« […] Il parlait bien, il abondait en
anecdotes. Ses thèmes préférés étaient Jean Lorrain et Barbey d’Aurevilly […]
»
André Billy
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« […] Le soir,
après le dîner, apparaissait aux Charmettes[1] un
écrivain dont le nom m’évoquait, bien avant que je le connusse, le Paris de l’époque
antérieure, celui du Boulevard, du premier Echo
de Paris et des chroniques à mots d’esprit. Enveloppé d’une cape, monoclé,
Octave Uzanne s’asseyait à notre table, et il parlait. Il parlait bien, il
abondait en anecdotes. Ses thèmes préférés étaient Jean Lorrain et Barbey d’Aurevilly,
à qui François Coppée l’avait présenté à ses débuts et dont il avait gardé l’éblouissement.
Une autre marotte d’Uzanne
était le célibat. Sans doute amassait-il alors des documents pour le Célibat et l’Amour[2] qu’il
devait publier quelques années plus tard avec une préface de Remy de Gourmont.
Quand je créai la collection Leurs
Raisons[3],
il m’écrivit pour se rappeler à mon souvenir et me proposer un petit livre qui
se serait intitulé Pourquoi je suis
célibataire[4].
Il mourut peu de temps
après[5].
Je passe souvent devant la petite maison qu’il habitait rue Antoine Barye[6],
et il est bien rare alors que je ne dédie pas une pensée à cet homme charmant
qui savait tant de choses et qui a tant écrit sur les matières les plus
disparates, avec le souci dominant de la femme et de l’amour. […] »
André Billy, Les beaux jours de Barbizon
Editions du Pavois, 1947, pp. 112-113
[1] L’hôtellerie
des Charmettes était une des plus
réputées de Barbizon. Joseph, le frère d’Octave Uzanne y venait loger
régulièrement. Nous savons par sa correspondance privée avec son frère Joseph,
qu’Octave Uzanne est à Barbizon de l'été à l’automne 1907 (juin à octobre) :
« Cher Joseph,Je n’ai pas reçu ta lettre à Barbizon avant midi. Les postes
barbizonniennes comme, tout, d’ailleurs, en ce pays reste à demi sauvage (ce
qui en fait le charme) fonctionnant plutôt déplorablement. […] Quelle
différence de température [Auxerre] avec ce bon Barbizon si bien protégé qu’en
hiver même il y fait doux et sec. Et quel air à Barbizon – on ne peut trouver
mieux – Rien ne le souille, tout le parfume. […] Paris m’ennuie et me
fatigue, sans utilité – J’arriverai bien un jour à régler ma vie selon
mes idées et la pratique de ma sagesse. En attendant j’ai trouvé l’idéal à
Barbizon. Pour 5 f. par jour […] pour la Pentecôte tout est loué à
Barbizon et partout, aux alentours de Paris » (lettre datée d’Auxerre le
27 avril 1907). Octave Uzanne s’installe donc aux Pleiades, pension de Mme
Delhomme. Le premier juillet, il écrit à son frère : « Hier le
dimanche barbizonien fut marécageux et la forêt fut tout le jour
inhospitalière, car le ciel s’arrêta peu de sanglotter et, sauf les promenades
au village, je ne m’aventurai point sous les futaies toujours si accueillantes
et protectrices. » Le 28 juillet il écrit à son frère : « Toujours
heureux dans mon petit nid. Barbizon est comble et je ne m’en aperçois
guère. Il y a les Ernest-Charles, femmes et filles aux Charmettes, mais
je ne les vois que modérément, ainsi que les autres personnages que j’ai pu
connaître et qui se sont présentés à moi. Je deviens de plus en plus solitaire
et ceux que je vois et écoutent, me semblent le plus souvent si vides, si
vaniteux, si dépourvus d’intérêt que je ne suis guère sollicité de fuir ma
propre compagnie. Il fait chaud, orageux, mais la forêt est fraîche et ma
demeure aussi, loin de la grande rue, des parisiens, des hôtels, etc. Pas de
poussière ni d’autos. » et encore le 4 août :
« Quant à quitter Barbizon pour des eaux quelconques … Horreur ! En
ce mois d’août !! Je n’estime pas ma vie monotone, loin de là ; je
savoure sa quiétude et ne m’en lasse ni m’en ennuie. D’autre part, je la juge
très saine, en air parfait, loin des bruits et des poussières et des humidités.
La vue seule des Charmettes en fête, jouant au genre balnéaire,
suffirait à me détourner l’imagination de vagabondage. L’exercice pondère mes
états neurasthéniques […] » Il fête son anniversaire à Barbizon le 14
septembre, il écrit toujours au même : « Mon anniversaire très
touchant ici – messe intime à la chapelle de Barbizon par le curé de Chailly,
charmant homme, Retté y assistait et aussi la vieille damoiselle [Mlle de
Santeuil] de 83 ans dont je t’ai parlé et dont on plaisantait la virginité. »
Le 27 septembre, il écrit à son frère : « J’espère que ce sera bien
et que, dès que Barbizon et la forêt seront rendus ce qu’ils sont sans
étrangers, je jouirai doublement de mon séjour ici. Je compte, à vrai dire, sur
l’automne et ses beautés forestières, ses temps gris, plus agréables que ces
ciels encore ardents de septembre. » Il quitte Barbizon le 7 novembre 1907
pour Paris. Il hivernera ensuite à Saint-Raphaël (Var).
[2]
Le Célibat et l’Amour, Traité de
vie passionnelle et de dilection féminine, avec une
préface par Remy de Gourmont, parait au Mercure de France le 20 mai 1912. André
Billy se trompe en disant qu’Uzanne rassemblait alors du matériel pour écrire
ce livre, car en réalité ce livre était écrit depuis fort longtemps puisqu’il
avait été publié avec d’infimes variantes dès 1890 (Paris, A. Quantin). Preuve,
encore une fois, que l’œuvre d’Uzanne est très mal connue des générations d’après
1900.
[3]
1928
[4]
Cet
ouvrage a-t-il été écrit ? terminé ? existe-t-il quelque part à l’état
de manuscrit ?
[5]
31
octobre 1931
[6]
Nous
n’avions pas connaissance de cette adresse d’Uzanne à Barbizon. La pension Les Pleiades est Grande Rue, la rue Antoine Barye est non loin. La
rencontre entre Uzanne et André Billy n’a donc pas eu lieu en 1907, mais bien
entre 1908 et 1910 ( ?) si l’on se réfère au mot : « qu’il devait publier quelques années
plus tard ».
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