mercredi 1 mai 2013

Octave Uzanne écrit à sa mère depuis Chicago (23 mai 1893). Son retour à New York puis à Paris.



Octave Uzanne, 42 ans, débarque à New-York le 10 avril 1893. Il y restera jusqu'au 10 juin. 2 mois d'excursions entre New-York, Philadelphie, Baltimore, Washington, Chicago, Niagara Falls, Montréal, Québec, Boston et New-York en retour final. Octave Uzanne était envoyé en tant que journaliste pour le Figaro afin de couvrir la World's Fair de Chicago : il passe ainsi 3 semaines à Chicago et en fait une ample description dans le guide qu'il publie à la fin de l'année 1893 à son retour : « Vingt jours dans le Nouveau Monde. De Paris à Chicago. 175 dessins. » Titre bien mal choisi puisque le périple, plus long qu'annoncé, donne un panorama complet du parcours suivi par Uzanne pendant son séjour de deux mois. Fidèle à ses habitudes, ce sont des sensations très personnelles que nous livre le journaliste. Dans ce guide il ne sera d'ailleurs pour ainsi dire pas question de la fameuse Exposition de Chicago (Columbian Word's Fair), puisque cet aspect sera traité particulièrement dans les articles qu'il livrera au Figaro (et aussi àL'Illustration), nous y reviendrons bientôt.

Uzanne séjourne à Chicago pendant 3 semaines. Il en repart le mardi 23 mai 1893 comme il l'indique dans une très belle lettre adressée ce même jour à sa mère (Archives de l'Yonne, fonds Yvan Christ). Il a dû arriver à Chicago dans les premiers jours du mois de mai. C'était il y a tout juste 120 ans !

Voici cette lettre :


[Lettre écrite sur papier à en-tête du Victoria Hotel à Chicago] - Chicago – 23 mai 1893.

Ma chère maman aimée,

J’ai enfin eu hier, tenu un mot de toi ; si léger qu’il ait été, il m’a fait bien grand plaisir après être resté si longtemps privé de tes nouvelles directes.
Me voici pour ainsi dire sur le retour ; je quitte Chicago d’ici une heure, et, comme je passe par une autre ligne que celle de l’aller, je vais rester 36 heures en route pour arriver à New-York jeudi matin 25 – avec de bons sleepings, c’est un plaisir, et, comme je suis muni de laissez-passer, je n’ai qu’à me laisser vivre et emporter sans souci ni dépenses autres qu’à l’hôtel. Je resterai à New-York jusqu’à lundi soir 30, j’y ferai vendredi mes adieux au bon Mariani que j’ai quitté il y a déjà 26 jours ; dimanche je verrai Bouchor au passage – tout cela au milieu d’une vie très affairée et très laborieuse.
Mariani sera à Paris le 4 juin par La Touraine, Joseph pourra lui dire un bonjour à cette date 11 rue Scribe, il y trouvera de mes nouvelles assez récentes.
Le 29 je passerai la nuit en wagon pour arriver à Niagara le 30 et voir les chutes ; le lendemain je filerai sur le lac et le St Laurent pour prendre le 1er bateau qui descendra les rapides, puis après un voyage au Canada je reviendrai à New-York le 8 juin juste à temps pour m’embarquer sur la Bourgogne qui lèvera l’ancre à 6 h du matin le 10 (midi à Paris). Huit jours après, ma chère maman, je pourrai t’embrasser, mais si tu devais aller à La Villotte, peu importe, tu pourrais t’y installer et j’irais t’y embrasser pour 24 h. car je reviens pour travailler à mes livres, sans enthousiasme, mais par devoir et désir de palper les quelques sous qui me donneront l’an prochain l’indépendance nécessaire à mon amour des voyages et de l’étranger.
Cette petite fugue en Amérique m’aura semblé excessivement courte ! tout passe et si vite ! J’aurais aimé beaucoup y prolonger mon séjour et voir la Californie et le sud, mais il faut être maître de soi et commander sa vie, si on ne veut pas la rater.
J’aurai d’autre part incessamment travaillé depuis mon départ, à voir, à apprendre, à observer et à écrire – ce misérable Figaro a reçu de moi dix lettres, et il n’en a publié que deux – les plus pittoresques et intéressantes sont restées je ne sais où – je sais bien que tout me sera payé, mais c’est navrant et dégoûte du journalisme français. L’Illustration a reçu 5 articles. Les croquis, dessins, photos à poste continue - somme toute j’ai presqu’autant pondu qu’à Paris et sans fatigue autre que la volonté dépensée pour produire et me soustraire aux amis.
Je t’embrasse, chère maman, j’attends un mot de toi jeudi soir à mon arrivée à N-Y.
Tendresses à l’excellent Jose ; à tous deux de cœur et d’affection.

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