vendredi 8 mars 2013

Octave Uzanne et le Merveilleux : Octave Uzanne croyait-il au spiritisme ? (L'Echo du Merveilleux - 1er octobre 1909 - Première année, n° 306)

Octave Uzanne était-il cartésien ou se pliait-il volontiers aux lois étranges de la métaphysique et de la métapsychique ? Peu d'éléments nous sont parvenus sur le sujet. Chronologiquement il faut s'arrêter à l'année 1890 (Octave Uzanne à 39 ans). Octave Uzanne se fait organisateur de "dîners occultes". Dîners de l'étrange dont on ne sait rien ou presque si ce n'est la brève liste de quelques invités triés sur le volet. Ainsi se retrouvent à ses dîners : Octave Mirbeau, J.-K. Huysmans, Stéphane Mallarmé, Claude Monet, mais également Elémir Bourges, Paul Cézanne, Mauriche Bouchor, peut-être Félicien Rops et le SAR Peladan, et sans doute encore bien d'autres personnalités des lettres et des arts du Tout Paris de 1890. Ce sont quelques passages dans des lettres de Mallarmé et autres qui donnent cette indication. Il semble que les dîners aient été donnés à l'instigation d'Octave Uzanne et chez Octave Uzanne ou sur son invitation. Sans doute plusieurs dînes de la sorte furent-ils organisés durant l'année 1890. Ces dîners ne semblent pas s'être prolongés en 1891. On n'en trouve plus aucune trace ensuite. Pourtant Uzanne conservera semble-t-il de l'attrait pour le paranormal comme l'atteste cette réponse qu'il fait dans l'Echo du Merveilleux en octobre 1909 (il a alors 58 ans). Voici cet article :

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M. Octave Uzanne
et
LE MERVEILLEUX (*)

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Nous avons eu la bonne fortune de rencontrer en villégiature M. Octave Uzanne, le littérateur de talent que le Tout Paris des lettres aime et apprécie. Nous l'avons questionné sur le Merveilleux et le Spiritisme et, avec une infinie bonne grâce, il nous a répondu ce qui suit :

- Je n'apporte aucune incrédulité à tout ce que nous nommons le Surnaturel, qui n'est encore que de l'inexpliqué. Nous sommes, en Europe, des enfants anxieux, curieux et craintifs vis-à-vis de tous les échos du Merveilleux.
" Les moyennes intelligences seules s'insurgent contre les témoignages d'un monde occulte et les nient. Les hommes de valeur, mis à l'épreuve des faits et des communications de l'au-delà, observent, réfléchissent et attendent pour conclure ...
- Tout cela, Monsieur, est en parfait accord d'idées avec notre regretté Directeur, mais permettez-moi de vous demander si vous avez fait du spiritisme ? ...
- Je suis de ceux qui n'ont jamais refusé le "guéridon de touche". A diverses reprises en France, en Belgique, en Angleterre, j'ai eu l'occasion de m'approcher du mystère des tables tournantes et des médiums. Je suis toujours revenu de ces incursions au pays des Esprits avec moins d'absolu scepticisme et davantage de goût pour ces épreuves, d'autant plus troublantes qu'elles nous réfèrent souvent les révélations de traits de caractère, de vérités intimes que nous pouvons seuls contrôler.
- Vous avez obtenu des manifestations ?...
- " Des amis célèbres ou obscurs, d'humbles disparus, ont répondu à mes appels formulés en pensée, m'ont exprimé des choses qui portaient le profond cachet de leur individualité morale, dans le style de leur esprit, avec la couleur de leur âme. J'en fus très frappé. J'ai vu à Londres, sous les doigts de délicates jeunes filles évoquant un aïeul, dandy libertin du temps de Georges III, une lourde table danser une gigue effrénée  martelée sur le plancher avec un rythme saisissant. Des faits inexpliqués, étranges, fantastiques (alors que je me pique d'un parfait sang-froid et d'une cérébralité absolument réfractaire aux hallucinations) se sont produits, dans ma chambre, à certaines heures de ma vie, des faits visibles, palpables qui ne pouvaient venir de troubles de la vision ou de l'audition. Ces phénomènes seraient trop longs à conter et j'ai la sagesse de les taire pour ne point passer pour un faiseur d'histoires à la Edgar Poë ou de contes hoffmanesques.
- Faut-il en déduire que vous croyez au spiritisme ?
- Je ne dis pas cela. Je ne suis pas comme Hugo, comme Sardou, comme tant d'autres poètes dramatiques, romanciers ou lettrés, un fervent, un crédule, un convaincu du spiritisme ... Je me réserve encore ..., mais je ne souris plus, je ne hausse plus les épaules. Je suis à mi-chemin du doute et de la foi.
" La science de demain, qui appréciera infiniment mieux tout ce qu'on peut obtenir de l'électricité humaine, tout ce qu'on peut dégager des effluves et de la polarisation des êtres, du rayonnement des individus, nous expliquera les lois de la transmission de la pensée et nous dira les causes des effets d'apparitions et des échanges permanents, entre les vivants et les morts.
" En attendant, l'heure du mystère a bien son charme que n'apprécieront plus ceux qui sauront les raisons de l’Étrange.
" J'aime encore, je l'avoue, à trier, vaguement angoissé, dans les limbes de l'erreur et de l'ignorance avec les troubles et les petits frissons qu'ils nous procurent et les curiosités nouvelles que l'inattendu nous inspire. "
Le jour baissait, nous étions sur la terrasse d'un vieux château où les apparitions et les fantômes doivent se livrer à toute leur fantaisie durant l'hiver et les nuits où le vent hurle ...
La pensée de notre Directeur si promptement arraché à l'affection des siens planait sur nous.
Il nous semblait qu'il applaudissait aux idées émises par M. Octave Uzanne et nous nous hâtâmes d'envoyer cette interview à la rédaction de l'Echo.

[signé] X.


Il est intéressant de mettre en parallèle ce billet avec celui que nous avions publié dernièrement sur les Forces cosmiques (article publié par Uzanne dans la Dépêche de Toulouse le 25 septembre 1929). Cet article est à lire ou à relire : "Forces cosmiques" publié par Octave Uzanne dans la Dépêche de Toulouse le 25 septembre 1929.

Bertrand Hugonnard-Roche

(*) article paru dans la revue bi-mensuelle L'Echo du Merveilleux, n° 306 première année, du 1er octobre 1909. Gaston Mery (1866-1909), directeur. Il était disciple d'Edouard Drumont, il fut rédacteur en chef de La Libre Parole. Inventeur du terme racisme dans son roman Jean Révolte. Sa revue l'Echo du Merveilleux consacra plusieurs numéros à authentifier les apparitions mariales de Marie Martel à Tilly-sur-Seulles. Dans La Libre Parole, il prit la défense de Jean-Baptiste Bidegain attaqué médiatiquement durant l'Affaire des fiches. Le premier numéro de L'Echo du Merveilleux a paru au début de l'année 1897, le dernier en 1914.

1 commentaire:

  1. Lecture associée pour les curieux : http://www.larevuedesressources.org/souvenirs-sur-huysmans,1565.html

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