samedi 24 novembre 2012

Envoi autographe d'Octave Uzanne à Marius Vachon sur un exemplaire de l'Eventail (achevé d'imprimer le 1er décembre 1881).


Envoi autographe d'Octave Uzanne à Marius Vachon
sur un exemplaire de l'Eventail (*).
(achevé d'imprimer le 1er décembre 1881).


"au vieil Ami Marius Vachon
pour clore toutes hostilités
Ton très "sincerly"
Octave Uzanne"



(*) L’Éventail par Octave Uzanne. Illustrations de Paul Avril. Paris, A. Quantin, 1882 (achevé d'imprimer le 1er décembre 1881). 1 vol. gr. in-8, 143-(1) pages. Illustrations en couleurs en héliogravure. Tirage sur beau papier vélin des Vosges.



Marius Vachon, étude critique
par Michela Passini pensionnaire à l'INHA


L’œuvre de Marius Vachon s’est développé en trois directions : les études sur la Renaissance française, les travaux sur le vandalisme de 1870 et sur les dévastations de la Première Guerre mondiale, l’engagement en faveur du renouveau des arts industriels. Un seul fil conducteur unit ces différents intérêts : la volonté d’affirmer la grandeur de l’art et de la culture français, que ce soit contre l’envahisseur allemand ou qu’il s’agisse de montrer la supériorité de l’architecture française de la Renaissance, à ses yeux complètement indépendante de la tradition italienne, ou, enfin, qu’il soit question de la réorganisation de la production d’objets d’art contre de puissants adversaires tels que les Anglais ou les Viennois. Né en 1850, Vachon entra très jeune à la rédaction de La France d’Émile de Girardin, et il en fut pendant plusieurs années le secrétaire général. Son parcours fut donc celui d’un journaliste et d’un critique militant, et sa formation, acquise par une collaboration assidue avec différents périodiques : Le Temps, L’Art, la Gazette des Beaux-Arts, La Nouvelle Revue. Cette dernière, ainsi que La France, sont connues pour leurs positions d’un nationalisme intransigeant, et, lors de l’Affaire, pour leur penchant anti-dreyfusard. À ce propos, il est utile de rappeler que Vachon était lié au peintre Édouard Detaille, auquel il consacrera une monographie, et que celui-ci était fort proche de la Ligue des patriotes de Paul Déroulède. Les premiers ouvrages importants de notre auteur remontent à la fin des années soixante-dix. Il s’agissait d’une série de volumes consacrés aux édifices, aux monuments et aux œuvres d’art détruits ou endommagés pendant la guerre de 1870-1871 : le château de Saint-Cloud (1878), la bibliothèque du Louvre (1879), la cathédrale de Strasbourg avec les musées et les bibliothèques de la ville alsacienne (1882). À ce groupe d’écrits se lie, pour la violence du propos, un ouvrage tardif dédié à un problème analogue : celui des dévastations perpétrées par l’armée allemande lors de la Grande Guerre. Paru en 1915, Les Villes martyres de France et de Belgique est l’un des derniers travaux de l’auteur : il conclut sur des tons virulents une carrière commencée sous le signe d’un anti-germanisme exacerbé. Nous reparlerons de cet aspect de la pensée de Vachon, qui devait aussi déterminer de manière évidente les développements de sa réflexion sur les arts industriels. Les années quatre-vingts marquent le début de nouvelles recherches : avec un ouvrage sur L’Ancien Hôtel de ville de Paris (1882), sujet qui le passionnera tout au long de sa carrière, Vachon inaugure une période d’études sur l’architecture de la Renaissance en France. Déjà, à partir de ce premier essai, sa démarche s’avère fortement conditionnée par un parti pris politique. Le volume visait à démontrer que l’hôtel de ville n’était pas l’œuvre de l’architecte italien Domenico da Cortona, dit le Boccadoro, comme des témoignages « intéressés » l’avaient laissé supposer jusque-là : bien au contraire, l’auteur en était un maître français dont le talent paraissait injustement méconnu, Pierre Chambiges. Cette reconstruction tendancieuse sera attaquée à plusieurs reprises, notamment par Fernand Bournon en 1888 (Gazette archéologique, XIII), et par Bernard Prost en 1891 (Gazette des Beaux-Arts, V et VI, deux articles). Néanmoins, entre 1903 et 1905, Vachon en arrivera à présenter trois mémoires au conseil municipal de la Ville de Paris pour conjurer le projet d’apposer sur à l’Hôtel de Ville une plaque commémorative à l’honneur du Boccadoro, en revendiquant l’attribution du bâtiment à « un architecte parisien ». Les mêmes sous-entendus nationalistes dominent la monographie sur Philibert de l’Orme, publiée en 1887. Ce dernier était, aux yeux de Vachon, « un vrai Français de tempérament et de caractère » (p. 4). Son ouvrage devait d’ailleurs servir à combattre les « légendes » répandues par une historiographie « fantaisiste », qui avait le défaut de faire la part trop importante aux artistes italiens appelés en France par Charles VIII, Louis XII et François Ier. Ces prises de position s’expliquent plus clairement si l’on s’efforce de les situer dans le contexte de l’histoire de l’art de l’époque. Avec les années quatre-vingts, on assiste à l’affirmation d’une historiographie franchement revancharde : les travaux de savants tels que Léon Palustre et Louis Courajod esquissaient l’image d’une Renaissance française autonome, indépendante de l’évolution des arts en Italie et nourrie de la vigoureuse tradition gothique nationale. Les maîtres italiens attirés par les rois de France, non seulement n’avaient rien apporté de significatif, mais en plus avaient introduit en France les germes du maniérisme et de la décadence. À cette condamnation Vachon unissait une tendance marquée à attribuer aux hommes du XVIe siècle un patriotisme qui était plutôt celui du XIXe : il avait ainsi beau jeu à exagérer la rivalité entre Philibert de l’Orme et Primatice, en faisant de ce dernier « son ennemi juré et le chef ardent de la coterie ultramontaine » (p. 22) et en décrivant De l’Orme comme le héros d’une authentique résistance anti-italienne. La critique la plus sévère et la plus juste viendra en 1900 de Louis Dimier : en opposant Philibert de l’Orme aux Italiens et en le rapprochant aux maîtres maçons de l’époque précédente par une sorte solidarité nationale, Vachon méconnaissait le véritable caractère de l’art de De l’Orme et d’une Renaissance française qui avait puisé son originalité dans le mélange d’influences différentes. Cela dit, il est assez surprenant de constater que Philibert de l’Orme parut dans une collection dirigée par Eugène Müntz, maître de Louis Dimier et un des rares défenseurs à cette époque de la primauté de la Renaissance italienne, et que les deux auteurs échangèrent une correspondance qui frappe par des tons extrêmement amicaux. Seul après la mort de Müntz (1902), Vachon avancera un commentaire explicitement hostile et traitera le grand savant de chantre d’une vision « trop italianisante » des temps modernes (La Renaissance française, 1910, p. VIII ). Après une courte monographie sur Jules Breton, parue en 1899, les recherches de Vachon sur la Renaissance marquent un point d’arrêt : la fin des années quatre-vingt, et surtout la décennie suivante sont traversés par une série d’études et de missions visant la réorganisation et la promotion du système des arts industriels dont il sera question plus bas. Les travaux plus proprement historiques reprennent en 1907 avec le volume Une famille parisienne d’architectes maistres-maçons. Les Chambiges. En reconstruisant la biographie et la carrière des différents représentants de cette famille d’artistes, Vachon donnait un tableau assez complet de l’architecture en France au XVIe siècle. Comme Pierre Chambiges, son héros, Vachon fut obligé de se confronter avec « l’invasion des décorateurs italiens » (p. VII), qui – bien qu’il cherchât à en diminuer la portée – ne pouvait pas être niée. Ainsi il employa toutes ses énergies pour discréditer les « envahisseurs ». Comme la plupart de ses collègues à la même époque, Vachon n’avait pas de mots assez durs pour stigmatiser la conduite des maîtres italiens de Fontainebleau, souvent traités de malfaiteurs sur la base d’une lecture trop crédule de la Vita de Benvenuto Cellini. « L’essentiel pour ces artistes étrangers était d’avoir des places et des fonctions, de gagner de l’argent, des titres et des honneurs » (p. 8), expliquait-il, en opposant directement les ruses des Italiens à l’honnêteté et à la dignité professionnelle des Français. Ce contraste domine tout l’ouvrage : dans sa défense des vieux maîtres français, Vachon faussait les perspectives historiques en exagérant délibérément la séparation entre les artistes des deux nationalités. En particulier il tendait à souligner la dimension encore toute artisanale, manuelle, du travail des artistes français, qu’il qualifiait d’architectes et « maistres-maçons ». Les Italiens, au contraire, n’étaient que des « diviseurs de plan », étrangers à tout savoir-faire spécifique, à toute connaissance véritable des techniques de construction : ils se bornaient à fournir un plan très général des bâtiments, leur apparition n’avait entraîné par conséquent aucun changement dans l’organisation du travail propre aux Français. Ces prises de position, cet éloge du maître-maçon, artiste complet qui unit dimension intellectuelle et pratique de la création, n’est pas sans relations avec les batailles pour les arts industriels français que Vachon conduisait en ces mêmes années. Le volume La Renaissance française. L’architecture nationale, les grands maîtres-maçons, paru en 1910, ne fit que confirmer ces prises de position. Par cette vaste synthèse, Vachon formulait explicitement le principe qui est à la base de sa conception du développement de l’architecture française au XVIe siècle : celui d’une filiation directe, immédiate, du gothique. « Une émulation continue transformait l’éclatante supériorité de notre grandiose Moyen Âge en cette exquise Renaissance française, toute pénétrée de l’ingéniosité de nos habiles ornemanistes » (p. VII). C’était là une manière de se débarrasser définitivement de l’hypothèse importune de l’influence italienne : en affirmant une continuité ininterrompue entre gothique et Renaissance, Vachon retraçait l’histoire d’un art français complètement indépendant de toute « contamination » étrangère. Proche en cela de Louis Courajod, sans toutefois en avoir la science, notre auteur s’efforça tout au long de sa carrière de promouvoir l’image d’une France du XVIe siècle parcourue par un renouveau artistique et culturel qui ne comportait pas une fracture avec la glorieuse tradition nationale, mais qui au contraire puisait directement aux sources du « génie français ». En ce sens Vachon fut un représentant typique de ce courant de l’historiographie française qui vers la fin du XIXe siècle opéra la redécouverte de la Renaissance en insistant surtout sur la spécificité nationale du mouvement. Si l’approche de Vachon à ces études s’avère intensément conditionnée par une conception nationaliste de l’histoire de France, son engagement en faveur du renouveau des arts décoratifs le fut d’une manière encore plus évidente. Les dernières décennies du XIXe siècle furent marquées par le sentiment fort répandu d’une véritable crise dans le domaine des industries d’art : Vachon fut l’un des critiques les plus concernés par ces problèmes. En 1881, Edmond Turquet, sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts, le chargea d’une série de missions en France et à l’étranger : l’aboutissement en fut une recherche très complète sur l’état des arts décoratifs dans les différents pays d’Europe, publiée par le gouvernement (Rapports à M. Edmond Turquet, 1885-1994), et relatant avec une extrême précision les conditions sociales des ouvriers, la situation de l’enseignement, les particularités locales de la production, le résultat des réformes entreprises dans certaines régions. Décentralisation administrative et retour à l’organisation corporative du travail : tels étaient pour Vachon les principes auxquels se tenir pour rendre à la France un rôle de premier plan parmi les nations européennes. Le démantèlement des anciennes corporations survenu en 1791 constituait à ses yeux une des principales causes de la décadence actuelle des industries d’art françaises. Hors du contrôle sévère des corporations, mais aussi du système de relations qui assurait la survivance d’une tradition séculaire, l’ouvrier avait perdu tout sens d’appartenance : la chaîne de la transmission des savoirs, des techniques, des compétences spécifiques à chaque corps de métier s’était ainsi interrompue, avec un dommage incalculable pour la qualité de la production. Contre l’action centralisatrice des institutions, Vachon prônait une organisation sur une base locale, selon le modèle anglais et allemand : le pivot devait en être le musée d’art industriel, conçu comme un lieu d’apprentissage, de partage des connaissances. Sur ces bases théoriques se fondait en effet son engagement pour la création du musée d’Art et d’Industrie de la ville de Saint-Étienne, dont il fut conservateur à partir de 1889. Source de modèles, instrument actif de la perpétuation de la tradition nationale, le musée devenait dans les projets de Vachon un espace social par excellence, où les générations nouvelles rencontraient les maîtres déjà affirmés, et se formaient dans le culte du grand art français du passé. De ce point de vue s’explique la critique serrée que Vachon fit de l’Union centrale des arts décoratifs. Après avoir collaboré avec l’Union à l’occasion de l’exposition Les Arts de la femme (1892), il lança une véritable campagne de protestation : l’institution qui devait servir à encourager une production de qualité s’était avérée un lieu de rencontre pour de riches dilettantes et collectionneurs, s’intéressant à l’achat d’objets rares et précieux plus qu’au problème de l’éducation des artisans et à l’enrichissement des collections didactiques. Celle de Vachon fut évidemment une solution conservatrice de la question des arts industriels. Par ses appels aux valeurs de la tradition, un ouvrage tel que La Crise industrielle et artistique en France et en Europe (1886) témoigne directement des aspects passéistes de sa pensée. Plus tard, ses attaques virulentes contre l’art nouveau et contre toute tentative de renouvellement des arts décoratifs qui lui semblait relever de l’« internationalisme » firent de Vachon un des partisans les plus acharnés d’une esthétique nationaliste. Le déclenchement de la Grande Guerre contribua à exaspérer ces tendances, et tout spécialement le penchant anti-germanique qui s’était déjà révélé dans ses écrits précédents. En 1916, Vachon publia un nouveau volume d’études sur la question des arts industriels intitulé La Guerre artistique avec l’Allemagne. L’organisation de la victoire. Les thèmes sont les mêmes que ceux de l’avant-guerre, mais doublés d’un ressentiment farouche contre le peuple qui avait déclaré la guerre non simplement à l’État français, mais « à l’âme française et à la tradition artistique nationale » (p. 133). L’année suivante il renchérissait avec La Préparation corporative à la guerre artistique et industrielle de demain avec l’Allemagne. La dévastation de monuments et d’œuvres d’art tels que la cathédrale de Reims, bombardée par l’armée allemande en septembre 1914, suscitèrent des protestations extrêmement violentes par les historiens de l’art, les écrivains, les artistes français. Les interventions d’Émile Mâle, d’Henri Focillon, d’Étienne Moreau-Nélaton, de Louis Dimier et d’André Michel sont restées célèbres. Vachon aussi participa à un débat qui devenait plus âpre au fur et à mesure que les destructions se poursuivaient. Après avoir prononcé en Suisse une série de conférences visant à dénoncer les « crimes allemands » devant l’opinion publique des pays neutres, en 1915 il faisait paraître Les Villes martyres de France et de Belgique. La condamnation de la « barbarie » des ennemis, unie à l’exaltation des « vieilles pierres de France », « témoins éloquents et fidèles de la vie nationale, sociale et artistique d’un passé lointain, actif, fécond et glorieux en toutes manifestations de l’intelligence humaine » (p. 12), font de cet ouvrage un des plus représentatifs des années du conflit. (SOURCE, INHA).

Nous ne savons pas quelles étaient les raisons des "hostilités" entre Marius Vachon et Octave Uzanne dans ce début des années 1880.

A suivre ...

Bertrand Hugonnard-Roche

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