"Ma vieille bête d'ami (1)
Je suis arrivé ce matin dans la patrie du père J. J. Rousseau. Bien que dans l'enthousiasme, je suis diablement éreinté et je m'empresse de te faire à savoir que mon notaire juste au dernier moment pris de justes remords, m'a enfin expédié quelques gros sous (2). Tu n'es pas venu me serrer la main, je le regrette vivement et bien que ne comptant pas trop sur tes missives je te serai obligé de m'écrire à Divonne département de l'Ain poste restante.
J'ai l'intention de voyager sac au dos dans toute la Suisse, et de parcourir au feu la haute Italie, les lacs majeur, de Côme et la Via Mala.
Tes lettres me suivront comme des toutous si toutefois lettres il y a.
Si tu ne me parles pas du bitume parisien je ne toucherai pas un mot des montagnes ni des lacs de l'l'Helvétie.
Ainsi donc - à bientôt ou à longtemps.
Je serre tes mains huileuses (3) et vais visiter les communards (4) à Carouge et aux Eaux Vives (5).
Mes civilités à ton épouse.
Octave
Genève 30 juillet 1874
Ici l'on te gave, l'on dévore, et l'on est cousu de laquais sans être par trop cousu d'or, pour un rien, un groom se fourrerait dans ma [...]" (6)
(1) Le correspondant d'Octave Uzanne n'est pas connu. Cette lettre est écrite sur papier à en-tête de l'Hôtel de la Couronne, A. F. Rathgeb, Genève (marque imprimée en bleu). 2 pages in-8. Lettre conservée dans le fonds Carlton Lake (manuscrits français 286.21) du Harry Ransom Humanities Research Center (Austin, Texas, U.S.).
(2) Octave Uzanne attendait de l'argent de la part d'héritage de son père décédé en 1866.
(3) Les "mains huileuses" de ce mystérieux correspondant laissent peut-être supposer un artiste-peintre.
(4) La ville de Carouge située en bordure sud de l'actuelle ville de Genève qui en formait déjà presque un faubourg. De nombreux communards s'étaient installés dans cette bourgade accueillante et formaient comme une communauté dans la communauté.
(5) Les Eaux-Vives sont un quartier de Genève et une ancienne commune du canton du même nom.
(6) Malheureusement la fin de cette lettre est perdu.
Intéressante lettre du jeune Octave Uzanne (23 ans) déjà porté sur les voyages. Dans des écrits ultérieurs Uzanne ne sera pas très tendre avec la Suisse et ses habitants. Nous aurons l'occasion d'y revenir bientôt.
Bertrand Hugonnard-Roche
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