samedi 9 mars 2013

Octave Uzanne répond à la question : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (revue Les Marges, 15 mai 1922)


LE XIXe SIÈCLE
EST-IL UN GRAND SIÈCLE ? (*)

Depuis quelques temps, le XIXe siècle littéraire français semble être l'objet de critiques violentes et d'attaques passionnées. On a été jusqu'à le nommer le "stupide XIXe siècle".
Le moment est-il bien choisi pour combattre, au nom de l'intelligence, un siècle qui, jusqu'ici, n'était maltraité que dans les manuels scolaires, et que les élites étrangères se représentent commun un des plus riches et des plus glorieux de notre histoire littéraire ? Si on se place au point de vue strictement national, y a-t-il intérêt ou danger à vouloir diminuer les grands écrivains contemporains, qui ont le plus largement aidé au rayonnement de la pensée française, en un temps où notre patrie, privée de la gloire des armes, méconnaissait même les triomphes sportifs ? Est-il opportun de rabaisser une époque éprise d'idéologie et d'art, aux yeux de nos foules actuelles, qui ne se complaisent que trop hélas ! aux jeux du stade ou au spectacle du cinéma ?
Cette question, les Marges ont cru intéressant de la soumettre aux principaux représentants des générations intellectuelles d'aujourd'hui.
Le siècle qui compte des poètes comme Vigny, Lamartine, Hugo, Musset, Gautier, Baudelaire, Banville, sans excepter les grands symbolistes, Verlaine et Mallarmé, des romanciers comme Balzac, Stendhal, Flaubert, les Goncourt, Zola, des critiques comme Sainte-Beuve et Taine, des écrivains scientifiques et des philosophes comme Claude Bernard, comme Auguste Comte, de suprêmes intelligences comme Ernest Renan, - et combien d'autres princes de lettres, encore, dans le lyrisme, la prose ou au théâtre ! .. Ce siècle-là est-il digne de notre réprobation ou de notre reconnaissance ?
Surpasse-t-il les autres siècles de notre littérature, les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, ou bien leur est-il inférieur ?
Lui sommes-nous redevables de notre désarroi ou de notre enrichissement spirituel ?
Voici les réponses que nous avons reçues [nous ne donnons ci-dessous que la réponse d'Octave Uzanne] :

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OCTAVE UZANNE

Le XIXe siècle est vraiment trop voisin du nôtre, et nous sommes encore sous son influence trop exclusive pour essayer de le juger dans son ensemble.
Toutefois nous avons déjà conscience de sa prodigieuse floraison intellectuelle dont l'épanouissement exalta notre admiration ; nous conservons le sentiment de la rare puissance de son action humanitaire et civilisatrice et il nous apparaît dérisoire qu'un temps si fertile en miracle puisse être, à cette heure, insulté, méprisé, dénigré par des esprits impuissants à créer et uniquement préoccupés, pour se grandir, de rabaisser tout ce qui les domine.
Ce n'est pas aujourd'hui, c'est vers l'an 2022 qu'il sera opportun d'ouvrir une enquête sur cette question.

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Cette enquête a été dirigée par Maurice Le Blond. On y trouve les opinions de MM. Maurice Barrès, Lucien Descaves, Blaise Cendrars, Charles Le Goffic, Camille Mauclair, Edmond Pilon, Lucie Delarue-Mardrus, etc.
Octave Uzanne a répondu à d'autres enquêtes de la revue Les Marges : 1° Enquête sur le Théâtre et le Livre (n°33) ou le goût du théâtre est-il bien une forme du goût de la littérature ? 2° Enquête sur l'Académie française (n°49) ou son influence est-elle bonne ou mauvaise ? 3° Quel est le monument de Paris le plus laid ? (n°59) Octave Uzanne n'a pas participé aux enquêtes suivantes : Sur les Prix littéraires (n°45) ou Etes-vous partisan des prix littéraires ou de leur suppression ? Pourquoi aucun grand poète français n'est-il du midi de la France ? (n°73) Que pensez-vous de la critique ? (n°83).

Bertrand Hugonnard-Roche


(*) Question posée par la revue Les Marges (tome XXIV, n°95 du 15 mai 1922, dix-neuvième année, pp. 6 à 53. L'opinion d'Octave Uzanne se trouve à la page 43.

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