vendredi 31 janvier 2014

Appel aux chercheurs ! Nous recherchons le manuscrit de Le Doux Plaisir d'être vieux, par Octave Uzanne.


Appel aux chercheurs !

Nous recherchons le manuscrit de Le Doux Plaisir d'être vieux, par Octave Uzanne.

Cet ultime ouvrage d'Uzanne n'a apparemment jamais été publié.

On en trouve la trace dans l'article de Georges Normandy intitulé "Les Ex-Libris", publié dans A.B.C. Magazine d'art, numéro de mai 1926, p. 146 :

"Enfin, quand on arrive au soir de la vie, quand toutes les passions sont éteintes, quand la vigueur est partie, quand les amitiés sont défuntes, l'amour du livre console de tout, peuple le vide des heures, enchante, en un mot, la vieillesse qu'il fait reculer. C'est ainsi que le maître écrivain Octave Uzanne, qui est aussi un illustre bibliophile, peut entreprendre à soixante-treize ans d'écrire, après cinquante ouvrages, un livre précieux entre tous qu'il intitule : Le doux plaisir d'être vieux." [sic]

Jean-Paul Fontaine / Bertrand Hugonnard-Roche

mercredi 29 janvier 2014

Octave Uzanne "humoriste" et "grave docteur es sciences amoureuses" dans son Paroissien du Célibataire (1890), par Paul Ginisty (L'année littéraire 1891)



Frontispice pour le Paroissien du Célibataire
Octave Uzanne devant le grand livre ...
Voici ce qui semble être le compte-rendu le plus complet du Paroissien du Célibataire publié par Octave Uzanne, commencé en 1887 et achevé d'imprimer le 10 décembre 1890. Ce texte a été publié dans L'Année littéraire de Paul Ginisty (*) pour l'année 1891 (publiée en 1892)

"Ne dirait-on pas, écrit le vénérable auteur chinois de la Matrone du pays de Soung, que deux personnes ne s'unissent ensemble que par un reste de haine conservée d'une vie précédente, et qu'elles ne se cherchent dans le mariage qu'afin de se maltraiter le plus longtemps qu'elles peuvent ?" L'humoriste qu'est Octave Uzanne paraît être de cet avis, et il vient de se plaire à une apologie philosophique du Célibat, à grand renfort de subtils arguments et, parfois, d'ingénieux paradoxes. Vous entendez bien qu'il s'agit là du célibat réfléchi, appuyé sur toutes sortes de raisons, sur une conception raffinée de la vie, et pratiquée comme un art. M. Uzanne, grave docteur ès sciences amoureuses, n'entend parler, en un mot, que des célibataires "par prédestination", de ceux qui sont trop indépendants pour emprisonner leurs fantaisies, et qui estiment qu'on ne peut soutenir la sublime ivresse de l'amour que dans l'absolue liberté de l'union et le mystère profond des bonheurs clos et calfeutrés.
C'est un gros traité de dialectique sentimentale, nourri d'aphorismes souvent piquants, développés avec une grâce légère, en dépit d'une abondance de néologismes qui donnent, par badinage, une apparence scientifique à ces démonstrations.
Pour commencer, M. Uzanne trouve une étymologie imprévue à ce mot de célibataire qui exprime, selon lui, l'état le plus heureux du monde, par le fait qu'il implique une parfaite sérénité d'esprit. C'est, non du grec, ainsi qu'on le pense communément, qu'il veut qu'il dérive, mais du mot latin coeli beatudo, bonheur du ciel, et feignant la conviction, il s'applique à appuyer, sur de bons motifs, cette opinion hasardeuse.
Ceci dit, une physiologie du célibataire s'imposait et M. Uzanne ne manque point de la donner. Le célibataire est un sage qui "canalise" tout le génie qui bouillonne en lui dans une merveilleuse ordonnance de sa vie. Cette vie habilement conduite, avec l'ensemencement suffisant du hasard, deviendra pour ce délicat affiné un roman réel plus captivant, plus mouvementé que la plus invraisemblable des fictions. Dès lors, le pla mariage ne peut lui apparaître (n'oubliez pas que je ne fais que résumer le portrait tracé par M. Uzanne !) que comme "une basse-fosse" sans issue, sans courant d'air d'intellectuel, sans plafonnement d'azur, où l'homme qui s'est laissé choir se trouve, quelles que soient sa puissance, sa force de volonté et sa dextérité morale, fatalement lié, ligotté, désarmé comme un lion de ménagerie dont on a étouffé l'impétuosité, rogné les griffes et coupé les incisives.
Le célibataire, digne de ce titre, est "né amant" ; il est, d'instinct, épris de l'amour comme d'un art ou d'une religion ; il a le noble orgueil d'adorer et d'envelopper la femme d'amour mieux que personne, de se donne à elle dans la réalité et dans le rêve, de réaliser ses caprices, d'avoir la puissance de se métamorphoser, tout en restant glorieusement individuel. "Etre amant, c'est héroïfier ses sentiments, se sentir jeune, plein de bravoure, et comme sacré par un mystérieux sacerdoce ; c'est se croire armé par l'étude constante de la femme contre cette exquise ennemie naturelle qui n'est réconciliable que par l'amour."
Balzac a énuméré les raisons pour lesquelles un homme se mariait. M. Uzanne, lui, s'amuse à prendre la contre-partie de ces raisons et à les tourner au profit du célibat, et ces développements, quelque peu alambiqués, sont plaisants. Mais parmi ces mortels heureux qui pratiquent l'amour libre, il s'agit de distinguer entre l'"homme à femmes" et le "féministe". Distinguons donc, pour suivre notre subtil conférencier. Ce sont là deux races.
L'"Homme à femmes", qui est le type le plus fréquent du célibataire, est un gourmant et non un gourmet. Il n'a qu'un médiocre souci de la culture délicate des proies qu'il convoite ; il est prompt à l'attaque et résolu à la poursuite. Aussitôt sa vanité satisfaite, il porte son activité vers de nouvelles espérances ; il va du désir englouti dans la possession au désir renaissant pour un objet nouveau. Il est, pour son sexe, ce que la "caillette" est pour le sien. Hélas ! il plaît plus généralement que les affinés qui se livrent moins, qui sentent, auprès de la femme, cette exquise torpeur sentimentale qui paralyse les amoureux vraiment émus.
Mais le "féministe" est autrement délicat, et M. Uzanne se sert, pour se faire bien entendre, d'une comparaison. Avoir des femmes en grand nombre, augmenter ses passades, est aussi aisé que de multiplier les fagots de son foyer. La difficulté, le raffinement, c'est d'user le moins de fagots possibles, et, par l'art de tisonner, de faire feu qui dure, sans que le brasier d'amour, à force de vous chauffer, en arrive à se consumer vite et à se refroidir aussitôt. Le féministe n'admet pas les feux de paille. Il n'entre pas dans l'amour sans façon comme dans un moulin ; il  n'est pas pressé, il aime la femme en virtuose, il épuise toutes les jouissances de chaque degré qu'il franchit. Ce n'est pas lui qui prendra brutalement la femme à sa première faiblesse, dans la banalité d'un subit abandon ! Il apporte les plus galantes fioritures du sentiment à sa marche nuptiale, dans le désir artiste de donner à la finale largeur émue des mélodies enchantées qui accompagnent les apothéoses d'amour.
Le féministe connaît toute la femme : il sait ses désirs, ses astuces, ses révoltes, ses curiosités, ses inconséquences, ses coquetteries, ses sacrifices, en un mot, tous les contrastes. Quoi que puisse faire la femme, il la dépiste, l'étonne, l'amuse, la délecte, la chagrine et la console, en lui faisant douillettement sentir qu'il la tient, qu'il la possède à fond et qu'il est d'autant mieux son maître qu'il ne s'impose à elle par aucune autre loi d'attache que celle d'amour. Il y a bien de l'esprit dans toutes ces définitions de M. Uzanne, qui, assez dédaigneux de l'homme à femmes et apologiste ardent du féministe, comme s'il comparait du strass à du diamant, émet, en guise de conclusion, cet aphorisme : "En amour, le nombre des femmes successivement aimées par un même homme est en raison contraire de la supériorité morale et amoureuse de cet homme. Plus l'amant s'élève au-dessus de la norme, plus il isole ses conquêtes, plus il les gagne ou il les assujetit profondément, et mieux il les conserve."
Je ne puis suivre M. Uzanne dans toutes ses originales argumentations. Il étudie le célibataire dans toutes les dispositions savantes de son existence, sachant tout raffiner, qu'il s'agisse de son intérieur, aux heures apaisées, ou qu'il choisisse ingénieusement les décors qui se doivent harmoniser avec ses dispositions d'esprit et ses fantaisies. Il le montre, avec complaisance, libre, maître de soi-même, ignorant les ennuis et les satiétés, ayant le loisir d'être un philosophe, augmentant sans cesse, par l'expérience, le champ de ses sensations, - et le ton léger de ce badinage psychologique se soutient sans effort, le plus galamment du monde. Ce n'est pas le moindre mérite de ces abondantes variations d'un abstracteur de quintessence.

Paul GINISTY
L'Année Littéraire (1891)




(*) Paul Ginisty (Paris, 4 avril 1855 - Paris, 5 mars 1932) écrivain, chroniqueur et journaliste français. Chroniqueur régulier à la revue Gil Blas, il y fait la connaissance de Guy de Maupassant qui lui dédiera la nouvelle Mon oncle Sosthène. De 1896 à 1906, il est directeur du Théâtre de l'Odéon, puis devient inspecteur des monuments historiques. (source Wikipédia, consulté janvier 2014)



Illustration par Gaujean pour le Paroissien du Célibataire
Octave Uzanne représenté à son bureau, entouré de muses dénudées ...


Déjà publié sur ce blog - A lire ou à relire sur le même thème :

- Le Paroissien du Célibataire (1890) : l'exemplaire Octave Uzanne relié par Petrus Ruban avec de nombreuses pièces ajoutées (n°446 de la vente du 3 mars 1894 / n°71 de la vente du 16 décembre 2008).

- Octave Uzanne prend le contre-pied d'Honoré de Balzac pour défendre le célibat. Paroissien du Célibataire (1890). "Le Paroissien du Célibataire, c'est, pour plaisante que paraisse l'antithèse, le manuel de l'Amour libre" écrit Uzanne dans ce livre.

- Octave Uzanne fut-il l'homme d'une seule femme ? - Le Paroissien du Célibataire (1890) et ses secrets intimes.

- « C'est le christianisme qui a créé la femme maléficieuse et tentatrice [...] »

- Octave Uzanne, les femmes et l'amour.

- Fiche de libraire : Le paroissien du célibataire (1890). Exemplaire du relieur Carayon sur Whatman avec envoi (catalogue Pierre Berès, n°349 - mai 1986).

- La chambre du célibataire Octave Uzanne et son paroissien (1890).

- "à Philippe Gille sans espoir de le convaincre mais avec la conviction d'espérer une fanfare Figaresque. Son ami Octave Uzanne" (1890)

mardi 28 janvier 2014

Octave Uzanne et la Villa Andréa ou Villa Mariani (1906-1910) à Valescure (St-Raphaël) chez Angelo Mariani.



St-Raphaël-Valescure - Villa Andréa ou Villa Mariani
Vers 1910

Octave Uzanne passa plusieurs hivers et printemps à St-Raphaël entre 1907 et 1910, pour ce que nous en savons grâce au dépouillement de la correspondance qu'il entretient alors régulièrement avec son frère Joseph resté à Paris. Angelo Mariani, le propagateur du célèbre vin éponyme à la Coca, possède sur les hauteurs de St-Raphaël, à Valescure (aujourd'hui rattaché à la commune de St-Raphaël). Mariani s'est fait construire une jolie petite villa que l'on peut voir ici prise en photographie vers 1910. Octave Uzanne y séjourna à plusieurs reprises lorsqu'il logeait non loin à l'hôtel Beau-Rivage sur le front de mer à St-Raphaël. Joseph Uzanne y est venu de nombreuses fois également, puisque son "patron" n'était autre que le fondateur-propriétaire de l'Album Mariani ou Figures contemporaines, dont il était le Directeur de la publicité tout aussi bien que le Secrétaire et rédacteur en chef.
Voici quelques passages extraits de la correspondance (Fonds Y. Christ, Archives de l'Yonne à Auxerre) dans lesquels est évoqué le nom de la Villa Andréa ou Villa Mariani :

"Angelo déjeune aujourd’hui chez les Khune (?) – demain : P.P.C j’irai déjeuner à la villa Andréa où sera le père Lumière pour un jour. Lundi, j’irai sans doute à Nice chez les Cheret, angelo étant engagé – ce qu’il regrette fort – à déjeuner chez les Bouloumnié qui ont invité aussi les Bertnay." (St-Raphaël, 12 mars 1906)

"J’ai eu enfin hier de tes nouvelles – j’espère que tu me les continueras aussi bonnes jusques à ta venue ici – Puisque Mariani s’arrête en route, tu ferais sagement, toi, de filer le lundi 20 au soir, ou même le dimanche matin 19 janvier et de venir t’installer un peu à l’avance afin de te trouver déjà bien reposé pour l’arrivée de tout ce monde toujours bruissant – plus tu te donneras du temps et boiras d’air, mieux ça vaudra – puis, si tu venais avant la bande marianique, nous pourrions nous voir en paix – enfin tu décideras. Je suis allé vendredi, après-midi, me procurer à la villa Andréa, pour y cueillir quelques fleurs avec Louise ; j’ai vu la femme Ramello, maris, avec son fils idiot, et l’autre, le second, abîmé par la coqueluche, le 3e était au loin – Ramello est venu peu après, mais il n’y avait plus de fleurs, à peine, tout ayant été expédié à la mère Chapuzot, le matin en colis de 5 kilos. Ce que cette idole en consomme ! J’ai trouvé ces italiens, homme et femme, comme tous les italiens, obséquieux et faux – Je ne retournerai pas d’ailleurs à la ville avant qu’Angélo y soit – Ces italiens ont l’air gênés ; ils doivent vendre toutes les fleurs qu’ils n’envoient pas à l’oie grasse de la rue de Castiglione. – Ils sont là plus chez eux que le maître lui-même – je ne puis voir ces italiens sur la côte, jardinant partout, et Ramello ne me revient pas plus que le Cotta de Rochard ou le Henrico des Bertnay – Tous fourbes – Quelle différence avec les braves gens de notre pays !" (St-Raphaël, Dimanche 15 décembre 1907)

"A propos de Mariani qui arrivera ici avant toi : mon intention est de le laisser bien tranquille à la villa Andréa, s’installer avec son monde et de ne le voir qu’à ton arrivée seulement, à moins qu’il ne vienne me voir en promenade un matin – tu me diras si cette façon réservée d’agir, de ma part, peut être appréciée par lui ou si tu penses que je doive me trouver à la gare pour saluer S. M. Coca 1er – Si oui, et s’il arrive à des heures diurnes, je ferai en sorte d’être protocolaire, mais je préfère m’abstenir jusqu’à ce que tu sois vaslescureux." (St-Raphaël, Samedi 18 janvier 1908)

"Santelli part fin de la semaine, dit-il. Chéret m’écrit qu’il ne peut nous recevoir Mariani et moi que lundi prochain à Nice avec Mme Stern, ses enfants, les préfets etc. Angélo à qui je téléphone d’abord ravi d’être libre samedi et qui, je le pensais, allait décliner pour lundi, veille de mon départ, l’invitation des Cheret, me semble hésiter devant le menu des préfets, de Mme Stern etc – Il se décidera sûrement, je le crois. Peut-être retardera-t-il son retour. Par téléphone il m’apprend que Paoli vient d’arriver ce matin à la villa Andréa, venant de Paris, affaire curieuse qu’il ne peut confier au téléphone et qu’il me dira ce soir vers 4 h à la gare ; le dit Paoli allant à cette heure là vers Cannes." (St-Raphaël, Mercredi 11 mars 1908)

"Ce matin, je n’ai pu aller à Valescure, Mariani, à qui j’ai fait téléphoner, est venu me serrer la main en conduisant le Père Lumière à la gare (il y passe sa vie) pour le train de 10 h 58. Il y devait retourner à 1 h pour les Santelli qui ne « dépiquassiettent » qu’aujourd’hui." (Vendredi 13 mars 1908)

"Mon chéri, je sais que les valets du cirque Angélo sont déjà arrivés pour dresser la tente et que le fidèle Paul Séquier attend le patron jeudi à 1 h – je serai à Cannes, mais j’écris un mot à Angélo à la villa Andréa – je lui annonce la mort du pauvre Lord Amherst survenue à Londres dans la nuit de samedi à dimanche, et que le brave Lacreusette, me vint annoncer – je lui donne l’adresse de la famille Amherst à Londres pour qu’il y envoie ses condoléances." (St-Raphaël, Mardi 19 janvier 1909)

"Le mauvais temps est venu hier samedi après midi, pluie orageuse et petite bourrasque, ce matin dimanche ciel chargé, pluie intermittente – je vais vois si je vais déjeuner à Valescure – si ce n’était toi et la peur de paraitre dédaigner la maisonnée villa Andréa, ce que je plaquerais tout cela avec quiétude et joie – Enfin, je vais essayer de fréter une voiture couverte et d’y aller." (St-Raphaël, Dimanche 7 mars 1909)

"Déjeuné dans l’ignoble turne de l’hôtel des Etrangers où sont les Davey, à 1 h ¼ je prenais le train pour le Cap St Jean où je voyais Dommartin – Sa femme beaucoup mieux et d’autres belges – à 3 h je reprenais le train à Beaulieu, m’arrêtais une heure à Nice et j’étais de retour à 6 h à St Raphaël où je trouvais le père Lumière arrivant par le même train et qui a du coucher à la villa Andréa et repartir ce matin à 9 h pour la Ciotat." (St-Raphaël, Vendredi 12 mars 1909)

Ce ne sont que quelques exemples puisque toute la correspondance que nous avons est truffée de références à des séjours et invitations à déjeuner à Valescure à la Villa Andréa. Nous y reviendrons prochainement.


Bertrand Hugonnard-Roche

lundi 27 janvier 2014

Frontispice d'après le dessin de Daniel Vierge et gravé à l'eau-forte par Frédéric Massé, pour les Contes de la XXe année par Octave Uzanne. Etat avant la lettre (partiel), non terminé, sur Japon.



Frontispice d'après le dessin de Daniel Vierge et gravé à l'eau-forte par Frédéric Massé,
pour les Contes de la XXe année (1896) par Octave Uzanne.

Etat définitif sur papier vélin blanc.


J'avais consacré un billet l'an passé à L'Ecole des Faunes, Fantaisies muliéresques. Contes de la Vingtième Année (1896). Exemplaire unique avec le frontispice colorié. Une découverte récente nous permet de compléter ce premier billet en vous exposant un état du frontispice sur papier du Japon. Cet état est avant la gravure du texte dans le cartouche supérieur, qui contiendra dans l'état définitif, gravé en blanc sur fond noir : L'ÉCOLE DES FAUNES // COMÉDIES MULIÉRESQUES ; et avant le texte dans l'encart de gauche : A // FAUNOPOLIS // L'AN // 1896. On sait d'après le justificatif du tirage qu'il a été fait un tirage à 40 exemplaires seulement sur Japon royal (en plus du tirage à 660 exemplaires sur vélin satin d'Ecosse. J'ai trouvé cette estampe vendue "seule". La voici.


Frontispice d'après le dessin de Daniel Vierge et gravé à l'eau-forte par Frédéric Massé,
pour les Contes de la XXe année (1896) par Octave Uzanne.

Etat avant la lettre (partiel), non terminé, sur Japon.

Coll. B. H.-R., 2014

mardi 21 janvier 2014

Une entrevue : André Salmon et Octave Uzanne, Quai Voltaire. Octave Uzanne fétichiste !


Pour en apprendre encore davantage sur Octave Uzanne il faut fouiller, fouiller et fouiller encore : dans les journaux littéraires, les témoignages, les souvenirs publiés dans le monde des lettres qui concernent son époque, c'est à dire la fin de siècle mais également la belle époque.
C'est un peu le hasard qui nous a mis sur la piste des Souvenirs sans fin (*) d'André Salmon. Ces souvenirs qui s'étalent sur la période 1903-1940, ont été publiés entre 1955 et 1951 en trois volumes, chacun concernant une époque. "La Première époque (1903-1908), écrit Jacqueline Gojard, c'est le temps des rencontres décisives avec Apollinaire, Max Jacob et Picasso, des déambulations nocturnes entre La Closerie des Lilas et le Bateau-Lavoir, et des débuts littéraires parrainés par quelques aînés de la génération symboliste, comme Paul Fort, Alfred Jarry et Jean Morréas." C'est cette époque qui nous intéresse ici, puisque c'est à l'hiver 1903 (vers le 10 décembre 1903) que le jeune André Salmon rend visite au maître Octave Uzanne "pour conseil littéraire". Salmon en sera pour ses frais et repartira avec une fin de non recevoir pour ses vers trop "personnels" ...


André Salmon
(1881-1969)
Salmon nous offre ici quelques passages très intéressants quant à l'intérieur d'Octave Uzanne, intérieur de son appartement du 17, Quai Voltaire, que nous avions déjà visité ici en compagnie de Jean Lorrain (article que je vous invite à lire ou à relire). Uzanne par ailleurs nous avait fait lui-même la visite de son appartement agrémentée de deux photographies originales des lieux (à lire ou à relire également). Mais André Salmon lève un autre pan du voile ... Octave Uzanne fétichiste !

Lisez plutôt :

"En cet hiver 1903-1904 j'avais vingt-deux ans ; je venais de quitter le régiment, en position de réforme temporaire. Mes Souvenirs sans fin commencent donc, ici, à cette date" écrit André Salmon



"Aquafortiste, mon père avait gravé pour divers éditeurs parisiens. Il me suggéra de rendre visite à Octave Uzanne, conseiller littéraire d'une des plus vieilles maisons. J'ai dû parler familièrement de tout cela à André Billy et c'est ce qui l'aura incité à me qualifier "gosse d'artiste" en traçant un amical portrait de moi au long d'un de ses feuilletons de L'Oeuvre. Et ça aussi c'est vieux ; vieux de trente ans.
Octave Uzanne ! Cet auteur habitait des hauteurs. Au faîte d'une belle maison du quai Voltaire. Une porte de fer forgé défendait l'accès du palier. Mais c'était une barrière pour rire comme celle, en bois et c'est toute la différence, que se posent les clowns sur la piste de Médrano ou du Cirque d'Hiver. On sonnait pour son propre plaisir, après quoi l'on ouvrait à soi-même pour se voir enfin devant une bonne et vulgaire porte en vrai bois, bourgeoisement peinte en faux bois ; une de ces portes qui seules donnent confiance aux propriétaires aussi bien qu'aux plus artistes des locataires.
C'est Octave Uzanne en personne qui me vient ouvrir cette porte.
Ah ! qu'une fois encore j'eus donc du plaisir !
Polygraphe à qui l'on doit L'Art et les Idées (sic), Bric-à-Brac de l'amour, une Chronique libertine ; Son Altesse la Femme et autres bouquins savants et galants qui lui valurent la réputation d'un disciple un peu cochon des Goncourt qui en ont tout de même enfourné de raides dans leur Journal, Octave Uzanne au nom chantant portait à peu près l'âge de Jean Richepin. Il comptait à cette promotion littéraire - Jean Aicard compris - qui eut la barbe brève et les cheveux frisés, en turban. Avec celui-là, la prose empruntait le monocle d'Alphonse Daudet, dont la façon d'être chevelu parut celle de Pezon le père, le fier dompteur.
Un dernier obstacle en fer forgé restait à franchir. Il fallait prendre garde à ne pas heurter la chaise à porteurs ou bousculer la chaise percée historique. Dans une coupe, des éventails précieux se mêlaient aux cartes de visite gravées des plus beaux noms. Le maître rangeait ses cigares dans un gant de Marie-Antoinette. L'abat-jour de la lampe à pétrole se constituait d'un fond d'ombrelle de Mademoiselle, sœur de Monsieur.
Octave Uzanne m'écouta avec beaucoup de patiente bonté, brûla plus ou moins mes vers du feu de son monocle, après quoi, n'ayant réellement eu le temps de rien lire, il prononça :
- Monsieur, je ne sais pas pourquoi vous êtes venu me voir. Je vous gratifierai pourtant d'un bon conseil. Ces vers que vous composez, ces histoires qui vous sont personnelles, en quoi peuvent-elles, ces histoires, je vous le demande, intéresser le public ?... Tenez, les journaux signalent un tremblement de terre au Chili... six milles personnes sans abri... et des tas de morts... des morts en masse... Voilà un sujet ! (*)
Octave Uzanne n'avait pas radicalement tort. Il se peut - mais le pouvais-je admettre si tôt dans ma vie ? - que personne n'ait jamais radicalement tort, en tout, alors même qu'il en irait du plus stupide d'entre nous, stupide mais dont la machine à penser fonctionne. Il ne m'aura fallu qu'une première expérience de quinze ans, la guerre et des révolutions pour m'en convaincre. Ça m'a fait écrire Prikaz, L'Âge de l'humanité, Saint André, hors que me voici, s'il m'arrive de céder encore à cette sorte d'inspiration dont j'ai vainement tenté de me libérer, tout rendu aux effusions assez secrètes de ma jeunesse, dépassé que je suis par l'énormité de l'événement public. A l'époque ancienne à laquelle Octave Uzanne parlait pour moi, je ne pouvais qu'être agacé du ton et choqué par la vulgarité de la conclusion.
Et d'abord, qu'est-ce que je savais de son beau tremblement de terre, beau comme il y a de beaux crimes ? Est-ce que ça n'était pas une invention des journaux dont je ne pouvais prévoir que j'aiderais à leur confection en allant me rendre compte sur place des effets du tremblement de terre ou de l'attraction du crime ?
Ai-je besoin de préciser que mes relations avec celui qui par Le Gant, L'Ombrelle et Le Manchon poussa la galanterie érudite jusqu'au coupable fétichisme inclus n'allèrent pas plus avant ?
On se voudra demander, avec Octave Uzanne lui-même, ce que je venais chercher chez lui. C'est simple, trop simple. J'étais jeune, encore pas mal soldat Popoff, très candide, d'une candeur que, par faveur, je devais user, brûler en assez peu de jours. Je ne connaissais personne, depuis si peu tombé de Russie où je suivis les miens en 1897 - "Cent soixante-dix kilos d'exédent de bagage pour Saint-Pétersbourg... Envoyez !..." Les lampes voilées de bleu des wagons sans couloir... l'aurore minéralogique sur Charleroi la nuit... le goût si doux de ficelle du café au lait au buffet de Cologne... - tombé, dis-je, de cette Russie en des Saint-Mihiel et des Rouen martiaux pour aboutir à des bords de Marne. Je me situais devant le paysage de la République des Lettres à peu près comme le croquant devant le plan du Métropolitain.
Que dis-je ? Il n'existait même pas de plan.
On se déniaise de diverses façons. Octave Uzanne m'a rendu service. Ainsi mon bien sincère merci ira-t-il à l'auteur sérieux de la Psychologie (sic) des quais de Paris, des Zig-Zag d'un curieux, et des Contes pour les Bibliophiles. [...]
Ayant relativement beaucoup écrit (comme le poète belge Albert Mockel disait ingénument et ingénieusement, quand même, de Stéphane Mallarmé) et écrit contre le voeu d'Octave Uzanne, en peu de semaines, dans une fureur d'écrire, dans ma première franche aurore de poésie, j'ai décidé la démarche au Mercure de France. Nous sommes en 1903 [...]

Le jeune André Salmon vient présenter ses vers au Mercure de France où il rencontre Adrien Van Bever et Paul Léautaud. Il écrit :

"Petit homme à lorgnon, lion menu, bénin, qui nous dupait par la crinière, Van Bever ne me laissa pas achever le petit discours ruminé tout au long du boulevard Saint-Germain. Pourtant je n'étais pas livré à un vulgaire Uzanne."

Van Bever pourtant réticent publiera finalement les vers d'André Salmon dans le Mercure de France quelques mois plus tard.

André Salmon écrit plus loin, à propos de sa rencontre avec le directeur de La Plume :

"On pensera qu'un jeune garçon allant proposer des vers inédits au directeur de La Plume ressemble trop à celui qui vient de déposer d'autres vers au Mercure de France. C'est inexact. Ils ne se peuvent ressembler. Le garçon que va si adroitement recevoir le directeur de La Plume a déjà passé par le grenier de luxe et tellement artistique du si comique Octave Uzanne. [...]"

Enfin, André Salmon écrit :

" [...] mon bon ami Octave Uzanne [...]

en évoquant les soirées de La Plume où se retrouvaient notamment Willy, Cazals, Dujardin, Maurras, Rebell, Lemonnier, et tant d'autres.

Ainsi Octave Uzanne conservait ses cigares dans un gant de Marie-Antoinette ! Première découverte d'ordre fétichiste. L'abat-jour de sa lampe à pétrole était fait du voile de l'ombrelle de Mademoiselle, sœur de Monsieur (frère du roi) ! Seconde découverte d'ordre fétichiste ! Tout dans la description faite par andré Salmon laisse supposer un appartement rempli d'objets "historiques", allant de la chaise à porteur au siège d'aisance ... Fin 1903, Octave Uzanne est âgé de 52 ans. C'est un peu avant et pendant ces années fin de siècle et début de siècle qu'li fréquente Jean Lorrain et son goût à l'esthétique prononcée. Par ailleurs Uzanne s'inscrit ainsi dans une mode finalement banale et bourgeoise d'accumulation des bibelots et autres objets historiques précieux. Que sont devenus le gant de Marie-Antoinette ? le voile d'ombrelle de Mademoiselle ? la chaise à porteur ? le siège d'aisance historique ? Nous donnerions beaucoup pour le savoir ...


Bertrand Hugonnard-Roche


(*) André Salmon, Souvenirs sans fin, 1903-1940. Nouvelle édition préfacée par Pierre Combescot. Gallimard, nrf, 2004 (réimpression en 1 fort volume des éditions de 1955, 1956 et 1961, en 3 volumes). pp. 31-33, 35 et 51 pour les passages cités.

(**) Le tremblement de terre dont il s'agit, compris dans l'hiver 1903-1904, ne peut être que celui du 7 décembre 1903 à Vallenar-Copiapo, capitale de la province de Huasco, dans la región de Atacama, au Chili. Ce tremblement de terre est répertorié dans les Publications du Bureau central séismologique international (1924, p. 12). Pour que l'information soit encore dans la tête d'Octave Uzanne lors de sa rencontre avec le jeune André Salmon, le tremblement de terre doit dater de quelques jours tout au plus. La rencontre Salmon-Uzanne dont il est question ici peut donc être datée des environs du 10 ou 15 décembre 1903. Uzanne est encore au 17, Quai Voltaire, dans son "grenier".

jeudi 16 janvier 2014

« à Octave Uzanne avec ma main amie, Blaise Cendrars » (avril - octobre 1931) « [...] Je ne connais pas Blaise Cendrars. Il m'intéresse parce que très original et d'une personnalité qui surpasse celle des écrivains courants - J'ai acquis Rhum et ne le regrette pas car cette physionomie de Galmot m'a passionné vivement. [...] » (7 avril 1931)



« à
Octave Uzanne
avec ma main (*)
amie
Blaise Cendrars »

Coll. B. H.-R. 2014


Dans une lettre datée du 7 avril 1931 (St-Cloud) qu'Octave Uzanne adresse à son ami Georges Maurevert et que nous avons publié dernièrement sur ce blog, on peut lire :

« [...] Je ne connais pas Blaise Cendrars. Il m'intéresse parce que très original et d'une personnalité qui surpasse celle des écrivains courants - J'ai acquis Rhum et ne le regrette pas car cette physionomie de Galmot m'a passionné vivement. [...] »

Blaise Cendrars
(1887-1961)
L'envoi autographe présenté ci-dessus se trouve apposé sur un exemplaire ordinaire de l'édition originale (mention fictive de 8e édition en couverture) de AUJOURD'HUI, recueil d'articles déjà parus ici ou là dans différentes revues ou livres. Ces textes de Blaise Cendrars écrits entre 1917 et 1931, sont regroupés ici en volume pour la première fois.
Blaise Cendrars offre ce volume à Octave Uzanne. Le volume a été achevé d'imprimer le 14 avril 1931, soit quelques jours seulement après qu'Uzanne n'ait écrit à son ami Maurevert qu'il ne connaissait pas Blaise Cendrars.
Début avril 1931 Octave Uzanne ne va pas bien. Il est dans sa quatre-vingtième année et a subi de nombreuses opérations et ennuis de santé depuis déjà plusieurs années. Il écrit ainsi à Maurevert dans la même lettre :

« Je compatis d'autant mieux, cher vieil ami, aux ennuis de votre nouveau séjour en clinique, que j'ai connu, avant de subir l'énucléation prostatique « en un temps », des mésaventures trop longues à narrer ici - mais vous dirais-je que la vie de clinique ne m'est pas hostile ; que je supporte à merveille l'alitement même prolongé et que rien n'arrête mon goût d'écrire. - en situation horizontale - je n'ai pas raté un article ni avant ni après opération et je n'ai connu l'impuissance d'agir de ma plume que cette dernière période de maux qui m'ont mis en obligation de renoncer à tout, car je fus aussi mort qu'on peut l'être, sans arrêt total du moteur, vidé de toute force. [...] Affectueux souvenirs, cher vieil ami. - Nous reverrons-nous jamais désormais ? Je crains que non, car je ne voyage plus. J'arrive au terme de mon transit, et je n'en suis pas fâché. Je n'ai plus rien à faire ni à dire qui m'exalte le moins du monde, la société actuelle m'est aussi étrangère que celle des Mèdes ou des Perses et j'ai vraiment envie de mourir tout comme on dit : « Je tombe de sommeil ». Bons vœux de restauration définitive et affectueuse pression de dextre de votre très cordial ami. »

Nous ne savons pas si finalement Octave Uzanne a pu finir par faire connaissance avec Blaise Cendrars ou s'il s'agit ici d'un simple envoi de formalité ou d'un service de presse ? On suppose néanmoins qu'Uzanne s'était au fil des années bien imprégné de l'oeuvre de Cendrars et que se dernier séduisait le vieil homme de lettre d'un autre siècle. Il est possible que l'envoi de Cendrars ait été fait plus tardivement dans l'année 1931 trouvant Uzanne presque agonisant. En effet, Octave Uzanne meurt le 31 octobre 1931 à St-Cloud vraisemblablement d'un affaiblissement général dû aux opérations chirurgicales répétées.


Bertrand Hugonnard-Roche


(*) Blaise Cendrars fait ici allusion à sa main gauche. Blaise Cendrars, de son vrai nom Frédéric Louis Sauser, est un écrivain français d'origine suisse, né le 1er septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel (Suisse) et mort à Paris le 21 janvier 1961. À ses débuts, il a brièvement utilisé les pseudonymes de Freddy Sausey, Jack Lee et Diogène. Dès l'âge de 17 ans, il quitte la Suisse pour un long séjour en Russie puis, en 1911, il se rend à New York où il écrit son premier poème Les Pâques (qui deviendra Les Pâques à New York en 1919). Il le publie à Paris en 1912 sous le pseudonyme de Blaise Cendrars qui fait allusion aux braises et aux cendres permettant la renaissance cyclique du phénix. En 1913, il fait paraître son poème le plus célèbre, La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France. Dès le début de la guerre de 14-18 il s'engage comme volontaire étranger dans l'armée française avant d'être versé dans la Légion étrangère. Gravement blessé le 28 septembre 1915, il est amputé du bras droit. Le 16 février 1916, il est naturalisé français. Écrivant désormais de la main gauche, il travaille dans l'édition et délaisse un temps la littérature pour le cinéma, mais sans succès. Lassé des milieux littéraires parisiens, il voyage au Brésil à partir de 1924. En 1925, il s'oriente vers le roman avec L'Or, où il retrace le dramatique destin de Johann August Suter, millionnaire d'origine suisse ruiné par la découverte de l'or sur ses terres en Californie. Ce succès mondial va faire de lui, durant les années 1920, un romancier de l'aventure que confirme Moravagine en 1926. Dans les années 1930, il devient grand reporter. Correspondant de guerre dans l'armée anglaise en 1939, il quitte Paris après la débâcle et s'installe à Aix-en-Provence puis, à partir de 1948, à Villefranche-sur-Mer. Après trois années de silence, il commence en 1943 à écrire ses Mémoires : L’Homme foudroyé (1945), La Main coupée, Bourlinguer et Le Lotissement du ciel. De retour à Paris en 1950, il collabore fréquemment à la Radiodiffusion française. Victime d'une congestion cérébrale le 21 juillet 1956, il est mort des suites d'une seconde attaque le 21 janvier 1961. L'œuvre de Blaise Cendrars, poésie, romans, reportages et mémoires, est placée sous le signe du voyage, de l'aventure, de la découverte et de l'exaltation du monde moderne où l'imaginaire se mêle au réel de façon inextricable. Le fonds d'archives de Blaise Cendrars se trouve aux Archives littéraires suisses à Berne. (Source Wikipédia)

mercredi 15 janvier 2014

"QUATORZE SENSATIONS D'ART SIGNÉES OCTAVE UZANNE" rassemblées et présentées par Bertrand Hugonnard-Roche. 8 euros l'exemplaire port compris en souscription jusqu'au 31 janvier 2014 - 10 euros ensuite. Tirage à 216 exemplaires seulement.



Les chèques de la souscription arrivent en masse ! pour :

"QUATORZE SENSATIONS D'ART SIGNÉES OCTAVE UZANNE"

rassemblées et présentées par Bertrand Hugonnard-Roche

Encore merci de votre confiance ! Et désormais vous savez le titre ! ...

Souscrivez à octaveuzanne@orange.fr pour 8 euros seulement l'exemplaire port compris (et vous avez le droit de souscrire pour plusieurs exemplaires !)

Le prix passe à 10 euros après le 31 janvier 2014.

Faites circuler cette information sur vos murs Facebook si cela vous dit.

Amitiés et remerciements à toutes et à tous pour vos gentils mots d'accompagnement, B.

Tirage à 216 exemplaires seulement.

200 exemplaires ordinaires à 8 euros.

15 exemplaires "luxe" à 30 euros avec un document original reproduit en fac-similé (souscrits)

1 exemplaire unique "luxe" avec un document original joint (souscrit)

samedi 11 janvier 2014

Souscription à tarif préférentiel pour le premier livre sur et de Octave Uzanne à paraître en février 2014 ! (valable jusqu'au 31 janvier 2014)



Souscription à tarif préférentiel pour le premier livre sur et de Octave Uzanne à paraître en février 2014 !

Voici quelques éléments ... je conserve encore un peu de mystère ... je vous en dirai plus très bientôt.

1 volume in-8 (format 148 × 210 mm.), broché, couverture couleur, environ 165 pages, quelques illustrations noir et blanc.

Tirage à 216 exemplaires numérotés et paraphés par votre serviteur.

200 exemplaires ordinaires
15 exemplaires sur papier luxe avec un document original reproduit en fac similé
1 exemplaire unique sur papier luxe avec un original autographe (souscrit).

Prix en souscription valable jusqu'au 31 janvier 2014 :

Exemplaire ordinaire (200) : 8 euros franco de port (10 euros franco ensuite)
Exemplaire de luxe (15) : 30 euros franco de port (35 euros franco ensuite)

Vous pouvez d'ores et déjà adresser votre souscription par chèque bancaire à :

Bertrand Hugonnard-Roche
14 rue du Miroir
21150 ALISE SAINTE REINE

(N'oubliez pas de mentionner LIVRE UZANNE FÉVRIER 2014)

Important : les souscriptions sont enregistrées dans l'ordre d'arrivée. Vous pouvez également souscrire par mail à octaveuzanne@orange.fr

En espérant que cet ouvrage remportera un vif succès !

Ce message est diffusé en parallèle sur notre page Facebook

A bientôt,
Bertrand Hugonnard-Roche

jeudi 9 janvier 2014

Le Symbolisme, Définition de ce nouveau mouvement littéraire, par Remy de Gourmont. Texte publié initialement dans la Revue Blanche (25 juin 1892) et republié par Octave Uzanne dans l'Art et l'Idée (20 juillet 1892).



LE SYMBOLISME (*)
__________

Définition de ce nouveau mouvement littéraire
_____________________

Les jeunes Revues méritent beaucoup d'attention, depuis quelques mois surtout. D'abord indécises au début, — la plupart ont été fondées il y a trois ans déjà, — on les voit peu à peu s'orienter, exprimer plus nettement leurs tendances, afficher plus noblement leurs ambitions intellectuelles et marcher vers un idéal d'art moins nébuleux et chaque jour plus distinct et plus attrayant.
Les jeunes hommes qui s'y manifestent ont assez souvent une grande valeur morale et un véritable et positif désir de transformisme basé sur des idées intéressantes et justes, qu'on aime à leur voir développer avec déduction et logique.
Dans les Entretiens politiques et littéraires, — une vaillante revue in-18 qui en est déjà à son quatrième volume, — Bernard Lazare et Paul Adam ont entrepris le bon combat contre tous les clowns littéraires du lieu commun et les gavés de succès grossiers : dans le Mercure de France, fondé par Alfred Vallette, en 1890, poètes, critiques, esthètes et fantaisistes se sont groupés en une brillante rédaction qui promet de fournir à la très proche littérature de demain les noms des plus estimés et les talents les plus sincères.
L'Ermitage, qui paraît également depuis environ trente mois avec Henri Mazel comme directeur (section imprimerie), comprend également une solide phalange de rédacteurs, parmi lesquels Adolphe Retté, Alphonse Germain, Stuart Merrill, Pierre Valin, Charles Morice, Henri de Régnier, etc. — La Plume, dans une note plus fantaisiste, se ploie avec souplesse à toutes les combinaisons ingénieuses de son fondateur-directeur, Léon Deschamps, qui a su s'entourer de toute la jeunesse spirituelle de l'heure actuelle ; les numéros spéciaux de la Plume sont généralement vivants et curieux et la collection de ce journal Jeune France sera très piquante par la suite, en raison de la variété de ses articles et de la gaîté de la chanson moderne dont ce journal semble être le conservatoire.
La Revue indépendante, qui évolue aujourd'hui sous la direction de M. Bonamour, contient des études remarquables de M. Camille Mauclair, de Maurice Baubourg, de Georges Lecomte, Charles Saunier et quelques autres.
La Revue Blanche, qui, jusqu'ici, a fait peu de bruit, mérite beaucoup de considération. Les Natanson, Lucien Muhfeld et Pierre Quillard y ont produit des pages savoureuses ; c'est de cette Revue Blanche, livraison du 25 juin, que nous extrayons aujourd'hui un article de M. Rémy de Gourmont, sur le Symbolisme, qui nous a particulièrement ravi par sa crânerie révolutionnaire, la hauteur des arguments et l'élévation des aperçus. M. Rémy de Gourmont, sans être un très jeune, est l'un des plus savants, des plus judicieux, des plus subtils parmi les écrivains nouveaux et nous reproduisons son étude sommaire avec d'autant plus de plaisir que depuis longtemps déjà nous suivons ses travaux avec un intérêt croissant, accordant à tout ce qui émane de sa haute cérébralité l'estime qui est due aux œuvres des penseurs indépendants et altiers.
Voici cet article, intitulé le Symbolisme :

On croit le moment bon pour le dire avec sincérité et avec naïveté : à cette heure il y a deux classes d'écrivains, ceux qui ont du talent, — les Symbolistes ; ceux qui n'en ont pas, — les autres.
Oui, selon de précédentes formules et selon une liberté différemment comprise, d'aucuns firent des œuvres ; mais ces aucuns-là ne sont-ils pas enfin périmés ? Et les coraux qu'ils sécrétèrent, les îlots qu'ils érigèrent, un flot nouveau ne vient-il pas, tel qu'un orageux raz de marée, les secouer, les désagréger et ne permettre qu'aux indestructibles de maintenir au-dessus de l'asphyxie leur tête fleurie ? Ils meurent, ils s'émiettent, ils se pétrifient, l'orage passe, sous une couche de silence, ils s'enfoncent lentement, ils descendent vers la géologie qu'ils vont devenir.
Ces débris d'inconscients et microscopiques travaux, à peine s'ils inspirent encore quelque respect (si on nous le permet) ou quelque curiosité à des passagers en promenade autour du monde, et les chefs de ces défuntes colonies (un peu animales, peut-être ?) ne sont plus du tout des chefs ; ils n'ont plus ni manœuvres, ni clients, patrons démodés, patriciens vieillis et sans influence, entrepreneurs de bâtisses entre les mains desquels et sous les yeux (les mauvais œils) desquels les moellons fondent comme les morceaux de sucre dans les romans de M. Daudet.
Les coraux rouges, nous les vîmes assez : qu'ils soient bleus !
L'un des éléments de l'Art est le Nouveau, — élément si essentiel qu'il institue presque à lui seul l'Art tout entier, et si essentiel que, sans lui, comme un vertébré sans vertèbres, l'Art s'écroule et se liquéfie dans une gélatine de méduse que le jusant délaissa sur le sable.
Or, de toutes les théories d'art qui furent, en ces pénultièmes jours, vagies, une seule apparaît nouvelle, et nouvelle d'une nouveauté invue et inouïe, le Symbolisme, qui, lavé des outrageantes signifiances que lui donnèrent d'infirmes court-voyants, se traduit littéralement par le mot Liberté et, pour les violents, par le mot Anarchie.
La Liberté en Art, nouveauté si stupéfiante qu'elle est encore et demeurera longtemps incomprise ; toutes les révolutions advenues jusqu'ici en ce domaine, s'étaient contentées de changer ses chaînes au captif et, généralement, c'était en de plus lourdes que les muait la douloureuse ingéniosité des novateurs. Mais les chaînes, c'est-à-dire des règles, des grammaires, des formules, cela convient au peuple de l'Art, composé d'une majorité d'enfants et de vieillards satisfaits — lit ou berceau — qu'un guide sûr les promène en petite voiture. Le haquet de Thespis brouetta ces résignés deux siècles durant; puis la tapissière parnassienne, puis le tombereau naturaliste, puis le cab psychologique, puis le vélocipède néo-chrétien, — et ils étaient toujours soigneusement ligotés.
Si l'on veut savoir en quoi le Symbolisme est une théorie de liberté, comment ce mot, qui semble strict et précis, implique, au contraire, une absolue licence d'idées et de formes, j'invoquerai de précédentes définitions de l'Idéalisme, dont le Symbolisme n'est après tout qu'un succédané. L'Idéalisme signifie libre et personnel développement de l'individu intellectuel dans la série intellectuelle ; le Symbolisme pourra (et même devra) être considéré par nous comme le libre et personnel développement de l'individu esthétique dans la série esthétique, — et les symboles qu'il imaginera ou qu'il expliquera seront imaginés ou expliqués selon la conception spéciale du monde morphologiquement possible à chaque cerveau symbolisateur.
D'où un délicieux chaos, un charmant labyrinthe parmi lequel on voit les professeurs désorientés se mendier l'un à l'autre le bout, qu'ils n'auront jamais, du fil d'Ariane.
Ils voudraient comprendre, ils cherchent, quand parlent les harpes, à agripper au passage quelques clairs et nets lieux communs ; ils croient qu'on va leur redire les vieilles généralités qu'ils biberonnèrent à l'École, tout ce qui, applicable à un Grec, l'est encore à un Scandinave, tout ce qui, définissant la femme, définit la marcheuse et la gardeuse d'oies. Si le Symbolisme devait (comme d'aucuns l'ont annonce) revenir à des concepts aussi simples, à des imaginations aussi naïves, il ne serait ni ce qu'il est, ni ce qu'il sera : — il continuerait tout simplement le classicisme, et alors, à quoi bon !
Sans doute, il apparaît, en un certain sens, comme un retour à la simplicité et à la clarté, — mais il demande de tels effets au complexe et à l'obscur, au Moi où toutes les idées s'enchevêtrent, où toutes les lumières concourent à ne donner que de la nuit. On est toujours compliqué pour soi-même, on est toujours obscur pour soi-même, et les simplifications et les clarifications de la conscience sont œuvre de génie ; l'Art personnel — et c'est le seul Art — est toujours à peu près incompréhensible. Compris, il cesse d'être de l'Art pur, pour devenir un motif à de nouvelles expressions d'art.
Mais, si personnel que soit l'Art symboliste, il doit, par un coin, toucher au non-personnel, — ne fût-ce que pour justifier son nom ; et il faut toujours être logique. Il doit s'enquérir de la signification permanente des faits passagers, et tâcher de la fixer, — sans froisser les exigences de sa vision propre, — tel qu'un arbre solide émergeant du fouillis des mouvantes broussailles ; il doit chercher l'éternel dans la diversité momentanée des formes, la Vérité qui demeure dans le Faux qui passe, la Logique pérennelle dans l'Illogisme instantané, — et, néanmoins, planter un arbre qui soit si spécial, si unique de rainure et d'écorce, de fleurs et de racines, qu'on le reconnaisse entre tous les arbres comme un arbre dont l'essence n'a ni sœurs ni frères.
Je sais bien que, par la définition même de l'Idéalisme transcendantal, de celui qui s'occupe des intelligences supérieures ou transcendantes, le Permanent lui-même ne peut être conçu que comme personnel, c'est-à-dire comme transitoire, et que ce qu'il y a d'Absolu vraiment est incogniscible et hors d'être formulé en symboles ; ce n'est donc qu'au relatif absolu que vise le Symbolisme, à dire ce qu'il peut y avoir d'éternel dans le personnel.
Cette manière de comprendre l'Art exclut l'artiste médiocre qui ne délient, cela va sans dire, rien d'éternel dans son personnel et qui ne saurait exprimer une idée un peu humaine (ou divine) que par démarquage ; mais cette sorte d'êtres a règne assez longtemps grâce aux tuteurs qu'on lui tolérait : que son règne finisse (si c'est possible) et soyons intolérants.
Pratiquement, il importe que le Symbolisme, art libre, acquière dans l'estime générale une valeur qu'on lui a jusqu'à ce jour déniée ; il importe qu'à côté des formes connues on tolère des formes inconnues et que de la serre chaude de la littérature on n'expulse pas les plantes, nées de graines de hasard, ignorées des catalogueurs et des jardiniers. Pour cela nulle concession ne doit être faite : c'est aux intellects rudimentaires à se développer et non aux larges intelligences à se rétrécir pour permettre à l'œil distrait de parcourir plus facilement une moindre surface.
Et les tuteurs, les règles, les lois, il faut les couper et les hacher et qu'à la place de ces chênes pourris, piqués de trous de vermine, l'hierre qui s'accrochait aux troncs s'accroupisse en une ridicule désolation.

RÉMY DE GOURMONT


On voit que derrière ce mot de Symbolisme, — dont l'esprit bourgeois a fait un terme de plaisanterie vague, quelque chose comme un synonyme idiot du Décadentisme ou de l'absurde fin de siècle, — il se trouve une théorie logique qui, mise en œuvre par des esprits de valeur, peut produire mieux, sinon davantage que le Naturalisme, école vaine et toute de mise en scène, qui n'aura, à la vérité, piédestalisé que son protagoniste, lequel vient de signer la grande fresque de Débâcle.

U. [Octave UZANNE]


(*) Extrait de la revue éphémère dirigée par Octave Uzanne L'Art et l'Idée (1892). Cet article a été publié dans la livraison du 20 juillet 1892 (pp. 47-52).

dimanche 5 janvier 2014

Un cas de rupture par Alexandre Dumas. Octave Uzanne directeur artistique. Achevé d'imprimer le 25 octobre 1891.


Exemplaire unique mis en couleurs
par J.-A. Chauvet
Voici un ouvrage qui conserve encore presque tout son mystère quant à sa réalisation technique et artistique. Un cas de rupture par Alexandre Dumas fils de l'Académie Française, avec des illustrations page à page par Eugène Courboin. Ce beau volume de format grand in-quarto (32 x 21 cm environ) est composé de 98 pages ainsi qu'un faux-titre et un titre, toutes illustrées dans le texte. Les illustrations en camaïeu courent autour du texte, en haut, en bas, sur les côtés. Le résultat est admirable. L'achevé d'imprimer situé à la fin du volume donne quelques précisions très intéressantes : Cet ouvrage illustré page à page par Eugène Courboin a été héliogravé sur cuivre par Th. Fillon et tiré en taille-douce par la maison Lemercier et Cie. Il a été composé et achevé d'imprimer sur les presses typographiques de l'ancienne maison Quantin (May & Motteroz, Directeurs) le 25 octobre 1891 à Paris. La direction artistique de cette publication a été entièrement conduite par M. Octave Uzanne. Ce volume a été tiré à 1.000 exemplaires sur vélin (numérotés de 1 à 1.000), 10 exemplaires sur japon (avec compositions originales, numérotés de I à X) et 40 exemplaires sur japon avec doubles suites des gravures, numérotés de XI à L.
Octave Uzanne était donc le maître d'oeuvre de cet ouvrage. Voici ce qu'on peut lire dans la revue Le Livre Moderne sous la plume d'Octave Uzanne : "Quelques livres signalés. - Chez Quantin, le Cas de rupture, d'Alexandre Dumas fils, livre-album étourdissant, illustré page à page d'étonnantes compositions d'Eugène Courboin. Nous en reparlerons." (livraison n°22 du 10 octobre 1891).  Plus loin, dans la livraison du 10 novembre 1891, toujours sous la plume d'Octave Uzanne, on peut lire : "L'ancienne maison Quantin, qui prépare pour la fin de ce mois une édition du Cas de rupture, d'Alexandre Dumas, qui sera, si je ne me trompe, un succès très grand de fin d'année [...]". Enfin, dans la livraison du 10 décembre 1891 (dernière livraison de la revue Le Livre Moderne), Uzanne écrit : "Autre volume, chez Quantin : le Cas de rupture, d'Alexandre Dumas, avec illustrations page à page par Eugène Courboin. J'en pense trop de bien pour en dire du mal, et j'y ai pris trop de mal à le sortir au jour pour en dire du bien. - Son destin, du reste, me paraît assuré et plus ne m'en soucie."

Exemplaire unique mis en couleurs
par J.-A. Chauvet
Fin novembre 1891, au moment où sort ce volume en librairie, Octave Uzanne termine la rédaction de la dernière livraison de sa seconde revue Le Livre Moderne (1890-1891, 24 livraisons), et s'apprête à publier en janvier suivant la première livraison de sa seconde revue intitulée L'Art et l'Idée (1892, 12 livraisons). Dans le même temps il préside depuis décembre 1889 la Société des Bibliophiles Contemporains avec laquelle il a publié coup sur coup deux ouvrages : Les débuts de César Borgia illustrés par Georges Rochegrosse (achevé d'imprimer le 25 novembre 1890) et L'Abbesse de Castro de Stendhal illustrée par Eugène Courboin (achevé d'imprimer le 20 décembre 1890). Toujours pour les Bibliophiles contemporains, Uzanne prépare courant 1891 l'édition des Contes Choisis de Maupassant publiée en 10 fascicules, chacun illustré par un artiste différent. Le conte Allouma sort des presses de l'ancienne maison Quantin le 5 février 1892. Mademoiselle Fifi sort des mêmes presses le 12 août 1892. Mouche en juillet. Un Soir en juin. Le Champs d'Olivier le 12 septembre 1892. La Maison Tellier le 25 octobre 1892. Les autres contes ne possèdent pas d'achevé d'imprimer. On voit clairement qu'Octave Uzanne fut bien occupé entre la fin de 1891 et le courant de l'année 1892.
Pour son propre compte Uzanne avait publié en décembre 1890 son Paroissien du Célibataire (achevé d'imprimer le 10 décembre 1890). La Femme et la Mode paraît quant à lui à la fin d'octobre 1892.
En résumé, l'année 1891 a été entièrement consacrée au Livre Moderne et aux questions relatives aux Contes choisis de Maupassant pour les Bibliophiles contemporains. Contrairement à son habitude, Uzanne n'avait pas d'ouvrage personnel à proposer pour les étrennes de 1891. C'est sans aucun doute Un cas de rupture qui remplit cet office. Dans quelles conditions Uzanne a-t-il rempli sa tâche de directeur artistique ? On peut supposer qu'il fait appel au talent d'Eugène Courboin qu'il avait découvert pour l'Abbesse de Castro en 1890, et c'est à lui qu'il s'adresse pour enluminer ce volume "page à page".

Exemplaire unique mis en couleurs
par J.-A. Chauvet
L'ancienne maison Quantin, utilisée par Uzanne pour ses divers travaux, tant au niveau de sa revue Le Livre Moderne que pour les Bibliophiles contemporains, était naturellement choisie pour exécuter la partie technique du volume. La véritable question qui se pose est la suivant nous semble-t-il : Alors qu'il préside depuis décembre 1889 les Bibliophiles contemporains, pourquoi Un cas de rupture n'est-il pas estampillé de la marque de cette société ? Pourquoi Uzanne a-t-il fait cavalier seul pour l'élaboration de cet ouvrage ? Il ne semble pas que cet ouvrage de Dumas fils ait été jamais évoqué dans les Annales des Bibliophiles contemporains. Il s'agirait donc d'une initiative privée d'Octave Uzanne. Qu'en penser ? Qu'en ont pensé les sociétaires ? Ce volume n'étant pas passé inaperçu aux yeux des 160 membres de la jeune Académie des Beaux Livres. Autant de questions auxquelles nous n'avons pas pour le moment le moindre élément de réponse. Sans doute le caractère hautement indépendant d'Octave Uzanne l'a-t-il mené à diriger seul cette entreprise éditoriale et artistique.

Bertrand Hugonnard-Roche

jeudi 2 janvier 2014

Convocation pour la Réunion constitutive des Bibliophiles Contemporains le lundi 18 novembre 1889. Eau-forte par Evert Van Muyden, ami d'Octave Uzanne.




Coll. B. H.-R., 2014

Tirage à 164 exemplaires seulement pour cette double estampe rare.


Texte de la convocation gravée à l'eau-forte par Evert Van Muyden :

Paris ce Novembre 1889.

Cher Collègue,

La Réunion constitutive des Bibliophiles Contemporains aura lieu à Paris, le lundi 18 novembre prochain, dans le local de la Société d'Encouragement, 44, rue de Rennes (Place St-Germain-des-Prés) à 9 heures très précises du soir.

Je vous fais tenir aujourd'hui un exemplaire des Statuts et Réglement de notre Académie des Beaux Livres, en vous priant d'en prendre minutieusement connaissance avant notre Réunion. A cet exemplaire sont annexées la liste des Membres Fondateurs et différentes pièces qui vous fixeront sur l'Ordre du jour de notre Réunion, ainsi que sur les candidats qui vous sont proposés pour la formation du Comité. Prière de vouloir bien m'envoyer avant le 15 de ce mois vos bulletins de vote pour le cas où vous ne pourriez, comme je l'espère, vous rencontrer avec nos futures Co-Sociétaires le 18 Novembre prochain.

Trouvez ici, cher collègue, l'expression cordiale de mes sentiments confraternels.

Octave Uzanne
fondateur

17, Quai Voltaire


A propos d'Evert Van Muyden et Octave Uzanne lire également : Exemplaires remarquables : Les Contes choisis de Champfleury (1889), exemplaire Octave Uzanne avec dessins et suites. 

Bertrand Hugonnard-Roche

Deux documents imprimés retrouvés sur la constitution de la Société des Bibliophiles Contemporains (18 novembre 1889) fondée par Octave Uzanne.


Vignette-Marque dessinée par Eugène Courboin
pour les Bibliophiles contemporains (1889)
Deux petits documents découverts récemment viennent compléter ce que nous savions déjà en partie sur les conditions de la formation de la Société des Bibliophiles Contemporains fondée à l'initiative d'Octave Uzanne à la fin de l'année 1889.

Il s'agit tout d'abord d'un feuillet in-8 de 4 pages qui contient l'ordre du jour de l'assemblée du 18 novembre 1889 (f°1), la proposition du comité (f°2), la liste des ouvrages proposés pour être publiés par la Société dans le cours du 1er exercice 1889-1890 (f°3) et un avis important (f°4), que nous reproduisons textuellement ci-dessous :









BIBLIOPHILES CONTEMPORAINS
- Académie des Beaux Livres -


ORDRE DU JOUR
DE
L’ASSEMBLÉE DU 18 NOVEMBRE 1889


1° Constitution de la Société. - Examen et Approbation des Statuts ;
2° Election d'un Comité ;
3° Examen et adoption du Règlement intérieur ;
4° Choix d'un ouvrage ou de trois petites publications pour le premier exercice 1889-1890 ;
5° Proposition d'un Dîner annuel et fixation de la date.



PROPOSITION DU COMITÉ
A NOMMER
DANS LA RÉUNION CONSTITUTIVE DES BIBLIOPHILES CONTEMPORAINS.


PRÉSIDENT (1)

M. ..........................................

VICE-PRÉSIDENTS

1° M. Charles COUSIN, Inspecteur principal, Délégué à l'Exploitation des Chemins de fer du Nord, Vice-Président des Amis des Livres ;

2° M. Henri BÉRALDI, iconographe des Graveurs du XIXe siècle, etc.

ARCHIVISTE-TRÉSORIER

M. Jules BRIVOIS, Bibliographe des Ouvrages illustrés du XIXe siècle.

SECRÉTAIRES

MM. Alfred PIAT, ancien notaire ;
        B.-H. GAUSSERON, professeur de l'Université.

ASSESSEURS

MM. Gustave RUBATTEL, Président des Amis des Livres de Lyon ;
         Paul LACOMBE ;
         Henry HOUSSAYE, homme de lettres ;
         Maurice QUENTIN-BAUCHART.

1. Nous soumettons ici une liste de Candidatures qui nous semble devoir réunir tous les suffrages des Bibliophiles Contemporains, auxquels il incombe cependant de choisir eux-mêmes leur Président, qu'il ne nous appartient point de désigner.



OUVRAGES PROPOSÉS
pour être publiés
par la société dans le cours du 1er exercice 1889-1890


Pour affirmer plus vivement la raison sociale de l'Académie des Beaux Livres, nous pensons qu'il conviendrait, dans le cours du premier exercice, de publier, en dehors de l'Annuaire, deux ou trois petits ouvrages destinés à former d'élégantes et fortes plaquettes, dont l'illustration serait conçue et exécutée d'après diverses combinaisons de compositions décoratives et par des interprétations variées de gravure.

Nous proposons donc :

1° LA LÉGENDE DE SAINT-JULIEN L'HOSPITALIER, conte de Gustave Flaubert, avec illustrations de Luc-Olivier Merson ; [cet ouvrage n'a finalement jamais vu le jour]

2° L'ABBESSE DE CASTRO, de Stendhal (H. Beyle), avec de nombreuses compositions d'Eugène Courboin ; [premier ouvrage publié par les Bibliophiles contemporains]

3° LES DÉBUTS DE CÉSAR BORGIA, roman historique de Jean Richepin, avec illustrations de Rochegrosse. [second ouvrage publié par les Bibliophiles contemporains]

La publication de ces trois ouvrages ne devant pas dépasser le prix de 200 francs par Sociétaire, selon l'Article du Règlement intérieur.)



AVIS IMPORTANT


Ceux des Sociétaires qui ne pourraient assister à la réunion constitutive du 18 novembre prochain sont priés de vouloir bien adresser, avant le 15 de ce mois, les bulletins de vote suivants, écrits sur feuilles séparées, au fondateur, 17, quai Voltaire :

1° Approbation intégrale signée des Statuts et du Règlement intérieur ;

2° Bulletin désignant le président et les neuf membres du Comité ;

3° Une proposition d'ouvrages à publier ou bien une adhésion aux publications proposées ci-contre ;

4° Fixation d'une date pour un dîner annuel.

Les Sociétaires de l'étranger qui recevraient tardivement cette convocation peuvent adresser leurs votes par dépêche.

[ce bulletin est simplement orné d'une lettrine et de quelques filets et a été imprimé par la maison Quantin à Paris, 7, rue Saint-Benoît.]

Le deuxième document que nous souhaitions évoquer ici en le reproduisant également textuellement dans son intégralité, est un petit compte-rendu rédigé à l'issue de l'assemblée constitutive des Bibliophiles Contemporains et daté du 27 novembre 1889. Il est signé par B.-H. Gausseron, secrétaire-adjoint, pour le Président [Octave Uzanne]. Voici le texte :

Monsieur et cher collègue,

L'Assemblée constitutive de la Société des Bibliophiles Contemporains a eu lieu le lundi 18 novembre 1889.
Les Membres fondateurs présents ont voté les Statuts et le Règlement - dont un exemplaire vous avait été envoyé, - avec quelques modifications de détail qui seront portées à votre connaissance, lorsque notre Société aura reçu l'approbation de l'Autorité compétente.
Le Comité a été constitué comme suit :

M. Octave Uzanne, premier fondateur, a été nommé Président pour trois années.

Les neuf Membres ci-dessous désignés ont été nommés pour un an.

Vice-Présidents :

M. Charles Cousin. - M. Henri Beraldi.

Archivite-Trésorier :

M. Jules Brivois.

Secrétaires :

M. Alfred Piat - M. B.-H. Gausseron.

Assesseurs :

MM. Henri Houssaye, Rubattel, Paul Lacombe, Maurice Quentin-Bauchart.

L'Assemblée a décidé de voter les trois ouvrages qui ont été proposés.
En outre, il a été convenu que les membres fondateurs se réuniraient en un Dîner dont la date est dès aujourd'hui fixée au Mercredi 18 décembre prochain.
Le prix de ce dîner ne saurait dépasser Quinze francs. Ceux de nos collègues qui seraient assurés d'y pouvoir assister sont priés de vouloir bien envoyer leur adhésion au 1er secrétaire de la Société, M. Alfred Piat, 68, Avenue d'Iéna, à Paris, avant le 10 décembre.
Le choix du local dépendant du nombre des adhérents sera porté à la connaissance de ceux-ci quelques jours à l'avance.
Je tiens à vous rappeler ici, Monsieur et cher Collègue, que la Cotisation annuelle de Cinquante francs est payable avant le 15 décembre entre les mains de M. Jules Brivois, Archiviste-Trésorier, 10, rue Montpensier, Palais-Royal (le Mardi, de 2 à 4 heures).
Vous pouvez y faire porter votre cotisation, l'envoyer par lettre chargée, ou bien, - si vous le préférez, - le recouvrement en sera fait par l'administration des Postes, à moins que, toutefois, si vous assistez au dîner du 18 décembre, il vous plaise de payer cette cotisation au Trésorier qui sera présent.
Je vous préviens également à titre officieux que, dans le courant de janvier, vous recevrez une invitation à verser au Trésorier une somme de Cent francs, formant la première moitié au maximum du prix des Publications votées dans l'Assemblée constitutive. Vous recevrez d'ailleurs en temps voulu une lettre à ce sujet.
Agréez, Monsieur et cher Collègue, l'expression de mes sentiments distingués.


Pour le Président :

B.-H. GAUSSERON,
Secrétaire-Adjoint.


[ce bulletin est orné de deux vignettes que nous reproduisons dans cet article - la vignette pour les Bibliophiles contemporains (qui servira également de marque) a été dessinée par Eugène Courboin). Cet imprimé sort également des presses de la maison Quantin à Paris, 7, rue Saint-Benoît.]



Vignette non signée qui orne le premier compte-rendu faisant suite à l'Assemblée
constitutive des Bibliophiles Contemporains (prospectus daté du 27 novembre 1889)

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