jeudi 29 août 2019

Lettres de l'éditeur belge Henry Kistemaeckers à Octave Uzanne. 7 courriers datés entre le 6 avril 1881 et 14 février 1887. Où il est question de collaboration etc.

Coll. Bertrand Hugonnard-Roche, août 2019

Lettre I.

Bruxelles, le 6 avril 81. 
Cher Monsieur, (1)
J'ai reçu votre estimée lettre & vous remercie pour vos gracieux renseignements.
Je vais écrire dans peu de jours à Mr. Drujon (2) pour m'entendre définitivement avec lui pour la Préface du Balai des Nonnes. (3)
Aujourd'hui je vous adresse par poste recommandé : 
1 Contes Grivois (4) papier ordinaire. (je vous réserve un exemplaire sur papier de Hollande pour vous, mais les Hollande ne seront prêts que dans 8 jours. Veuillez donc remettre entre temps l'exemplaire que je vous adresse à celui de vos collaborateurs qui en rendra compte dans Le Livre, s.v.p.) (5)
2 Chambre Jaune (6)
I... Concierge... Pour ce dernier ouvrage il y aura une suite de 16 fines gravures, dont je vous en envoie déjà 2 ci-jointes. Les autres ne sont pas encore terminées mais elles le seront avant le 15 courant & vous seront aussitôt adressées sous enveloppe. Comptez y absolument.
_____ 
Je compte être de nouveau à Paris dans une huitaine. Puisque vous m'y invitez, je me présenterai chez vous un matin & je viendrai vous chercher les pièces pour le Parnasse (7) que vous mettez à ma disposition. Mon édition sera remarquable, non seulement par le nombre de pièces nouvelles que j'y intercalerai, (j'ai déjà un chapitre entier rien que des Naturalistes !) mais encore par le format 8° & les soins que j'apporterai à l'édition de façon à en faire un monument dans le genre. J'aurai en outre 8 frontispices. 
Encore une fois : Merci, mon cher Monsieur, & à bientôt. Compliments sincères. 
Henry Kistemaeckers
(1) à Octave Uzanne (1851-1931), homme de lettres, bibliophile et éditeur.
(2) Fernand Drujon fut le collaborateur d'Octave Uzanne. Il était un bibliographe réputé.
(3) Nous n'avons pas trouvé trace d'une édition par Henry Kistemaeckers du Balai des nonnes de Du Laurens. La seule édition que nous avons trouvé est celle publiée sans date à Bruxelles chez Moens. Peut-être s'agit-il en réalité de l'édition H. Kistemaeckers.
(4) Contes grivois du XVIIIe siècle publiés par Henry Kistemaeckers, sans date (début 1881)
(5) Le Livre est la revue dirigée par Octave Uzanne depuis le début de l'année 1880 (jusqu'à sa fin en décembre 1889). Revue bibliophilique et bibliographique.
(6) La chambre jaune. Les Terribles (sur-titre). Bruxelles, Henry Kistemaeckers, 1881. Imprimé à 300 exemplaires.
(7) Le Nouveau Parnasse Satyrique pour lequel Octave Uzanne donnera 3 pièces érotiques en vers. Voir notre billet précédemment publé à ce sujet.


Lettre II.

Bruxelles, le 18 7bre 81. 
Mon cher Monsieur Uzanne, 
Merci pour vos franches & cordiales explications. Je vous reconnais dans votre lettre.
Faites comme vous le dites, & je serai votre obligé.
Dans toute cette affaire, il n'y a que l'ami Cladel (1) que je ne conçois pas, & avec son caractère de puritain & d'honnête homme, je ne comprends pas comment il continue à piloter le misérable (2) qui a été jusqu'à médire de Cladel lui-même, dans une lettre à moi adressée, & cela pour récompenser Cladel de mille services rendus gratuitement.
Pourvu que ce bon Cladel ne paie sa témérité d'une nouvelle désillusion ; je ne le lui souhaite pourtant point.
Dans tous les cas, il ne me verra plus dans sa maison, aussi longtemps qu'elle sera souillée par l'autre. 
A vous, mon cher Monsieur, je suis bien votre dévoué, vous remercie encore & vous transmet les cordiaux compliments de ma femme.
Henry Kistemaeckers
(1) Léon Cladel (1835-1892), homme de lettres.
(2) Nous n'avons pas réussi à identifier le "misérable" dont il est question ici.


Lettre III.


Bruxelles, le 18 Nov. 81.
Mon cher Monsieur Uzanne, 
Je vous confirme ma dernière lettre.
Par ce même courrier vous recevrez mon livre d'étrennes "Les Bons Contes". (1)
Peut-on vous demander d'en dire quelques mots dans la livraison prochaine du Livre, celle du 10 décembre prochain ?
Dans la limite du possible bien entendu, mais j'y tiens beaucoup, puisque c'est une "Etrennes aux raffinés" & que ce bouquin doit donc annoncer son existence en temps utile, c'est à dire avant le Nouvel An ?
Je l'ai du reste fait annoncer dans ce but dans votre supplément du même mois.
Faites donc votre possible, je vous prie, pour le citer, & recevez d'avance mes cordiaux remerciements.
Bien à vous
Henry Kistemaeckers 
J'ai fait prendre au Voltaire un roman de Camille Lemonnier pour octobre prochain à un prix très élevé, sans compter que j'ai également placé le Mort, que vous aurez dans 8 jours.
(1) Les bons contes ou les trois cent leçons. Bruxelles, H. Kistemaeckers, 1882. Tirage à 260 exemplaires.


Lettre IV.

[Bruxelles] le 2 août 1886. 
Mon cher Uzanne, 
Je vous ai envoyé hier une réimpression du XVIIIe (1), point banale, qui occupe même une place dans l'histoire de ces temps là, & qui n'a été tirée qu'à petit nombre. En voici le frontispice. Si vous en parlez dans le Livre, faites le, je vous prie, avec discrétion ...
____ 
Par contre, je serais heureux de vous voir donner un compte rendu tapé de Vénus d'Amour (2) le roman pathologique dont je vous ai adressé 2 ex. il y a quelques jours.
Le livre fait grand bruit ici, & se vend ferme en Italie & en Angleterre. Il se débiterait plus encore en France, si les libraires de Paris voulaient l'étaler.
Mais pris d'une peur excessive & non justifiée, puisque le livre est moral assurément (en prenant le mot moral dans le sens de Mr Prudhomme), & que de plus l'auteur est français, ce qui met les vendeurs à couvert - aucun libraire à Paris ne veut le vendre, Marpon en première ligne ...
Ils n'ont pas peur de débiter les cochonneries de Sarah-Barnum (3), mais les crudités artistiques d'un livre de valeur, c'est autre chose à leurs yeux ! - C'est à se dégoûter du métier, parole d'honneur. 
A vous, mon cher Uzanne, cordialement à vous ! 
Henry Kistemaeckers 
(1) de quelle publication s'agit-il ? nous n'avons pu le déterminer.
(2) Nous n'avons pas trouvé de livre sous ce titre de "Vénus d'amour" ?
(3) Sarah-Barnum est une parodie de la vie amoureuse dévoyée de Sarah Bernhardt. Il s'agit d'un roman par Marie Colombier paru "chez tous les libraires" avec une Préface de Paul Bonnetain. Publiés en 1883. Marie Colombier était une amie de Sarah Barnhardt qui l'accompagna aux Etats-Unis lors de sa tournée. Les deux amies se brouillèrent et paru ce violent pamphlet contre l'artiste. Dans son roman-biographie parodique, Sarah Barnum alias Sarah Bernhardt meurt d'une surdose d'absinthe après avoir mené une vie des plus décadentes. Ce livre a été saisi et condamné. L'auteur condamné pour outrages aux bonnes mœurs. Il fut remis en vente avec les passages incriminés supprimés.

Lettre V.

Bruxelles, le 22 janvier 1887. 
Mon cher Uzanne, 
En allant vous trouver l'autre jour à Paris, j'ai oublié de vous causer d'une affaire à laquelle j'attache de l'importance. Voici :
J'ai l'intention d'imprimer à dater du 1er mars prochain, une revue bi-mensuelle, en partie illustrée, et exclusivement réservée à tout ce qui a trait au XVIIIe siècle. D'où mon titre : 
Le XVIIIe siècle.
galant et littéraire.  (1)
D'allure modeste, je compte néanmoins imprimer avec soin & même avec luxe cette gazette. Il y aura 16 pages in 8°, papier vélin teinté, à chaque numéro (le 1er & le 15 de chaque mois), & voici comment je compte faire le sommaire de chaque livraison :
1° Une chronique sur les hommes, les choses, les livres, &c. &c. du XVIIIe par un contemporain.
2° Un chapitre d'un roman inédit du XVIIIe, c'est à dire que je servirai à mes abonnés un de ces romans non réimprimés encore, par tranches, & illustré. Je débuterai par le roman de mes fredaines par un officier du Roy. Les illustrations sont prêtes.
3° Un chant ou chapitre d'un poème burlesque, héroï-comique, &c. - Je commencerai par donner le Balai par Dulaurens.
4° Un chapitre de documents, chronique biographique, scandaleux &c. &c. de ce temps là.
5° Un ou deux Contes en vers du XVIIIe s.
Notes inédites d'un chercheur sur les livres du XVIIIe.
Voilà. Je ne vendrai pas au numéro. Je ne fournirai que les abonnés. La revue (si on peut l'appeler ainsi) ne sera donc pas en librairie. Le prix d'abonnement sera modique : 15 francs par an, franco, (24 numéros.)
Si vous approuvez mon idée, mon cher Uzanne, je vous demanderai de patronner mon n°1, & de me faire l'amitié de m'écrire une courte chronique (une longue ferait encore mieux mon affaire.) Voulez-vous ? - Ce serait le meilleur encouragement que je pourrais espérer.
Je ne fais pas de cette publication, pour le moment du moins, une affaire d'argent. Songez donc : il me faudra 500 abonnés pour faire mes frais ! Je n'espère pas plus. - Je ne puis donc pas payer cher mes collaborateurs. Je ne puis leur offrir que deux louis par chronique.
Dites-moi par retour ce que vous en pensez. Naturellement, je recevrai avec reconnaissance vos conseils, si vous avez à m'en donner. 
Très cordialement votre dévoué, 
Henry Kistemaeckers
(1) Le XVIIIe siècle galant et littéraire a paru sans date dans le courant de l'année 1887, jusqu'en 1891. L'ensemble des livraisons forment 5 volumes. La première livraison est annoncée dans Le Livre du 10 mars 1887. Il y est écrit : "Le libraire éditeur Henry Kistemaeckers vient de faire paraître la première livraison d'une curieuse revue qui sera bi-mensuelle : le XVIIIe siècle galant et littéraire, format in-8° de 32 pages par numéro. Ce recueil s'occupera principalement des inconnus ou méconnus du XVIIIe siècle, on y éditera des oeuvres inédites ou oubliées. M. Kistemaeckers compte y avoir pour collaborateurs tous les écrivains qui ont fait du XVIIIe siècle leur spécialité. M. Octave Uzanne a inauguré cette revue par une causerie frontispice sur les livres et les choses du XVIIIe siècle." (Gazette bibliographique, Le Livre, Bibliographie moderne, livraison du 10 mars 1887, p. 151).


Notez, en haut de la lettre on voit le nom de Kistemaeckers écrit à l'encre de la main
d'Octave Uzanne, comme il avait l'habitude de le faire pour tous les courriers qu'il recevait.


Lettre VI.


Bruxelles, le 26 janvier 1887. 
Mon cher Uzanne, 
Écrite hâtivement, je crois que ma précédente lettre a été peu claire, d'où des malentendus que je tiens à dissiper. 
1° Quand je vous écrivais que je ne publierais que de l'inédit dans mon XVIIIe siècle, j'ai voulu dire du "non réimprimé" afin de ne pas faire double emploi avec ce que les abonnés auraient déjà dans leur bibliothèque. Et je n'aurai aucune peine à suivre ce programme : mieux que personne vous savez que c'est là une mine inépuisable. J'ai du pain sur la planche pour longtemps. 
2° Mon intention est parfaitement d'intéresser à ma petite entreprise "les écrivains français & étrangers qui ont fait du XVIIIe siècle leur étude spéciale," - & cela en leur demandant leur collaboration de 4 à 5 pages, en tête de mes numéros.
Et c'est dans ce sens que j'ai tenu à m'adresser d'abord à vous, pour vous prier d'ouvrir la série. - A tout seigneur, tout honneur. - Ce n'était donc pas une collaboration régulière que je sollicitais. Il se trouve que nous avons eu à la fois les mêmes idées, & je m'en félicite. Donnez moi votre Causerie frontispice pour mon premier numéro, c'est tout ce que je désire pour le moment, & je vous en serai très reconnaissant.
Il va de soi que vous écrirez ce que vous voudrez & comme vous le voudrez ; je ne vous demanderai, comme service personnel, de ne pas parler du naturalisme contemporain, car je sais que nous ne sommes pas d'accord sur ce point, & vous me mettriez dans une fausse position, moi qui me vante d'avoir été, comme éditeur, (& de continuer à l'être dans l'avenir) le petit porte fanion du naturalisme.
Du reste la question n'a rien à voir dans notre XVIIIe siècle. 
3° Je ne me monte nullement le coup, & connais, comme vous, par expérience, l'indifférence de notre époque en matière de librairie. C'est pour cela que je fais la chose modestement, & que je ne commence qu'avec 16 pages de texte par numéro.
Je ne désespère toutefois pas de réunir mes 500 abonnés dès la première année, lorsque je considère que j'ai eu toujours pour mes livres réimpressions du XVIIIe siècle, un minimum d'acheteurs égalant ce nombre.
Mais je suis convaincu que je ne ferai jamais de cette publication une affaire d'argent, mes prétentions ne vont pas jusque là. Faire mes frais, c'est tout ce que je demande. Je fais cette entreprise par amour de la bibliophilie. C'est tout.
Donc, mon cher Uzanne, c'est convenu, n'est-ce pas ? J'attendrai votre copie pour le 15 ou le 20 février (?) - & je vais m'occuper avec ardeur du lancement de mon premier numéro. Annoncez-le donc, si vous le voulez bien, dans votre prochain numéro du Livre ? 
Cordialement à vous ! 
Henry Kistemaeckers


Lettre VII.


Bruxelles, le 14 février 1887. 
Mon cher Uzanne, 
A la veille du 15 février, je viens vous rappeler votre promesse : votre "Causerie frontispice" pour mon XVIIIe siècle. Le numéro est composé, je n'attends plus que vous.
Voici du reste l'illustration de 1ère page dans laquelle votre causerie sera encadrée. Dans le tirage définitif, je ferai pâlir un peu les couleurs, trop vives sur la présente épreuve tirée à la hâte. 
Je suis surpris de voir que l'affaire s'annonce si bien. Je reçois pas mal de souscriptions, & pourtant je n'ai encore envoyé qu'un millier de prospectus.
Il est bien vrai de dire que j'ai commencé par envoyer ces prospectus au "dessus du panier" de ma clientèle. 
Quand pourrai-je m'attendre à recevoir votre copie ? - Ce premier numéro sera envoyé gratuitement à tous les libraires, & à pas mal de bibliophiles. 
A propos, vous seriez bien gentil de me donner les adresses des membres de la Société des bibliophiles dont vous faites partie. Ils sont 20 je crois ? - 
Très cordialement votre tout dévoué 
Kist. [Henry Kistemaeckers] 
Vous savez que nous avons enfin reçu le frontispice Rops - Jean d'Ardenne ? (1) Il est superbe. Le livre paraitra dans 8 jours. Annoncez vous le XVIIIe siècle dans votre "Livre" ?
(1) Jean d'Ardenne, Notes d'un vagabond. Bruxelles, H. Kistemaeckers, 1887. Jean Dommartin dit Jean d'Ardenne sera un ami intime de Félicien Rops comme d'Octave Uzanne. Comme Octave Uzanne il fut un grand amateur de voyages.

* * * *

Note sur le libraire-éditeur Henry Kistemackers et Octave Uzanne.

Octave Uzanne ne sera pas toujours très tendre avec les productions souvent licencieuses du libraire-éditeur Henry Kistemaeckers (voir notre billet consacré au Livre d'Heures satyrique et libertin publié en 1888). Cependant les deux hommes semblent-ils s'apprécieront au point de collaborer à plusieurs reprises. Ces lettres nous parlent de la Causerie d'Octave Uzanne pour le XVIIIe siècle galant et littéraire (1887) mais il faut également citer l'édition de la Correspondance de Madame Gourdan (Bruxelles, Kistemaeckers, 1883) qui fut tirée in-8 à 777 exemplaires. Par ailleurs les trois seules pièces érotiques en vers publiées par Octave Uzanne se trouvent dans le Nouveau Parnasse Satyrique publié par Kistemaeckers en 1881. D'après les lettres ci-dessus nous voyons qu'Octave Uzanne était devenu depuis le lancement du Livre en 1880 un relais presque obligé pour les libraires-éditeurs qui souhaitaient faire connaître leurs publications tirées à petit nombre.

Bertrand Hugonnard-Roche

samedi 10 août 2019

"Ces ineptes parodies de livres saints ne sauraient être du goût que de commis voyageurs de dernier ordre" Octave Uzanne, à propos du Livre d'heures satyrique et libertin publié par Henry Kistemaeckers (1888).


"L'éditeur Kistemaeckers me fait tenir un livre curieusement imprimé, avec encadrements polychromes, sous le titre le Livre d'heures satirique et libertin. Il m'est pénible d'être désagréable à l'actif et aimable éditeur belge, mais, sans professer des sentiments trop orthodoxes en matière de dévotion, j'avoue que cette singulière compilation ne me paraît que lourdement grossière, niaise et dépourvue de tour sel, à quelque point de vue qu'on se place. Ces ineptes parodies de livres saints ne sauraient être du goût que de commis voyageurs de dernier ordre, et je n'insisterai point sur cette publication. Que Kistemaeckers me le pardonne ! O. U. [Octave Uzanne, in Critique littéraire du mois, Le Livre, livraison du 10 juillet 1888]."

Il n'y aura pas d'autre compte rendu pour ce livre dans les colonnes de la revue d'Octave Uzanne Le Livre, ni par lui, ni par un autre de ses collaborateurs. On peut imaginer que l'éditeur Henry Kistemaeckers ne fut pas ravi de ce petit entre-filet négatif à l'encontre d'un livre qui venait d'être imprimé. On sait que Kistemaeckers demandait régulièrement à Octave Uzanne de dire quelques mots de ces dernières productions imprimées. Dans ce cas, il semblerait que la demande ne fut pas reçue avec tous les égards auxquels il aurait pu s'attendre de la part d'Octave Uzanne.

Nous donnons ci-dessous la suite des 16 encadrements différents qui composent ce pastiche érotique de livre d'heures. A vous de juger de l'intérêt de ces illustrations miniatures tirées en différentes couleurs. Le prix du livre était de 40 francs (somme très importante pour un livre à l'époque). A noter que cette suite d'encadrement a été imprimée dans deux tons/coloris différents, ce qui donne l'impression (assez franche) que tout le livre est composé d'encadrements tous différents. Ces encadrements ne sont pas signés et à ce jour aucun nom d'illustrateur n'a été avancé. Il faudrait sans doute chercher parmi les collaborateurs vignettistes réguliers d'Henry Kistemaeckers. Le volume a été imprimé sur les presses de Vanbuggenhoudt imprimeur 49, rue d'Isabelle, à Bruxelles. Ce livre n'a donc rien de clandestin ; il est même tout ce qu'il y a de plus officiel et déclaré. A noter, pour la petite anecdote que sur la couverture en parchemin végétal blanche où le titre est imprimé en caractères bleus au centre, on peut lire "Livre d'heures satyrique" tandis que sur la page de titre de l'ouvrage on lit "Livre d'heures satirique". Erreur volontaire ou involontaire ? Je vous laisse juge. Les mots ont un sens.









L'anticléricalisme déployé en image et en texte à chaque page de ce petit bréviaire à l'usage des libertins a certainement effrayé Octave Uzanne, directeur du Livre. Celui-ci n'ayant certainement pas voulu appuyer de son soutien un livre qui aurait pu lui faire perdre une clientèle de (sinon dévots pour le moins) personnes attachées au respect de la religion.

Nous reparlerons très prochainement des relations entre Octave Uzanne et l'éditeur belge Henry Kistemaeckers.

Bertrand Hugonnard-Roche


samedi 3 août 2019

"Je suis, moi aussi, un sylvain, un amoureux des grandes forêts, près desquelles j'ai vécu et voudrais prendre retraite." Octave Uzanne à André Mary, 29 mai 1907.

Coll. Bertrand Hugonnard-Roche, acquisition août 2019


* * *


"Paris ce 29 mai 07 [1907]

Cher monsieur,

Merci pour l'envoi des "Profondeurs de la forêt". Le mal qui me tient, depuis plus d'un mois, une broncho-pneumonie, m'a donné les loisirs de lire votre ouvrage et de vous témoigner du plaisir que j'y trouvai.

Je suis, moi aussi, un sylvain, un amoureux des grandes forêts, près desquelles j'ai vécu et voudrais prendre retraite. J'ai donc particulièrement goûté votre livre de poëte et suis heureux de pouvoir vous le dire.

Mes souvenirs bien sympathiques

Octave Uzanne" (*)

(*) Cette lettre est adressée à André Mary (1879-1962). Comme Octave Uzanne, André Mary était d'origines bourguignonnes. Poète, amoureux de la poésie anciennes, il contribua à de nombreuses revues littéraires. On lui doit notamment les Symphonies pastorales (1903), Les Sentiers du Paradis (1906), Les Profondeurs de la Forêt (1907), Le Cantique de la Seine (1911), Le Doctrinal des Preux (1919), Le livre des idylles et passe-temps (1922), Rondeaux (1924), etc. Au moment de l'envoi de cette lettre Octave Uzanne est malade depuis plus d'un mois (sans doute depuis fin mars ou début avril 1907). On sait par la chronologie que nous avons pu établir qu'Octave Uzanne partira de juin à novembre 1907 pour se reposer et retrouver une certaine sérénité physique et morale au coeur de la forêt de Barbizon (lire à ce sujet notre article Parenthèse Barbizonnienne (juin à novembre 1907) - Première partie.). Par ailleurs nous avions publié plusieurs articles concernant cette période de santé fragile, notamment à travers les courriers qu'il envoyait alors à son frère Joseph. Voir les articles de la chronologie se rapportant à l'année 1907. Nous savions l'amour d'Octave Uzanne pour les forêts et leur calme. Son penchant mélancolique pour ne pas dire dépressif s'acclimatait parfaitement aux silence bruyant des arbres centenaires.

Bertrand Hugonnard-Roche

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...