / Ganumếdês) est l'amant de Zeus et l'échanson des dieux. Sa beauté est devenue proverbiale.
(6) Magnus Hirschfeld, né le 14 mai 1868 à Kolberg, aujourd'hui Kołobrzeg, mort le 14 mai 1935 à Nice, est un médecin allemand, qui fut le premier à étudier la sexualité humaine sur des bases scientifiques et dans sa globalité. Il est l'un des pères fondateurs des mouvements de libération homosexuelle. Hirschfeld lutta contre la persécution des homosexuels allemands soumis au paragraphe 175.
(7) En réalité Ernst Schweninger (né le 15 juin 1850 à Freystadt et décédé le 13 janvier 1924 à Munich) est un médecin et historien de la médecine allemand.
(8) Lohengrin, dit le chevalier au cygne, est un personnage de la légende arthurienne, fils de Perceval.
(9) Amour socratique. [P. réf. aux mœurs supposées de Socrate] "Amour d'un homme adulte pour des jeunes garçons" (GDEL). Synon. pédéraste.

lundi 2 février 2015

Découvrir la bibliothèque d'Octave Uzanne [17, Quai Voltaire à Paris] à travers les gravures de ses livres. Comme si vous y étiez ... ou presque.




Frontispice pour Nos amis les livres (1886)


      A ce jour nous connaissions trois iconographies de la bibliothèque de travail d'Octave Uzanne à son adresse du 17, Quai Voltaire à Paris. Lieu de toutes ses attentions décoratives (comme d'ailleurs toutes les autres pièces de ses appartements successifs).
      En 1886 paraît en frontispice de Nos amis les livres une eau-forte signée H. Manesse (graveur) d'après le dessin d'A. Lynch. Elle nous montre le bureau du maître écrivain-bibliophile avec à l'arrière plan une bibliothèque remplie de livres. Bureau encombré de livres, de papier, mais également de bibelots divers et variés : lampe à pétrole, bougeoir et sa chandelle (toujours utile en cas de panne de pétrole), encrier, faïence décorative. La bibliothèque est en bois avec colonnades torsadées dans le style Henri III si couru à cette époque. Sur le haut de la bibliothèque trônent diverses bibelots, sculptures, faïences. On distingue mal mais sans doute s'y trouve-t-il quelques œuvres de son ami le céramiste Jean Carriès. On distingue à peine sur cette eau-forte, en haut à droite (sur la gauche du bureau), un grand vitrail composé de pièces losangées formant panneau éclairant. C'est de la que venait la lumière du jour qui permettait de travailler. Octave Uzane n'est pas représenté dans cette gravure, on y voit un fauteuil vide poussé sous le bureau.



Eau-forte hors-texte pour le Dictionnaire Biblio-Philosophique (1897)


      La deuxième représentation de la bibliothèque Uzanne paraît en même temps que la troisième et dans le même ouvrage. C'est dans le Dictionnaire Biblio-Philosophique qui paraît en 1897, soit 10 ans après Nos amis les livres, que sont publiées deux gravures représentant une nouvelle fois le bureau-bibliothèque du Bibliophile.
      Que voit-on dans cette première gravure par Heidbrinck ? L'angle de vue sur la bibliothèque d'Octave Uzanne est notablement différent. On y voit toujours les mêmes boiseries à colonnades Henri III, des rayonnages remplis de livres, les in-folio en bas, les plus petits in-12 tout en haut, comme il se doit. Les hauts de bibliothèque sont décorées de céramiques et statuettes posées les unes à côté des autres. On les distingue bien plus nettement que dans la gravure publiée en 1886. On croit reconnaître des œuvres de Jean Carriès et peut-être même quelques unes d'Auguste Delaherche qu'appréciait fort Uzanne. Une lampe à abat-jour de tissu, des vases avec plantes vertes, un fauteuil avec une estampe posée, un tabouret, un coussin au sol, une petite table à pied tournés recouverte d'une étoffe. Posés sur cette petite table encore des céramiques. Ce sont deux pans de mur remplis de livres que nous pouvons voir ici.
      La deuxième gravure donnée par Heidbrinck dans le Dictionnaire Biblio-Philosophique montre Octave Uzanne à son bureau de travail. La plume dans la main droite (Uzanne est droitier et écrit avec une véritable plume d'oie), assis sur son fauteuil à dos de barreaux, un masque sur le visage. On retrouve la lampe à pétrole vue dans la gravure de 1886. Les livres derrière lui dans la bibliothèque à colonnades de bois torsadé. Des céramiques posées derrière lui sur une petite table située à gauche de la bibliothèque. Un encrier sur le bureau, des papiers, une loupe (Uzanne a toujours des problèmes de vision, son œil droit est pour ainsi dire perdu, son œil gauche est faible). Un mégot de cigarette finit de se consumer dans un cendrier posé devant lui (Octave est un grand fumeur).




Eau-forte hors-texte pour le Dictionnaire Biblio-Philosophique (1897)


      Jusqu'à ce jour nous n'avions que ces trois représentations de la bibliothèque du Bibliophile-Bibliographe Uzanne. Le hasard d'une acquisition récente vient ajouter une vue inédite à celles-ci. La gravure en question se trouvait reliée en tête de La Nouvelle Bibliopolis d'Octave Uzanne, ouvrage publié en 1897, c'est à dire quasiment en même temps que le Dictionnaire Biblio-Philosophique (qui paraît quelques mois avant seulement). Cette gravure nous ne l'avions jamais rencontré auparavant. Elle a été reliée là sans doute par un amateur dont nous ne savons rien puisqu'il n'a pas laissé de trace (ex libris) dans le volume. Ce volume a été relié à l'époque par Charles Meunier (demi-maroquin à coins avec dos orné mosaïqué).
      Que nous montre cette gravure non signée non datée ? On voir Uzanne à son bureau, vu sur son profil droit (ce qui est fort rare voire unique). Uzanne ne voulait pas que l'on puisse le voir sous son profil droit. Son oeil droit était toujours mi-clos ce qu'il ne voulait pas voir représenté. Rien que cette information nous permet de penser que cette gravure, peut-être exécutée par un ami, n'a pas été retenue par Uzanne pour illustrer un livre (La Nouvelle Bibliopolis peut-être ?). On voit en entier la baie vitrée qui apporte la lumière avec en arrière-plan quelques toits et clochers de Paris (ceux situés en face du Quai Voltaire). On voit les livres dans la bibliothèque derrière lui. On distingue cette fois (on ne le voyait sur aucune autre vue) une nouvelle bibliothèque à droite de cette baie vitrée. Toujours des céramiques posées en haut de ce meuble. Le fauteuil d'Uzanne est cette fois nettement visible par le détail. C'est un fauteuil à dossier à barreaux comme nous avons déjà signalé ; on voit ici qu'il doit être pivotant (permettant ainsi à Uzanne de passer sans difficulté de son bureau aux rayons de livres situés derrière lui). Des plantes à côté de la bibliothèque. Des tapis au sol.
      Cette belle gravure, pour nous inédite, apporte donc son lot de nouveautés et aide à la représentation en trois dimensions de la bibliothèque d'Octave Uzanne au 17 Quai Voltaire. C'est quasiment une vision panoramique que nous offre ces quatre gravures.
      A qui attribuer cette gravure ? Elle pourrait être l'oeuvre de François Courboin ? Heidbrinck ? Albert Lynch ? De quand date-t-elle ? 1895 ? 1896 ? La personne qui a fait relier cette gravure dans son exemplaire de La Nouvelle Bibliopolis a inséré deux états : il s'agit de deux états avant la lettre, le premier état est d'un tirage plus clair, certains détails n'apparaissant que sur le deuxième état, qui paraît être un état définitif (voir le détail des clochers et toits de Paris en arrière-plan de la baie vitrée).
      Quoi qu'il en soit nous restons sur l'idée que cette gravure a été refusée par Octave Uzanne, sans doute parce qu'il ne s'y trouvait pas à son avantage. En attendant de rencontrer un autre tirage de cette gravure (qui nous semble être une gravure sur acier ou sur cuivre, la cuvette n'étant cependant pas visible de manière nette), avec de la chance avec la lettre si cet état existe, nous ne pouvons que prendre plaisir à imaginer ce lieu hautement inspiré par le travail acharné du Bibliophile.


Bertrand Hugonnard-Roche



Nous en profitons pour lancer un avis de recherche
concernant toute épreuve de la gravure ci-dessous
Si vous possédez cette gravure, contactez-nous par mail



Eau-forte ajoutée reliée dans un exemplaire de La Nouvelle Bibliopolis (1897)
Etat définitif avant la lettre



Eau-forte ajoutée reliée dans un exemplaire de La Nouvelle Bibliopolis (1897)
Etat non terminé avant la lettre


Note : 

Uzanne emménage au 17, Quai Voltaire, très probablement peu de jours ou semaines avant novembre 1885 et non 1886 comme nous l'avions cru jusque là.

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...