samedi 19 janvier 2013

"Robida fut un chaste, un réservé très pudique, en raison de ses origines alsaciennes et protestantes, je crois." écrit Octave Uzanne le 5 avril 1929 au libraire Fernand De Nobele.


Ce 5. IV 29 (*)

Cher Monsieur,

Je fus malade 7 semaines, en maison de santé, à St Cloud, et suis actuellement en convalescence grippale, mais déjà valide. J'ai trouvé cuivres et épreuves, à mon retour chez moi. Ces gravures sont celles qui illustrent, (en tant qu'eaux-fortes originales de Robida) notre oeuvre en collaboration : Contes pour les Bibliophiles. Vous pouvez vous en assurer vous même.
Robida fut un chaste, un réservé très pudique, en raison de ses origines alsaciennes et protestantes, je crois.
Je serais plus qu'étonné qu'il ait jamais fait une oeuvre vraiment libre. Des nudités ne l'effrayaient point, mais je puis me croire sûr qu'il ne toucha jamais à des figurations de rapports sexuels.
M. Borderel ne m'est pas absolument inconnu de nom, mais c'est très vague et ce nom ne m'évoque rien qui puisse intéresser la mémoire de Robida.
Croyez, cher Monsieur, à mon bon souvenir et à mes sentiments distingués.

Octave Uzanne



Cette carte-lettre datée d'avril 1929 (Octave Uzanne est âgé de près de 78 ans) fait partie d'un petit ensemble de correspondance adressée au libraire Fernand De Nobele (**). Elle intéressera ici plus particulièrement mes condisciples de l'Association des Amis d'Albert Robida. Cette lettre n'a, à notre connaissance, jamais été publiée. Nous reparlerons prochainement d'autres courriers échangés entre Octave Uzanne et la librairie De Nobele dans les mêmes années.

Bertrand Hugonnard-Roche



(*) Les mots soulignés dans le texte l'ont été par Octave Uzanne. Nous avons indiqué en gras les passages les plus intéressants de cette lettre (voir reproduction partielle du document autographe). La carte-lettre est à l'adresse du 62, Boulevard de Versailles à Saint-Cloud.

(**) Fernand de Nobele, président du SLAM de 1948 à 1951. A la fin de son mandat, A. Poursin cherche un successeur et demande à F.de Nobele si cela l'intéressait dans la mesure où il était secrétaire dans le bureau précédent. N'ayant pas d'activité syndicale spéciale et étant d'origine belge, il fait figure d’homme neuf et pose sa candidature. Qui était-il? Né à Bruxelles le 22 août 1910, après des études secondaires aux Lycées, Montaigne puis Louis le Grand, il fit son apprentissage en librairie chez Margraff, ancienne maison Le Hee. Là, il rencontre Raymond Clavreuil qui était commis et qu'il va remplacer (à son départ pour le service militaire) pendant plus de deux ans jusqu'en 1930.Il va alors travailler avec son père rue Saint Sulpice où ils publient des catalogues varia. A son retour du service militaire, en 1931, il y travaillera jusqu'en 1939 date à laquelle ils déménageront pour le ]5 rue Bonaparte dans le local occupé par Quereuil qui avait le privilège des ventes publiques en France. La guerre éclate et de 1940 à 1942, F. de Nobele est en captivité dans le Palatinat. Il s'évade en février 1942 et se réfugie clans une région du centre de la France où pendant un an il devient cultivateur. Au printemps 1943 il revient à Paris où il lèvera progressivement son rideau par crainte de dénonciations. Il redémarre avec le Bénezit en trois volumes qu'il vient d'acheter en nombre. A la Libération le Syndicat reprend pieds, il est secrétaire général sous la présidence Poursin et, est élu lui même président en juin 1948 avec Michel Gründ , Raymond Clavreuil, (Conseiller). L'essentiel de son action, comme il se plaît à le rappeler lui même, aura été d'abord de réveiller tout ce petit monde et ensuite de faire lever les barrières des prétentions administratives en discutant avec les pouvoirs publics. Il s'est en particulier occupé des problèmes douaniers en cherchant à protéger le patrimoine au niveau des exportations. Julien Cain avait d'ailleurs reçu une délégation de libraires en leur accordant sa confiance à condition de présenter les pièces uniques à la bibliothèque nationale. Etant entendu que cela ne concernait ni les livres qui figurent au catalogue de la B.N ni ceux qui seront passés en vente publique. Quant aux importations, elles ne sont accordées qu'au compte gouttes pour éviter la sortie de devises du territoire. Quoiqu' il en soit, il est décidé en mars 1950 que tous les livres ayant plus de 50 ans d'âge seront dorénavant exemptés des formalités douanières. Le bureau du 17 décembre 1949 décide qu 'il sera fait désormais appel à la solidarité des nouveaux adhérents pour alimenter la caisse de Secours. Aujourd'hui, cela fait toujours partie des usages. On décide de l'augmentation de la cotisation qui semble dérisoire (100 F) étant donné le service gratuit du Bouquiniste et qu'aucun droit d'entrée au SLAM n'est réclamé. A peu prés à la même époque, le SLAM organise une vente aux enchères au bénéfice des anciens prisonniers et déportés avec le concours gracieux de Maître Ader. Malheureusement, fau te de générosité cette vente n' a pas remporté un très gros succès. L'année 1950 est marquée par l'organisation du 4ème congres international de la LILA au cercle de la Librairie (le 1er s'est tenu à Amsterdam en 1947, le 2nd à Copenhague en 1948 et le 3ème à Londres en 1949). Ce congrès, qui s'est conclu par une exposition organisée par M. Guignard à la Bibliothèque Nationale où quarante livres exceptionnels (des incunables aux livres modernes) étaient présentés, a connu une audience considérable. Il a permis peu de temps après la guerre d'élargir le marché hexagonal. Il J suscité de nouveaux contacts avec les libraires étrangers, et de façon générale avec tous les professionnels intéressés par les nouveaux marchés et par les échanges internationaux. Rappelons que la L.I.L.A. (Ligue internationale du Livre Ancien) venait d'être fondée par M. Hertzberger et que le premier président en avait été le suisse William Kundig. Dès le début quinze pays y ont participé dont les Etats-Unis d'Amérique, puis très vite l’Allemagne et le Brésil. Il s'agissait de:faciliter les relations intellectuelles, culturelles et commerciales entre divers pays. M. Fernand de Nobele en a été le président pendant cinq ans (1968 à 1972) et a contribué à l 'élaboration, puis à la publication des US et COUTUMES destinés à régler les échanges internationaux entre libraires .Le 1er mars 1951, l'emblème de la LILA est adopté avec la devise 'Amor librorum nos unit'. Peu de temps après M.de Nobele fait circuler parmi les membres le modèle du label choisi par le Bureau pour le syndicat français. Il s'agit de deux livres 'black and white' accolés et ornés à gauche d’une fleur de Lys et à droite d'un bonnet phrygien; le tout surmonte du sigle SLAM en demi cercle. La même année, le président, pour défendre à la fois l'esprit syndical et celui de la LILA , fait le point sur les congrès de Londres et de Paris en déclarant: ‘Nous n'avons pas à défendre des intérêts opposés mais des intérêts communs’. D'ailleurs, à la fin de son mandat, le SLAM compte 412 membres dont 44 exerçant à l’étranger. Outre ses qualités de libraire et de président, n'oublions pas que M.F. de Nobele s’est signalé comme expert et comme éditeur. Il a organisé et assuré l'expertise d'un grand nombre de ventes publiques dont nous ne citerons, pour mémoire, que les trois plus célèbres: la vente Goutket, le mari de Colette, comprenant des Editions originales anciennes et des ouvrages de haute bibliophilie; la vente Jean Davray, avec Castaing et Pierre Bérès (6 et7 déc.1961); Manuscrits et livres précieux du XVe au XXe et la vente P... avec M. Guérin et Mme Vidal-Mégret. Livres d'architecture, décoration et d'ornements, livres de fête (2 et 3 fév. 1961). En tant qu'éditeur, on lui doit la diffusion d'éditions, reprints ou exclusivités: les publications de la S.H.A.F (Société de l'Histoire de l'art français), le répertoire des livres imprimés en France au XVIème et XVIIème siècles et la réédition du Salverte (Les Ebénistes du XVIIIème), du Baudrier (Bibliographie Lyonnaise) et du Delen (La gravure dans les Pays Bas). Il s'est assure la réputation du libraire spécialiste en Beaux- Arts avec la publication de catalogues copieux commençant par une table des matières et abordant tous les sujets: Beaux Arts, Arts décoratifs, Objets de collection, tableaux, imprimés, etc … etc… (Source : Historique du S.L.A.M., en ligne : http://www.ilab.org/fre/documentation/550-historique_du_s_l_a_m___deuxieme_partie_1934-1957.html - La librairie De Nobele est actuellement gérée par la fille de Fernand De Nobele, Françoise de Nobele, que nous remercions ici encore une fois pour nous avoir aimablement fait don de ces documents relatifs à Octave Uzanne.

1 commentaire:

  1. A propos de Jean Borderel : Bibliothèque Jean Borderel. Première partie. Editions originales la plupart en grand papier avec envois d'auteur, très beaux livres modernes illustrés et publications de sociétés de bibliophiles, dans de très belles reliures, principalement de : Mercier père et fils, Marius Michel, Maylander, Cretté, Marot-Rodde. [Préface signée L. C. Vente à Paris, Hôtel Drouot, 28 février, 1er et 2 mars 1938.]. Jean Borderel a par ailleurs donné un article intitulé "Albert Robida", en 1922, pour la Société Historique et Archéologique d'Argenteuil et du Parisis "Vieil Argenteuil" (bulletin n°1).

    Octave Uzanne semble avoir ignoré ce bibliophile.

    B.

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