samedi 29 mars 2014

Lettre de Félicien Rops à Octave Uzanne (samedi 12 août 1893)



© Photographie Vincent Everarts - http://ropslettres.province.namur.be/


 Lettre N°212 de la nomenclature

[1r° : 1]La Guymorais par
St Méloir-des-Ondes.
(Ille & Vilaine)

Mon Cher Octave
« Quoi de neuf » comme disent les Belges ? Ici les jours se passent en profondes baigneries, & on regrette que tu n’en sois pas ! Pourquoi ne viens-tu pas te plonger dans la plus limpides des mers ? Tu me télégraphie ton arrivée, je vais te prendre à St Malo avec le bon Piccolo, et tu tombes en pleine plage de la Guymorais, c’est simple & net, pas difficile, et tu feras grand plaisir à tes amis d’ici. Puis cela coupera un moment ton « blocage ».
Vu par hasard sur le pont, Béraldi avec sa femme & ses enfants dans une tournée au Cap Fréhel. Rien à noter. Béraldi est un homme dont on sait d’avance les réponses dans toutes les conversations possibles. C’est le Manuel du bon Juste-Milieu. Certains Girondins devaient lui ressembler mais tous les Français d’esprit courant, sont des « Girondins !»
Réponds moi un bout de mot. Demain Dimanche nous allons Cancaler , & voir les belles filles de la bàs. Il y en a réellement
[1v° : 2]
de très belles, nées depuis Feyen-Perrin, ce qui ôte toute idée de pollution académique. Et voilà comment la Vie se passe en des douceurs qui deviennent des habitudes, ce que j’adore surtout, en ma qualité de Belge, peuple lacustre !
À toi & à bientôt j’espère,
Fély
Bonnes amitiés du Clan.


© Photographie Vincent Everarts - http://ropslettres.province.namur.be/

Lettre de Félicien Rops à Octave Uzanne (14 août 1888)


Voici une première lettre extraite de la base de donnée nouvellement mise en ligne par le Musée Félicien Rops de Namur (Belgique) et dont nous avons rendu compte dernièrement. Cette première lettre a été prise un peu au hasard parmi les quelques lettres qui concernent directement Octave Uzanne et ses relations amicales avec le peintre. D'autres lettres suivront.

Bertrand Hugonnard-Roche



© Photographie Vincent Everarts - http://ropslettres.province.namur.be/


Lettre N°256 de la nomenclature

[1r° : 1]
Mon Cher Vieux
Samedi ou Lundi je serai de retour, & ce ne sera pas trop tôt. Tu sais mieux que moi, la terrible « viduité » des villes de bains pour les avoir pratiquées, ces « stations » comme disent les guides. Je suis donc, n’y tenant plus de l’agacement que me causait cette perpétuelle & irritante douleur de jambe, parti pour Contrexeville. À Contrexeville trouvé Haraucourt flanqué de son représentant. Haraucourt c’est parfait, son représentant c’est trop. Debout, le docteur me conseille d’essayer les eaux pendant huit jours puis de partir pour Bourbonne, la « water-platz » voisine. Contrexeville ne me faisant rien, je quitte Bourbonne le jour où notre vieil ami Pradelle arrivait, ce qui me désolait, Pradelle étant un joyeux vibrant & aimable compagnon de voyage.
Arrivée à Bourbonne : jolie petite ville bien située sur une colline avec sa vieille église romane en tête, un beau parc, des petits chevaux, quelques demi-veuves (c’est le nom qu’on donne ici aux femmes des officiers hospitalisés à l’Établissement militaire,) assez coquettes, un petit théatre, un casino,
[1v° : 2]
deux cocottes payées par l’administration, enfin tout ce qu’il faut pour donner à baigner. Et l’éternelle, l’immuable, l’inéluctable « table d’hôtes » avec le récit « des Douleurs » & des « Souvenirs & Regrets » ! – Sans cette vieille bête de Nature qui vous console, on crèverait ici au bout de six jours. Les eaux excellentes, très chaudes & très fortes, vous donnent par leur violence « la fièvre thermale » avant de vous guérir. J’ai : « un rhumatisme nerveux chronique » & j’en suis à devoir passer pendant deux ou trois ans, une saison soit à Bourbonne, à Bourbon l’Archambaut, à Plombières, ou à Aix. – Voilà : Pas gai ! Ah la Grande Bleue vaudrait mieux ! Mais nous allons y aller vite, & tant pis si elle me fait mal ! Au moins elle, ne m’attaquera pas le moral. Et toi, Vieil Ami ? – Es-tu « désembarsilisé ? » J’ai appris par toi l’arrivée de « Fernand », & je t’ai compris.
À bientôt Mon Cher Octave, nous allons arranger n’importe quoi, puis il faudra que tu viennes aux plages belges un tantinet aussi avec moi !
Je t’envoie ma vieille poignée de main.
Fély


© Photographie Vincent Everarts - http://ropslettres.province.namur.be/

jeudi 27 mars 2014

Octave Uzanne et Félicien Rops. Édition scientifique de la correspondance de Félicien Rops : http://ropslettres.province.namur.be/ (mise en ligne)



12, rue Fumal, 5000 Namur I Tél : +32 (0) 81 77 67 55 I Fax : +32 (0) 81 77 69 25 I www.museerops.be © Copyright museerops. All rights reserved. Design by www.paulinetonglet.com


Édition scientifique de la correspondance de Félicien Rops

Depuis plus de quinze ans, le musée Félicien Rops (Province de Namur) et l’asbl « Les Amis du musée Rops » œuvrent à l’édition de la correspondance de l’artiste. Ce travail s’inscrit dans la lignée de ceux réalisés par nombre de spécialistes, dès les années 1930, tels Maurice Kunel et Gustave Lefèbvre ou, plus récemment, Véronique Leblanc et Hélène Védrine. D’une qualité tout à fait exceptionnelle, près de 4000 lettres du peintre-graveur ont été répertoriées à ce jour dans les collections publiques et privées. Dès le XIXe siècle, la correspondance de Rops bénéficie d’une grande réputation auprès des artistes et écrivains de son temps et nombreux sont ceux qui souhaitent sa diffusion. Edgar Degas confie ainsi à Manet : « Celui-là écrit mieux encore qu’il ne grave [...]. Si l’on publie un jour sa correspondance, je m’inscris pour mille exemplaires de propagande »1. La création de ce site Internet, soutenue par la Loterie Nationale, permet de révéler la grande qualité littéraire de la correspondance de l’artiste de même que sa richesse documentaire et graphique. La publication ropslettres.be évoluera au fil du temps. La priorité du musée Félicien Rops (Province de Namur) est d’offrir l’ensemble des transcriptions des lettres de l’artiste avec en parallèle leurs fac-similés numériques. L’annotation critique des fonds paraîtra ensuite en fonction du travail de recherche scientifique et de l’actualité de l’institution. (Présentation. Page d'accueil du site)

* * *

Les amis de Félicien Rops se réjouissent de la mise en ligne par le Musée Félicien Rops (Province de Namur, Belgique) des lettres autographes de l'artiste adressées à ses divers correspondants.
Les amis d'Octave Uzanne ne peuvent qu'en être tout à fait heureux également puisque de nombreuses lettres lui sont adressées et dressent un portrait sincère de leur longue amitié (1881-1896). Et même si une querelle (21 décembre 1896) vint faire sérieusement ombrage à cette idylle entre artiste et esthète, cette amitié sincère de plus de 15 ans aura donné lieu à l'échange de courriers des plus échevelés. Nous reviendrons bientôt sur les lettres adressées à Octave Uzanne ou sur celles dans lesquelles il est cité.

Le site http://ropslettres.province.namur.be/ comme il est indiqué sera enrichi au fur et à mesure de l'appareillage critique utile et nécessaire pour appréhender cette importante correspondance.

Un site à suivre de très très près donc !

Bertrand Hugonnard-Roche

mercredi 26 mars 2014

Octave Uzanne et Edmond Haraucourt : La Légende des Sexes (1883) "La Légende des Sexes est sans doute le seul beau recueil de priapées qu'on ait écrites depuis Maynard, les satiriques du XVIIe siècle et le grand Piron de l'Ode."


Edmond Haraucourt (1856-1941)
La notice ci-dessous (n°226) a été rédigée par Octave Uzanne lui-même pour le catalogue de la vente de ses livres, Notes pour la bibliographie du XIXe siècle. Quelques-uns des livres contemporains en exemplaires choisis, curieux ou uniques, revêtus de reliures d'art et de fantaisie, tirés de la bibliothèque d'un écrivain et bibliophile parisien dont le nom n'est pas un mystère [Octave Uzanne] et qui seront livrés aux enchères les vendredi et samedi 2 et 3 mars 1894. Paris, A. Durel.] :

226. HARAUCOURT (Edm.). La Légende des Sexes, par le sire de Chambley. Imprimé à Bruxelles pour l'auteur, 1882, in-8, pap. vergé teinté, cart., dos de mar. r., non rog., couv.

Edition imprimée à 212 exemplaires numérotés et signés par l'auteur. Exemplaire avec envoi et lettres autographes d'Haraucourt à son ami "le Bibliophile" [Octave Uzanne], et auquel on a ajouté UNE AQUARELLE ORIGINALE DE H. P. DILLON, UNE AQUARELLE DE NOTOR, d'après une peinture grecque : Le Jeu d'Eros, 2 eaux-fortes de Legrand d'après Félicien Rops, tirées à 20 épreuves seulement et qui illustrent deux pièces poétiques du sire de Chambley.
Haraucourt, qui a pris le pseudonyme de sire de Chambley, pourrait revendiquer ses droits à ce titre et à celui de "grand Cheval de Lorraine" porté jadis par ses aïeux.

Page de l'édition originale de
La Légende des Sexes (1883)
Le poète de l'Ame nue, chevalier de la Légion d'honneur, directeur du Musée de sculpture comparée, philosophe tourmenté et déjà pessimiste, futur académicien, n'est pas insensible aux sourires de la fortune, non plus qu'aux honneurs sociaux et aux vanités humaines. Ne regretterait-il pas, en raison de ses ambitions grandissantes, cette publication cependant fort au-dessus par la pensée et l'impeccable facture du vers des gauloiseries pseudo-pironesques naguère éditées dans les Flandres ? - Il aurait assurément grand tort ; sa réputation n'y perd rien, bien au contraire, et sa notoriété, si elle n'est pas grossie par cette oeuvre clandestine, ne saurait en être diminuée en quoi que ce soit.
La Légende des Sexes est sans doute le seul beau recueil de priapées qu'on ait écrites depuis Maynard, les satiriques du XVIIe siècle et le grand Piron de l'Ode. Bien des œuvres de l'auteur passeront peut-être dans le néant de l'oubli, alors que celle-là restera sûrement ! - Qu'il prenne donc hardiment pour devise : Haraucourt Chambley ne renie !

[Octave Uzanne]

Cet exemplaire a été adjugé 200 francs en mars 1894.

Nous avons déjà donné quelques articles concernant les relations établies entre Edmond Haraucourt et Octave Uzanne : A lire ou à relire ici.

Bertrand Hugonnard-Roche

mardi 25 mars 2014

Les poésies qui ne figureront pas dans les oeuvres de Théophile Gautier (1873) : Exemplaire Octave Uzanne : "Acquis chez l'éditeur Blanche, rue de L'axens, à Bruxelles, septembre 1873" (vente ARTCURIAL du 16 avril 2014).


Photographie Artcurial 2014

Un exemplaire des Poésies "qui ne figureront pas dans ses œuvres" de Théophile Gautier, provenant de la bibliothèque d'Octave Uzanne refait prochainement son apparition sur le marché des ventes publiques volontaires.
Voici les fiches comparées d'Octave Uzanne et de la maison de vente Artcurial :

[début de la fiche par Octave Uzanne]
N°184. GAUTIER (Théo.). Poésies, qui ne figureront pas dans ses œuvres, précédées d'une autobiographie, ornée d'un portrait singulier. France, Imprimerie particulière, 1873, in-8 de 84 pp., pap. de Holl., titre r. et n., demi-rel. dos et coins de mar. r., fil., tête dor., non rog.

Tiré à 162 exemplaires.
Exemplaire provenant de la bibliothèque de Théophile Gautier, avec son ex-libris, et contenant le portrait en double épreuve sur chine. - Poésies ultra-légères qui sont bien dignes de l'auteur des Lettres à la Présidente. - Gautier Pironise ici avec l'aisance d'un homme qui ne fut pas même académicien - l'Ode à la Colonne... la béatification des chiens, les poésies philosophiques sur les amours dangereuses, tout est d'une galanterie à la fois osé, preste, vigoureuse et ... fugitive.
Depuis 1873, cette édition à 162 exemplaires n'a pas été réimprimée.
Le portrait en pied de Th. Gautier, en chef des "Bouzingots", le feutre sur l'oreille, la chevelure à l'Absalon, le rire provoquant et sardonique est des plus caractéristiques, et il semble insulter à la bégueulerie d'Antan, à la pruderie du bourgeois aux mentons glabres.
[fin de la fiche par Octave Uzanne]

[notice rédigée par Octave Uzanne lui-même pour le catalogue de la vente de ses livres, n°184, Notes pour la bibliographie du XIXe siècle. Quelques-uns des livres contemporains en exemplaires choisis, curieux ou uniques, revêtus de reliures d'art et de fantaisie, tirés de la bibliothèque d'un écrivain et bibliophile parisien dont le nom n'est pas un mystère [Octave Uzanne] et qui seront livrés aux enchères les vendredi et samedi 2 et 3 mars 1894. Paris, A. Durel.]

Voici la fiche rédigée par la maison de vente aux enchères publiques ARTCURIAL pour la vente du mercredi 16 avril 2014 (120 ans tout juste après la première vente de la bibliothèque d'Octave Uzanne ...) :



Copie d'écran Auction.fr
Artcurial 2014
[début de la fiche Artcurial]
Théophile GAUTIER

Poésies qui ne figureront pas dans ses Œuvres précédées d'une autobiographie, ornées d'un portrait singulier France, Imprimerie particulière, 1873. In-8. Reliure de l'époque. Demi-maroquin rouge à coins, dos à 5 nerfs soulignés de filets à froid, titre doré, tête dorée. (Petite usure au bas de la charnière supérieure.) Edition originale, tirée à 162 exemplaires. Un des 150 exemplaires sur hollande, après 12 chine.

Très rare édition originale clandestine.

Cette édition clandestine tirée à petit nombre et publiée un an après la mort de Théophile Gautier est due à Poulet-Malassis, qui en a rédigé les notes. Sous son nom, il avait déjà publié en 1858 une édition augmentée d'Emaux et camées.

Il a recueilli dans ce volume l'autobiographie de Gautier publiée une première fois en 1867 dans une série de Sommités contemporaines, ainsi que les pièces laissées à l'écart par le poète, groupées sous trois rubriques : Singularités, Galanteries et Bonapartisme.

A côté de poèmes comme Le Godemichet de la gloire , ode particulière à la colonne Vendôme, on y trouve notamment un des plus beaux de tous ses poèmes, Musée secret.

L'ouvrage est orné d'une double planche de musique gravée accompagnant la Complainte sur la mort du capitaine Morpion qui reproduit la musique de son ami Ernest Reyer.

En frontispice figure le portrait-charge de Théophile Gautier dessiné par Benjamin Roubaud, qui montre l'auteur dans sa période Jeune France, goguenard, cambré, à tous crins . Il est ici en deux états, sur chine et sur vélin.

Une note autographe signée d'Octave Uzanne à l'encre rouge indique : Acquis chez l'éditeur Blanche, rue de L'axens, à Bruxelles, septembre 1873.

On a collé sur le contreplat supérieur l'ex-libris gravé de Théophile Gautier : monogramme composé des lettres T. G. A. U. T. I. E. R., sur le fronton d'un portique de style égyptien avec en dessous, deux oiseaux et un serpent. Cet ex-libris a été gravé par Aglaus Bouvenne et imprimé par Beillet.

Second ex-libris monogrammé.
[fin de la fiche Artcurial]

Il ne fait aucun doute qu'il s'agit bien du même exemplaire. Les experts Artcurial n'indiquent pas qu'il s'agit de l'exemplaire de Théophile Gautier comme le précise Octave Uzanne dans sa description. On apprend cependant par la fiche Artcurial qu'Octave Uzanne avait acquis cet exemplaire à Bruxelles, en septembre 1873. Octave Uzanne n'a pas encore débuté sa carrière d'homme de lettres (il n'a encore rien publié). Il a alors 22 ans seulement. On sait par ailleurs qu'il fut un grand admirateur de Théophile Gautier.

Cet exemplaire a été vendu 72 francs à la vente Octave Uzanne en mars 1894. Il est estimé 1.500 / 2.000 euros par la maison de vente Artcurial (16 avril 2014). On trouve des exemplaires brochés ou reliés de cet ouvrage, certes peu commun, chez différents libraires, entre 300 et 400 euros.

Nous donnerons le résultat de cette vente ici prochainement.


Bertrand Hugonnard-Roche

jeudi 20 mars 2014

Octave Uzanne défenseur des magnétiseurs et autres guérisseurs (1902) « Les Droits de l'Homme ont été proclamés, faudra-t-il faire une nouvelle Révolution pour assurer les droits des malades ? »

Première page de l'article,
ornée d'un portrait photogravé d'Octave Uzanne

Voici un article découvert par hasard lors d'une recherche par Jean-Jacques Breton (*), que je remercie encore une fois ici d'avoir bien voulu partager avec les amis d'Octave Uzanne.

Le droit de guérir, chronique par Octave Uzanne (*)

Une ligue nouvelle vient de se former ; ne s'en forme-t-il pas tous les jours aujourd'hui, et pour les questions les plus frivoles ? Mais la ligue dont je veux parler me semble sérieuse et mérite d'être soutenue par toutes les personnes éclairées et par tous ceux qui souffrent ou sont susceptibles de souffrir, puisqu'il s'agit de la ligue pratique du massage et du magnétisme par des professionnels attitrés. Une loi, votée le 30 novembre 1892 sous la pression du corps médical, interdit aux masseurs et magnétiseurs le libre exercice de leur profession, tout au moins à titre officiel de guérisseurs. Autrement dit, les médecins, qui ont obtenu des pouvoirs publics cette loi, ont prétendu frapper, ainsi que des charlatans, et traiter en out-siders, un nombre très important de spécialistes dont on connaît cependant les cures souvent efficaces et parfois miraculeuses.
On ne saurait nier aujourd'hui les effets de l'action médicale et morale des magnétiseurs sur toutes les maladies nerveuses, les détraquements cérébraux et tous ces états de vague-à-l'âme, de soucis imaginaires, de chagrins sans causes dont les femmes principalement sont victimes. Bon nombre de médecins, lorsqu'ils ont affaire à ces neurasthéniques, à ces vésaniques, à ces pathétiques névrosées, convulsées, spleenéliques ; hystériques et autres, ne trouvent généralement aucune ordonnance positive à formuler; ils recommandent les drogues courantes à base de valériane, d'éther, de bromure de potassium, sinon des stupéfiants, et ils murmurent devant ces grandes infortunes physio-psychologiques : « C'est nerveux... ça passera... Des distractions, de la gaieté !... Variez vos occupations ; ne demeurez pas repliées sur vous-mêmes ; sortez, faites de l'exercice, etc... » Ces conseils, quasi insignifiants, restent sans effet, puisque, dans la plupart des cas, les pauvres femmes atteintes de ces désordres divers ont une maladie de la volonté qui leur retire pour ainsi dire le gouvernement de leur pensée et de leurs actions. Tout déterminisme leur devient impossible.
A ces perturbées, les docteurs encyclopédiques, les savants de la Faculté, les thérapeutes distingués ne suffisent pas à apporter un soulagement. Les magnétiseurs professionnels, qu'il faut bien se garder de confondre avec les hypnotiseurs, peuvent, lorsqu'ils pratiquent leur science humainement, c'est-à-dire avec une profonde conviction d'altruisme, de douceur et de bonté, exercer une action curative infiniment puissante, complémentaire de celle des médecins patentés. La suggestion, qu'ils pratiquent en gens éclairés, est une force admirable dans leurs mains et dont les bienfaits, d'ailleurs, ne sont plus à signaler. On cite d'extraordinaires apôtres du magnétisme humain dans presque toutes les grandes villes d'Europe et d'Amérique. On vient de toutes parts pour les consulter, et il n'est aucun de nous qui n'ait entendu et qui n'entende encore célébrer les cures invraisemblables de ces disciples éclairés et régénérés du mesmérisme.
Devant tant de faits probants, qui songerait à arrêter aujourd'hui les progrès du magnétisme et à priver les malades, accablés par les dépressions morales et l'inertie volontaire, des secours salutaires du magnétisme, cet agent physique soumis à des lois analogues à celles qui régissent la chaleur, la lumière et l'électricité ? On sait que les soins ne consistent pas toujours dans le sommeil provoqué, mais plutôt dans une suggestion pratiquée sous la forme d'une douce persuasion et souvent dans l'apposition des mains sur le centre nerveux, avec le puissant désir d'exercer sur le mal une action pour ainsi dire résorbante qui paraît le dissiper pour le moins temporairement.
Quant aux pratiques du massage, je ne suppose point qu'il soit nécessaire d'en faire l'éloge ; des livres entiers ont été consacrés aux moyens curatifs par l'action manuelle. Il existe en Suède toute une école de massage scientifique, dont les élèves se répandent chaque année dans le monde et ne peuvent suffire aux demandes d'une clientèle chaque jour plus nombreuse. Dans quantité de cas de congestions locales, d'invétérée constipation, de traumatisme et même pour nombre d'accidents compliqués de fractures, les habiles masseurs qui savent jouer de la pulpe du doigt et de la paume de la main avec des connaissances précises de l'anatomie humaine, obtiennent des guérisons promptes et surprenantes. Les rebouteux, d'ailleurs, qui, dans nos campagnes, redressaient les entorses, les foulures et autres déformations accidentelles, n'étaient que des masseurs instinctifs, tenant leur science naïve de guérisseurs sommaires qui la leur avaient transmise.
Les membres de la Ligue, qui viennent de lancer une pétition au Sénat, restent donc dans la vérité lorsqu'ils demandent au législateur d'intercaler dans le texte de la loi sur la médecine l'article suivant : « L'action magnétique et le massage, étant œuvres exclusivement manuelles, restent dans le domaine de la thérapeutique naturelle au même titre que les bains, l'air ou la lumière. Leurs partisans ne tomberont pas sous le coup des lois ci-dessus, tant qu'ils resteront dans leurs attributions. »
Les ligueurs estiment avec raison qu'on doit considérer l'homme en bonne santé comme un remarquable accumulateur naturel du magnétisme terrestre ; ils pensent donc, et nous pensons aussi, que cet accumulateur doit et peut, selon les appels qui lui sont faits, attribuer la distribution de ses forces au profit de ceux qui en manquent. On ne niera pas, d'autre part, que la pratique du magnétisme, aussi bien que celle du massage, exige des forces physiques infiniment supérieures à celles que peuvent posséder nombre de médecins consultants. On ne voit donc point et on ne saurait comprendre la raison qui empêcherait des hommes ayant une surabondance de vie et de force magnétique de se servir de leurs influences bienfaisantes en faveur des déshérités de ces mêmes forces.
La loi est inique, qui favoriserait le monopole médical au détriment de la logique des faits acquis et de la philanthropie. Je pense donc faire oeuvre saine en venant appuyer ici les revendications des intéressés qui ont le bon droit de leur côté. Les médecins syndiqués doivent se convaincre que l'opinion se refusera à considérer leur métier comme un privilège et les malades comme leur propriété exclusive, puisqu'il est des cas où ils ne peuvent les guérir ni les soulager.
Il semble naturel à chacun de rechercher, parmi les thérapeutiques infinies de la science contemporaine, celle qui semble appropriée plus spécialement aux douleurs dont il souffre. Que l'on s'adresse aux médecins électriciens, aux homoeopathes, aux hydrothérapistes et même aux empiriques, c'est un droit qui paraît indéniable, surtout à une époque où tant de pèlerins vont chaque année demander leur guérison à Notre- Dame de Lourdes, sans que personne pense à protester. Pourquoi dénier les vertus de l'influence psychique d'un magnétiseur ou d'un quelconque guérisseur ? La foi, ici-bas, entre pour une grande partie dans la cure des maladies. Le vieux proverbe : « Chacun prend son plaisir où il le trouve », pourrait être interprété, dans le cas présent, de cette façon : « Chacun doit pouvoir prendre son médecin là où il le désire ». Autrement, à cette heure de soi-disant liberté pour tous, la loi contre laquelle tant de gens protestent avec raison signifierait : En cas de maladie, chaque citoyen devra prendre un médecin officiellement reconnu, sinon être abandonné à son mal. Les Droits de l'Homme ont été proclamés, faudra-t-il faire une nouvelle Révolution pour assurer les droits des malades ?


OCTAVE UZANNE.


(*) Docteur ès lettres, chevalier des Arts et Lettres, Jean-Jacques BRETON a travaillé au département Livres de la Réunion des Musées Nationaux.Spécialiste des arts premiers, il publie aussi des ouvrages voulant ouvrir au grand public les zones insolites ou négligées de l’art : œuvres curieuses des musées ou mouvements méconnus comme l’art pompier. A paraître : “L’art est un mensonge. Faux et faussaires” Hugo et cie, 2014.

(**) Article publié dans la Revue du Bien dans la Vie et dans l'Art. 1er août 1902. 2e année. - N°8. pp. 1-3.

lundi 17 mars 2014

Un papier à lettre inédit d'Octave Uzanne (1891) dessiné par E. Boudier.


Illustration d'après un dessin d'E. Boudier
Intéressante découverte aujourd'hui ! Voici un papier à en-tête d'Octave Uzanne ... anonyme ! Je m'explique : pour qui ne sait pas qu'Octave Uzanne logeait au 17, Quai Voltaire en 1890, dans son "grenier", c'est-à-dire au dernier étage de l'immeuble en question, il n'est guère possible de deviner à qui appartient ce papier à à lettre ... sans nom ! On y lit simplement, imprimé en haut à gauche : Paris, le ..... 189 .. et un peu plus bas : 17, Quai Voltaire. Le tout dans un dessin d'après E. Boudier (*) reproduit en photogravure par Petit. Ce feuillet simple resté vierge de toute écriture mesure 20,3 x 12,3 cm. Le papier est un vélin fin satiné de couleur crème. Ce petit morceau de papier a été miraculeusement conservé parce qu'il a été glissé à l'époque de la reliure dans un exemplaire du Livre Moderne (2eme semestre - juillet-décembre 1891). L'exemplaire est un des 20 exemplaires sur Japon et a été relié par Petrus Ruban dans la reliure "habituelle" (à la chouette et aux attributs littéraires dorés au dos des volumes). Je n'avais jamais rencontré ce papier à lettre d'Octave Uzanne. Prochaine étape : dénicher ce même papier à lettre orné de son écriture ...

Bertrand Hugonnard-Roche


Papier à lettre inédit d'Octave Uzanne pour l'année 1891
(un peu avant ? encore un peu après ?)

Feuillet simple 20 x 12 cm environ
papier vélin fin satiné crème


(*) Edouard Louis Boudier (c.1845-1903), peintre connu pour ses paysages, scènes champêtres, vues et portraits. L'appartement d'Octave Uzanne au 17, Quai Voltaire possédait-il une terrasse ? C'est ce que laisserait supposer ce dessin qui montre le pont des Arts au loin sur la droite et la Seine en face avec le pont du Carrousel (Louvre). Le dessin de Boudier montre même une pergola parcourue par les feuillages. Peut-être était-ce un point de vue qu'Octave Uzanne aimait avoir et qu'il a voulu partager via ce papier à lettre. Nous ne saurons sans doute jamais.

samedi 15 mars 2014

Octave Uzanne déménage de la Place de l'Alma (n°5) à Paris, vers les hauteurs de St-Cloud (62, Bd de Versailles) : "Je n’en suis pas mort et même pas trop démoli ; ma satisfaction d’avoir réalisé ce que je m’étais promis de faire et d’être en ce bon air réparateur me compense la fatigue [...] – Il est 9 h du soir – Je suis levé depuis 5 h du matin – Je vais dormir avec ivresse dans ce calme avec le bruit lointain des trains et quelque ballon dirigeable au réveil dans mon immense horizon – Je viens de faire une œuvre formidable pour mon âge – seul – je sais ce que j’ai remué de choses et travaillé de toute manière depuis fin avril."

Nouvelle adresse d'Octave Uzanne à St-Cloud
62, Boulevard de Versailles
à partir du 31 juillet 1908
Appartement situé au dessus de la quincaillerie
et de la pharmacie visibles sur
cette carte postale ancienne de l'époque.
Lettre adressée à son frère Joseph le vendredi 31 juillet 1908 au soir (carte-lettre avec sa nouvelle adresse : 62, Boulevard de Versailles, St-Cloud) :

Mon chéri – ce furent deux terribles journées que celles de mercredi (emballage) et hier jeudi 1er déménagement à St Cloud – J’en suis affalé ce matin et las à fonds de nerfs. Ce que j’ai accumulé est fou – Malgré mes 4 voitures à l’hôtel, j’ai eu deux fourgons à 2 forts chevaux, hier – tout n’a été terminé qu’à 8 h ½ du soir à St Cloud – J’ai diné avec Louise au Terminus St Lazare à 9 ½ - Dans quel état de tenue et de lassitude ! – Demain samedi je vais faire procéder au déballage des 50 caisses que j’ai fait mettre dans un appartement en face, inoccupé du Bd de Versailles – ce sera encore une dure journée, puis, mardi, 50 nouvelles caisses livres, bibelots, seront faites ici et mercredi dernier déménagement, si c’est possible – j’en doute, tant j’ai encore de choses malgré le salon vide, la salle à manger démeublée, le petit salon id(em) – Mais la cuisine, la cave, les chambres, les bibelots, ça fera plus de 2 grands wagons, j’en ai peur – Enfin, je prépare tout pour subir l’assaut de ces pirates. Je ne crois guère te pouvoir embrasser à ton passage ici. – Tendresses. Octave

Lettre adressée à son frère Joseph le jeudi 6 août 1908 :

Mon chéri, Tout est terminé – Déménagement hier, 60 caisses déballées aujourd’hui – Je n’en suis pas mort et même pas trop démoli ; ma satisfaction d’avoir réalisé ce que je m’étais promis de faire et d’être en ce bon air réparateur me compense la fatigue – Il est 9 h du soir – Je suis levé depuis 5 h du matin – Je vais dormir avec ivresse dans ce calme avec le bruit lointain des trains et quelque ballon dirigeable au réveil dans mon immense horizon – Je viens de faire une œuvre formidable pour mon âge – seul – je sais ce que j’ai remué de choses et travaillé de toute manière depuis fin avril. Affectueusement – je ne sortirai guère avant lundi ou mardi – Dimanche je serai là et tout au turbin. Tendresses. Octave


Octave Uzanne a passé sa première nuit sur les hauteurs de St-Cloud le mercredi 5 août 1908. Courte nuit puisqu'il est débout le jeudi 6 août dès 5 heures du matin. Il est satisfait de son déménagement et se prépare à vivre au calme. Octave Uzanne est âgé de 57 ans. Le 13 août (la semaine suivante), il écrira au même : "Je me sens à ravir dans ce nid haut perché avec une vue que les éclairages solaires métamorphoses à toute heure – La nuit c’est féérique – et j’apprécie ce silence, ces bruits si lointains, cette paix bienfaisante."

jeudi 13 mars 2014

Octave Uzanne commente les ouvrages de Pierre Véron (1833-1900) : "de la sauce sans poisson" (1880)


Image Gallica
Compte rendu analytique du 10 octobre 1880 paru dans Le Livre :

Paris vicieux, côté coeur, par Pierre Véron (*), dessins de Grévin. 1 vol. Paris, Dentu. - Prix : 3 fr. 50.

Charmants, délicieux au possible, les dessins de Grévin, un vrai ragoût pour les amateurs de ce maître ès coquetteries féminines. On oublie à les regarder le texte clairsemé de M. Pierre Véron, et nous croyons qu'on n'y perd point grand'chose. Il faudrait un autre texte pour des dessins si littéraires ou d'autres dessins pour une littérature si entièrement dépourvue d'art, nous ne disons point d'esprit, M. Véron n'en a que trop, car il n'a que cela ; de la sauce sans poisson. - Au rez-de-chaussée du Charivari, passe encore !

O. [Octave Uzanne]

Octave Uzanne n'appréciait guère la plume de Pierre Véron si l'on en croit ce succinct compte-rendu. Le 10 octobre 1881 Octave Uzanne écrit encore dans les colonnes du Livre :

La Chaîne des dames, par Pierre Véron, vient d'être mise en vente à la librairie Dentu (1 vol. in-18 ; prix : 3 fr. 50). C'est le même esprit parisien et un peu superficiel de l'Art d'aimer et de Paris vicieux (côté du coeur). M. Pierre Véron réunit une ou deux fois par an ses chroniques de journaliste en un coquet volume, comme celui-ci. On peut passer une heure agréable à la lecture de ces petites fantaisies, dignes d'être intitulées Cocottiana. Ce dernier ouvrage est illustré de 400 dessins de Grévin, qui contribuent puissamment à égayer le texte du chroniqueur du Charivari.

Le 10 juillet 1882 Octave Uzanne trace un portrait plus précis de Pierre Véron à l'occasion du compte rendu des Mémoires des passants (Paris, Dentu ; in-18. - Prix : 3 francs.) :

Le titre est bien prétentieux et le volume bien mince, quoique le papier en soit épais. Je ne veux pas traiter M. Véron comme il fait souvent les autres, car il a la dent dure pour qui ne lui agrée pas. Il y aurait d'ailleurs ingratitude de ma part, étant de ceux qui lisent le Charivari. Excusez-moi ; Paf et Draner sont parfois si espiègles et Grévin si osé ! Quoi faire, au café, quand on a vu la gravure et que le journal reste ouvert devant vous ? On sait d'avance, ou à peu près, le contenu des articles : un crime bien atroce ou la séparation de corps entre gens connus ; si elle est épicée de détails scabreux, voilà la bonne fortune du chroniqueur, du bulletinier. Mais elles sont rares. A défaut, il se rabat sur le cancan de la veille, sur l'anecdote courante, sur les mille riens qui répétés par les échos du boulevard, prennent durant quelques heures les proportions d'un événement. Au besoin, il délayera le fait divers, le calembour, les lapsus d'un confrère. Il lui faut à tout prix amuser ou distraire un instant son monde.
On le lit pourtant ; on ne se fâche pas si, ayant à glisser dans un moment de disette une sottise un peu trop forte, il la met sur le dos de Guibollard ou de Calino. Pour moi, la seule chose qui m'exaspère, c'est quand, après avoir cité une fadaise insipide, il ajoute avec aplomb : absolument authentique. Eh ! triple niais, qu'importe que cela ait été dit par un autre ou par toi, dès que tu t'en rends responsable en l'insérant ?
Ma réflexion, vous le pensez bien, n'est pas à l'adresse de M. Véron. Lui, il a de l'esprit ; c'est incontestable. Seulement il le distribue comme les médecins homéopathes leur poison, par doses infinitésimales. A sa mort (espérons qu'elle tardera longtemps), on pourra dire de lui, ainsi que de l'un de ses homonymes, qu'il laisse moins de vide qu'il ne tenait de place. Si quelqu'un de ses rédacteurs, - et il en a qui s'acquittent spirituellement de leur corvée, - apportait au journal des articles aussi lâchés que la plupart de ceux dont se composent les Mémoires des passants, nul doute que le directeur ne l'envoyât se faire imprimer ailleurs.
Et pour finir, veuillez me pardonner d'avoir écrit tant de lignes pour dire si peu de chose. L'exemple de M. Pierre Véron est contagieux.

P. [Octave Uzanne]


(*) Pierre Véron, littérateur et journaliste, est né à Paris en 1833 (mort en 1900). Au sortir du collège, il renonça à la carrière de l’enseignement, qu’il s’était d’abord proposé de suivre, et s’adonna entièrement à la littérature. Il collabora à la Revue de Paris, à la Chronique, et ne tarda pas à se faire remarquer par la verve de son style et surtout par une étonnante fécondité, qui lui permit de fournir une quantité innombrable d’articles au Monde illustré, à l’Illustration, au Courrier de Paris, au Journal amusant, au Petit Journal, à l’Avenir national, à l’Opinion nationale, au Charivari, etc. Attaché à la rédaction de ce dernier journal en 1858, il en devint, après la mort de Louis Huart, le rédacteur en chef, et il en a conservé depuis lors la direction. M. Véron ne s’est pas borné à donner des articles, pour la plupart satiriques et mordants ; il a, notamment dans le Charivari, défendu la politique républicaine, et il a publié en même temps un grand nombre d’ouvrages humoristiques et fantaisistes sur les mœurs du temps. Nous citerons de lui : Réalités humaines, poésies (1857, in-18) ; Paris s’amuse (1861, in-12) ; les Gens de théâtre (1862, in-12) ; les Marchands de santé (1862, in-12) ; les Marionnettes de Paris (1862, in-12) ; les Souffre-plaisir (1862, in-12) ; l’Année comique (1861 et 1862, in-12) ; la Comédie du voyage (1863, in-12) ; le Roman de la femme à barbe (1863, in-12) ; Avez-vous besoin d’argent ? (1864, in-12) ; Monsieur Personne (1864, in-12) ; Maison Amour et Cie (1864, in-12) ; la Foire aux grotesques (1865, in-12) ; la Famille Hazard (1865, in-12) ; le Pavé de Paris (1865, in-12) ; Sauvé, mon Dieu ! (1865, in-12), vaudeville en collaboration avec H. Rochefort ; Par-devant M. le maire (1866, in-12) ; la Comédie en plein vent (1866, in-12) ; la Mythologie parisienne (1867, in-12) ; Monsieur et madame Tout-le-Monde (1867, in-12) ; les Pantins du boulevard (1868, in-12) ; l’Age de fer-blanc (1868, in-12) ; les Phénomènes vivants (1868, in-12) ; Poésies (1870, in-8°) ; le Carnaval du dictionnaire (1874, in-12) ; la Boutique à treize (1875, in-12) ; le Panthéon de poche (1875, in-12) ; le Sac à malices (1875, in-12) ; les Dindons de Panurge (1875, in-12) ; Paris à tous les diables (1875, in-12), la série des Paris Vicieux (1880 et années suivantes), etc.

mercredi 12 mars 2014

[RESTIF DE LA BRETONNE (Nicolas-Edme)]. Tableaux de la vie ou les mœurs du dix-huitième siècle. Neuwied sur le Rhin : Société typographique ; Strasbourg : J. G. Treuttel, (1790). Exemplaire Octave Uzanne.


Photo ADER, Paris, mars 2014
[RESTIF DE LA BRETONNE (Nicolas-Edme)]. Tableaux de la vie ou les mœurs du dix-huitième siècle. Neuwied sur le Rhin : Société typographique ; Strasbourg : J. G. Treuttel, (1790). — 2 volumes in-18, (4 ff.), 180 pp., 9 planches ; (2 ff.), 168 pp., 8 planches. Basane marbrée, triple filet doré en encadrement sur les plats, dos lisse orné, tranches jaunes (reliure du début du XIXe siècle). Première édition de ce recueil de courtes nouvelles tirées pour la plupart du Monument du costume de Restif de La Bretonne publié en 1789. Elle est illustrée de 17 charmantes compositions hors texte gravées sur cuivre d’après les compositions de Moreau et Freudeberg. Il s’agit de la réduction de 17 des 26 figures illustrant l’édition in-folio du Monument du costume parue en 1789. PRÉCIEUX EXEMPLAIRE D’OCTAVE UZANNE (1851-1931). Homme de lettres, bibliophile, éditeur et journaliste, il était l’un des grands observateurs des mœurs françaises de son temps. Remy de Gourmont disait à son propos : “Uzanne s’intéresse à tout, mais à bien le pénétrer, on s’aperçoit que c’est à l’art que tendent ses préoccupations les plus diverses. Il l’a cherché jusque dans l’agencement matériel des livres, jusque dans la toilette féminine. Le livre et la femme, telles furent les premières amours d’Uzanne, et je ne crois pas qu’il les ait reniées, car sa bibliothèque est toujours riche en livres précieux et rares, et le premier ouvrage qu’il ait voulu retoucher et rééditer pour le grand public, c’est précisément une monographie de la Parisienne. […] On pense à Sébastien Mercier et à Restif de la Bretonne, et on n’a pas tort. C’est entre ces deux grands observateurs des mœurs françaises et du cœur humain que se place naturellement Octave Uzanne” (Remy de Gourmont, Promenades littéraires. Quatrième série. Souvenirs du symbolisme et autres études. Paris : Mercure de France, 1927, pp. 130 et 135). Uzanne a par ailleurs composé un essai biographique sur Restif de La Bretonne en tête de l’édition du Pied de Fanchette ou le soulier couleur de rose publié par Quantin en 1881. L’exemplaire a également appartenu à l’historien et critique d’art et de littérature HENRY HOUSSAYE (1848-1911), fils de l’écrivain Arsène Houssaye (1814-1896). Frottements d’usage aux dos et sur le bord des plats. Manque au bas du feuillet K2 sans atteinte au texte et déchirure sans manque et réparée au feuillet K3 dans le premier volume. Provenance : Octave Uzanne, avec ex-libris. - Henry Houssaye, avec ex-libris dessiné par Adolphe Giraldon.

Estimation : 1.000 / 1.500 euros

Vente aux enchères du Jeudi 20 mars 2014
Livres Anciens et Modernes
Ader - 75009 Paris (France)

Nous ne manquerons pas d'indiquer le résultat obtenu par ce lot.

Adjugé 1.200 euros sans les frais soit 1.464 euros frais compris (22%)


Photo ADER, Paris, mars 2014

mardi 11 mars 2014

Un livre rare imprimé à 75 exemplaires à Prague en 1933 : 3 contes pour les bibliophiles d'Octave Uzanne illustrés de 7 bois gravés par le maître du Modern Art tchécoslovaque Jan Konupek (1883-1950).



[Page de titre] :

OCTAVE UZANNE
STRASIDLA V KNIHACH
POVIDKY PRO BIBLIOFILY
VYBRAL A PRELOZIL
MILOSLAV NOVOTNY

[Marque de l'imprimeur]

V PRAZE 1930

[Colophon] :

STRASIDLA V KNIHACH.
Pruni vybor z Bibliofilskych povidek Octava Uzanna. Prelozil Miloslav Novotny, ilustroval Jan Konupek. Vytiskl a vydal Jaroslav Picka v Praze 1933 v 75 exemplarich jako 26 svazek.
CTENIPRO BIBLIOFILY [exemplaire portant le n°69 à la plume]


Traduction approximative :

[Page de titre] :

OCTAVE UZANNE

FANTÔME DANS LES LIVRES
PETITES HISTOIRES POUR LES BIBLIOPHILES
choisies et traduites par
Miloslav Novotny
à Prague 1930

[Colophon] :

FANTÔMES DANS LES LIVRES
Publiés dans les Contes pour les Bibliophiles d'Octave Uzanne.
Traduits par Miloslav Novotny, illustrés par Jan Konupek.
Imprimé et publié par Jaroslav Picka à Prague en 1933 à
75 exemplaires (26e volume).
Lecture pour bibliophiles


1 volume in-8 (21,5 x 13 cm), en feuilles, sous couverture à rabats de papier fort marron marbré, avec auteur et titre imprimé en noir au dos en long et marque de l'imprimeur-éditeur sur le premier plat imprimée en noir, 69-(1)-(1) pages. 7 bois gravés pleine page par Jan Konupek (compris dans la pagination). La page de titre indique la date 1930 tandis que le colophon indique celle de 1933 (date d'achevé d'imprimer sans doute).


Ce précieux petit volume, imprimé en 1933, soit deux ans après le décès d'Octave Uzanne (peut-être commencé dès 1930 ... avec le consentement probable d'Octave Uzanne ??), est imprimé sur beau papier vélin crème filigrané HOLLAND (vélin de Hollande sans doute fait main). Il contient les contes suivants : Une vente de livres à l'Hotel Drouot (Ma bibliothèque aux Enchères) [DRAZBA KNIH V HOTELU DROUOTOVE (Ma knihovna v drazbe)], conte initialement paru dans les Caprices d'un bibliophile en 1878 ; Un ex libris mal placé (Histoire d'hier) [O EXLIBRIS, JEZ SE OCTLO NA NEPRAVEM MISTE (Pribeh ze vcerejska], conte initialement paru dans les Caprices d'un bibliophile en 1878 ; et enfin L'Héritage Sigismond, luttes homériques d'un vrai bibliofol [DEDICTVI PO SIGISMONDOVI (Homerské boje opravdového bibliofila), conte initialement paru dans les Contes pour les bibliophiles en 1895.


Ce sont donc 3 contes anciennement publiés par Octave Uzanne qui sont repris ici en 1933 pour cette édition bibliophilique en langue tchèque, ornée d'étonnantes gravures sur bois par Jan Konupek.


Jan Konupek est né le 10 octobre 1883 à Mladá Boleslav et est mort le 13 mars 1950 à Prague. Sa renommée de peintre, illustrateur et graveur est internationale. Son intense activité artistique Moderne Art pendant l'entre deux guerres en fait une figure majeure de l'art tchèque. On lui doit également de nombreux ex libris gravés à l'eau-forte, notamment.
L'illustration tourmentée que Jan Konupek donne ici pour ces trois contes pour les bibliophiles d'Octave Uzanne sont magistrales et méritent d'être mises en valeur. Nous reproduisons donc au cours de cet article l'intégralité des 7 bois gravés.


Plusieurs questions viennent à l'esprit concernant ce livre : Octave Uzanne a-t-il eu connaissance de la mise en oeuvre de cet ouvrage ? (commencé en 1930 ?) Connaissait-il personnellement l'artiste Jan Konupek ? (on sait qu'Octave Uzanne a visité Prague, sans doute à plusieurs reprises au début du siècle). Nous ne savons rien de plus sur cet ouvrage, encore une fois, seules quelques découvertes hasardeuses nous permettront d'en savoir plus un jour prochain ...


Je dois cette découverte à un libraire en visite à Prague cet hiver. Je le remercie vivement d'avoir eu la présence d'esprit de penser à mon travail sur Octave Uzanne et d'en avoir fait l'acquisition.

Bertrand Hugonnard-Roche


Coll. Bertrand Hugonnard-Roche, 2014


Note : nous n'avons pas reproduit les lettres accentuées de la langue tchèque.

dimanche 9 mars 2014

Pourquoi il n'y a jamais eu de Table générale à la revue Le Livre (1880-1889) ou petit histoire d'un Index général avorté ... (Louis de Hessem alias Auguste Lavallée catalographe)


Voici les quelques extraits qui racontent pourquoi il n'y eut finalement pas de Table décennale à la revue Le Livre (1880-1889).

Depuis deux mois je pensais pouvoir annoncer à tous les souscripteurs la mise sous presse de la Table Décennale du Livre 1880-1889, - et la prochaine apparition de ce volume qui semble - si nous en croyons tous les gens graves - indispensable à la grande et belle collection de la revue disparue.
Hélas ! l'homme propose et les rédacteurs disposent. Le patient classeur de fiches qui nous avait promis son concours et nous affirmait, semaine par semaine, que le travail tirait à sa fin, M. Louis de Hessem, nous a totalement manqué de parole, par suite, paraît-il, de l'état de sa santé, et toute la rédaction de cette table tant espérée, et en partie soldée, semble aujourd'hui complètement à vau-l'eau.
J'avoue, comme je le ferais en un milieu d'amis, que ce résultat négatif m'est d'autant plus pénible, que cette table tenait largement à coeur, on le conçoit, au fondateur du Livre, car c'était la clef de l'édifice. - Mais, après six mois d'énervement constant par suite des promesses intermittentes du manuscrit et des remises sans cesse renouvelées par le catalographe, j'ose dire que je ne me sens plus la force de repêcher un travail peut-être irrémédiablement compromis. - Le rédacteur temporisateur proteste contre mon scepticisme attristé et assure qu'il conduira au but cette grosse classification de notre chère revue en vingt volumes. - Je lui donne acte ici de sa parole, et, comme je ne saurais de longtemps, au milieu d'innombrables travaux divers, assumer la responsabilité de cette entreprise, je prie les intéressés de vouloir bien envoyer à l'avenir leurs doléances et espérances à M. Louis de Hessem, à Flins-sur-Seine (Seine et Oise). Il appartient à ce grand coupable de remédier à une situation qu'il a créée, et lui seul sera désormais en mesure de renseigner utilement les souscripteurs sur la possibilité de mise au jour de l'Index général du Livre. - Puisse-t-il ne tromper personne !
Si toutefois en août prochain le manuscrit complet n'était pas remis en mains éditoriales, je serais en droit de rechercher, d'autre part, un rédacteur ayant l'amour, le culte et le génie de la table analytique, et bonne note sera prise des personnes qui voudront bien s'offrir à nous, munies des garanties nécessaires pour arriver à la satisfaction parfaite de notre grand desideratum.

Octave Uzanne,
in Le Livre Moderne,
Mai 1890


On nous demande des nouvelles de la Table décennale du Livre 1880-1889. Le rédacteur de ce gros ouvrage, bien que mis en demeure depuis plus de six mois de nous livrer ses fiches, nous remet de semaine en semaine cette livraison, avec un énervant manque de parole, qui nous fait désespérer aujourd'hui d'arriver à un résultat. Nous ne pouvons donc rien promettre en toute loyauté, notre parole dépendant d'un intermédiaire qui s'est si souvent soustrait à ses engagements depuis huit mois que nous hésitons jusqu'à nouvel ordre à lui accorder une confiance dont il ne paraît plus digne. Le travail dont celui-ci avait été chargé lui ayant été en partie payé, ce rédacteur (un M. Louis de Hessem) pourra, s'il ne s'exécute pas avant l'apparition de notre livraison de novembre, être mis à l'index par tous nos souscripteurs de l'ancien Livre, et surtout par le rédacteur en chef de cette Revue, qui, par son étrange retard, se trouve placé dans l'impossibilité de faire droit aux souscriptions reçues et dans la situation délicate de ne pas oser se pourvoir ailleurs.
Nous reparlerons le prochain mois de cette Table malencontreusement donnée à un insoucieux ou malhonnête homme. Le résultat obtenu d'ici là nous permettra de fixer l'épithète qui convient à cet indexophobe. (Qu'on relise, du reste, la note que nous avons précédemment insérée à ce sujet, aux pages 361 et 362 du tome Ier de cette Revue, livraison de mai.)

Octave Uzanne,
in Le Livre Moderne,
Octobre 1890


La Table décennale du Livre. - Décidément elle ne paraîtra pas ! Nous pensions nous être adressé à un consciencieux catalographe, à un patient et honorable classeur de fiches, mais nous n'avons rencontré en M. Louis de Hessem (de son nom d'origine Lavallée) qu'un infortuné fumiste qui a jugé bon de ramoner les fonds consacrés aux frais de rédaction de cette table et de disparaître en nous inondant de lettres qui, publiées, formeraient un dossier bien noir et très écrasant sur la conscience de ce personnage désormais sans épithète. Depuis notre dernier numéro d'octobre, M. de Hessem nous a promis à trois reprises la livraison de ses fiches ; aujourd'hui mis en demeure de s'exécuter ou d'être exécuté, il ne peut plus se dérober, et, au milieu d'une lettre personnelle trop pitoyable pour être publiée, il a bien voulu renfermer celle-ci, destinée aux publiques excuses. Lisez cela :

"Je viens de lire dans votre livraison d'octobre la note me concernant au sujet de la Table décennale de l'ancien Livre.
"Dans le retard apporté à la livraison du manuscrit vous ne voyez le fait qu'à deux points de vue : cas d'homme insoucieux ou cas de malhonnête homme. Il en est un troisième que vous semblez oublier : cas d'homme malade.
"Ce cas est le mien. Depuis de fort longs mois je n'ai pu travailler que très peu et avec d'extrême difficultés à cause d'une affection douloureuse. Je comptais arriver à terminer à la longue, mais des mois se sont passés et aujourd'hui je dois renoncer à me faire illusion plus longtemps et à abuser davantage de votre patience et de celle de vos souscripteurs. Malgré tous mes regrets, je vous prie de vouloir bien m'excuser pour vous et vos lecteurs.
"Je tiens à vous remercier publiquement de votre attitude à mon égard pendant ces atermoiements et vous prie d'agréer mes salutations distinguées.
"Louis de Hessem"
29 octobre 1890.

C'est réellement se tirer d'un mauvais pas avec une allure aisée de mauvais drôle ! Nous ne voulons pas tracasser outre mesure ce malade imaginaire, et nous le livrons à la rancune de nos souscripteurs, qui peuvent dès maintenant faire leur deuil d'une table très nécessaire, mais que nous ne nous sentons pas le courage d'entreprendre de nouveaux. - Le nommé de Hessem peut aller se faire pendre ailleurs. Quant à nous, dupé et attristé de voir nos vingt volumes du Livre découronnés de leur index, par le fait sinon d'un malandrin, du moins d'un malheureux, nous ne pouvons que regretter d'avoir fait crédit de confiance, de temps et d'argent à un homme qui a si bien, sans résultat, gaspillé toutes nos avances.
D'autre part, quelle correspondance invraisemblable il nous a fallu lancer pour aboutir à un tel avortement ! quelle nervosité surexcitée, exaspérée chaque jour davantage ! - L'histoire de cette Table renversée mériterait d'être contée de loisir, comme celle d'une déroute.

Octave Uzanne,
in Le Livre Moderne,
Novembre 1890


* * *


De cet Index général du Livre il ne fut plus jamais question. Il ne vit jamais le jour. M. Louis de Hessem (Lavallée) est avant tout connu comme traducteur d'oeuvres de l'allemand. Il avait collaboré quelque peu au Livre entre 1880 et 1889 (au moins un article signé de son nom). Louis de Hessem est en réalité de pseudonyme d'un certain Lavallée (Le Livre Moderne, 10 novembre 1890), Auguste Lavallée pour être précis, auteur-traducteur belge d'expression française.

Octave Uzanne énervé par cette histoire. Il ne faisait pas bon se dédire ou se faufiler en faux-fuyants avec ce rédacteur en chef très à cheval sur les délais de livraison ... Octave Uzanne intransigeant ? A-t-il eu à faire à un malhonnête homme comme il l'écrit ? ou bien Louis de Hessem a-t-il réllement été malade et dans l'impossibilité de suivre les délais ? Pour savoir le fin mot de l'histoire il faudrait retrouver l'abondante correspondance évoquée par Octave Uzanne lui-même concernant cette affaire. A-t-elle seulement été conservée ? Nous n'en n'avons trouvé à ce jour aucune trace.

Bertrand Hugonnard-Roche

vendredi 7 mars 2014

BARBEY D’AUREVILLY (Jules). Une Histoire sans nom. Paris, Alphonse Lemerre, 1882. Envoi autographe à Octave Uzanne : "à mon ami Octave Uzanne, qui, en amour, n'a peur de rien."



"à mon ami
Octave Uzanne,
qui, en amour, n'a peur de
rien."

J. Barbey d'Aurevilly

Photographie SVV - ALDE, Paris. Mars 2014.

* *
*

BARBEY D’AUREVILLY (Jules). Une Histoire sans nom. Paris, Alphonse Lemerre, 1882. In-12, demi-chagrin prune serti d'un filet doré, plats de percaline mauve décorée de feuillages dorés, dos orné de fleurons dorés, tête dorée, non rogné (Reliure de l'époque). Édition originale, sous un titre renouvelé portant une mention fictive de troisième édition. (On trouve encore, p. 208, la faute à « ses belles dents jaunes »). Envoi autographe signé de l'auteur à Octave Uzanne. Cette dédicace est la même que celle que Barbey inscrira sur l'exemplaire d'Uzanne d'Une page d'histoire (1894, n°17). À croire que Barbey ne pensait pas autrement qu'André Billy, qui dans Les Beaux jours de Barbizon écrivait d'Uzanne : « Ses thèmes préférés étaient Jean Lorrain et Barbey d’Aurevilly, à qui François Coppée l’avait présenté à ses débuts et dont il avait gardé l’éblouissement. Une autre marotte d’Uzanne était le célibat. ». Par ailleurs, « cet homme charmant qui savait tant de choses et qui a tant écrit sur les matières les plus disparates, avec le souci dominant de la femme et de l’amour » est l'auteur d'un essai sur Barbey d'Aurevilly, publié en 1927. De la bibliothèque Daniel Sickles (1992, XI, n°4163), sans ex-libris. Infimes frottements aux coiffes, petites rousseurs claires, angle supérieur de l'avant-dernier feuillet arraché. (notice SVV - ALDE, Paris. Mars 2014).

Estimation 800 / 1.000 euros

Adjugé 2.200 euros sans les frais soit 2.640 euros frais compris.

Vente aux enchères du Vendredi 28 mars 2014
Editions Originales XIXe et XXe sicèles, Bibliothèque célinienne Romuald Gallier
Alde - 75009 Paris

Nous rappelons cet autre exemplaire avec envoi de Barbey d'Aurevilly à Octave Uzanne sur Goethe et Diderot (1880).

mercredi 5 mars 2014

Octave Uzanne et une reliure en peau humaine d'Hippolyte Prouté (1887)





Texte pour indexation internet : « [Hippolyte Prouté] ne s'est-il pas avisé récemment de m'apporter un petit volume recouvert de peau humaine, très bien teinté en nuance orange... ; je n'ai jamais pu savoir au prix de quel crime il se l'était procurée. » Octave Uzanne - La reliure moderne,1887

Octave Uzanne et le relieur Hippolyte Prouté [une histoire entre 1886 et 1908] : "un relieur savant, indépendant d'idées, fureteur, dénicheur, un oiseau rare enfin"



62 bd de Versailles.
St-Cloud-Montretout
(S & O)

St-Cloud. 11. X 08.

Cher Monsieur Prouté,

je suis de retour à St-Cloud. J'espère que vous pourrez m'y apporter ou envoyer, au plus tôt, mon petit lot de livres, remis en août, de façon à ce que je puisse vous donner un nouveau stock d'ouvrages qui seraient à livrer avant le 20 novembre, date de mon départ pour le midi. 

Mes bons souvenirs et bien à vous,

Octave Uzanne

* * *

Je publiais cette carte-lettre dans le Bibliomane moderne en avril 2009 en écrivant que je n'avais alors pas encore rencontré de reliures signées Prouté provenant de la bibliothèque d'Octave Uzanne. Je dois bien dire que 5 ans plus tard la situation est inchangée. Je n'ai à ce jour jamais rencontré de reliures signées Prouté en provenance de la bibliothèque d'Octave Uzanne. Sont-elles si rares ? Étaient-elles seulement signées ? De quel genre étaient-elles ? Le nouveau "stock d'ouvrages qui seraient à livrer avant le 20 novembre" laisse supposer de la reliure courante, sans doute toile ou demi-toile.

Octave Uzanne nous livre cependant de précieuses informations sur le relieur Hippolyte Prouté dans son ouvrage La reliure moderne artistique et fantaisiste (Paris, Ed. Rouveyre, 1887) :

Un exemple de reliure signée H. Prouté

Vélin blanc à rabats, large cadre composé d'un semé d'abeilles, entrecoupé au centre en haut et en bas de l'aigle impériale et sur les côtés du N couronné, bordé de deux filets dorés, dos lisse orné dans le même esprit, doublures ornées d'un encadrement composé d'une roulette dorée entrecoupée aux angles d'une pièce carrée de maroquin havane ornée d'une abeille, non rogné, couverture et dos conservés, étui (H. Prouté).

Photo SVV ADER-NORDMANN

"En dehors de ces praticiens réguliers, je ne puis m'empêcher de parler d'un relieur bohème, ami de la recherche et fouilleur de bric-à-brac, être fantastique et modeste, qui est bien le plus précieux auxiliaire qu'un bibliophile fantaisiste puisse désirer s'attacher en ces temps de marasme.
Un jour que je rêvais de faire clouer sur une porte mobile de ma "library" une véritable bibliothèque imaginaire, faite d'imitations de dos de volumes ; le hasard conduisit chez moi un homme timide à l'excès, sans prétentions, très nécessiteux cependant, et en qui je reconnus une réelle subtilité d'esprit sur toutes choses de la reliure, une imagination inventive, une passion pour le renouveau et une connaissance approfondie de l'histoire bibliopégique depuis deux siècles. Il se nommait Hippolyte Prouté et exerçait son petit négoce de relieur-bouquiniste rue Toullier, à deux pas de la Sorbonne. - Je confiai quelques volumes à cet original, ouvrages anciens à revêtir et publications modernes de petite valeur ; non seulement j'eus le plaisir de les voir revenir très correctement fabriqués, mais encore étaient-ils vêtus selon l'époque même de leur apparition, munis de petits fers du temps, agrémentés d'allégories en rapport avec le texte... Je fus stupéfait ; je pensais avoir affaire à un demi-savetier, je trouvais un relieur savant, indépendant d'idées, fureteur, dénicheur, un oiseau rare enfin. - J'adressai Prouté à Henry Houssaye et à quelques hommes de lettres bibliophiles, et, depuis ce temps, il est devenu notre relieur ordinaire, notre indispensable, un relieur si fidèle et si fantasque qu'il se refuse, bien à tort, à servir toutes autres personnes. C'est pourquoi je le dénonce, espérant qu'on le fera venir à résipiscence.
Prouté n'a pas son pareil pour habiller un ouvrage du début de ce siècle ; il vous fabrique un demi-Thouvenin avec un savoir-faire extrême. Lui donne-t-on un livre de l'époque impériale, il vous déniche une théorie de vieux fers originaux... : le petit Napoléon sur la colonne, les casques et les épées, l'aigle couronnée, le profil consulaire, les trophées de drapeaux et tous les attributs de la grande épopée. - Sur les livres révolutionnaires il campe le bonnet phrygien, le triangle égalitaire, la devise : La liberté ou la mort .. que sais-je ! il n'est jamais embarrassé. - Quant aux cuirs même, il emploie tout ce qu'il trouve, au rebours de ses confrères : les grains longs, les cuirs de carrossiers, les peaux de gants, les maroquins étrangers, les couvertures les plus inimaginables... Ne s'est-il pas avisé récemment de m'apporter un petit volume recouvert de peau humaine, très bien teinté en nuance orange... ; je n'ai jamais pu savoir au prix de quel crime il se l'était procurée.
De tels relieurs sont utiles et sont rares, car ils ne se laissent pas ankyloser par une routine qui banalise chaque jour davantage nos bibliothèques. Les amateurs fantaisistes de la demi-reliure ne savent aujourd'hui à qui s'adresser : on leur offre toujours le même menu de chagrin, de demi-veau ou de maroquin; ils ont beau protester, ils voient museler leur caprice par un de ces : "Mais, Monsieur, c'est tout ce qui se fait !" qui leur casse bras et jambes. [...]"

Octave Uzanne.
La reliure moderne,
pp. 231-241


A en croire ce panégyrique et à considérer le courrier ci-dessus, Octave Uzanne aurait donc fait appel aux services d'Hippolyte Prouté de 1886 ou un peu avant même, jusqu'à fin 1908 au moins. Soit plus de vingt-deux ans de collaboration relieur-bibliophile.
L'anecdote de la reliure en peau humaine nous révèle qu'Octave Uzanne n'avait pas de répugnance pour ce type de reliure et qu'il a dû la posséder au moins un temps dans sa bibliothèque. Sur quel ouvrage ? Qu'est-elle devenue ?
Le temps qui passe nous livrera sans doute quelque jour de précieux éléments de réponse.

Pour en savoir plus sur le relieur Hippolyte Prouté, consulter l'ouvrage de Paul Prouté, Un vieux marchand de gravures raconte ... (Paris, chez l'Auteur,1980).

Bertrand Hugonnard-Roche

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