jeudi 29 décembre 2016

Octave Uzanne à propos de la nouvelle vente Ambroise Firmin-Didot (troisième partie, 1881).


« Et maintenant, ô bibliophiles, macti nummis estote ! Les enchères sont ouvertes, le combat commence, Il s’agit de forcer la victoire qui, en cette occasion comme en tant d’autres, cèdera aux plus gros bataillons, c’est-à-dire aux plus gros sacs d’écus. »

Octave Uzanne sous le pseudonyme de Spectator
dans Le Livre, Bibliographie rétrospective, p. 169


jeudi 1 décembre 2016

Deux magnifiques exemplaires de Féminies, superbement reliés, quasi identiques, vendus à quelques jours d'intervalles par deux maisons de vente aux enchères parisiennes (13 décembre 2016 chez ADER et 16 décembre 2016 chez Pierre BERGE et associés)


Doublure mosaïquée "osée" de l'exemplaire ADER
Hasards du calendrier aiment à dire certains. Ici c'est une vraie belle coïncidence ! A trois jours d'intervalle, à Paris, seront vendus les 13 et 16 décembre prochains, 2 magnifiques exemplaires du Féminies publié par Octave Uzanne et illustré par Félicien Rops. Le premier exemplaire sera proposé par la maison de vente parisienne ADER sous le n°114. En voici le descriptif donné sur le catalogue de la vente :


[UZANNE (Octave)]. Feminies. Huit chapitres inédits dévoués A la Femme, à l’Amour, à la Beauté par Gyp, Abel Hermant, Henri Lavedan, Marcel Schwob & Octave Uzanne. Paris : pour les « Bibliophiles contemporains », Académie des beaux livres, 1896. — Grand in-8, 260 x 162 : titre, (2 ff.), IV, 205 pp., (1 f.), 8 planches, couverture illustrée. Maroquin orange, plats ornés d’un encadrement fait d’œillets et de feuilles mosaïqués, s’entrelaçant autour d’un cadre en bois doré, le premier plat est en plus orné d’un décor mosaïqué composé d’un serpent, d’un chat, d’un éventail, d’un lézard, de deux orchidées et d’une flamme, le second plat comprenant également deux lézards posés sur le cadre doré ; dos à nerfs orné d’œillets et de motifs mosaïqués et dorés, doublures de maroquin vert encadrées d’un listel de maroquin vert sombre bordé de deux filets dorés, intérieur entièrement recouvert d’un décor à répétition comprenant alternativement un motif de fesse et une tête de chat, séparés par un épi de blé, autour d’un sujet central représentant un fou souriant ; gardes de soie moirée marron, doubles gardes, tranches dorées sur témoins, couverture et dos conservés, chemise à dos et bandes à rabats de maroquin orange, étui (Ch. Meunier 1900). Édition originale publiée par les soins et sous la direction d’Octave Uzanne pour les Bibliophiles contemporains. Ce livre a pour origine les 8 frontispices que Félicien Rops exécuta de 1872 à 1876 pour un recueil d’aquarelles formé par M. Noilly intitulé : Cent croquis pour réjouir les honnêtes gens. Les 8 textes qui composent cet ouvrage ont ainsi été écrits dans le dessein d’illustrer « ces diverses thèses Ropsiques de la Femme et de l’Amour » (page II). L’édition comprend une couverture en couleurs typiquement Art nouveau de Georges de Feure (1868-1943), un titre dessiné par Krutké et gravé par Émile Gaujean (1850-1900), des encadrements floraux à chaque page et des vignettes par Léon Rudnicki (1873-1958), une composition en noir à pleine page de Gaston Noury (1865-1936) et les 8 compositions hors texte en couleurs d’après Félicien Rops (1833-1898). Les dessins de Rops « ont été gravés à l’hélio, puis repris à la pointe sèche, mordus à l’eau-forte, tirés en noir et enfin repiqués, retouchés de nouveau selon les exigences du tirage en taille-douce polychrome, dit à la poupée » (page II). Les gravures ont été exécutées par Hellé, Fornet et Massé. Tirage à 183 exemplaires numérotés sur japon. Celui-ci a été spécialement imprimé pour Lord Dufferin (1826-1902) dont le nom a été recouvert à la justification mais reste en partie visible. Il comporte 3 états des 7 premières planches de Rops et 2 états de la dernière. La figure de Noury est également en deux états. Diplomate, Lord Dufferin était gouverneur général du Dominion du Canada, ambassadeur à Saint-Pétersbourg puis à Istanbul et vice-roi des Indes. Il composa plusieurs récits de voyages. SOMPTUEUX EXEMPLAIRE EN RELIURE MOSAÏQUÉE DE CHARLES MEUNIER, EXÉCUTÉE EN 1900. Il est enrichi d’une carte autographe signée d’Octave Uzanne, de 1 page et demie in-16, adressée à Meunier et datée du 13 août 1896. Elle concerne le dessin d’une reliure et des exemplaires de Feminies. Enveloppe jointe. Exemplaire parfaitement conservé, seul l’étui présente quelques défauts d’usage. Estimation : 4.000 / 5.000 euros

Voici maintenant la fiche du deuxième exemplaire du même livre, proposé cette fois par la maison de vente Pierre Bergé et Associés, le 16 décembre sous le n°165 :

[UZANNE (Octave)] Féminies. Huit chapitres inédits dévoués à la femme, à l'amour, à la beauté par Gyp, Abel Hermant, Henri Lavedan, Marcel Schwob & Octave Uzanne. Frontispices en couleurs d'après Félicien Rops. Encadrements et vignettes de Rudnicki. Paris, les Bibliophiles contemporains, 1896. Grand in-8: maroquin vert, dos à quatre nerfs et plats recouverts d'un décor floral doré et mosaïqué avec, sur le premier plat, un chat, un serpent et un éventail, coupes filetées or, doublures de maroquin brique recouvertes d'un semé de têtes de chat mosaïquées en plusieurs tons, gardes de soie brochée rouge, noire et verte, tranches dorées, couvertures et dos illustrés conservés, chemise (Charles Meunier, 1898). Édition originale: tirage unique à 183 exemplaires sur papier du Japon (nº 11). Elle a été éditée sous l'égide de la Société des bibliophiles contemporains, fondée et dirigée par Octave Uzanne. Ravissante publication emblématique de l'Art nouveau. Elle renferme huit textes inédits consacrés à la femme: Les Droits de l' épouse, par Henri Lavedan; Les marionnettes de l'amour et La femme comme parangon d'art, par Marcel Schwob; Les artifices de la beauté et Au pays des féminies, par Octave Uzanne; L'amour comme un sport et Les cabotinages de l'amour, par Abel Hermant; Archéologie d'amour, par la comtesse de Martel alias Gyp. L'illustration comprend une belle composition de Georges de Feure en couverture et 8 gravures hors texte de Félicien Rops. Les hors-texte sont en double état; en couleur avant la lettre et en noir avec remarques. Toutes les pages sont décorées d'encadrement floraux et d'ornements, tirés en différents tons par Rudnicki: titre illustré par Kratké. Superbe reliure doublée et richement mosaïquée de Charles Meunier, strictement d'époque. Apprenti chez Marius-Michel, Charles Meunier fut à la fois relieur et doreur. Tous deux régnèrent en maîtres de la flore ornementale qui devait inspirer leurs décors Art nouveau. (Ray, The Art of the French Illustrated Book, 1700 to 1914, n° 369.- Carteret IV, p. 348.) Estimation 6.000 / 8.000 euros.

Deux photos valant mieux qu'un long discours, voici les lots photographiés par les maisons de vente citées.

Exemplaire BERGE 




Exemplaire ADER



Nul besoin d'avoir fait Saint-Cyr, une grande école de commerce ou d'être syndiqué pour comprendre immédiatement toute la beauté de ces deux exemplaires similaires mais non identiques. La mosaïque du premier plat est identique dans le dessin, seule la couleur du maroquin varie. Si nous détaillons les notices, nous retenons que l'exemplaire ADER a été relié par Charles Meunier en 1900 tandis que l'exemplaire BERGE a été relié par Charles Meunier en 1898. Deux années séparent donc ces deux exécutions magnifiques. Une différence de taille qui n'aura échappé à personne ... l'exemplaire ADER a une doublure mosaïquée avec des têtes de chat et des paires de fesses alternées avec un joker malicieux au centre ... quand l'exemplaire BERGE, lui, resté plus sage, n'a que des têtes de chats. Tout simplement prodigieux ! Une variante exquise ! L'exemplaire ADER a été imprimé au nom de Lord Dufferin. Nous ne savons pas à quel nom a été imprimé l'exemplaire BERGE (non mentionné dans la fiche). Les deux exemplaires sont magnifiquement conservés. Par ailleurs l'exemplaire ADER est enrichi d'une carte autographe d'Octave Uzanne et de 1 page et demie in-16 adressées au relieur Charles Meunier et datée du 13 août 1896. Cette lettre concerne le dessins d'une reliure et des exemplaires de Féminies (avec enveloppe). L'exemplaire ADER contient 3 états des 7 premières planches de Rops et 2 états de la dernières. L'exemplaire BERGE contient les 8 planches en 2 états seulement.

Nous saurons prochainement le prix d'adjudication de chacun de ces exemplaires merveilleux.

Bertrand Hugonnard-Roche

jeudi 17 novembre 2016

21 décembre 1896 : Félicien Rops se fâche avec Octave Uzanne à propos de l'illustration de Féminies. "[...] dorénavant je renonce à l’honneur d’illustrer tes livres" / "Quant à notre belle amitié je ne la renierai jamais, elle a été sincère de part et d’autre. Elle est morte jeune avant de faillir, elle a droit à tout notre respect."


La dernière mise à jour des lettres de Félicien Rops sur le site www.ropslettres.be (voir nos précédents billets au sujet de ce vaste et passionnant programme) met au jour deux superbes lettres dans lesquelles on peut se convaincre qu'Octave Uzanne et Félicien Rops se sont fâchés au cours de l'année 1896. Nous le savions déjà car nous avions eu connaissance de ces lettres mais leur numérisation permet de se rendre compte de la violence de propos de Rops à l'égard de son "vieux copain". Nous reviendrons prochainement sur cette brouille assez violente, dans les mots tout au moins. Si Rops ne renie pas cette belle amitié il la relègue au passé. Nous ne savons pas si cette colère fut passagère, simple emportement d'un Rops malade et fatigué, ou bien si les deux hommes se séparèrent définitivement fâchés lorsque Félicien Rops mourut le 23 août 1898 (à peine 2 ans plus tard). Nous ne connaissons pas à ce jour de lettres de Félicien Rops à Octave Uzanne écrites après cette date du 28 décembre 1896. Voici ces deux importantes lettres :


Copie d'écran du site www.ropslettres.be

Transcription (site www.ropslettres.be) :

Mon cher Uzanne,
Je t’envoie cet article de journal que me communique « l’Argus » mon plus fidèle ami puisque c’est le seul qui daigne me renseigner sur l’usurpation que l’on fait de mes droits, et les tripatouillages qui se font de mon œuvre. Pour toi « semble-t-il « Féminies » suffisait avec dans un cartouche inoccupé, la petite falsification qu’a laissé passer sans protestation ma trop débonnaire et endurante amitié. Ignorais-tu que je fusse encore de ce monde pour négliger de me demander l’autorisation de reproduire un frontispice de moi ? L’Article en question dit : Mr Uzanne a présidé lui-même. (ô combien !? à la confection de son volume ». Je t’en félicite, mais dorénavant je renonce à l’honneur d’illustrer tes livres. Je désirerais pourtant savoir par quel frontispice à ta dernière publication j’ai collaboré. Je désirerais même, à titre de collaborateur sans le savoir, recevoir le volume. Voici mon adresse pour que tu me l’envoie à Hyères : 29 avenue des Îles d’Or. Je serai ici jusqu’en février à cette époque je pars en Italie.
Mes Cordialités quand même,
Félicien Rops

 Copie d'écran du site www.ropslettres.be

Transcription (site www.ropslettres.be) :

Mon cher Uzanne,
Reçu ton livre et ta lettre. Dans le premier j’ai constaté une fois de plus que mes dessins ne supportaient pas d’être traduits » mon pauvre « lecteur du Grimoire » en entrant à ton service a pris un petit air garçon de bureau tout à fait lamentable.
Pourquoi du reste un marchand de pianos ne prendrait-il pas pour enseigne, – en l’arrangeant, l’organiste du diable ? Un pharmacien a bien acheté à la vente dernière Drouot « ma goutte » pour en illustrer sa réclame. Il est vrai que ce scrupuleux potard ma demandé l’autorisation de la reproduction que je lui ai naturellement refusée d’ailleurs.
Les hardiesse de mes dessins prouvent assez qu’ils ne sont pas faits à l’usage d’aucun centre quelconque dans aucune république. mais pour ceux qui les admettent et les respectent dans leur entièreté, aussi peu respectables soient-ils. Ceux-ci sont les Ropsophiles, à cela je les reconnais. les autres sont les Ropsophobes et contre ceux la je saurai me défendre énergiquement.
Que « la lecture du Grimoire » soit ta dernière victime, et n’en parlons plus ni à Hyères, o[ù] cela a troublé mon soleil, ni ailleurs. – Il est des choses qui atteignent d’emblée leur summum. Quant à notre belle amitié je ne la renierai jamais, elle a été sincère de part et d’autre. Elle est morte jeune
[1v° : 2] avant de faillir, elle a droit à tout notre respect. merci pour toutes tes bonnes intentions à mon égard mais les ignorant je ne pouvait t’en savoir gré.
Tu as acheté autrefois pour six mille francs de Rops c’est ton affaire et peut être une bonne affaire. La mienne est d’empêcher qu’elle devienne très mauvaise pour ma réputation d’artiste.
Cordialement encore
Félicien Rops

= = = = 

Newsletter "Rops lettres" n°9 - Novembre 2016. Province de Namur. Musée Félicien Rops. Près de 200 lettres supplémentaires ajoutées en provenance des Archives et Musée de la littérature.

Suivre ce lien : http://www.ropslettres.be/

dimanche 9 octobre 2016

Lettre inédite d'Octave Uzanne à son frère Joseph. Etretat le 3 juillet 1929. "Je rentre en bon état, très reposé, côté cérébral et dépouillé de tout pessimisme de vieillard attardé sur un globe si transformé par les faits."



Uzanne écrit à son frère Joseph. Octave est âgé de 78 ans. Il est en villégiature à Etretat.

[enveloppe-lettre / Collection Dubonnet] Etretat. Mercredi 3 juillet 29.

Mon chéri,
J’espère te téléphoner demain – si tu appelles vers 11 ½, ce ne sera peut être pas Alphonsine(1) mais moi qui répondra – sinon ce serait le soir.
Je prends aujourd’hui un autobus en service depuis 2 jours (Dieppe maritime Etretat – le Havre par le littoral il doit me conduire à la gare du Havre en 1 h ¼ vers 4 h 45, à temps j’espère pour prendre le rapide de 17 h 15 qui me fera coucher, soit à Rouen soit à Paris – je verrai en route.
Hier l’après midi fut pluvieux de façon indésirante comme disait ce normand d’Aurevilly qui s’y connaissait en crachins du pays – je suis sorti tout de même.
Je rentre en bon état, très reposé, côté cérébral et dépouillé de tout pessimisme de vieillard attardé sur un globe si transformé par les faits.
Bons baisers.
Octave

(1) sa domestique

Source : Archives départementales de l'Yonne (89), Fonds Yvan Christ. [ref. numérisation Mel.10]

mercredi 5 octobre 2016

Lettre inédite d'Octave Uzanne à son frère Joseph. Barbizon le 13 août 07. Bilan de santé morale et physique.



Voici un petit bilan de l'état de santé (moral et physique) d'Octave Uzanne alors qu'il est âgé de 56 ans. Il est en retraite à Barbizon dans une pension. Voici ce qu'il écrit à son frère adoré.

Lettre inédite d'Octave Uzanne à son frère Joseph. Barbizon ce 13 août 07

Mon bon chéri,

Je me sens de mieux en mieux – Le bromure a merveilleusement calmé mon état nerveux devenu sédatif et les compotes et fruits cuits ont régularisé les fonctions intestinales, sans autre aide. Je pense, j’espère que je me trouve en bonne voie de santé intégrale. C’est si bon de se sentir bien.
Tes passages ici sont trop rapides pour que tu puisses comprendre la douceur de ma vie : très supérieure comme repos, nourriture, hygiène et exercice à celle que je mènerais en communauté dans quelque ville d’eau ou sur quelque plage à l’hôtel. Tu vois cela rapidement avec ton habitude de Paris et de mouvement des stations thermales et tu trouves ce genre de vie, à ton point de vue, triste sans doute, monotone et replié sur soi même – mais c’est une erreur – il faut, même pour juger l’existence des autres, la partager quelque peu et ainsi la comprendre.
J’ai reçu, du Dr Laffont, une lettre de 5 pages. lettre conseil sur mon état – c’est beau de sa part, lui qui jamais n’écrit – il y a de très bonnes choses et d’autres à dédaigner peut-être – c’est tout un régime quotidien – intelligent en somme et précieux en plus d’un point.
Laffont me dit avec justesse que je n’ai aucune tare cardiaque et par conséquent que je n’en ai jamais eu – il me le jure – il ajoute qu’à notre âge ça ne bouge plus le cœur, et que si on a été indemne jusque là on est sur de ne plus se donner de lésion avec une vie d’hygiène telle que la mienne – Il me confirme également l’excellence de mon estomac et me reproche seulement de l’avoir compromis par mon excessive complaisance à user d’une droguerie persistante – ce qui au fond est vrai.
Je pense que tu es rentré sans trop de fatigue dimanche – (je t’écris avant la venue du facteur) toutefois ces petits voyages sont encore fatigants en une journée. Il est regrettable que tu ne puisse faire autrement – D’autre part, comme tu redoutes un peu la marche et que tu la crois contraire, que tu n’es pas installé, les distractions à t’offrir me semblent maigres et cela me parait regrettable de penser te donner des journées peu réjouissantes et qui ne sont agréables que pour moi.
Le temps s’est voilé – il est doux – les soirées sont fraîches, je ne sors plus après diner, éprouvant des sensations de pénétration frigide qui m’indiquent la prudence.
Affectueux baisers.

Octave

Quand tu auras l’analyse de mon urine – envoie la moi – c’est 10 frs – je suppose – si oui je te les enverrai ou remettrai pour que tu règles aussitôt.



Source : Archives départementales de l'Yonne (89), Fonds Yvan Christ. [ref. numérisation 1907.29]

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...