Peut-on vraiment connaître un homme à fond s'il n'a pas donné son opinion sur la chasse et la pêche ? Je ne pense pas. Uzanne l'a fait ! Au chapitre consacré aux Sports du Miroir du Monde dont nous avons parlé dernièrement ici même.
Mais lisons plutôt Octave Uzanne :
"Il existe néanmoins des sports d'été, ou demi-sports indépendants qui n'excluent point la muse de l'idylle, le chant de la rêverie, la lecture d'Horace et de Théocrite ; telles sont la pêche et la chasse, plaisirs de carnassiers que nous parvenons encore à poétiser, car le goût de la chasse n'est qu'un reste de l'état primitif de notre sauvage barbarie et avant d'être une récréation, la chasse fut pour l'homme, forcé de pourvoir à sa nourriture, une absolue nécessité. (...) la chasse, pour cruelle qu'elle soit aux yeux du philosophe chagrin, procure à l'homme une distraction à la fois saine, noble, licite et morale par l'enveloppante solitude dont elle l'environne, par l'étude constante de la nature à laquelle elle le contraint, par les diverses facultés qu'elle exerce et aussi, si ridicule que cela puisse paraître, par l'image de cette vie trop lentement donnée, pour être sitôt ravie. (...)
Uzanne passe ensuite en revue les qualités du chien cet associé actif, dévoué, aimant et fidèle, ce compagnon si profondément honnête, cet unique ami sincère de l'homme (...)
Il poursuit avec cette savoureuse tirade sur le pêcheur à la ligne :
"La pêche est, à vrai dire, un petit sport moins noble [que la chasse], un sport de contemplatif, de rêveur et de sournois ; le pêcheur à la ligne est généralement égoïste, maniaque, tatillon ; il apporte dans l'exercice de son goût des moeurs bureaucratiques, méthodiques, généralement mesquines ; il est patient par nature, sans avoir la vertu de la patience, qui est celle des impatients ; - il recherche l'ombre, la solitude et affecte des manières désagréables et hargneuses vis-à-vis de quiconque trouble dans ses petites manoeuvres lentes, mesurées, et minutieuses. - Le pêcheur à la ligne est rarement gai ; il reste muet comme la carpe qu'il guette. C'est le sport des ventrus."
Nous reviendrons prochainement sur d'autres textes de ce Miroir du Monde si instructif quant à la pensée d'Octave Uzanne en 1887-1888. Il est alors âgé de 36 ans. Le dédain pour la société des hommes voire la misanthropie qu'il développe en de nombreux endroits de ce volume doivent être relevés avec minutie pour dresser un portrait instantané le plus véridique possible. A moins qu'Octave, être paradoxal par excellence, ne joue avec le lecteur et n'affiche de lui que l'image qu'il veut bien qu'on retienne. La question n'est pas tranchée.
Bertrand Hugonnard-Roche
hum... je serais pêcheur, çà ne m'aurais pas plu... j'aurais pris la mouche !
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