La Morphinomane, par Eugène Grasset (1900) |
Dans la biographie de Jean Lorrain par Thibaut d’Anthonay, à propos du
duel qui opposa l’auteur de Monsieur Bougrelon au jeune Marcel Proust le 6
février 1897 dans le bois de Meudon : « Chacun des témoins de Lorrain se
serait, semble-t-il, distingué à l’occasion : « Octave Uzanne, qui
arrive, avec une demi-heure de retard, le visage gris et tiré, encore sous l’effet
de la morphine », selon Painter, et Paul Adam « qui d’émotion avait
une crise d’hystérie », se souviendra Proust dans une lettre de 1922. »
A la lecture de ces deux extraits se pose la légitime question : Octave
Uzanne fit-il usage de la morphine ? Si oui pour quelles raisons ?
Serait-ce pour soulager quelque douleur du corps ? de l’âme ? Aucune
information ne transpire à ce sujet dans aucune des lettres intimes que nous
avons pu consulter à ce jour. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’au
tournant de l’année 1904 ou 1905, Octave Uzanne prend la décision radicale de
mener une vie « saine ». Il décide alors de s’éloigner de
nombreuses tentations que lui offrait la Grande Ville : Paris. Il fait
alors le choix du calme, des repas réglés, des plaisirs sages et des relations choisies et modérées au strict minimum. Ce choix lui a-t-il été dicté
par des problèmes de santé ? une hygiène de vie déplorable ? Il semblerait
que ce soit un peu tout cela à la fois. Dans les années 1897, Uzanne et Lorrain
sont très bons amis et confidents. Sans doute Jean Lorrain entraîne-t-il Octave
Uzanne sur la pente de sa décadence. Cette petite descente en enfer
était-elle jonchée d’éther et de morphine ? C’est tout ce qu’il nous
faudra découvrir bientôt. Nous verrons également prochainement qu’Octave Uzanne
souffrait à cette époque de crises nerveuses, de neurasthénie chronique, d’un
mal de vivre allié à quelques défaillances physiques et psychiques. La morphine
était à cette époque le remède commun pour soigner ce type de dépressions. Le
lundi 9 septembre 1907 Uzanne écrit à son frère Joseph, depuis une pension à
Barbizon où il se repose : « Les médecins
d’ailleurs, même les réputés les plus calés ne voient que du feu dans tous ces
désordres nerveux. Je sens, moi, j’observe, je conclus par du calme, aucune
excitation et avec le temps je triompherai. »
Bertrand Hugonnard-Roche
Jean Lorrain écrira :
RépondreSupprimerLa Morphinée
Oh la douceur de la morphine
Son froid délicieux sous la peau
On dirait de la perle fine
Coulant liquide dans les os
Jean Lorrain