mardi 30 janvier 2018

Carte autographe adressée au marchand d'estampes P. Roblin 65, rue St-Lazare à Paris (20 mars 1901).

 Copie d'écran internet


[carte imprimée sur papier rose avec motif japonisant en haut à gauche] (*)

17 Quai Voltaire
Paris, le 20 mars 1901

Cher Monsieur,
Je vous fais adresser un portrait que je vous compterai 4 fr.
Je reviens de Londres où j'ai été malade et suis encore grippé.
J'irai vous voir et vous reporter quelques portraits dès que je le pourrai.
Bien à vous.

Octave Uzanne

(*) en vente sur site marchand internet le 30 janvier 2018. Cette carte est jointe dans un exemplaire des Contes pour les Bibliophiles.

 Copie d'écran internet

lundi 29 janvier 2018

"Octave Uzanne - Célèbre écrivain, critique d'art, directeur fondateur de plusieurs revues et sociétés de bibliographies. Auteur de nombreux ouvrages très recherchés et très appréciés. Homme du monde charmant." (Julien Stirling)


Collection Eric Guillemot / Photographie Eric Guillemot

"Octave Uzanne - Célèbre écrivain, critique d'art, directeur fondateur de plusieurs revues et sociétés de bibliographies. Auteur de nombreux ouvrages très recherchés et très appréciés. Homme du monde charmant." (Julien Stirling) (*)

(*) Cette page est extraite de l'album personnel d'ex libris de la collection de Julien Stirling. Elle nous a été aimablement communiquée par Eric Guillemot, auteur, auto-éditeur, libraire bibliophile. On trouve également dans cet album le second ex libris d'Octave Uzanne gravé par Aglaüs Bouvenne (voir ci-dessous). Julien Stirling avait fait incrusté dans le premier plat de la reliure de cet album d'ex libris le cuivre de l'un de ses ex libris. Nous ne savons pas beaucoup sur Julien Stirling. Nous avions écrit (novembre 2012) : "Julien Stirling fut connut pour être un éminent Hugolâtre. Voir à son sujet Un Hugolâtre [Julien Stirling], Le Carnet, XVI (1903) p. 413 et suiv. Il est décédé en 1919. Il écrivait sous le pseudonyme de Georges Colas dans diverses publications littéraires et scientifiques. André Stirling, son fils, s'essaya à la poésie (Les Extases, Poèmes, 1908) et publia divers ouvrages de littérature et d'érudition. Nous ne savons rien des liens qui ont pu unir Octave Uzanne avec Julien Stirling à la fin du XIXe siècle." Il est probable que Julien Stirling était originaire de la région de Strasbourg. Nous avions publié 2 envois autographes d'Octave Uzanne à Julien Stirling, nous y renvoyons le lecteur.

Bertrand Hugonnard-Roche


Collection Eric Guillemot / Photographie Eric Guillemot

dimanche 28 janvier 2018

Antoine Albalat et l'Inassouvie malmenés par le critique du Livre d'Octave Uzanne (10 novembre 1882) : "Ayez donc une bonne fois la franchise d'avouer que ces pages sont précisément placées là à dessein et polies amoureusement pour épicer l'œuvre, atteindre au scandale et vendre le plus d'exemplaires possible."

Page de titre
Copie d'écran Gallica / Bnf

Nous venons de publier les animosités qui pouvaient exister entre Antoine Albalat et Octave Uzanne et ce dès la publication d'une chronique dans la Dépêche de février 1903 dans laquelle ce dernier étrille cet instituteur de l'art d'écrire. Mais l'inimitié entre les deux hommes semblent remonter bien avant. En effet, dès novembre 1882, Octave Uzanne publie dans sa revue Le Livre une critique de l'Inassouvie (Paris, Ollendorff, 1882). Cette critique est signée des initiales A. J. P. que nous prêterions volontiers à Octave Uzanne lui-même. Si cette critique n'est pas de lui, elle doit être d'un collaborateur à qui Octave Uzanne a de toute façon donné son aval. Lisons cette critique acerbe et sans complaisance :

      "Dès la première page, un relent bien en vue, aussitôt suivi de la minutieuse description d'un choeur de grenouilles, nous prévient que le débutant s'enrôle sous le drapeau naturaliste. Alphonse Daudet, à qui, avant de publier son volume, il en avait communiqué les bonnes feuilles, lui a donné l'accolade en ces termes : « Je vous garantis qu'au second livre vous serez quelqu'un. » Le compliment reste en deçà de la vérité. Allons plus loin et, sans attendre d'autre preuve, accordons à M. Albalat le dignus es intrare. Eh! qui donc mériterait mieux de grossir le bataillon des littérateurs madrés que l'adroit compère assez au fait déjà des procédés de l'école pour écrire hypocritement dans sa préface « Peut-être trouvera-t-on dans cette étude quelques pages un peu vives ; mais la volupté y est une souffrance, et la souffrance purifie. » Oh ! la bonne excuse ! Par malheur, elle a servi si souvent qu'elle ne trompe plus personne. Ayez donc une bonne fois la franchise d'avouer que ces pages sont précisément placées là à dessein et polies amoureusement pour épicer l'œuvre, atteindre au scandale et vendre le plus d'exemplaires possible.
      Un don Juan naturaliste se reconnaît à un signe infaillible il n'aime que les femmes odorantes et il respire avec délice l’arôme de leurs sueurs. Dès qu'elles n'exhalent rien, adieu le sentiment ! Le premier soir que sa maîtresse introduit celui-ci dans sa chambre à coucher, savez-vous quelles émotions l'agitent ? D'autres seraient impatients, enflammés de désirs, insensible à toute sensation qui éloignerait du but. Lui entre là le nez au vent. « Je visitai en artiste ce sanctuaire si convoité. J'examinai les tableaux, je humai l'odeur de femme qui s'échappait des tentures et du lit, dont la couverture blanche faite au crochet pendait jusqu'à terre. » Plus loin il ira jusqu'à préciser le degré de température inhérent à chaque partie du corps de la dame ; il l'a sans doute parcourue de haut en bas, un calorimètre en main.
      Il est bon d'avertir que l'Inassouvie est un roman intime ou plutôt une sorte de confession autobiographique. On ne sait, il. est vrai, si le prétendu homme de lettres qui y raconte ses impressions est un être fictif ou l'auteur en personne, tant M. Albalat s'identifie avec son Léon. Il a négligé seulement de nous le peindre au physique. Nous l'entendons draper à chaque instant les autres de pied en cap, sans qu'il se regarde lui-même une seule fois au miroir. Sa maîtresse l'appelle souvent vilain polisson ; mais ce n'est pas là un signalement. Ses façons de parler ont néanmoins, par places, un accent marseillais qui sent d'ici la Canebière et le vieux port. Autant qu'on peut le juger d'après sa conduite, il est suffisant, vaniteux, certain par avance de triompher des femmes et il ne recherche en elles que la satisfaction d'appétits physiques, leur reprochant comme un crime la lassitude où il tombe pour avoir trop abusé d'elles.
      L'histoire qu'il nous raconte ne se distingue en rien des séductions banales. Une femme unie à un mari peu passionné et qui espère trouver ailleurs que dans ses bras des voluptés inconnues au lit conjugal le mari benêt que l'on trompe sans qu'il s'en doute et qui introduit lui-même dans son intérieur le jeune muguet ; enfin celui-ci, qui profite de la sottise du mari pour capter sa confiance et endormir ses soupçons au moyen de parties de billard et de pêche à la ligne ; voilà le trio complet. Passons sur les délicatesses de la femme, sur sa répugnance à se livrer ainsi à deux hommes. Léon, après s'être fait tirer un peu l'oreille, consentira bien à l'enlever, à fuir avec elle à Nice, puis à Paris ; mais nous savons d'avance que leur flamme ne sera qu'un feu de paille, que la désillusion suivra de près l'enthousiasme. Il suffit, pour deviner le résultat de l'escapade amoureuse, de voir quelles idées hantent la cervelle du ravisseur le jour même de l'enlèvement. Figurez-vous qu'il s'amuse à noter l'état de l'atmosphère et la calme tiédeur d'une après-midi d'été.
      « Pas un frisson de brin d'herbes, pas un cri d'oiseau dans l'espace. Partout le grésillement ronflant des cigales ; on les entendait sur les arbres qui bordaient la route et sur d'autres de plus en plus éloignés de sorte que ces milliers de cris s'épandaient au loin et m'environnaient d'un cercle de bruit toujours élargi et toujours reformé. » La description ne finit pas là il nous faut subir encore les rayons d'un soleil torride qui noient de leur blancheur les bastidons endormis, puis les vignes qui se tordent le long des terres fendillées. « Les châtaigniers lointains, les oliviers plus rapprochés, les mûriers poudrés de poussière se raidissaient, sans un balancement de branches, sans un tremblement de feuilles, léthargiques et anéantis. La clarté du soleil dégageait au loin une lumière cendreuse, pareille à une buée d'étuve qui semblait mollir les collines. »
      Ici le procédé saute aux yeux notre narrateur, cela est évident, a oublié le motif qui l'amène, le tourment qui l'agite, pour ne plus songer qu'à rendre le paysage en toute exactitude. Ainsi partout chez M. Albalat ; l'intrigue n'est qu'un cadre à insérer ses tableaux. Quand les amants arrivent à Nice, leur premier soin est de se mettre à la fenêtre pour regarder la mer ; plan, description poétique de la mer et du mouvement des vagues. A Paris, Léon, dégoûté de sa maîtresse, après avoir descendu avec elle tous les degrés de la dépravation, la laisse au lit le soir pour venir respirer l'air sur le balcon nouveau tableau comme il s'en trouve tant dans une Page d'amour :

Voyez-vous ce garçon-là,
Qui va dégoter Zola.

      Une autre manie commune à tous les naturalistes et que M. Albalat pousse jusqu'à l'extravagance, c'est de rapporter de point en point les conversations, les propos les plus insignifiants, les niaiseries échangées entre deux amants et qu'ils peuvent trouver adorables, mais dont le lecteur n'a que faire.
      Il me resterait à rendre compte de la seconde partie du volume. Elle n'a presque aucun rapport avec la première. Elle est consacrée aux amours de la maîtresse abandonnée par Léon et qui est allée en province, au fond d'une petite ville, pour s'y mettre au vert, ce qui ne l'empêche pas de s'offrir, en manière de distraction, le fils de son hôtesse, un jeune collégien encore imbu de toutes sortes de belles illusions. Mais puisque M. Albalat annonce qu'il publiera bientôt un autre volume, nous aurons occasion de reparler de lui.                 A. J. P. (*)


(*) En 1882 Antoine Albalat est âgé de 26 ans et l'Inassouvie est l'une de ses toutes premières œuvres. Octave Uzanne dénonce sans détour un simple plagiaire des naturalistes, un copieur de Zola et ses acolytes. Critique publiée dans la livraison du Livre du 10 novembre 1882, Bibliographie moderne.

Pour en savoir plus lisez nos autres articles relatifs à Antoine Albalat :

- Antoine Albalat versus Octave Uzanne (1905)

Antoine Albalat versus Octave Uzanne (1905). "Esprit charmant, tout en dentelles et en fanfreluches, M. Uzanne a chiffonné les Belles-Lettres, bibeloté l'Histoire, taquiné la Psychologie, coquetté avec la Critique. Il a fait de la jolie érudition de boudoir, de la littérature fardée et poudrée la plus galante du monde. [...]"

Antoine Albalat
(1856-1935)
      Vite ! Un ennemi ! ainsi aurait pu s'exclamer Cyrano de Bergerac.
      Que reste-t-il de l’œuvre d'Octave Uzanne ? Peu de choses dans l'esprit public à vrai dire. Que reste-t-il de l’œuvre d'Antoine Albalat ? Rien ! Rien ! Ou si peu.
      La vengeance est si mauvaise conseillère qu'elle fait des victimes à tout va. L'intransigeance des bourreaux mène aux extrêmités de la perversité.
      Étudions le cas de cet exécuteur littéraire donneur de leçons magistrales : Antoine Albalat qui s'exprime dans un ouvrage intitulé Les ennemis de l'art d'écrire publié en 1905 à Paris à la Librairie Universelle. (1)

Bertrand Hugonnard-Roche


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 *  *

      Tous nos contradicteurs n'ont pas la même tournure d'esprit. (Quelques-uns se sont fâchés d'autres n'ont pas compris et d'autres nous ont attaqué sans nous avoir lus. M. Octave Uzanne est de ces derniers et, à ce titre, il mérite une mention.
      Esprit charmant, tout en dentelles et en fanfreluches, M. Uzanne a chiffonné les Belles-Lettres, bibeloté l'Histoire, taquiné la Psychologie, coquetté avec la Critique. Il a fait de la jolie érudition de boudoir, de la littérature fardée et poudrée la plus galante du monde. Il a raconté l’Éventail, l'Ombrelle, les séduisants artifices de la beauté féminine, badineries agréables, dont j'apprécie tout le charme, mais peut-être insuffisantes préparations aux études sévères du style.
      Cette aimable dilettante a sur nos autres contradicteurs cette originalité de n'avoir pas lu une seule ligne de nos livres. Ainsi désigné pour se taire, il est précisément celui qui crie le plus fort. Ignorant mes ouvrages et ne pouvant, par conséquent, y puiser ses objections, M. Uzanne est obligé, pour me combattre, de me faire dire ce que je n'ai point dit, et cette intrépidité finit par donner à sa critique une rare saveur. Il n'a lu que M. de Gourmont ; il ne nous juge, il ne sait de nous que ce qu'en a dit M. de Gourmont.
« M. Albalat, déclare sans sourciller M. Uzanne, limite le style au pastiche adroit. Il se dispose à vous faire acquérir, grâce à quelques règles rapides et faciles d'assimilation, un style inspiré de celui des auteurs illustres. A l'en croire, tout grimaud d'école, pourvu qu'il y mit le temps et l'étude, deviendrait un Chateaubriand. C'est là une dangereuse plaisanterie (2). »
      Faut-il s'ébahir d'une telle inconscience ou se révolter de tant d'injustice ? Si ceci n'est qu'un badinage, il n'est pas habile. C'est toujours une maladresse de rabaisser à ce point ses adversaires, quand on veut se donner le mérite de triompher d'eux, et je ne vois pas l'autorité qu'on peut prendre à réfuter quelqu'un que l'on présente comme à peu près dénué de sens commun. Ai-je besoin de démentir ces ironies sans scrupule, qui n'ont d'autre but que d'entretenir l'équivoque où nos contradicteurs puisent leurs seuls arguments ? Je serais en démence ou le dernier des effrontés, si  j'avais publié trois consciencieux ouvrages pour démontrer que tout le style consiste dans le pastiche et pour laisser croire qu'avec quelques règles faciles tout grimaud peut devenir un Chateaubriand.
      Sans être « dangereuse », la « plaisanterie » de M. Uzanne révèle un aplomb dont je lui fais mon compliment. Remuerai-je ce bloc ? Je ne sais.
      Chaque ligne de M. Uzanne contient une fausseté. Non seulement nous n'avons jamais dit ce qu'il nous fait dire, mais nous avons nettement dit le contraire. Non seulement nous ne limitons point le style au pastiche adroit mais nous n'avons même pas fait du pastiche une méthode de l'art d'écrire. Nous l'avons défini « Une imitation artificielle et servile ». Nous le conseillons comme un « exercice de gymnastique littéraire momentané », destiné seulement à former l'esprit littéraire ». « I1 n'a de valeur, disions-nous, que comme moyen de métier et n'est pas un but par lui-même. Il y manque la vie, On n'emprunte pas l'âme d'un auteur. »
      Voilà comment nous limitons le style au pastiche adroit (3). Quant soutenir qu'on peut avec quelques procédés acquérir le style des grands auteurs, et que tout grimaud, en y mettant le temps, peut devenir un Chateaubriand, il n'est pas en mon pouvoir d'empêcher M. Uzanne de me prêter des opinions qui feront hausser les épaules à ceux qui m'ont lu. Après les énormités, voici les naïvetés « On n'obtient pas, s'écrie M. Uzanne, un style de commande. D'autres ne l'acquièrent qu'au prix d'un labeur effroyable, Buffon a mis cinquante ans à écrire l'Histoire naturelle ; Pascal refait treize fois sa 18e Provinciale ; et Balzac autant de fois sa Pierrette. Le labeur de Flaubert est demeuré célèbre ; il confine à une sorte de sainteté. .. Ce sont là de grands exemples ; les conseils insidieux de M. Albalat ne tiennent pas en présence. »
      Ici, l'aventure est comique. Voilà maintenant M. Uzanne qui nous oppose les arguments que nous lui servons et imagine de nous répondre ce que nous avons déjà dit nous-même ! Les « grands exemples » de labeur qu'il nous cite, nous les avons précisément exposés, détaillés et étudiés dans notre dernier livre, dont il se moque et qu'il n'a pas lu. Ce volume de corrections et de ratures, M. Uzanne n'a pas l'air de se douter que nous l'avons publié uniquement pour prouver ce qu'il a la prétention de nous apprendre, et aussi parce que cet ouvrage était la confirmation éclatante de nos conseils « insidieux ». Nous le remercions infiniment, cet excellent critique, de vouloir bien nous révéler que l'art d'écrire exige un labeur effroyable, après que nous avons consacré 3oo pages à indiquer cet effroyable labeur, ce qui, par parenthèse, ne me semble pas le meilleur moyen de démontrer qu' « un grimaud peut devenir un Chateaubriand ».
      M. Uzanne me dit encore bien des choses folâtres dont je le tiens quitte pour ménager mes lecteurs. Faut-il omettre aussi ses inexactitudes ? Il y en a de criantes, celle-ci entre autres « Un Buffon, dit-il, un Chateaubriand, un Flaubert n'eurent d'autres maîtres qu'eux-mêmes, ne subirent d'enseignement que celui de leur génie. » Rien n'est plus faux. Flaubert étudiait toujours le style et relisait constamment Chateaubriand. Il eût donné, disait-il, tous ses livres pour une phrase de lui. Il suivait aveuglément les conseils de Bouilhet, qui ne le valait pas. Gautier et du Camp l'obligèrent à renoncer a sa première Tentation de saint Antoine, et on le força de changer son style pour écrire Madame Bovary. Buffon consultait Bexon, Gueneau et ses collaborateurs ; il demandait leur avis ils refondaient ensemble leur prose ; quant à Chateaubriand, nul ne fut plus docile à la critique. Fontanes lui faisait recommencer des pages entières il refit même des passages qu'un anonyme lui signala.
      En fin de compte, quelle est la doctrine, quels sont les principes de M. Uzanne ? A-t-il des idées sur le style ? Oui, il a des idées, et des idées très simples, celles qu'on trouve sans se donner la peine de réfléchir, et qui suffisent, d'ailleurs, à écrire de tels articles. Les voici textuellement : « En fait de méthode de style, déclare-t-il, le plus sûr est de n'en point avoir. L'originalité est à ce prix. » Retenez bien ce conseil, jeunes gens. Écrivez n'importe quoi, n'importe comment ! Vous manquez d'expérience, vous êtes maladroit, votre style est banal, vous ne savez pas, vous voulez savoir. A quoi bon ? Lectures, guides, conseils, procédés, labeur, exemples, rien ne sert, rien n'est pratique. Écrivez comme vous l'entendrez, au petit bonheur. C'est le seul moyen d'être original. Que dis-je ? « l'originalité est à ce prix ». On me blâmait d'enseigner l'art d'écrire en vingt leçons. M. Uzanne l'enseigne en zéro leçons.

Antoine Albalat 


(1) Les ennemis de l'art d'écrire par Antoine Albalat. Paris, Librairie Universelle, s.d. (1905), pp. 211-220. Antoine Albalat (1856-1935), quasi exact contemporain d'Octave Uzanne, était né à Brignoles en 1856. Arrivé à Paris en 1897 seulement, il devient secrétaire de la direction du Journal des débats en 1899. Il devient rédacteur du feuilleton littéraire. Il fut un habitué du Café Vachette et était l'ami de Jean Moréas. Au-delà de ses romans et nouvelles, Antoine Albalat s'est fait connaître par ses enseignements sur l'écriture : « J’ai voulu être un guide pour ceux qui ne peuvent en avoir d’autres. Voilà quinze ans que je me bats avec les mots et que j’écris du roman, des nouvelles et des articles de critique, faits et refaits avec acharnement. » Il développe une théorie du style basée sur l'étude de l'évolution des manuscrits des auteurs français jusqu'à leur édition finale, ainsi que les travers de style de la littérature contemporaine. On retrouve ainsi dans L'Art d'écrire enseigné en vingt leçons, l'étude de l'harmonie, la concision ou encore l'emploi des images. Il fut, avec le bouquiniste Antoine Laporte, l'un des plus virulents ennemis d'Octave Uzanne.
(2) La Dépêche, 5 février 1903.
(3) Ceux qui nous jugent sans nous avoir lu ne manquent jamais de nous faire ce reproche. « Les oeuvres de M. Albalat sont un danger public », dit M. Van Gennep (Revue générale de bibliographie, novembre 1903). Un danger public ! En quoi ? M. Van Gennep l'ignore, mais il a lu quelqu'un qui le sait « C'est dit-il, ce que vous exposera avec vivacité et précision M. de Gourmont dans son Problème du style. L'excitation au plagiat (?) et les recettes de cuisinière bourgeoise (!) de M. Albalat sont traitées comme il convient, et stigmatisés des procédés qui tendent à détruire sous la plume toute spontanéité et toute audace ! » Même M. Blum, qui nous a lu, ne résiste pas à la tentation de rééditer cette facétie « M. Albalat, dit-il, est convaincu qu'on peut apprendre à écrire comme on apprend à compter !!! »

jeudi 25 janvier 2018

Octave Uzanne à Paul Lacroix : « votre exemple comme guide et votre mérite comme but » (texte lu par Bertrand Hugonnard-Roche lors de la Journée Paul Lacroix, l'homme-livre du XIXe siècle, le 20 mars 2015).


Paul Lacroix, dit le Bibliophile Jacob (1806-1884)
Photographié par Nadar


« votre exemple comme guide et votre mérite comme but »
  

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Mesdames, Messieurs, bonjour et merci de votre présence à cette journée d’études Paul Lacroix.

Je m’appelle Bertrand Hugonnard-Roche et je gère une librairie ancienne depuis maintenant 13 ans.

J’ai fait la connaissance d’Octave Uzanne il y a de cela près de 20 ans. Depuis, par l’intermédiaire d’un site internet et quelques publications, j’essaye de faire revivre la mémoire de cet homme de lettres oublié du grand public.

Dans un premier temps je vais vous présenter brièvement Octave Uzanne et son parcours.
Dans un deuxième temps nous verrons les liens entre Octave Uzanne et Paul Lacroix, dit le Bibliophile Jacob.

Octave Uzanne est né à Auxerre, en Bourgogne, en 1851. Issu, par sa mère d’une longue lignée de marchands de cette même région, et par son père, d’origine savoyarde, également d’importants marchands en gros établis dans cette ville depuis les premières années du XIXe siècle. Octave Uzanne est orphelin de père à l’âge de 15 ans (1866).

Le jeune Octave Uzanne suit des études au collège d’Auxerre, fait un passage par un collège en Angleterre (1870), revient au collège Rollin à Paris. On sait qu’il suit des cours de droit et que ses études s’achèvent vers 1872. Pendant ces années de jeunesse Octave Uzanne mène une vie mêlée de bohême et d’études au cœur des quartiers de fête parisiens. C’est à ce moment là qu’il se dirige vers une carrière d’hommes de lettres. Ses premières publications datent de 1875, avec la réédition annotée des Poètes des Ruelles (Sarasin, Montreuil, Voiture, Benserade). Sa formation littéraire passe par la rencontre de plusieurs éminents lettrés : Paul Lacroix (ce que nous verrons plus en détail), mais également Jules Barbey d’Aurevilly, et bien d’autres. Il collabore à de jeunes revues bibliographiques et littéraires (Le Conseiller du Bibliophile – 1876 -1877 ; La Jeune France ; Les Miscellanées bibliographiques de Rouveyre (1878-1880).

Très vite, le caractère très indépendant du jeune bibliophile-bibliographe s’affirme. Ayant tissé un réseau de relations suffisant, il fonde en 1880, aux côté du jeune imprimeur-gérant Albert Quantin, ce qui sera une revue bibliographique incontournable pendant 10 années : Le Livre. Cette revue sera le point de rendez-vous de très nombreuses connaissances dans le milieu des lettres : On y retrouve Paul Lacroix, Paul Bourget, Edouard Drumont, son collaborateur communard Bernard Henri Gausseron et une myriade de noms encore connus aujourd’hui. Cette revue formera 20 gros volumes in-4 truffés de très nombreuses reproductions de documents, illustrations, estampes, etc.
Uzanne poursuit son aventure éditoriale avec 2 revues d’un format différent mais non moins luxueuse : Le Livre moderne (1890-1891) et L’art et l’idée (1892). Les collaborations se poursuivent. Uzanne y montre son amour de l’art qui se disperse vers d’autres domaines comme la céramique, la sculpture, la peinture, l’ameublement.

Il faut tout de suite souligner que ces revues sont éditées alors qu’il publie quantité d’ouvrages à côté, en simultané : Depuis 1875 chaque année voit paraître un nouvel ouvrage : On citera Le Bric-à-Brac de l’amour (1878) préfacé par Barbey d’Aurevilly ; Les Surprises du Cœur ; Le Calendrier de Vénus. Trois productions personnelles aujourd’hui oubliées. En 1878 il publie les Caprices d’un Bibliophile. A partir de 1879 il publie les Conteurs du XVIIIe siècle (série de 12 volumes) avec notes et préface. Paraissent également en 1882 et 1883 les deux ouvrages qui feront sa renommée d’écrivain précieux : L’éventail et l’Ombrelle. Puis viennent les livres sur la femme : Son Altesse la Femme (1884) et La Française du Siècle (1885), puis bien d’autres que nous ne pouvons citer ici. Uzanne publiera sans relâche jusqu’aux premières années de 1900 sur la femme, la mode et la bibliophilie. Les bibliophiles connaissent ses ouvrages sur l’art de la décoration extérieure des livres (reliures et cartonnages), l’illustration, etc. Nous ne pouvons nous étendre ici sur le détail de toutes ces publications luxueuses et destinées avant tout à une élite (tirages numérotés).

Parallèlement à tout ceci, Uzanne mène une vie agrémentée de nombreux voyages en Europe et dans le monde (USA, Japon). Progressivement, sa passion d’écrire le conduit à devenir de plus en plus journaliste ou plutôt chroniqueur. Il passe ainsi, dès les années 1893, du Figaro à l’Echo de Paris, puis à la Dépêche de Toulouse où il chroniquera pendant près de 30 ans, pratiquement jusqu’à sa mort en 1931.

Octave Uzanne aujourd’hui oublié méritait de retrouver sa place dans le monde des lettres. Il a côtoyé les plus grands de son temps : hommes de lettres et artistes. Il a été l’ami de Félicien Rops, du céramiste Jean Carriès, de Barbey d’Aurevilly dans ses dernières années, etc.

Nous allons voir maintenant ce que nous savons à ce jour de ses liens avec Paul Lacroix.

Il faut tout d’abord insister sur les dates. Paul Lacroix est né en 1806. Lorsqu’Octave Uzanne finit ses études et s’oriente vers les lettres en 1872, c’est un jeune homme de 21 ans qu’il rencontre. Lacroix est alors âgé de 66 ans. Lacroix est conservateur à la bibliothèque de l’Arsenal depuis plus de 17 ans (1855). Lorsque Lacroix meurt en 1884, Uzanne dresse ce portrait de l’infatigable bibliographe :

« Levé vers cinq heures, il se mettait à l’œuvre jusqu’à 8 heures du matin. Il consacrait une heure à son coiffeur qui, régulièrement, venait le friser, le raser, l’éveiller pour ainsi dire à la vie extérieure ; puis, jusqu’à l’heure du déjeuner, il reprenait son labeur. L’après-midi, lorsqu’il n’était pas de service aux manuscrits de l’Arsenal, il travaillait encore, il travaillait toujours, et souvent le soir il quittait le salon hospitalier de l’Arsenal, où tant d’anciens amis venaient égrener leurs souvenirs, pour aller s’enfermer jusqu’à minuit dans ce petit cabinet encombré et impraticable où il avait emmuré sa vie dans les livres depuis de si longues années. »

C’est là que le jeune Octave Uzanne fit sa connaissance. Tous deux partagèrent bien des découvertes et des travaux en cours, pour l’un et pour l’autre. Le jeune Octave Uzanne se prit d’admiration pour ce modèle encore vivace ancré dans un siècle qui n’était déjà plus le sien. Uzanne s’en inspirera toute sa carrière.

Voici ce qu’écrit Octave Uzanne en tête de sa réédition de la Guirlande de Julie (1875) :

« Monsieur, Je viens, disciple fidèle, placer cette édition, de la Guirlande de Julie sous votre haute protection, rendre humblement hommage à votre vaste savoir, et atténuer, s'il est possible, ma dette de reconnaissance envers vous. C'est non-seulement au maître, au docte bibliophile, au grand lettré de ce siècle, que je dédie cette réimpression, c'est plus encore à l'homme bienveillant, au savant d'intimité, prodigue, comme les vraiment riches, de ses immenses trésors bibliographiques, de son expérience et de ses conseils. N'est-ce pas, en effet, sous l'influence de vos généreux encouragements que j'ai pu concevoir ma tâche, préparer et mûrir la réhabilitation des poètes de ruelles du XVIIe siècle ? Aux quelques beaux esprits que je me proposais d'exhumer, à Sarasin, Voiture, Colletet, Malleville, Brébeuf et Scudéry, n'avez-vous pas ajouté, avec l'enthousiasme juvénile de votre ardente érudition, les noms de Chapelle, Montreuil, Charleval, Lainez, Ferrand, et autres poètes, hélas ! oubliés, jadis oracles dans le temple du beau langage, talents originaux, précieusement étoffés de couleur locale, au milieu de la grandiose universalité littéraire du siècle de Louis le Grand ? Vous avez particulièrement daigné sourire à l'illustre galanterie du marquis de Montausier, éclose dans ce pays de la conversation, ou Julie d'Angennes était reine et idole, et j'ai eu l'inappréciable bonheur de contempler dans votre cabinet de travail, radieuse dans son auréole de fleurs, la ravissante Guirlandeuse, dont le portrait si recherché, et jusqu'alors ignoré, embellit, grâce à vous, cette nouvelle édition. Ne sont-ce pas là, monsieur, des titres à mon entier dévouement, et ne dois-je pas m'estimer fier et heureux d'avoir su rencontrer, au début du chemin, le guide sûr et charmant qui a bien voulu faire quelques pas sur ma route ? C'est donc sous votre inspiration que paraît aujourd'hui la Guirlande de Julie, et que renaîtront tour à tour tous ces rimeurs galants, favoris des Parnassides, troupe légère d'avant-garde des Corneille et des Molière, qui, en dépit de la verte férule du régent Boileau, sut si agréablement faire l'école buissonnière et butiner dans les sentiers de la double colline. Grâces vous soient rendues, monsieur, si je puis mener à bonne fin l'entreprise que je conçois, et offrir aux lettrés, dans une gracieuse rénovation, ces délicates victimes de l'oubli. Quoi qu'il en soit, heureux ou non dans l'avenir, ayant votre exemple comme guide et votre mérite comme but, je marcherai fièrement en avant, prenant la devise que les anciens, dans leur erreur, plaçaient sous le disque solaire : Fit cursu clarior. Avec l'assurance de ma plus vive reconnaissance et de ma sincère amitié, veuillez me croire, Monsieur, Le plus fervent et le plus dévoué de vos admirateurs. »
Octave Uzanne est admiratif, Octave Uzanne est redevable à Paul Lacroix de tout ce qu’il sait ou presque. A son décès en 1884 ne fera que réitérer remerciements et marques d’admiration à l’égard du maitre.

Dans l’article qu’il publie dans sa revue Le Livre quelques semaines après le décès du Bibliophile Jacob, Octave Uzanne nous donne quelques intéressants détails sur les soirées de l’Arsenal auxquelles celui-ci a assisté à plusieurs reprises :

« [...] Chaque vendredi soir, c'était fête à l'Arsenal ; le bibliophile groupait quelques amis autour de la table ; c'était tout une Renaissance délicieuse à étudier pour les jeunes admis au cénacle. Là, venaient le vieux baron Taylor, Paul de Saint-Victor, Henri Martin, Maquet, Monselet, Jules Lacroix, Faber, l'auteur de l'Histoire du théâtre en Belgique, Mme de Montmerqué, autrefois la belle Mme de Saint-Surin, et nombre d'aimables survivants de la génération de 1830. Paul Lacroix, à ces réunions, se montrait un causeur intarissable, spirituel, délicat, un narrateur exquis, qui savait faire revivre ses souvenirs avec une précision et un charme de jeunesse inoubliables. C'est peut-être le dernier salon de conversation qu'il m'aura été donné d'entrevoir, la dernière maison qui eût conservé, dans l'urbanité de la causerie, comme un malicieux reflet des bureaux d'esprit du XVIIIe siècle ; on n'y fumait point, on y causait doucement, en savourant un café spécial dont Balzac avait fourni la recette ; on y lisait, on y inventoriait les pièces curieuses, les bibelots des étagères, et, en particulier, cette fameuse canne de l'auteur de la Comédie humaine, dont la pomme en argent réprésentait trois singes ciselés que le charmant bibliophile affirmait n'être autres que Lautour-Mézeray, Emile de Girardin et ...nescio quem. - On n'y parlait que littérature ancienne et moderne, beaux-arts et bibliographie ; on y projetait des volumes, on y échangeait des idées sur les morts et les vivants, on renversait des bibliothèques sur le tapis, on admirait la superbe galerie de tableaux de l'aimable et accueillante hôtesse, on y vivait double par l'esprit ... enfin, à dix heures on se retirait. »
Octave Uzanne poursuit :

« Pourrais-je oublier ces soirées de l'Arsenal où pour moi défilait la tradition orale de tout un passé, où le regretté bibliophile m'apprenait paternellement à distinguer les souvenirs écrits des souvenirs parlés. »
Uzanne dresse ensuite un portrait du vénérable bibliophile :

« [...] Paul Lacroix devint l'homme-livre par excellence, bien que rien en lui ne trahit le rat de bibliothèque grincheux et étriqué d'idées. Il avait l'esprit aussi large que son cœur était ouvert à toutes les miséricordes [...] Paul Lacroix joignait à une extrême facilité de conception et d'exécution une infatigable persévérance dans ses entreprises. Dans le logis qui lui était réservé à la bibliothèque de l'Arsenal, le cabinet était situé derrière la porte d'entrée. Lorsqu'on y pénétrait pour la première fois, on ne distinguait qu'une agglomération de livres, de journaux et de brochures, une sorte d'arrière-boutique de bouquiniste, où il semblait impossible à un écrivain, ami du confort moderne, qu'un homme pût vivre, penser et travailler à loisir. On cherchait avec peine un siège pour s'asseoir, et tout à coup d'un amas de paperasses la tête souriante du vieux bibliophile surgissait. Assis devant une petite table d'acajou recouverte de papier goudron, l'historien du moyen âge et de la Renaissance, penché comme un myope sur sa copie, écrivait fébrilement, d'une écriture menue, microscopique, presque indéchiffrable pour les compositeurs. La croisée, sanas autres rideaux qu'un store pour les heures de soleil, s'ouvrait sur l'entrepôt ; dans le lointain brumeux, au-dessus du Jardin des Plantes, le Panthéon et le Val-de-Grâce s'étageaient sur les hauteurs de la Montagne Sainte-Geneviève. Sur la cheminée, le buste de Paul Lacroix romantique de 1830 par Jehan Duseigneur ; dans l'âtre, à terre sur les sièges, des cartons, des papiers, des livres dans le plus incroyable désordre ; - appendus au mur, des tableaux de maîtres, un Greuze : une femme vue de dos tressant sa chevelure, un Jordaens, un Ribeira, quelques portraits de famille et une grande toile anonyme du XVIIe siècle représentant le Temps coupant les ailes de l'Amour. Au milieu de ce capharnaüm dont il avait fait sa thébaïde, l'érudit conservateur vivait à l'aise, accueillant pour tous, conteur et causeur inépuisable et exquis pour ses amis, conseiller précieux, guide empressé, vous mettant sur la piste de toutes les recherches. Dans ce fouillis, il ne s'égarait jamais, et s'il s'agissait d'obtenir des renseignements sur un poète du XVIIe siècle, tout en causant, sa main ramassait à terre un tome in-folio de la bibliothèque du roi, qu'il ouvrait juste à point donné, ou bien le volume voulu du père Niceron ou de l'abbé Gouget, qu'il feuilletait vivement pour y lire à haute voix les références littéraires qu'il y trouvait. Les heures s'écoulaient vite en compagnie de ce charmeur, qui pensait que c'est rester jeune que de savoir vieillir. [...]. »
Uzanne conclut :

« Paul Lacroix fut un collaborateur assidu du Livre ; il rêvait d'y publier une longue série de notices bibliographiques sur des écrivains inconnus du grand siècle, pour en former en quelque sorte un Quérard des livres français imprimés au XVIIe siècle ; il projetait de nombreuses études sur les Romantiques avortés ; il avait également ébauché pour cette revue une intéressante Histoire des livres doubles dans les bibliothèques publiques, ainsi qu'une collection physiologique des Voleurs et destructeurs de livres. »
Personne, hélas ! ne saurait reprendre ces projets ni les traiter avec la science, l'humour, l'élégante concision, la conscience littéraire et surtout la prodigieuse mémoire qu'il y eût apportés.

La bibliothèque particulière du bibliophile Jacob restera probablement la propriété de l'Arsenal, selon les vœux du défunt. - Je ne saurais dire ce que deviendront ses manuscrits.

Le temps qui nous est imparti ne nous permet pas hélas ! d’aller plus loin.

Il nous faudrait pourtant, pour être complet, parler de bien d’autres choses qui réunirent pendant quelques années les deux hommes férus de curiosités en tous genres.

Il nous faudrait parler de cet ex libris dessiné par Marius Perret sur les indications d’Octave Uzanne pour le Bibliophile Jacob. Ex libris qui était destiné à orné les volumes de la bibliothèque de sa bibliothèque de romans. Mais Lacroix meurt trop tôt.

Il nous faudrait parler des nombreux compte-rendus d’ouvrages de Paul  Lacroix publiés dans la revue Le Livre entre 1880 et 1884.

Il nous faudrait parler de l’excellent article signé Bernard Henri Gausseron (bras droit d’Octave Uzanne à la revue Le Livre) intitulé : Cabinets de travail et bibliothèques : M. Paul Lacroix (1884).
Il nous faudrait parler également de leur avis convergeant sur les Femmes bibliophiles. Lacroix aurait confié à Uzanne :

« Les femmes n’aiment pas les livres et n’y entendent rien : elles font à elles seules l’Enfer des bibliophiles : Amours de femmes et de bouquin ne se chantent pas au même lutrin. »
Octave Uzanne tout à la fois féminolâtre et gynécophile, un brin mysogine pour certains, devait apprécier au plus haut point ces propos.

Il nous faudrait parler des nombreuses anecdotes rapportées par le Bibliophile Jacob au jeune Octave Uzanne. Notamment celle du fameux parasol nommé Pépin de Henri IV, conservé pendant longtemps à l’Arsenal, ancien hôtel de Sully. Il nous faudrait également parler de ses anecdotes sur les bouquinistes parisiens qu’a longtemps fréquenté Paul Lacroix (pendant plus de 60 ans !).

Mais nous manquons de temps.

Ainsi, nous conclurons :

Octave Uzanne paraît aujourd’hui, à la plupart des lecteurs, un écrivain mineur, au style précieux. On l’accuse d’avoir épuisé des sujets jusqu’à lasser son public : La femme, la mode, les mœurs féminines, mais aussi la bibliophilie. C’est ne pas connaître son œuvre qui comprend plus de 50 ouvrages et plusieurs milliers d’articles dispersés dans de très nombreux journaux.

Je crois d’ailleurs pouvoir dire que les plus virulents à le critiquer sur son style ou sur se choix littéraires sont ceux là même qui ne l’ont pas lu, ou si peu.

Ses années de formation sont à mettre sous la direction de deux maîtres : Paul Lacroix et Jules Barbey d’Aurevilly. Deux personnages de l’ancienne France, plus ancrés dans la première moitié du XIXe siècle que dans le XXe siècle qui s’annonce. De Paul Lacroix, Octave Uzanne retiendra une force de travail impressionnante et une curiosité démesurée pour toutes choses. De Barbey d’Aurevilly il retiendra un style d’écriture, reconnu et adoubé par le Connétable des lettres lui-même.
Arrivé à maturité, formé par ces « anciens », Octave Uzanne s’orientera de lui-même vers la nouveauté, le moderne. Sa devise bibliophilique n’était-elle pas « Tout aux modernes ! » ? Son esprit indépendant, travailleur, insensible à la gloire littéraire et aux lauriers tressés, feront de lui un personnage incontournable pendant plus de 25 ans (1875-1900). Son côté misanthrope dès l’aube de sa vieillesse, feront de lui un chroniqueur paradoxal, mal compris, y compris de ses contemporains. Oublié avant même sa mort par ses contemporains alors qu’il était à la tête d’une œuvre littéraire et critique méritante, il nous a semblé juste de remettre à l’honneur, et son travail, et sa personnalité tout à la fois attachante et complexe.

C’est le but du site internet qui,  à travers déjà plus de 750 articles, donne un panorama des plus complet de son œuvre et de son caractère.

Mesdames, Messieurs, Merci de votre attention,

Bertrand Hugonnard-Roche (*)

*
* *

(*) Ce texte a été lu lors de la Journée Paul Lacroix, l'homme-livre du XIXe siècle qui s'est déroulée à la bibliothèque de l'Arsenal le 20 mars 2015. Notre intervention a eu lieu à 11h15 : Bertrand HUGONNARD-ROCHE (libraire et chercheur) – Paul Lacroix et Octave Uzanne, apprentissages d’un jeune homme de lettres : votre exemple comme guide et votre mérite comme but. Durée : 20-30 min. Le programme entier de cette journée se trouve ICI. Nous avons refusé de nous plier au diktat des règles et snobismes universitaires qui consistait en une refonte complète de notre texte avec ajouts de notes et mise en forme "militaire". Ce refus nous a valu de ne pas retrouver ce texte parmi les actes de cette journée (normalement publiés à ce jour). Peu importe le flacon, nous voulons l'ivresse, et par dessus tout la connaissance. Ni Octave Uzanne, ni Paul Lacroix n'auront à souffrir de mon abjection pour les conventions qui ne servent à rien. Voici donc mon texte, en pleine propriété de mes mots, je le livre ici tel qu'il a été lu devant quelque dizaines de personnes tout au plus à l'Arsenal. Espérons qu'il trouve en ce lieu virtuel un lectorat plus ample et non moins passionné.

Nous vaincrons !

Bertrand Hugonnard-Roche, le 25 janvier 2018

lundi 22 janvier 2018

Octave Uzanne écrit dans La Vie Illustrée. Liste des articles publiés dans cette revue (mise à jour permanente).



Voici une nouvelle collaboration d'Octave Uzanne aux revues de son temps. Il a écrit pour La Vie Illustrée plusieurs articles (au moins deux). Nous les donnerons ci-dessous au fur et à mesure que nous en aurons connaissance (n'ayant pas à disposition la collection complète de cette revue) :

Liste chronologique des articles écrits par Octave Uzanne publiés dans La Vie Illustrée :

- 29 mars 1901 - N°128 - Quatrième année - La Femme. - Son histoire psychique. - Ses décors. - Ses modes. Les évolutions de l'Anglaise depuis un siècle. pp. 434-435.

- 26 avril 1901 - N°132 - Quatrième année - La Femme. - Son histoire psychique. - Ses décors. - Ses modes. L'Historique du Voile des Femmes. pp. 58-59.

Ces deux articles sonnent comme une série d'articles qui a dû être beaucoup plus importante que deux seulement. Il nous compulser l'ensemble de la série des fascicules parus entre octobre 1898 et 1911.

Nous lançons un appel à toute personne lisant cet article et qui posséderait ou aurait accès à la série complète ou incomplète de cette revue. Nous vous serions très reconnaissant de nous contacter par courriel à contact@lamourquibouquine.com si tel était le cas. Votre aide sera très précieuse.

A bientôt,

Bien amicalement,
Bertrand Hugonnard-Roche

dimanche 21 janvier 2018

Sophie Arnould, par Edmond et Jules de Goncourt. Paris, G. Charpentier et Cie, 1885. Compte-rendu par Octave Uzanne (Le Livre).

Envoi autographe d'Edmond de Goncourt à Octave Uzanne
sur un exemplaire de Sophie Arnould (1885)
Coll. Bertrand Hugonnard-Roche
Sophie Arnould, par Edmond et Jules de Goncourt. Paris, G. Charpentier et Cie, 1885. Un vol. in-18 jésus. Prix 3 fr. 5o.

      L’œuvre historique d'Edmond et de Jules de Goncourt est assurément l'une des plus précieuses et des plus remarquables que nous possédions ; elle leur assure une place à part dans les lettres françaises, même à côté de celle si importante que leur ont donnée le roman et le théâtre. C'est à ces deux écrivains que nous serons redevables de la plus parfaite reconstitution du XVIIIe siècle. Nul travail de savant, nulle sèche érudition d'historien n'arriveront à égaler ce que les deux maîtres romanciers auront fait pour nous rendre telle qu'elle devait être, telle qu'elle était, une des plus intéressantes portions de notre histoire française à eux la vraie gloire, le mérite délicat d'avoir su faire revivre sous nos yeux cette curieuse époque. Ils ont eu cet art exquis, ce talent merveilleux, d'arriver dans la partie purement littéraire et artistique de leur œuvre à un degré d'intensité presque aussi grand que dans la partie de pure littérature. Cela tient surtout à ce qu'ils ont traité l'histoire et l'art comme ils ont traité le roman, par les seuls procédés qui puissent donner la vie et le mouvement. S'ils n'ont pas inventé l'histoire documentaire, ils en ont du moins tiré une formule nouvelle qui grave les faits et les personnages dans l'esprit d'une manière inoubliable. Par eux, ces figures charmantes vivent, parlent, vont et viennent au milieu de nous avec une séduction à laquelle on ne saurait se soustraire.
      Après ces deux volumes généraux, tableaux étonnants et imagés de la Société française pendant la Révolution et le Directoire, ils ont étudié les années qui précédaient cette fin de siècle, et nous ont peint d'une plume magistrale et exacte la Femme au XVIIIe siècle, les Portraits intimes, une collection de médaillons d'un prix inestimable, puis, tour à tour, la Duchesse de Châteauroux et ses sœurs, Mme de Pompadour, la Du Barry, Marie-Antoinette, sans compter trois volumes exclusivement consacrés à l'Art au XVIIIe siècle qu'ils connaissent mieux que personne.
      La nouvelle série va envisager le XVIIIe siècle sous une de ses faces les plus particulières et les plus typiques ; elle est consacrée à ses actrices, comédiennes, danseuses ou chanteuses, un bouquet ravissant que leur talent, leur grâce et leur beauté ont rendues immortelles.
      Qui ne connaît ce nom magique, Sophie Arnould, la chanteuse adorable et adorée qui passionna son temps, et qui, courtisane comme Aspasie, eut de plus, avec un esprit inouï, le mérite d'être une des reines incontestées de l'Opéra. Pour faire cette intéressante étude sur une des femmes les plus étonnantes de la fin du XVIIIe siècle, Edmond et Jules de Goncourt ont usé, selon leur habitude, des mêmes procédés que pour construire un roman, donnant la plus large part aux documents même infimes, de manière à bien établir de toutes pièces cette figure qu'ils auront aidé à connaître. Il en résulte une biographie palpitante, émue et remuante de la Sophie charmeuse, à laquelle Voltaire écrivait quand elle n'avait encore que douze ans, de la fille d'Opéra, amoureuse, galante et folle, qui fut choyée par des reines comme Marie Leczinska et des favorites comme la Pompadour. On la suit pas à pas à travers ses amours, ses triomphes et ses déboires. Cette Sophie Arnould, étudiée d'après ses lettres si amusantes et si spirituelles, d'après ses fragments de Mémoires inédits, c'est la véritable actrice du XVIIIe siècle dans sa note libre et hardie, la femme qui ne sait jamais refuser son corps, et qui donne son cœur avec bienveillance, une complète sensualiste, ayant un peu de cette bonté que l'on trouve chez ceux des êtres éminemment sensuels, n'ayant pas versé dans l'égoïsme.
      On lira Sophie Arnould, avec la passion qu'on mettrait à lire un roman, le plus vécu et le plus vivant des romans, un fragment d'humanité d'une saisissante réalité et l'un des plus savoureux morceaux du XVIIIe siècle.

G.T. [Octave Uzanne] (*)

(*) Article publié dans la Chronique littéraire du mois, Le Livre, Bibliographie moderne, livraison du 10 août 1885, pp. 400-401. Edmond de Goncourt offre un exemplaire de Sophie Arnould probablement quelques semaines avant que ne paraisse cette critique. L'exemplaire est revêtu d'un envoi lapidaire d'Edmond de Goncourt à Octave Uzanne : "à Octave Uzanne, Edmond de Goncourt." Edmond de Goncourt écrira dans son journal à la date du 20 septembre 1887 : « Uzanne, cet homme qui a une goutte de sperme extravasée dans l'œil. ».

Modernités, par Jean Lorrain. Paris, Giraud et Cie, éditeur ; 1885. Compte-rendu par Paul de Fontsevrez.


Jean Lorrain
(1855-1906)

Modernités, par Jean Lorrain. Paris, Giraud et Cie, éditeur ; 1885. Un vol. in-18. - Prix : 3 fr. 5o.

Quel défilé ! Les phallophories de l'Athènes antique, les langoureuses dépravations des anandrynes de Lesbos, le culte du Vaudou à Haïti, la Martinique, la pyrrhique, tout ce qui fleure âcrement l'obscénité, voilà ce que M. Lorrain se plaît à revêtir de la forme du vers, qui est, vous le savez, un vêtement qui ne cache rien, mais au contraire, moule avec une précision dangereuse les reliefs et les creux.
Il paraît que ces choses-là sont modernes, que même elles sont la caractéristique de notre fin de siècle. Si, pour être moderne, il faut s'enfoncer le nez dans cette boue capiteuse, faite de poudre de riz et d'eau de Lubin, s'il faut, pour connaître l'aspect de nos contemporains et de nos contemporaines, les regarder dans l'accomplissement des besognes les moins délicates, merci, soyons antiques et poncifs. Eh ! voyez ! ils veulent être modernes et nous reportent aux vices grecs et byzantins ! Leurs contemporains, c'est Sapho, Alcibiade, Faustine, Theodora !
Ce qui n'empêche pas M. Jean Lorrain d'écrire des vers odorants et pittoresques. Il n'a ni réquisitoire ni plaidoyer pour ce dévergondage. Je constate qu'il rime. C'est amusant, voilà tout. Eh ! mais ils n'y prennent pas garde, les soi-disant modernistes : depuis le commencement du monde d'homme, comme le serpent, a deux extrémités, la tête, et l'autre. Et ce qu'il y a de moins moderne, c'est ... l'autre.

PZ. [Octave Uzanne] (*) Paul de Fontsevrez

(*) Critique littéraire du mois, Le Livre, Bibliographie moderne, 10 avril 1885, p. 182. Octave Uzanne n'est pas encore l'ami de Jean Lorrain, celui qui deviendra même son intime dès l'année 1895.

jeudi 18 janvier 2018

Joseph Uzanne victime d'un accident ... mortel ?

Joseph Uzanne (1850-1937)


Nous lisons dans le Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, séance du 7 mars 1937 :

"Des vœux de meilleure santé et prompt rétablissement sont adressés à notre collègue M. Uzanne, alité depuis plus de six mois à la suite d'un accident"

Joseph Uzanne décèdera le 19 avril suivant, soit à peine plus d'un mois après cet entrefilet. Joseph Uzanne alors âgé de 87 ans a-t-il été victime d'un accident finalement mortel ? Quel est-il ?

Dans le même Bulletin on lit à la séance du 2 mai 1937 :

"Condoléances. — Le Président lit une lettre de M. Bou- quigny l'informant du décès de M. Joseph Uzanne, membre de la Société, inhumé à Auxerre, dans la plus stricte intimité. Le Président se joint à l'assemblée pour adresser à la famille du défunt ses condoléances émues."

On pouvait lire dans le Petit Journal du 5 juillet 1936 que Joseph Uzanne, alors critique à la retraite, est gratifié d'un prix d'une valeur de 1.000 francs décerné par l'Association (Presse Artistique Professionnelle).

Sur cet "accident" suffisamment grave pour entraîner un alitement de 6 mois, et peut-être le décès, nous ne savons pour le moment rien de plus. L'accident a dû se produire aux environs de l'été 1936, donc sans doute peu de temps après l'attribution du prix de 1.000 francs.

Bertrand Hugonnard-Roche




samedi 13 janvier 2018

Octave Uzanne débute sa collaboration à l'Écho de Paris. Annonce dans l'Echo de Paris du dimanche 24 octobre 1897.


Encart dans l’Écho de Paris du dimanche 24 octobre 1897.


L’Écho de Paris va publier, sous ce titre [Visions de Notre Heure, Choses et Gens qui passent], une série d'articles de quinzaine d'une note à la fois parisienne et voyageuse, littéraire et artistique, raisonnée et paradoxale, et exprimées par un maître écrivain érudit, fantaisiste et assez indépendant pour ne point vouloir révéler sa notoriété. Nous aurons souci de ne jamais dévoiler l'incognito qu'il impose. Les Visions de Notre Heure seront signées : LA CAGOULE. Le premier de ces articles paraîtra dans les premiers jours de novembre. (*)

(*) Le premier article signé LA CAGOULE [Octave Uzanne] paraît le vendredi 12 novembre 1897. Octave Uzanne débute ainsi une très longue collaboration qui se poursuivra jusqu'en 1911. Trois sujets ouvrent le bal de ce premier opus : Arriviste ! (texte critique sur la gloire et les envies de postérité des écrivains et journalistes) ; Aux Variétés (théâtre) ; Chrysanthèmes (satire sur ces fleurs de la fête des morts) ; Montmartre (qui n'est plus ce qu'il a été) ; J.-K. Huysmans (analyse de son oeuvre). Ces articles ont été écrits entre le 29 octobre et le 8 novembre 1897.

Bertrand Hugonnard-Roche

mercredi 10 janvier 2018

La femme en chemin : Devons-nous "assouplir" les liens du mariage ? (enquête parue dans Paris-Soir des 4 au 12 août 1924). Octave Uzanne répond.


Voici la réponse d'Octave Uzanne parue dans le Paris-Soir du mardi 12 août 1924 :

M. Octave Uzanne expose avec une netteté remarquable les données du problème qui nous occupe aujourd'hui :

Les lois ont une vie limitée. Les sociétés qui les subissent se modifient. La morale qui les dicta varie avec les mœurs des temps nouveaux. Il arriva, même une heure où il n'appartient plus à l’État d'en diriger l'action. Le divorce s'est imposé bien qu'encore imparfaitement. J'estime qu'il faut alléger davantage les chaînes du mariage. En réalité certaines civilisations orientales nous ont fourni des lois d'union fort intéressantes à étudier et dont l'application fut des plus favorables à la race et au bonheur des conjoints. Il est très difficile de traiter de telles questions en quelques mots. Nous concevons assez vaguement les tendances des générations montantes vis à vis des jeunes filles épousables. Pour être logiques, il conviendrait aux législateurs de pousser leurs directives jusqu'aux limites de la polygamie. De fait, elle existe et en droit il faut bien lui être tolérant et fermer les yeux, avec l'hypocrisie collective qui subsiste — ce sont les mœurs bonnes ou mauvaises qui créent les lois propres aux états sociaux évolués. Attendons de voir clair dans la révolution morale qui est déjà en action mais surtout en devenir. 

Octave UZANNE. (*)

Déjà, en s'appliquant étudier les aspects nouveaux d'une vie transformée, M. Octave Uzanne prévoit une modification de nos lois, commanditée par l'évolution lente des mœurs, leur adaptation logique aux nécessités du moment.

Renée DAVID.

(*) Octave Uzanne avait déjà donné son opinion sur ce sujet sensible dans "La maîtresse légitime" de Georges Anquetil, parue en 1922. Lire notre article.

mardi 9 janvier 2018

Octave Uzanne signataire de la pétition contre la réforme de l'orthographe (1905).

écriture autographe d'Octave Uzanne
Un grand nombre d'écrivains et de lettrés ont été émus par un projet récemment formé de transformation de l'orthographe et jugent qu'une telle mesure nuirait à la beauté des Lettres françaises. Sur leur demande, la  Revue Politique et Littéraire (Revue Bleue) présente la pétition ci-jointe à M. le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts :

A Monsieur le Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts,

Depuis cent ans, l'orthographe, en notre pays, est à peu près fixée. Les plus nobles génies du XIXe siècle s'y sont soumis.  Les grands modèles classiques eux-mêmes se présentent à nous dans une forme qui nous est encore familière.
Un décret, bouleversant soudain l'orthographe traditionnelle, aurait pour effet de prêter une figure étrange ou archaïque à tous les chefs-d’œuvre édités depuis le XVIIe siècle, ceux-ci fussent-ils même contemporains. Une barrière plus haute s’élèverait entre la foule et les lettrés ; ce serait enfin risquer tôt ou tard de compromettre toute la beauté plastique de notre langage, et de nuire par là au prestige universel de la littérature française.
Les soussignés forment le vœu qu'il ne soit pas donné suite à ce projet, qui ne tarderait pas à mettre en péril les lettres nationales. (*)

MM.
Paul Acker
Antoine Albalat
A. Antoine, Directeur du Théâtre Antoine
A. Aulard, Professeur à la Sorbonne
Ed. Aynard, de l'Institut, Député
Léon Bailby
Marcel Ballot
André Bellesort
Victor Bérard
Tristan Bernard
Henry Bernstein
Berthelot, de l'Académie française, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences
Léon Bocquet, directeur de la revue le Beffroi de Lille
Jules Bois
Albert du Bois
Henry Bordeaux
A. Bossert
Marcel Boulenger
Raymond Bouyer
René Boylesve
G. Caillaux, Député, ancien ministre
Georges Casella
E. Chenu, Avocat à la cour
P.-A. Chéramy
Denys Cochin, Député
Romain Coolus
François Coppée, de l'Académie française
Francis de Croisset
François de Curel
Albert Decrais, Sénateur, ancien ambassadeur
Paul Delombre, Député, ancien ministre
Paul Déroulède
Lucien Descaves
Gaston Deschamps
H. Doniol, de l'Institut
Maurice Donnay
Augustin Dorchain
Félix Dumoulin
J. Ernest-Charles
Émile Fabre
Fagus
Albert Flament
Paul Flat
Franc-Nohain
Léon Frapié
Jacques des Gachons
Joseph Galtier
Gauthier de Clagny, Député
Henry Gauthier-Villars (Willy)
Émile Gebhart, de l'Académie française
Gérard d'Houville
Henri Ghéon
Paul Ginisty, Directeur du théâtre de l'Odéon
Georges Grosjean, Député
Gustave Guiches
André Hallays
Paul Harel
Myriam Harry
Léon Hennique
Henry Houssaye, de l'Académie française
J. Lachelier, de l'Institut
Hugues Lapaire
Gabriel de La Rochefoucauld
Eugène Lautier
Henri Lavertujon, Sénateur
Philéas Lebesgue
André Lebey
Max Leclerc
Georges Lecomte
H. Lecomte du Nouy
Abel Lefranc, Professeur au Collège de France
Ch. Le Goffic
André Lichtenberger
Frédéric Loliée
Pierre Louys
Maurice Maindron
De Marcère, Sénateur
Paul Mariéton
Camille Mauclair
André Maurel
François Maury
Albert Mérat
Paul Meurice
Victor-Émile Michelet
Frédéric Mistral
Eugène Montfort
Nozière
Camille Oudinot
Félicien Pascal
Péladan
Edmond Pilon
Alfred Poizat
Émile Pouvillon
Henri de Régnier
Joseph Reinach
Jean Renouard
André Rivoire
Édouard Rod
L. Roger-Milès
Firmin Roz
Saint-Georges de Bouhélier
Rémy Saint-Maurice
Victorien Sardou, de l'Académie française
Édouard Sarradin
Édouard Schuré
Marcel Schwob
Edmond Sée
Albert-Émile Sorel
Casimir Stryienski
Ernest Tissot
Maurice Tourneux
Gabriel Trarieux
Henri Turot
Octave Uzanne
Pierre Valdagne
Fernand Vandérem
Francis Viélé-Griffin
Louis Vigouroux, Député
Charles Waddington, de l'Institut
Pierre Wolff


(*) cette liste a paru dans la Revue Bleue, cinquième série, tome III, 42e année, 1er semestre, 1er janvier au 30 juin 1905. Paris, Bureaux de la Revue Bleue, 1905, pp. 203-204. Les signataires se basent à nouveau sur la tradition et sur la beauté de la langue. Selon un des signataires de la pétition, les philologues ne seraient pas compétents en orthographe parce qu’ils n’auraient pas de « vive sensualité artistique ». Pour lui, la beauté de la langue est le critère le plus important et il voit comme modèle le travail de Vaugelas au XVIIe siècle. Ferdinand Brunot rédige une Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l’Instruction publique sur la réforme de l’orthographe. Il s’exprime d’abord sur la question de la compétence : consulter l’Académie, ce serait « un acte de déférence courtoise », mais la décision concernant une réforme serait l’affaire du Ministre ; vu que l’instruction serait concernée en première ligne, le Ministre et le Conseil supérieur devraient décider des matières à enseigner. Il propose de former une commission composée de linguistes et phonéticiens et s’exprime en faveur d’une orthographe phonétique. La même année est convoquée une commission qui, sur la base des propositions de la commission Meyer et des objections de l’Académie, devrait formuler de nouvelles propositions. En 1906 Brunot soumet le rapport de la commission au Ministre Aristide Briand. Brunot voit de la manière suivante la mise en pratique des propositions : « Et la Commission a décidé, à l’unanimité et dès la première séance, que l’orthographe réformée sera, si le Ministre en décide ainsi, seule enseignée. Le système de tolérance, mis en vigueur en 1900, a été tout à fait inefficace. Ni à l’étranger, ni en France, on n’a su si on devait s’y fier, et si un nouvel arrêté ne viendrait pas supprimer les libertés données. Le résultat a donc été très médiocre. » Les imprimeurs et les éditeurs ne se sentent pas écoutés. Ils s’opposent à l’idée que le ministre soit responsable de la réforme et craignent qu’un changement de ministre provoque une nouvelle proposition de modifier l’orthographe. Ils s’expriment contre « une réforme imposée ». Le Ministre de l’instruction publique ne fait plus rien pour changer l’orthographe. La Fédération internationale des instituteurs demande une réforme des orthographes (Prise de position identique à l'Internationale des Travailleurs dès 1867). Tous les pays d'Europe s'engagent dans des réformes, sauf la France. En 1907 Marcelin Berthelot, Inspecteur général de l’enseignement supérieur, rédige La réforme de la langue française ; pour lui, la langue est un organisme vivant qui évolue sans que l’État puisse la forcer avec des réformes. Il postule que les changements dans l’usage doivent d’abord être tolérés à l’école et que seulement après ils doivent être entérinés par l’Académie ou par une commission. Il trouve que c’est un manque de démocratie de vouloir imposer des changements par l’autorité d’un ministre et une erreur que l’opinion publique ne soit pas prise en considération. Plusieurs revues paraissent en orthographe réformée, par exemple la Revue de la philologie française, Le Réformiste. Dans la Revue des langues romanes Maurice Grammont s’exprime comme suit : « la seule manière de formuler une règle ortografique qui soit une simplification est la suivante : Toutes les fois que tel son se présentera on l’écrira par telle lettre ou tel groupe de lettres, et toute autre transcription sera strictement bannie. » Rémy de Gourmont, dans son livre Le problème du style, considère le travail de la commission Brunot comme raisonnable et il est favorable à une « modification graduelle, très lente, de notre orthographe ». Il pense qu’on doit commencer par la modification d’un seul point et propose la francisation des lettres grecques. En 1914, avec l’éclatement de la première guerre mondiale, toutes les discussions autour d’une réforme de l’orthographe française sont suspendues. Les tolérances de 1901 ont eu un effet durable, car elles ont été officialisées par un arrêté et sont restées en vigueur jusqu’en 1976 (source internet).

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