dimanche 19 mai 2013

Octave Uzanne et Emile Zola : "la lecture de Pot-Bouille ne laisse rien autre chose dans la cervelle que le nauséabond limon des immondices complaisamment balayées en tas par ce sinistre ramasseur de bouts de documents humains." (Octave Uzanne in Le Livre, 10 juin 1882).




Emile Zola caricaturé dans l'Esprit Gaulois du 26 janvier 1882
par Coll-Toc (Collignon et Tocqueville)
Zola cuit dans un Pot-Bouille, la tête ceinte de lauriers alors qu'un têtard ailé lui apporte Le Gaulois. Cette caricature introduit une chronique qui dénonce le prix élevé auquel l'écrivain a vendu Pot-Bouille au Gaulois.
Source : ArchiZ, Le site des Archives Zola

Avec ce premier billet, nous inaugurons dans la Blog Octave Uzanne une section consacrée aux critiques d'ouvrages d'Emile Zola par Octave Uzanne.

Octave Uzanne n'a pas été tendre avec les naturalistes, notamment dans les premiers temps avec Joris-Karl Huysmans. La violence des propos qu'Octave Uzanne tient à propos des œuvres d'Emile Zola tient souvent de l'acharnement frénétique. Les années passant, il semble que les choses se soient apaisées et que finalement Uzanne soit revenu à des sentiments plus compréhensifs à l'égard du chef de file des naturalistes. Nous découvrirons ainsi plusieurs compte-rendus comme celui-ci, parus dans le Livre (1880-1889), le Livre Moderne (1890-1891) et même l'Art et l'idée (1892).

Voici un premier compte rendu que les hasards de nos lectures dans la revue le Livre nous a mis sous les yeux. Il s'agit de la sortie en librairie de Pot-Bouille. Bien que ce compte-rendu ne soit pas signé, il ne fait aucun doute qu'il est de la plume acide d'Octave Uzanne.

Uzanne écrivait, toujours sous pseudonyme (A. d'A.), dans le Livre du 10 mai 1882 : "Le naturalisme sera peut-être la vérité de demain. Je le regretterais pour ma part ; mais quoi ? mon humble opinion ne fera rien à l'affaire."

Bertrand Hugonnard-Roche

* * *

Pot-Bouille, par Emile Zola. Paris, Charpentier. 1 vol. in-18. - Prix : 3 fr. 50. (*)

En admettant que je veuille, avec un grand sérieux de critique, rendre compte du nouvel ouvrage de M. Zola, je me verrai bien embarrassé, car, de bonne foi, la lecture de Pot-Bouille ne laisse rien autre chose dans la cervelle que le nauséabond limon des immondices complaisamment balayées en tas par ce sinistre ramasseur de bouts de documents humains. Si ce livre, pour tout vrai Parisien, n'était imbécilement ridicule, il serait odieusement ignoble. La presse entière n'a soufflé mot d'une pareille production vomie au coin de la borne par un homme de talent qui n'a plus ni décence, ni bon sens, ni estomac. Ce spectacle est attristant ; on ne peut quêter en faveur de M. Zola que la pitié, puisque les gros sous lui arrivent et achèvent de l'aveugler sur sa pitoyable situation actuelle.
Lise Pot-Bouille qui voudra, et qui voudra nous dise s'il est permis de résumer une telle chose, - mal conçue, mal bâtie, mal écrite, avec tout le sans-façon d'un gros entrepreneur qui ne fait plus que des affaires hâtives et lucratives. - Saluons à l'américaine Zola : Money making author !

[OCTAVE UZANNE]

(*) Le Livre, Bibliographie moderne, livraison du 10 juin 1882, p. 364

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