jeudi 13 mars 2014

Octave Uzanne commente les ouvrages de Pierre Véron (1833-1900) : "de la sauce sans poisson" (1880)


Image Gallica
Compte rendu analytique du 10 octobre 1880 paru dans Le Livre :

Paris vicieux, côté coeur, par Pierre Véron (*), dessins de Grévin. 1 vol. Paris, Dentu. - Prix : 3 fr. 50.

Charmants, délicieux au possible, les dessins de Grévin, un vrai ragoût pour les amateurs de ce maître ès coquetteries féminines. On oublie à les regarder le texte clairsemé de M. Pierre Véron, et nous croyons qu'on n'y perd point grand'chose. Il faudrait un autre texte pour des dessins si littéraires ou d'autres dessins pour une littérature si entièrement dépourvue d'art, nous ne disons point d'esprit, M. Véron n'en a que trop, car il n'a que cela ; de la sauce sans poisson. - Au rez-de-chaussée du Charivari, passe encore !

O. [Octave Uzanne]

Octave Uzanne n'appréciait guère la plume de Pierre Véron si l'on en croit ce succinct compte-rendu. Le 10 octobre 1881 Octave Uzanne écrit encore dans les colonnes du Livre :

La Chaîne des dames, par Pierre Véron, vient d'être mise en vente à la librairie Dentu (1 vol. in-18 ; prix : 3 fr. 50). C'est le même esprit parisien et un peu superficiel de l'Art d'aimer et de Paris vicieux (côté du coeur). M. Pierre Véron réunit une ou deux fois par an ses chroniques de journaliste en un coquet volume, comme celui-ci. On peut passer une heure agréable à la lecture de ces petites fantaisies, dignes d'être intitulées Cocottiana. Ce dernier ouvrage est illustré de 400 dessins de Grévin, qui contribuent puissamment à égayer le texte du chroniqueur du Charivari.

Le 10 juillet 1882 Octave Uzanne trace un portrait plus précis de Pierre Véron à l'occasion du compte rendu des Mémoires des passants (Paris, Dentu ; in-18. - Prix : 3 francs.) :

Le titre est bien prétentieux et le volume bien mince, quoique le papier en soit épais. Je ne veux pas traiter M. Véron comme il fait souvent les autres, car il a la dent dure pour qui ne lui agrée pas. Il y aurait d'ailleurs ingratitude de ma part, étant de ceux qui lisent le Charivari. Excusez-moi ; Paf et Draner sont parfois si espiègles et Grévin si osé ! Quoi faire, au café, quand on a vu la gravure et que le journal reste ouvert devant vous ? On sait d'avance, ou à peu près, le contenu des articles : un crime bien atroce ou la séparation de corps entre gens connus ; si elle est épicée de détails scabreux, voilà la bonne fortune du chroniqueur, du bulletinier. Mais elles sont rares. A défaut, il se rabat sur le cancan de la veille, sur l'anecdote courante, sur les mille riens qui répétés par les échos du boulevard, prennent durant quelques heures les proportions d'un événement. Au besoin, il délayera le fait divers, le calembour, les lapsus d'un confrère. Il lui faut à tout prix amuser ou distraire un instant son monde.
On le lit pourtant ; on ne se fâche pas si, ayant à glisser dans un moment de disette une sottise un peu trop forte, il la met sur le dos de Guibollard ou de Calino. Pour moi, la seule chose qui m'exaspère, c'est quand, après avoir cité une fadaise insipide, il ajoute avec aplomb : absolument authentique. Eh ! triple niais, qu'importe que cela ait été dit par un autre ou par toi, dès que tu t'en rends responsable en l'insérant ?
Ma réflexion, vous le pensez bien, n'est pas à l'adresse de M. Véron. Lui, il a de l'esprit ; c'est incontestable. Seulement il le distribue comme les médecins homéopathes leur poison, par doses infinitésimales. A sa mort (espérons qu'elle tardera longtemps), on pourra dire de lui, ainsi que de l'un de ses homonymes, qu'il laisse moins de vide qu'il ne tenait de place. Si quelqu'un de ses rédacteurs, - et il en a qui s'acquittent spirituellement de leur corvée, - apportait au journal des articles aussi lâchés que la plupart de ceux dont se composent les Mémoires des passants, nul doute que le directeur ne l'envoyât se faire imprimer ailleurs.
Et pour finir, veuillez me pardonner d'avoir écrit tant de lignes pour dire si peu de chose. L'exemple de M. Pierre Véron est contagieux.

P. [Octave Uzanne]


(*) Pierre Véron, littérateur et journaliste, est né à Paris en 1833 (mort en 1900). Au sortir du collège, il renonça à la carrière de l’enseignement, qu’il s’était d’abord proposé de suivre, et s’adonna entièrement à la littérature. Il collabora à la Revue de Paris, à la Chronique, et ne tarda pas à se faire remarquer par la verve de son style et surtout par une étonnante fécondité, qui lui permit de fournir une quantité innombrable d’articles au Monde illustré, à l’Illustration, au Courrier de Paris, au Journal amusant, au Petit Journal, à l’Avenir national, à l’Opinion nationale, au Charivari, etc. Attaché à la rédaction de ce dernier journal en 1858, il en devint, après la mort de Louis Huart, le rédacteur en chef, et il en a conservé depuis lors la direction. M. Véron ne s’est pas borné à donner des articles, pour la plupart satiriques et mordants ; il a, notamment dans le Charivari, défendu la politique républicaine, et il a publié en même temps un grand nombre d’ouvrages humoristiques et fantaisistes sur les mœurs du temps. Nous citerons de lui : Réalités humaines, poésies (1857, in-18) ; Paris s’amuse (1861, in-12) ; les Gens de théâtre (1862, in-12) ; les Marchands de santé (1862, in-12) ; les Marionnettes de Paris (1862, in-12) ; les Souffre-plaisir (1862, in-12) ; l’Année comique (1861 et 1862, in-12) ; la Comédie du voyage (1863, in-12) ; le Roman de la femme à barbe (1863, in-12) ; Avez-vous besoin d’argent ? (1864, in-12) ; Monsieur Personne (1864, in-12) ; Maison Amour et Cie (1864, in-12) ; la Foire aux grotesques (1865, in-12) ; la Famille Hazard (1865, in-12) ; le Pavé de Paris (1865, in-12) ; Sauvé, mon Dieu ! (1865, in-12), vaudeville en collaboration avec H. Rochefort ; Par-devant M. le maire (1866, in-12) ; la Comédie en plein vent (1866, in-12) ; la Mythologie parisienne (1867, in-12) ; Monsieur et madame Tout-le-Monde (1867, in-12) ; les Pantins du boulevard (1868, in-12) ; l’Age de fer-blanc (1868, in-12) ; les Phénomènes vivants (1868, in-12) ; Poésies (1870, in-8°) ; le Carnaval du dictionnaire (1874, in-12) ; la Boutique à treize (1875, in-12) ; le Panthéon de poche (1875, in-12) ; le Sac à malices (1875, in-12) ; les Dindons de Panurge (1875, in-12) ; Paris à tous les diables (1875, in-12), la série des Paris Vicieux (1880 et années suivantes), etc.

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