mardi 24 septembre 2013

Octave Uzanne fait le compte-rendu d'Un brelan d'excommuniés par Léon Bloy (1889). Le Livre, Livraison du 10 février 1889. « Ce livre est à lire et à conserver »



Léon Bloy (1846-1917)
Gravure sur bois par Félix Vallotton
Dans la livraison du Livre du 10 mars 1887 Octave Uzanne faisait le compte-rendu du Désespéré de Léon Bloy. « M. Bloy est un exaspéré de désespoir, de misère et de luttes » écrivait-il alors.

Deux années plus tard, c'est encore lui qui signe le compte-rendu pour Un brelan d'excommuniés dans le Livre. Si le Désespéré était pour Uzanne « ce livre chargé à dynamite qui n'a blessé personne », Un brelan d'excommuniés est un « livre est à lire et à conserver ».


Bertrand Hugonnard-Roche



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Un brelan d'excommuniés, par Léon Bloy. Paris, Albert Savine. Un vol. in-18. - Prix : 2 francs. Critique Littéraire du Mois (Mélanges littéraires). [Compte-rendu signé U. pour Octave Uzanne.]


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Léon Bloy, le Caïn Marchenoir du curieux et puissant roman le Désespéré, ce livre chargé à dynamite qui n'a blessé personne, - la presse ayant fait assez piteusement le vide autour de l'explosif,- Léon Bloy, qui est devenu aujourd'hui le véritable derviche hurleur du Gil Blas, vient de publier récemment un livre-calvaire où il montre, hautains et superbes, trois contempteurs du bas public : Barbey d'Aurevilly, Ernest Hello et Verlaine, dont il recouvre les personnages des trois costumes symboliques et épithétiques suivants : l'enfant terrible, - le fou, - le lépreux.
Ces trois physionomies, ou plutôt ces trois eaux-fortes sont mordues largement et profondément non point avec cet acide vitriolesque dont le portraitiste féroce sait d'ordinaire si bien enduire ses victimes - (qu'on pourrait le nommer la veuve Gras de la littérature), - mais avec un perchlorure d'enthousiasme violent et sincère pour les oeuvres de ces trois illustres bannis de gloire.
Je me sentirais mal habile à analyser par le menu cette forte brochure, qui s'ouvre ainsi qu'un remarquable tryptique où les trois excommuniés apparaissent comme auréolisés et canonisés par le fulgurant talent de Léon Bloy, talent que Jules Barbey d'Aurevilly comparait naguère si pittoresquement, à de la ronde bosse peinte.
La manière de Bloy n'est point minutieuse, patiente, analytique ; elle est puissante et montre ses arêtes vives, ses couleurs crues ; il écrit comme sculptent les Caraïbes, avec le scalpel et l'emporte-pièce ; il ne faut lui demander ni du ténu, ni du fignolage, mais les choses qu'il frappe et martelle sont largement signées de sa main sauvage et pesante.
Ce livre est à lire et à conserver ; Bloy y enregistre et y timbre pour la postérité trois des plus nobles figures d'artistes de ce temps. La préface, qui montre le souverain mépris dans lequel le catholicisme moderne détient l'art, forme un avant-propos digne de l'oeuvre, et nous pouvons comprendre comment les trois catholiques, à divers titres et origines, qui font l'objet de ce brelan ont dû s'élever eux-mêmes, isolés dans les cryptes sonores de l'art, sans espérer jamais entendre les magnificat consolateurs des frères endormis dans le giron de l'Eglise.

U. [Octave Uzanne]
Le Livre, Bibliographie moderne,
Livraison du 10 février 1889, p. 58-59

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