mardi 29 avril 2014

"Mon précieux" ... Les Fricatrices ... enfin trouvées ! (1894 ... 2014)



LES FRICATRICES (*)
gravées d'après le tableau original
DE FRAGONARD
appartenant à M. Emile R***


Nous ne revenons pas sur l'histoire de ce fameux tableau et sur cette gravure qui en a été faite. Nous l'avons fait dans un précédent article : Les mystérieuses Fricatrices (les deux amies) des Contes pour les Bibliophiles d'Octave Uzanne (1878-1894). Nous vous invitons à le lire ou à le relire.

Aujourd'hui nous nous contentons de revenir pour simplement vous le montrer ce tableau, ou plutôt l'héliogravure (photogravure) qui en a été faite pour le volume publié par Uzanne à la fin de l'année 1894.

En près de 20 ans de recherches chez les libraires et même dans les salles des ventes, jamais nous n'étions parvenu à mettre la main sur un exemplaire contenant cette gravure libre imprimée à seulement 300 exemplaires (le cuivre détruit après tirage). Faut-il croire que le tirage a été en réalité bien moindre (quelques exemplaires seulement à quelques dizaines d'exemplaires) ? 

Faut-il croire que le cuivre a bien été détruit (ou simplement rayé et conservé) ? Le tirage que nous avons sous les yeux de cette planche est sur papier du Japon, le tirage étant en bistre. Cette épreuve se trouve dans un exemplaires ordinaire des Contes pour les Bibliophiles (un des 1.000 vélin, n°516). Cette gravure était vendue séparément chez l'éditeur A. Quantin (May et Motteroz directeurs) la nature du sujet n'ayant pas permis de l'insérer dans l'ouvrage. Soit.


On sait qu'Emile Rochard était un collectionneur de photographies érotiques (correspondance d'Octave Uzanne avec Joseph Uzanne) et un grand amateur d'art (peintures, sculptures). On sait que la femme était un de ses sujets de prédilection. Il publia d'ailleurs des poésies tout à son honneur. On sait aussi qu'Emile Rochard se convertit de manière radicale dans le courant de l'année 1913. Il mourut fervent chrétien en 1917. La Bnf répertorie un exemplaire de la rare Notice sur les livres composant l'importante bibliothèque théâtrale, littéraire et historique de feu M. Emile Rochard, ancien directeur des théâtres de l'Ambigu, du Châtelet et de la Porte Saint-Martin, ... dont la vente aux enchères publiques aura lieu hôtel des Ventes, rue Drouot, salle n°9 les mardi 1er et mercredi 2 avril 1919. On ne parle nulle part des oeuvres d'art ... Que sont devenus les tableaux et autres sculptures de sa collection qui devait être non moins immense que sa bibliothèque ? Qu'est-il advenu de ce Fragonard ? Ce peut-il que, sur un coup de colère bigotin, Rochard ait détruit ce tableau osé ? Ce tableau est-il d'ailleurs bien de Fragonard ? ou simplement attribué à lui par Rochard ou par Uzanne ? Nous ne savons pas. Nous n'avons pu le localiser nulle part, dans aucune collection privée, dans aucun dépôt public de notre connaissance.

Seule la découverte d'un autre exemplaire de cette planche, ou mieux du cuivre "détruit" (rayé), ou mieux du tableau de Fragonard, bien caché quelque part dans une collection privée ou dans un dépôt public, permettra d'en savoir plus sur cette histoire qui m'a tenu en haleine depuis bien des années et qui risque bien d'occuper les trente prochaines.


Bertrand Hugonnard-Roche


(*) Octave Uzanne ou Emile Rochard ont très certainement puisé dans les Dames Galantes de Brantôme : "On dit que Sapho de Lesbos a esté une fort bonne maistresse en ce mestier, voire, dit-on, qu'elle l'a inventé, et que depuis les Dames lesbiennes l'ont imitée en cela, et continué jusques aujourd'huy , ainsi que dit Lucian : que telles femmes sont les femmes de Lesbos, qui ne veulent pas souffrir les hommes, mais s'approchent des autres femmes, ainsi que les hommes mesmes. Et telles femmes qui ayment cet exercice ne veulent souffrir les hommes, mais s'adonnent à d'autres femmes, ainsi que les hommes mesmes, s'appellent tribades, mot grec derivé, ainsi que j'ay appris des Grecs, de .......... , ........., qu'est autant à daire que fricare, freyer, ou friquer, ou s'entrefrotter ; et tribades se disent fricatrices, en françois fricatrices, ou qui font la fricarelle en mestier de donne con donne, comme l'on l'a trouvé ainsi aujourd'huy. Juvenal parle aussi de ces femmes quand il dit : frictum Grissantis adorat, parlant d'une pareille tribade qui adoroit et aimoit la fricarelle d'une Grisante. Le bon compagnon Lucian en fait un chapitre, et dit ainsi, que les femmes viennent mutuellement à conjoindre comme les hommes, conjoignants des instruments lascifs, obscurs et monstrueux, faits d'une forme sterile. Et ce nom, qui rarement s'entend dire des fricarelles, vacque librement par tout et qu'il faille que le sexe femenin soit Filenes, qui faisoit l'action de certaines amours hommasses. Toutefois il adjouste qu'il est bien meilleur qu'une femme soit adonnée à une libidineuse affection de faire le masle, que n'est à l'homme de s'effeminer ; tant il se monstre peu courageux et noble. La femme donc, selon cela, qui contrefait ainsi l'homme peut avoir reputation d'estre plus valeureuse et courageuse qu'une autre, ainsi que j'en ay cogneu aucunes , tant pour leur corps que pour l'ame." in Pierre de Brantôme, Recueil des Dames Galantes. Discours sur les Dames qui font l'amour et leurs maris cocus.

lundi 28 avril 2014

"à Georges Maurevert, dont j'aime tous les éclats de style dans ses brillantes chroniques à feux variés de "L'éclaireur de Nice". 25 novembre 1911



Coll. Bertrand Hugonnard-Roche


"à Georges Maurevert, dont j'aime tous les éclats de style dans ses brillantes chroniques à feux variés de "L'éclaireur de Nice". (dont il est le phare à fulgurances trop espacées à mon gré ! -) Octave Uzanne. Cannes 25 XI. 1911."

Lettre inédite d'Octave Uzanne à Georges Maurevert. 23 juin 1913.



Coll. Bertrand Hugonnard-Roche


Lettre inédite d'Octave Uzanne à Georges Maurevert. [papier à en-tête gravé d'une vignette à l'eau-forte par Félicien Rops (le terme) aux initiales OU pour Octave Uzanne - ce papier à en-tête, vergé filigrané Van Gelder, est imprimé en vert à l'adresse du 5, Place de l'Alma, Paris VIIIe. (rayé à la plume par Uzanne)].

62 Boulevard de Versailles
St Cloud
23 VI 1913 [23 juin 1913]

Illusoire promesse du service de l’Éclaireur à titre gracieux. J'ai reçu quittance postale et j'ai payé abonnement de 3 mois au facteur. Il n'importe ! Ce n'est peut-être qu'une erreur et nous réglerons la question au moment du renouvellement en septembre - ça ne m'empêchera pas d'éclairer l'éclaireur de ma publicité et son brillant collabo, chaque fois que j'en trouverai l'occasion.
Pour l'alcoolisme et la loi de 3 ans ... ça n'irait guère à la Dépêche qui marche, je le crains, contre les 3 ans.
Il fait très doux, très bon dans la zone de Paris. Faites moi signe, lorsque vous y viendrez. Je ne pense en quitter que vers le 15 juillet. J'ai un peu d'aortite et mon docteur voudrait que j'aille me soigner à Royat. On verra. Je crains que ce ne soit urgent.
Evian est agréable par et pour le lac mais combien je lui préfère Lausanne ! C'est à Lausanne qu'il vous faudrait vivre, si m'en croyez. Allez-y et installez-vous pour une semaine au moins.
Mes amitiés affectueuses à Maëterlinck et à Georgette si elle est aux Abeilles.
Bien fidèlement votre, mon cher Maurevert. Je verrai demain les Mauclair à déjeuner et leur ferai vos compliments.

Octave Uzanne

Massena Juif m'avait frappé dans le curieux article de Pierre Mille, je ne peux voir là qu'une erreur. Si je vois Mille, je l’assiégerai à ce sujet.

* *

Cette lettre vient s'insérer dans la correspondance Uzanne-Maurevert dont nous avons publié quelques notes.


Coll. Bertrand Hugonnard-Roche

Octave UZANNE. 90 L.A.S., 1908-1931, à Georges Maurevert, à Nice ; environ 145 pages (Vente à Paris – Drouot Richelieu – Salle n°15. Jeudi et vendredi 17 décembre 1993 à 14h15 par le ministère de Maîtres Laurin – Guilloux – Buffetaud – Tailleur. Expert : Thierry Bodin) Prise de notes par Luce Abélès.



Georges Maurevert (1869-1964)
Voici un important ensemble documentaire qui vient compléter la chronologie Uzannienne entre 1908 et 1931. Nous devons ces précieuses informations à Madame Luce Abélès qui nous a communiqué dernièrement les notes qu'elle avait prises en 1993 au moment de la vente d'un important lot de lettres autographes d'Octave Uzanne adressées à son ami journaliste et écrivain Georges Maurevert. Nous possédons plusieurs lettres d'Octave Uzanne à Georges Maurevert qui viennent heureusement s'imbriquer dans cette chronologie. Nous ne savons pas ce qu'il est advenu du lot adjugé en 1993. Peut-être le hasard nous servira-t-il prochainement.
Nous tenons à remercier encore une fois Madame Luce Abélès pour le partage de ces précieuses informations.


Bertrand Hugonnard-Roche


* * *

Source : Vente à Paris – Drouot Richelieu – Salle n°15. Jeudi et vendredi 17 décembre 1993 à 14h15 par le ministère de Maîtres Laurin – Guilloux – Buffetaud – Tailleur. Expert : Thierry Bodin.
Lot n°195. Octave UZANNE. 90 L.A.S., 1908-1931, à Georges Maurevert, à Nice ; environ 145 pages, formats divers, quelques enveloppes.

Intéressante correspondance. C’est à la suite d’un article de Maurevert sur Barbey d’Aurevilly que l’amitié se noue. Ils s’entretiennent de leurs articles respectifs. Camille Mauclair, Maurice Leblanc, Emile Verhaeren et Maurice Maeterlinck sont souvent évoqués. Uzanne séjourne à Cannes, voyage en Belgique, en Italie avant de s’installer à Saint-Cloud. Pendant les années de guerre, il se révolte contre cette « boucherie internationale » et se montre très pessimiste. Il parle longuement des livres et des chroniques que fait paraître Maurevert (principalement dans l’Eclaireur), se réfère aux grands noms de la littérature, donne des nouvelles de sa santé, etc. On joint 2 l. de Joseph Uzanne, frère d’Octave, à Maurevert.

Notice : Thierry Bodin (1993). Estimation : N.C. Prix d’adjudication : N.C. Prise de notes : Luce Abélès (1993). Mise en ligne : Bertrand Hugonnard-Roche (avril 2014).


Lettres à Maurevert (1908 – 1931) 97, Quai du Midi à Nice. Prise de notes par Luce Abélès.


- 15 octobre 1908 (62 Bd de Versailles – St Cloud – Montretout (Seine et Oise) : le remercie de son article de l’Eclaireur sur la préface de J. B. d’Aurevilly. Espère le voir à Nice ou à St-Raphaël et faire sa connaissance.

- 21 octobre 1908 (62 Bd de Versailles – St Cloud – Montretout (Seine et Oise) : au sujet du monument érigé à J. B. d’Aurevilly : « je ne sais rien du monument, ni de la date d’inauguration […] je suis d’ailleurs un contempteur de monuments et n’assisterai pas à ce concours régional qui sera comme sont toutes ces inaugurations officielles et bêtes, tout à fait contraires à l’esprit de l’homme supérieur qu’on veut honorer »

- 2 janvier 1909 (Les Pins, Le Cannet) : espère faire sa connaissance à Nice le vendredi 8 courant prochain.

- 13 janvier 1909 (St Raphaël, Hôtel Beaurivage) : le remercie de son envoi de « La Dernière soirée de Brummell », tragi-comédie, et le félicite.

- 5 janvier 1911 (Cannes, Maison Blanche, 42) : le remercie de sa réponse publique dans l’Eclaireur, au sujet de Barbey (?).

- 21 janvier 1911 (Cannes, Maison Blanche, 42) : lui fixe rendez-vous mardi 23 janvier à 11 h ¾ à la gare de Nice.

- 10 novembre 1911 (Cannes) : prend un abonnement à l’Eclaireur et demande qu’on annonce dans le journal son « hivernage à Cannes, à titre de grand confrère parisien, rédacteur à l’Echo de Paris, au Figaro, au Paris-Journal, à la Dépêche de Toulouse, etc. »

- 20 novembre 1911 (Cannes) : lui demande si M. Maeterlinck est actuellement à Nice en installation dans son nouveau logis.

- 25 novembre 1911 (Cannes, Maison Blanche) : lui adresse son Sottisier des mœurs paru assez récemment, dont Camille Mauclair a rendu compte dans la presse genevoise.

- 25 novembre 1911 (Cannes) : envoi autographe sur le Sottisier des Moeurs (exemplaire de notre collection)

- 2 décembre 1911 (Cannes, Maison Blanche) : ira sans doute déjeuner lundi à la « Villa des Cigales », espère y rencontrer Maeterlinck. Mauclair pense arriver à Grasse d’ici 15 à 20 jours.

- 30 décembre 1911 : demande des nouvelles de Maeterlinck.

- 2 janvier 1912 : ne peut se rendre à son invitation car est déjà engagé. Lui donne rendez-vous pour mardi prochain avec Maeterlinck au restaurant.

- 19 janvier 1912 : annule le rendez-vous au restaurant avec Maeterlinck. A fait 2 articles sur le Cas de Maurice M. (Maeterlinck), l’un dans le Paris-Journal, l’autre dans la Dépêche.

- 20 avril 1912 : garde le lit.

- 8 mai 1912 : je suis encore un très fragile convalescent, condamné presqu’à ne pas écrire, par la Faculté. Va se soigner à Lausanne dans la clinique de son ami le professeur Bourget. Accepte avec plaisir de faire la préface demandée.

- 19 novembre 1912 : est réinstallé à Cannes.

- 1er décembre 1912 : vaincu par la grippe et garde le plumard. Espère le rencontrer à « La Régence », avec Maeterlinck, sauf si ne peut se lever.

- 9 décembre 1912 (Rome) : carte de Rome où il fait doux. Rentrera en France le 15 ou 20 janvier.

- 10 décembre 1912 : va partir à Gènes jeudi soir.

- 18 janvier 1913 (Rome) : retour à Cannes entre le 23 et le 25 janvier.

- 28 janvier 1913 (Cannes) : lui donne rendez-vous à Nice après le Carnaval, vers le 10 février. S’installera à l’hôtel Scribe. Espère le voir et lui parler de « mes belles heures d’Italie qui furent exquises, inoubliables »

- 8 février 1913 (Cannes) : déjeuner avec lui et Maeterlinck lundi ou mardi prochain, à son choix.

- 12 mars 1913 : espère assister au match Carpentier-Gunther le lundi 17 au soir.

- 15 mars 1913 (Cannes) : ne pourra assister à la première de notre cher Maeterlinck car se rend à Marseille. « j’écris à mon frère pour le Mariani wine ». Lui demande son avis sur le roman d’ensemble de G. Poulet, un modeste, qui lui parait excellent.

- 10 avril 1913 (Cannes) : va quitter Cannes d’abord pour Barcelone, puis, vers le 3 ou 4 mai pour séjourner en Suisse, à Lausanne, du 6 au 20 mai. Espère le rencontrer auparavant à Nice

- 19 avril 1913 : carte postale de Barcelone.

- 29 mai 1913 (St Cloud) : arrive de Lausanne. Aimerait recevoir le service de l’Eclaireur, contre un article. Apprécie l’Eclaireur. Espère travailler. A mené une « vie sentimentale toujours excessive et absorbante, dont j’espère être enfin délivré ».

- 16 juin 1913 (St Cloud) : le félicite sur ses articles contre l’alcoolisme, mais vous ne pourrez rien faire « contre la Bistrocratie républicaine. Les Mastroquets sont grands électeurs ! » Espère rester à St Cloud cet été.

- 23 juin 1913 (St-Cloud) : lettre inédite de notre collection

- 9 août 1913 (St Cloud) : très heureux de pouvoir se réconcilier avec ses nombreux travaux en retard. « Je goûte la paix divine du labeur, du recueillement dans la sérénité d’une retraite qui domine tout le panorama de Paris […] » Doit aller aujourd’hui déjeuner à St Leu Taverny chez les Mauclair. Espère le voir quand il passera à Paris.

- 12 octobre 1913 (St Cloud) : va partir pour 10 jours en Belgique et aimerait le voir à Paris au retour. A esquissé un Tristan Corbière dans la Dépêche de Toulouse du 3 octobre.

- 18 octobre 1913 : l’invite à déjeuner à St Cloud le 22 courant.

- 22 octobre 1913 : « Maurice Leblanc a fait pour le mieux en vous engageant au déjeuner chez Maeterlinck et Georgette, - malheureusement j’avais engagé à déjeuner une très rare et charmante anglaise, Miss Florence Simonds ». Lui fixe un nouveau rendez-vous à St Cloud dimanche. Demande l’adresse de Maeterlinck à Paris.

- 24 octobre 1913 : se réjouit de le voir dimanche.

- 29 octobre 1913 (Gand) : carte postale « Amical souvenir » adressée à « M. G. Maurevert, Cercle d’escrime, 5 rue Volney, Paris 2e »

- 16 novembre 1913 (St Cloud) : s’est remis à travailler sous un ciel pustuleux.

- 25 décembre 1913 (Noël – Bruxelles) : est allé passer Noël dans les Flandres. Ne sait s’il ira à Nice. « Je suis libre de mes actes » J’ai pris le goût de mon Home et des travaux que j’y achève, après tant d’années de vagabondage ».

- 26 janvier 1914 (St Cloud) : développement sur l’émotion scénique du comédien.

- 18 juin 1914 : carte postale de Jutland, Danemark.

- 25 juillet 1914 (St Cloud) : retour d’un « admirable voyage en Danemark et en Allemagne et qui dura sept semaines ».

- 28 juillet 1914 : au lit avec la fièvre. Espère le voir le samedi à Reims.

- 15 octobre 1914 (Lormont) : « depuis le début de l’affreuse tourmente, j’ai souvent pensé à vous » Lui demande de ses nouvelles, et de celles de Mauclair. Se trouve à Lormont tout près de Bordeaux, puis ira à Toulouse, Marseille et sans doute le littoral en janvier.

- 5 novembre 1914 : le remercie de ses nouvelles. Va séjourner à Arcachon. Pense que Maeterlinck [qu’il ne nomme pas] ne sera pas élu à l’Académie Française dans cette « boîte à conserves de l’Institution, car intrigues, états intellectuels pitoyables.

- 14 mars 1915 (St Cloud) : « après 6 mois d’absence, je reviens vers ma bouquinière et mon studio avec la curiosité de retrouver tout ce que j’avais si bien cru ne jamais revoir lors de mon départ au début de septembre dernier. Quels temps nous vivons ! » Se désespère de ne pouvoir plus exercer son métier, la Dépêche ayant tout supprimé, littérature et politique. Le félicite de ses articles et l’envie de pouvoir encore travailler.

- 11 novembre 1915 : « Cette guerre se poursuit, s’étend, s’éternise, engloutissant des millions de jeunes êtres, nous donnant des espérances à longues échéances, sans nous réconforter par des solutions de victoire ou des poussées vers le territoire boche – comme nos désirs nous le promettaient »

- 22 décembre 1915 (St Cloud) : lettre inédite de notre collection

- 11 mars 1916 (St Cloud) : « de retour à St Cloud, j’ai eu la bonne fortune de me sentir en appétit de travail, après 18 mois de dégradante torpeur intellectuelle. Beaucoup d’autres furent stérilisés, pétrifiés, anéantis moralement par cette vision de boucherie internationale, digne de dégoûter de tout idéal qui ne soit pas meurtrier ou vengeur »

- 3 décembre 1916 : « je me réfugie près de vous dans ma douleur de la mort du cher Verhaeren. Une amitié fraternelle nous unissait. Il était un voisin cher ; nos communions étaient fréquentes. » […] « Je porte le deuil de mes croyances »

- 7 janvier 1917 (St Cloud) : très amer sur les parlementaires et les politiques : « la horde immonde des parlementaires, la servilité ministérielle vis-à-vis de ces gougeats (sic), les traitrises des couloirs, l’incompétence des gouvernants, leur lâcheté morale, constituent des ambiances de dépression qui s’expliquent »

- 26 février 1917 (St Cloud) : « à vrai dire, cette convulsion effroyable de l’incurable humanité est le choc de deux mondes qui vont se métamorphoser dans le sens du victorieux […] »

- 7 mars 1917 (St Cloud) : ne pourra se rendre à Nice du 18 au 25, à cause des rationnements des chemins de fer. Le félicite pour ses articles. Lui écrira après le « Congrès du livre » et autres missions à accomplir en ce mars déjà à l’entâme.

- 7 octobre 1917 (St Cloud) : a eu des besognes multiples qui l’ont retenu à Paris. Va faire une tournée sur le front anglais (8 à 10 jours) pour un journal de grand tirage. « ça fera monter le niveau de mes ressources … »

- 22 décembre 1917 : aimerait descendre à Nice, mais le PLM est bondé, comme les hôtels ruineux, le midi envahi par des réfugiés et des bourgeois craintifs. Attend de ses nouvelles.

- 27 octobre 1918 (Perros-Guirec) : « Nous arrivons au bout du tunnel et déjà découvrons des horizons victorieux qui nous dédommagent du long cauchemar qui nous angoissa si longtemps » Implore de ses nouvelles ainsi que de Maeterlinck. « Depuis 6 mois j’ai si bien raciné dans cet ensorcelant Pays Breton que je ne puis m’arracher à ses landes, à ses grèves, à son ambiance ». « Je me repose, je vis, je me grise du décor de ce pays dont je ne puis me lasser. » Santé de granit, philosophie sereine.

- 12 novembre 1918 (Perros-Guirec) : la lettre de Maurevert est arrivée au moment où les cloches bretonnes sonnaient la victoire « Vive notre Pays ! Jamais il ne fut si haut, si grand, si supérieur à tous ! » Préface avec joie le livre que prépare Maurevert chez Payot.

- 4 décembre 1918 (St Cloud) : attend des nouvelles de la publication Payot.

- 16 décembre 1918 : Payot s’est rétracté. « Je ne sais guère quel éditeur vous conseiller parmi les vieux, ni vers quelle boutique littéraire orienter votre œuvre » […] « je ne verrais à vous conseiller que Crès, voisin de Payot »

- 5 octobre 1920 (St Cloud) : attend de ses nouvelles. N’ira pas vers la Riviera : trop embouteillé et trop cher. « Que devient votre œuvre sur les Signes et distinctions nobiliaires ? » « Avez-vous découvert le rara avis, l’éditeur emballé et marcheur. »

- 21 décembre 1921 (St Cloud) : carte de vœux. Voyage peu depuis 1914. Depuis juin dernier fait de l’infection vésicale, ma prostate est devenue mégalomanique.

- 2 janvier 1922 (St Cloud) : a reçu son mot de veille de Noël « je penserai désormais à votre Livre des plagiats et si je puis vous constituer un petit dossier de notes, ce me sera un vrai plaisir de vous l’adresser » Son mal prostatique persiste. Cherche à éviter l’intervention. Porte une sonde à demeure -> Excellent sommeil.

- 10 février 1922 : sa prostate est stationnaire. Intervention utile, non urgente.

- 4 mars 1922 (Clinique chirurgicale, 33, rue Antoine Chantin, Paris 14e) : « de mon lit » Opéré le samedi 6 courant. Infection vésicale en plus de la prostate. A propos du plagiat : Scarron qui dévalise les conteurs espagnols fut lui-même pillé, plagié comme le sont si souvent les intermédiaires de ces sortes de larcins. Scarron alimenta les plagiaires du 17e et 18e siècles. Sedaine en écrivant la Gageure imprévue, n’avait fait que calquer une nouvelle de Scarron empruntée aux Espagnols.

- 17 avril 1922 (St Cloud) : retour au logis après 52 jours de clinique. Récupère.

- 22 avril 1922 (St Cloud) : en juin ira peut-être faire une petite cure vésicale en station thermale.

- 28 juin 1922 (La Roche-Posay – Vienne) : va quitter la station thermale poitevine pour les Pyrénées, près Luchon. Retour à St Cloud le 26 ou 27 juillet.

- 10 juillet 1922 (Hautes Pyrénées) : « Paradis terrestre inconnu, comme tous les Paradis ». Retour à St Cloud vers le 26. Espère le voir là-bas.

- 28 juillet 1922 (St Cloud) : vient de retrouver St Cloud. Lui fixe rendez-vous le samedi ou le dimanche.

- 7 décembre 1922 : « reçu, dear Maurevert, The Plagiarism’s book » Fera une petite chronique de 150 lignes – no more.

- 28 juillet 1923 : reçu « Fisc et Blason » En fera une chronique dans la Dépêche, vers le 20 août.

- 11 août 1923 (St Cloud) : compte se rendre dans le sud et lui demande de lui trouver un gîte à prix abordable. « Je lis votre Fisc et Blason qui me plonge davantage dans le mépris de l’insondable sottise humaine et me montre l’inanité des révolutions » Va faire un petit écrit sur la sottise des titres et le fix-pressoir des vanités.

- 24 septembre 1923 (St Cloud) : l’article de la Dépêche sur le livre de Maurevert vient de paraitre. Parle plus de l’œuvre que de l’auteur, mais c’est mieux ainsi.

- 29 septembre 1923 (St Cloud) : à propos du livre Rien n’est de Poulet (1913) qui vient d’être republié : ouvrage magnifique, les autres livres du même auteur et l’auteur lui-même sont très décevants. Peut-être le roman n’est-il pas de ce poulet éthique, esprit pitoyablement quelconque.

- 19 décembre 1923 : meilleurs vœux. A congé de son appartement. Doit trouver autre chose.

- 17 juillet 1924 (St Cloud) : n’est plus allé sur la côte niçoise depuis 12 ans environ. Aimerait le voir.

- 7 octobre 1924 (St Cloud) : le remercie pour l’envoi de la chronique « Les goûts et couleurs » « Mélancolique désir de vous revoir »

- 11 décembre 1924 : vœux cordiaux de bonne année. Le remercie pour ses notes sur « les livres du temps » et sa mention d’un de ses ouvrages.

- 10 février 1925 (St Cloud) : a passé tout janvier au pays basque dans « l’azur et l’or solaire » A trouvé un article de Maurevert « Les Maîtres de la Plume » qui le salue du titre de « Prince des écrivains » : « Ce n’est pas mon affaire ! j’aime trop l’intimité pour régner sur des médiocrités nombreuses, vaniteuses, rosses, souvent d’une pauvreté morale pitoyable. Je préfère choisir les élites qui m’agréent et construire mon bonheur à ma guise. J’y réussis assez bien. » « Cet oubli de mes contemporains et des jeunes, croirez-vous que je le savoure comme un bienfait de ma destinée si volontiers solitaire » « Aultre ne veut estre ! disait Montaigne. J’ai la vie que je désire, dirai-je, et rénovant Victor Hugo écrivant à de Vigny, je vous écris : « Vous avez voté pour moi, cher Maurevert, je suis élu ! » Demande des nouvelles de Maeterlinck : « je l’ai vu vieilli, alourdi, plutôt affaissé, dans le métro sud, il y a 6 ou 7 semaines. Il m’a dit s’occuper de son achat du château de Médan. Je n’ai plus eu la sensation de sa force, ni de sa pleine possession de soi-même »

- 28 janvier 1926 (St Cloud) : le remercie pour les lignes consacrées à Canaletto. N’ose plus espérer le revoir.

- 25 février 1927 (St Cloud) : à reçu son Erôs et la Riviera et le remercie de sa pensée. Se plaint de ne plus l’avoir vu depuis si longtemps.

- 24 mars 1927 (St Cloud) : lui envoie « un petit livre très rare dès sa naissance, en raison de son tirage ultra-limité et hors commerce. J’y évoque fragmentairement la figure de d’Aurevilly telle qu’elle m’apparut lors de mon entrée en religion des lettres » Le félicite des divers films tournés sur la Riviera pour sa dernière publication.

- 31 mars 1927 : le remercie de son souvenir fidèle dans l’Eclaireur du soir.

- 2 avril 1927 : C. Mauclair part pour Nice. Lui envoie un pli à lui remettre.

- 14 mai 1928 : apprend que Maurevert a écrit un mot sur l’édition des Mémoires de Casanova, dans l’Eclaireur. Se réjouit d’avance de cet article et lui demande de le lui envoyer.

- 17 décembre 1928 : Vœux de nouvel an.

- 20 décembre 1929 : « Loin de tout, la solitude, le silence, cette perfection des lectures de tant d’œuvres nouvelles et dont je goûte l’originalité, les expressions de jeunesse et le travail, encore, me confèrent un bonheur supérieur à toutes les formes de félicités que je connus naguère – aux lumières éclatantes de ma vie. »

- 22 décembre 1930 : « Fidèle pensée, à travers le temps, l’espace, les faits, le monde nouveau. Je suis un fantôme du Passé. Je vis en retraite après avoir subi une très grave opération dont la convalescence seule m’a tenu 8 mois dans les cliniques parisiennes. » Se réjouit de sa solitude et de son indépendance.

- 29 décembre 1930 : Maurevert opéré de la prostate, comme Uzanne en 1922. Uzanne s’est fait mettre un anus iliaque à Dépressions affreuses, cœur défaillant, vacance de toutes mes forces. Je récupère mon potentiel de puissance avec une lenteur indicible. Vis reclus, plus libre que ne le fus jamais … Heureux de ma retraite.

- Avril 1931 : s’inquiète que Maurevert prolonge sa convalescence en clinique. Lui donne des conseils. Parle de la mort, attend le Néant seul. « Tout ce que promettent les religions aux croyants en l’au-delà me fait pitié et rien ne me serait plus pénible que d’avoir des devoirs et obligations lorsque j’aurai cessé d’être. J’ai aimé l’indépendance follement et désiré la conserver jusqu’au tombeau »

- 7 avril 1931 (St Cloud) : lettre inédite de notre collection

- 19 avril 1931 : reçu un mot fort aimable de Blaise Cendrars qui ne me fixe pas son adresse toujours variable. Je crois que si vous faites demander le Rhum à Grasset, il vous en enverra un exemplaire.

- sans date : récuse le titre de « Prince des Ecrivains » « Ah que non ! j’aime trop l’ombre des cryptes, leur fraîcheur et solitude – la couronne et le costume des princes réels ou fictifs sentent trop le clinquant, la paillette, le décrochez-moi ça des mascarades. » « Je suis désabonné de tous Cutting-Papers, Argus et Courrier de Presse, et ne tiens pas à savoir ce qu’on dit de moi. »


2 lettres de Joseph Uzanne à Maurevert :


- 10 mars 1922 : Octave se remet bien de son opération. (en-tête : Album Mariani, Figures Contemporaines, Direction Joseph Uzanne 172 Bd St Germain)

- 18 novembre 1931 (172 Bd St Germain, VIe) : le remercie de « votre belle lettre émue ». [Son frère] est entré dans l’éternel repos ainsi qu’il le souhaitait, subitement, sans souffrance.

dimanche 27 avril 2014

"Souviens-toi que tu es Benserade, et que tu redeviendras poussière." Octave Uzanne, 10 mai 1875


Octave Uzanne en 1875 (24 ans)
"Souviens-toi, homme, que tu es poussière, et que tu redeviendras poussière." [Genèse II, v.19], détournée par le jeune Octave Uzanne en : "Souviens-toi que tu es Benserade, et que tu redeviendras poussière." Joli trait d'esprit latinisant pour ce tout nouvel homme de lettre aussi inconnu qu'une poussière à cette date de mai 1875. Son volume des Poésies de Benserade a été achevé d'imprimer par Jouaust le 20 mars. A qui Octave Uzanne demande-t-il ces "quelques mots" ? Le 10 mai 1875 c'est sans doute à un critique littéraire qu'il s'adresse pour demander quelques lignes dans un article de compte rendu. Dans quel journal ? Dans quelle revue ? Nous ne savons pas. Nous avons connaissance, en date du 29 mai, d'un bel envoi sur un exemplaire de ces mêmes Poésies de Benserade adressé au critique Francisque Sarcey. Ce peut-il que ce petit mot du 10 mai ait été adressé au même ? Encore une fois nous ne savons pas.
Octave Uzanne n'a pas encore 24 ans lorsqu'il rédige ce petit billet. On a sa physionomie grâce à une photographie qui date de cette même année 1875 issue de l'ancienne collection Yvan Christ (nous ne savons pas ce qu'est devenu aujourd'hui cette photographie si précieuse). Octave Uzanne en impose avec ses beaux habits, ses cheveux très frisés coupés comme ceux de Jean Richepin, son ami, son port de tête hautain, l'oreille pointue, le menton proéminent et le regard sombre que l'on sent perçant et aiguisé.


Coll. Bertrand Hugonnard-Roche



Mon cher Monsieur

(Memento quia Benserade est
et ex pulvere reversus est.)

quelques mots s.v.p.

Octave Uzanne

Paris 10 mai 1875

69 r. des feuillantines.


A noter la signature encore non fixée du jeune Octave Uzanne. Elle changera bientôt (à partir de 1880 environ) pour ne pratiquement plus bouger jusqu'à sa mort en 1931.

Bertrand Hugonnard-Roche

Note : Il y a forte probabilité pour que ce petit billet, acheté en même temps que d'autres, ait été adressé en fait à Alexandre Piedagnel (1831-1903), écrivain, journaliste et secrétaire particulier de Jules Janin.

http://jean-lorrain.blogspot.fr/ Écritures de Jean Lorrain ... lettres autographes, envois, billets, etc.



Le plaisir d'annoncer la naissance d'un nouveau blog !

Ce blog vous proposera, sortis de diverses collections, des morceaux d'écriture de Jean Lorrain. Envois autographes, lettres et billets, photographies, estampes et dessins.

Jean Lorrain est trop connu et a été largement étudié pour mettre en ligne un blog consacré à sa vie et son oeuvre. Nous vous invitons à visiter le site http://www.jeanlorrain.net/

Si vous possédez quelques lignes autographes de Jean Lorrain dans votre collection, un simple envoi autographe, un billet, et que vous souhaitez partager vos documents et enrichir ce site de vos archives inédites (ou non), n'hésitez pas à nous contacter par email à jean-lorrain@gmail.com

Christophe Sudre & Bertrand Hugonnard-Roche

lundi 21 avril 2014

Pierre Louÿs écrit à son frère Georges et cite Octave Uzanne [février 1895] "[...] Et puis ... et puis ... surtout il ne faut pas être Octave Uzanne [...]"



Pierre Louÿs (1870-1925)
gravure sur bois par Félix Vallotton (1898)
pour le Livre des Masques vol. II
de Remy de Gourmont
Lundi gras 25 février 1895, Pierre Louÿs (25 ans) est à Séville. Il écrit à son frère Georges Louis (*) pour lui raconter ce qu'il fait, ses soucis d'argent, ce qu'il écrit, ses projets littéraires. Voici ce qu'il écrit à propos des Chansons de Bilitis qui avaient paru l'année précédente et pour lesquelles il écrit 40 pièces nouvelles :

"[...] Pendant ma semaine de sécheresse, je me suis enfermé dans ma chambre et j'ai travaillé (à des heures raisonnables). J'ai renoncé à pousser Bilitis jusqu'à la 300e chanson, comme j'en avais eu l'intention ; mais ce n'est pas sans regret, parce que j'avais encore bien des choses à dire, et c'est un travail si amusant ! Néanmoins je persiste à croire qu'en me bornant à 40 pièces nouvelles, le livre ne pourra qu'y gagner. J'en ai déjà fait 22. Les autres suivront. Dès ma rentrée à Paris, je m'occuperai de donner ce nouveau texte à Charpentier s'il en veut. L'édition sera moins jolie, mais ... je m'y résignerai contre un bon traité qui me mettrait à l'abri de mes ennuis présents. Voilà cinq ans que je travaille pour mon simple plaisir ; je voudrais continuer toujours, mais si je puis arriver, sans concessions, à gagner ma vie par le même moyen, je ne perdrai que la joie des beaux papiers et des Caractères Didot. C'est peu de chose. Et puis cela reviendra plus tard. Et puis ... et puis ... surtout il ne faut pas être Octave Uzanne ; le papier à chandelle a son bon côté. [...]"


Pierre Louÿs photographié vers 1898
"Et puis ... et puis ... surtout il ne faut pas être Octave Uzanne" écrit Pierre Louÿs. Quels sous-entendus se cachent derrière cette simple pique ? Octave Uzanne comme le précise la note qui accompagne l'édition des Mille lettres inédites de Pierre Louÿs à Georges Louis, 1890-1917, Fayard, 2002, p. 150 : "Octave Uzanne, écrivain et critique, célèbre pour sa passion de la bibliophilie et des livres imprimés sur papier de luxe." Jean-Paul Goujon, l'éditeur de ces lettres, n'échappe pas à la multitude qui n'a fait que répéter l'erreur sur la date de naissance d'Octave Uzanne (1852 pour 1851).
Pierre Louÿs et Octave Uzanne s'appréciaient-ils ? On peut en douter d'après cette petite estocade épistolaire. On sait cependant, comme nous l'avons déjà présenté dans les pages de ce blog, que Pierre Loüys et Octave Uzanne furent tous les deux membres de la Comission pour la Réforme du Mariage mise en place par Henri Coulon dès 1905 et qui œuvra jusqu'en 1908.
Si Octave Uzanne, célibataire endurci volontaire, écrivait le 26 décembre 1905 : "La seule réforme logique [concernant le mariage] dont il puisse être question est celle de la séparation définitive « de la morale et de l'Etat »."


Bertrand Hugonnard-Roche
(texte indiqué par Xavier Pollet)


* Georges Louis (1847-1917) était son demi-frère, son aîné de 23 ans. Diplomate en Égypte en qualité de délégué de la France à la Commission de la Dette Égyptienne (1893-1903), puis ambassadeur de France en Russie (1909-1913), fils né d'une première union de leur père, Pierre Philippe Louis. D'après diverses sources, Georges Louis serait peut-être en réalité le père de Pierre Louÿs et non son frère. Ils échangeront une correspondance quasi quotidienne jusqu'à la mort de Georges. 

dimanche 20 avril 2014

Refondation du site marcel-schwob.org (avril 2014)



Suite à des difficultés techniques avec le site de la société Marcel Schwob, fondé en 2004, la création d’un nouveau site a été décidée et confiée à Bruno Fabre.

Le nouveau site Marcel Schwob a été mis en ligne à la mi-avril 2014. Il se veut plus clair, plus riche, plus scientifique, avec de nouvelles rubriques qui permettront d’offrir, à terme, une meilleure connaissance de l’écrivain et de son actualité.

16 avril 2014

jeudi 17 avril 2014

Octave Uzanne détourne hardiment la devise du chancelier de la cour de Bourgogne Nicolas Rolin pour son épouse Guigone de Salins (XVe siècle) et en fait sa marque typographique. Petite balade uzannesque aux hospices de Beaune (15 avril 2014).



Carrelage vernissé au chiffre et à la devise SEULE *
pour Nicolas Rolin et Guigone de Salins
(carrelage refait vers 1875 à l'identique du carrelage du XVe siècle par
l'architecte Maurice Ouradou)
Hôtel Dieu de Beaune


Il arrive parfois qu'une simple visite familiale dans un lieu chargé d'histoire se transforme en une petite révélation, insignifiante à la plupart des hommes, importante pour celui qui la vit.
C'est ainsi que ce mardi 15 avril 2014 je visitai la petite ville de Beaune ornée de ses incontournables hospices et si célèbre pour ses vins de Bourgogne. Une fois entré dans la cour et les toitures vernissées ou d'ardoise admirées, on pénètre dans la salle des pôvres, la plus grande salle du lieu qui marque les esprits par ses cinquante mètres de longueur et les lits alignés de chaque côté avec leurs boiseries massives, leurs tentures rouge et la chapelle qui se trouve tout au bout. L'Hôtel Dieu de Beaune a été construit sur ordre et grâce aux deniers du chancelier de la cour de Bourgogne Nicolas Rolin (1376-1462) et de son épouse Guigone de Salins (1403-1470) dans le but de soulager les pauvres de leur misère.


Les toitures typiques de l'Hôtel Dieu de Beaune
en tuiles de couleurs et vernissées.
Les travaux de construction commencent en 1443 et le premier malade y est accueilli en 1452. De cette salle des pôvres il ne reste aujourd'hui du XVe siècle que la magnifique charpente en carène de bateau (berceau brisé) et les murs, tout le décor principal (lits, mobilier, sol) a été reconstitué à partir de 1872 par l'architecte Maurice Ouradou (gendre et disciple de Viollet-le-Duc) à partir d'éléments d'archives et notamment à partir d'un précieux inventaire de 1501. Maurice Ouradou faire refaire, à partir de carreaux de l'époque, un carrelage vernissé décoré des initiales N et G entrelacées portant en cercle autour la devise "Seule" suivie d'une étoile qui signifie Nicolas (Rolin) uni à Guigone (de Salins) qui est sa seule étoile. Belle devise amoureuse. Cette devise et ses initiales se retrouve un peu partout dans l'Hôtel Dieu, outre sur les carreaux de sol, sur les peintures décoratives et les textiles conservés. Les feuilles de chêne que l'on voit également sur les carrelages sont l'emblème de Nicolas Rolin qui signifie la solidité, la robustesse, la longévité. L'histoire n'a pas fait mentir la symbolique puisque Nicolas Rolin meurt âgé de 85 ans, ce qui est exceptionnel au XVe siècle.

C'est en foulant du pied ce carrelage dans la chapelle située dans le prolongement de la grande salle des pauvres que mon regard s'arrêta un temps sur le décor dudit carrelage. Je connaissais ce décor. J'avais déjà vu ces motifs, ces initiales, ou quelque chose d'approchant. C'était une évidence, ma mémoire ressortait de ses archives un décor similaire. Et ce décor avait été utilisé par Octave Uzanne ! Le blog Octave Uzanne en avait d'ailleurs la reproduction sur la page d'accueil (colonne de droite). Je vérifiai immédiatement avec mon iPhone que je ne trompais pas. C'était bien cela, Octave Uzanne avait fait faire (ou avait fait lui-même) une reproduction modifiée du motif décoratif du carrelage des hospices de Beaune !


Marque d'Octave Uzanne
publiée dans la Revue Encyclopédique (1896)

La devise SEULE est changée en SEUL
Les initiales N et G sont changées en O et U
Le décor tient sur un seul carreau tandis que les carreaux du XVe siècle
ont un décor divisé sur quatre carreaux


On trouve dans la Revue Encyclopédique (n°133 - tome VI - 1896) une reproduction ainsi décrite : Marque typographique d'Octave Uzanne. D'après un carrelage du XVe siècle. Cette marque carrée mesure 39 x 39 mm. Elle porte au centre les initiales O U (pour Octave Uzanne) avec des feuillages de chêne qui les traverse, le tout encerclé de la devise SEUL suivi d'une étoile, avec des feuilles de chêne en écoinçons. On voit très nettement qu'Octave Uzanne a modifié (par effacements) les lettres N et G pour en faire les lettres O et U. Par ailleurs le mot SEULE a été transforné en SEUL par effacement de la dernière lettre. Tous les autres décors sont identiques au carrelage vernissé qu'on peut voir à Beaune.

Que conclure de tout ceci ?

Octave Uzanne a détourné le décor du carrelage des hospices de Beaune pour créer sa propre marque typographique personnalisée. La marque d'Uzanne a été publiée pour la première fois en 1896 (sauf nouvelle découverte qui viendrait indiquer une date antérieure). Cela implique donc qu'il a eu connaissance de ce carrelage dans les mois ou les années qui précèdent. La restauration de l'Hôtel Dieu de Beaune par Maurice Ouradou s'est achevée en 1878. Octave Uzanne a obligatoirement vu le décor de ce carrelage entre 1878 et 1896. A-t-il vu ce décor reproduit dans une revue d'art et d'architecture ? A-t-il visité les hospices entre ces deux dates ? Nous ne savons pas. Ce qui est certain c'est qu'il a jugé opportun et agréable pour lui de détourner de son sens une devise qui signifiait l'amour entre deux êtres pour en faire la devise sans équivoque d'un célibataire endurci : SEUL. L'historiette ne manque pas de piment. Et cette petite découverte m'a valut un beau moment d'émotion.

Bien plus tard, en 1910 (Octave Uzanne est âgé de 59 ans), il visite (à nouveau ou pour la première fois comme le laisserait supposer le détail des lettres) les hospices de Beaune : J’ai visité minutieusement l’hospice et le musée du dit hospice où se trouve le triptyque du jugement dernier du primitif flamand Van der Weyden, écrit-il, – c’est une fort belle chose – l’hospice est très flamand en son ensemble – l’église notre dame est bien caractéristique, c’est une cathédrale admirable d’assises et de style – Beaune m’a charmé, c’est la Bruges de la Bourgogne. J’y ai marché 3 heures (lettre à son frère Joseph datée du jeudi 21 avril 1910). J'ai, 104 ans plus tard, fait la même visite que lui ou à quelque chose près.

Je vous livre ci-dessous les quelques passages de la correspondance entre lui et son frère Joseph se rapportant à sa visite à Beaune en 1910 (Archives de l'Yonne, fonds Y. Christ, Auxerre). A noter que la compagne de Joseph Uzanne à l'époque, Marie Adenot (la veuve Millon qui deviendra son épouse en 1916), était d'origine Beaunoise, ce qui explique la demande d'Octave Uzanne concernant "la meilleure auberge de Beaune".


Bertrand Hugonnard-Roche


Extraits de correspondance entre les frères Uzanne (Octave à Joseph) :

Mardi 5 avril 1910, Hôtel Beau-Rivage, Saint-Raphaël (Var).

"[...] tous mes travaux, je ne crois pas que je puisse aller au Cannet. Je ferai un petit séjour de 3 à 4 jours à Marseille, puis une soirée à Lyon, un déjeuner à Beaune (où ? prière de demander à Mme M. de me dire la bonne auberge), un jour à Dijon et, si le temps n’était pas aussi froid, une visite à la tombe de notre chère mère à Auxerre où je coucherais le samedi 23. Ce serait le dimanche 24, peut-être pourrais-tu venir alors coucher samedi à Auxerre pour t’associer à moi dans ce pèlerinage. [...]"

Dimanche 10 avril 1910, Hôtel Beau-Rivage, Saint-Raphaël (Var).

"[...] – n’oublie pas de demander à Mme Million la meilleure auberge de Beaune pour repas et propreté de chambre si j’y dois coucher."

Mercredi 20 avril 1910, Lyon.

" [...] L’encombrement des grands rapides « Marseille – Paris » me fait décider ceci : je partirai de Lyon, jeudi matin à 9 h 39 pour être à 7 h 07 à Dijon – c’est un bon express moyen avec M. R pour y déjeuner – ça me permettra de me reposer à Lyon et de ne pas partir à 7 h pour Beaune par médiocre omnibus fatigant. Je rentrerai vendredi à Dijon – le samedi matin, je quitterai Dijon à 8 h 45 pour être (en omnibus) à 9 h 44 à Beaune – J’y déjeunerai, visiterai l’hospice etc. J’en repartirai à 1 h 18, serai à Dijon à 2 h 15 (mes bagages y étant en consigne) et je reprendrai à 2 h 45 le rapide de Modane – Paris qui me conduira à Laroche à 4 h 38 – à 5 h 43 je filerai de Laroche sur Auxerre où je serai pour dîner à 6 h 17. Je t’attendrai donc seulement à Auxerre, ce sera plus confortable, nous ne prendrons pas froid à nous attendre à Laroche et si par hasard il faisait un temps affreux, glacial, rendant dangereux ma pointe sur Auxerre, je continuerais sur Paris où j’arriverais à 6 h 30 – ayant dîné et à temps pour aller coucher à St Cloud. Tu avoueras que c’est sage et prudent. Si le temps est beau ou tiède tu viendras à Auxerre certain de m’y trouver – d’ailleurs tu m’écriras – si je trouvais à Dijon une auto obligeante, j’irais à Beaune en auto et en reviendrais – ce n’est rien 37 à 38 kilomètres entre les 2 villes. [...]"

Il passe donc la journée complète du jeudi 21 avril 1910 à Beaune.

Voici le récit qu'il en fait à son frère le jour même :

Jeudi 21 avril 1910, Hôtel de France, P. Mesmer, en face de la gare PLM, Beaune (Côte d'Or).

[...] J’ai bien dîné hier soir à Lyon avec Sallès et Jeanin et suis parti ce matin par l’express de 9 h 39 d’où je descendis à Chagny pour prendre, après déjeuner au buffet, l’omnibus qui me mit à Beaune à 1 h 18. J’ai visité minutieusement l’hospice et le musée du dit hospice où se trouve le triptyque du jugement dernier du primitif flamand Van der Weyden – c’est une fort belle chose – l’hospice est très flamand en son ensemble – l’église notre dame est bien caractéristique, c’est une cathédrale admirable d’assises et de style – Beaune m’a charmé, c’est la Bruges de la Bourgogne. J’y ai marché 3 heures, je vais reprendre le train de 4 h 24 qui me conduira à Dijon à 5 h – j’y dînerai à la Cloche et y passerai la journée de demain. [...]

A cause d'un temps incertain, nuageux, avec des sautes de froid dangereux. En raison de la difficulté des trains pour rentrer avec ses colis de Auxerre à Paris, du jour des élections dimanche et du désir bien compréhensible qu'il a de regagner St Cloud après 5 mois d’absence, il préfère remettre à un autre dimanche, celui qui suivra les ballotages probablement sa visite à leur tombe chère (leur maman est inhumée dans le cimetière Saint-Amâtre d'Auxerre).

Pour plus de renseignements sur l'historique de l'Hôtel Dieu de Beaune, consultez le site.



Chapelle située dans le prolongement de la salle des pôvres,
son autel et son carrelage vernissé décoré.
Hôtel Dieu de Beaune

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