jeudi 20 mars 2014

Octave Uzanne défenseur des magnétiseurs et autres guérisseurs (1902) « Les Droits de l'Homme ont été proclamés, faudra-t-il faire une nouvelle Révolution pour assurer les droits des malades ? »

Première page de l'article,
ornée d'un portrait photogravé d'Octave Uzanne

Voici un article découvert par hasard lors d'une recherche par Jean-Jacques Breton (*), que je remercie encore une fois ici d'avoir bien voulu partager avec les amis d'Octave Uzanne.

Le droit de guérir, chronique par Octave Uzanne (*)

Une ligue nouvelle vient de se former ; ne s'en forme-t-il pas tous les jours aujourd'hui, et pour les questions les plus frivoles ? Mais la ligue dont je veux parler me semble sérieuse et mérite d'être soutenue par toutes les personnes éclairées et par tous ceux qui souffrent ou sont susceptibles de souffrir, puisqu'il s'agit de la ligue pratique du massage et du magnétisme par des professionnels attitrés. Une loi, votée le 30 novembre 1892 sous la pression du corps médical, interdit aux masseurs et magnétiseurs le libre exercice de leur profession, tout au moins à titre officiel de guérisseurs. Autrement dit, les médecins, qui ont obtenu des pouvoirs publics cette loi, ont prétendu frapper, ainsi que des charlatans, et traiter en out-siders, un nombre très important de spécialistes dont on connaît cependant les cures souvent efficaces et parfois miraculeuses.
On ne saurait nier aujourd'hui les effets de l'action médicale et morale des magnétiseurs sur toutes les maladies nerveuses, les détraquements cérébraux et tous ces états de vague-à-l'âme, de soucis imaginaires, de chagrins sans causes dont les femmes principalement sont victimes. Bon nombre de médecins, lorsqu'ils ont affaire à ces neurasthéniques, à ces vésaniques, à ces pathétiques névrosées, convulsées, spleenéliques ; hystériques et autres, ne trouvent généralement aucune ordonnance positive à formuler; ils recommandent les drogues courantes à base de valériane, d'éther, de bromure de potassium, sinon des stupéfiants, et ils murmurent devant ces grandes infortunes physio-psychologiques : « C'est nerveux... ça passera... Des distractions, de la gaieté !... Variez vos occupations ; ne demeurez pas repliées sur vous-mêmes ; sortez, faites de l'exercice, etc... » Ces conseils, quasi insignifiants, restent sans effet, puisque, dans la plupart des cas, les pauvres femmes atteintes de ces désordres divers ont une maladie de la volonté qui leur retire pour ainsi dire le gouvernement de leur pensée et de leurs actions. Tout déterminisme leur devient impossible.
A ces perturbées, les docteurs encyclopédiques, les savants de la Faculté, les thérapeutes distingués ne suffisent pas à apporter un soulagement. Les magnétiseurs professionnels, qu'il faut bien se garder de confondre avec les hypnotiseurs, peuvent, lorsqu'ils pratiquent leur science humainement, c'est-à-dire avec une profonde conviction d'altruisme, de douceur et de bonté, exercer une action curative infiniment puissante, complémentaire de celle des médecins patentés. La suggestion, qu'ils pratiquent en gens éclairés, est une force admirable dans leurs mains et dont les bienfaits, d'ailleurs, ne sont plus à signaler. On cite d'extraordinaires apôtres du magnétisme humain dans presque toutes les grandes villes d'Europe et d'Amérique. On vient de toutes parts pour les consulter, et il n'est aucun de nous qui n'ait entendu et qui n'entende encore célébrer les cures invraisemblables de ces disciples éclairés et régénérés du mesmérisme.
Devant tant de faits probants, qui songerait à arrêter aujourd'hui les progrès du magnétisme et à priver les malades, accablés par les dépressions morales et l'inertie volontaire, des secours salutaires du magnétisme, cet agent physique soumis à des lois analogues à celles qui régissent la chaleur, la lumière et l'électricité ? On sait que les soins ne consistent pas toujours dans le sommeil provoqué, mais plutôt dans une suggestion pratiquée sous la forme d'une douce persuasion et souvent dans l'apposition des mains sur le centre nerveux, avec le puissant désir d'exercer sur le mal une action pour ainsi dire résorbante qui paraît le dissiper pour le moins temporairement.
Quant aux pratiques du massage, je ne suppose point qu'il soit nécessaire d'en faire l'éloge ; des livres entiers ont été consacrés aux moyens curatifs par l'action manuelle. Il existe en Suède toute une école de massage scientifique, dont les élèves se répandent chaque année dans le monde et ne peuvent suffire aux demandes d'une clientèle chaque jour plus nombreuse. Dans quantité de cas de congestions locales, d'invétérée constipation, de traumatisme et même pour nombre d'accidents compliqués de fractures, les habiles masseurs qui savent jouer de la pulpe du doigt et de la paume de la main avec des connaissances précises de l'anatomie humaine, obtiennent des guérisons promptes et surprenantes. Les rebouteux, d'ailleurs, qui, dans nos campagnes, redressaient les entorses, les foulures et autres déformations accidentelles, n'étaient que des masseurs instinctifs, tenant leur science naïve de guérisseurs sommaires qui la leur avaient transmise.
Les membres de la Ligue, qui viennent de lancer une pétition au Sénat, restent donc dans la vérité lorsqu'ils demandent au législateur d'intercaler dans le texte de la loi sur la médecine l'article suivant : « L'action magnétique et le massage, étant œuvres exclusivement manuelles, restent dans le domaine de la thérapeutique naturelle au même titre que les bains, l'air ou la lumière. Leurs partisans ne tomberont pas sous le coup des lois ci-dessus, tant qu'ils resteront dans leurs attributions. »
Les ligueurs estiment avec raison qu'on doit considérer l'homme en bonne santé comme un remarquable accumulateur naturel du magnétisme terrestre ; ils pensent donc, et nous pensons aussi, que cet accumulateur doit et peut, selon les appels qui lui sont faits, attribuer la distribution de ses forces au profit de ceux qui en manquent. On ne niera pas, d'autre part, que la pratique du magnétisme, aussi bien que celle du massage, exige des forces physiques infiniment supérieures à celles que peuvent posséder nombre de médecins consultants. On ne voit donc point et on ne saurait comprendre la raison qui empêcherait des hommes ayant une surabondance de vie et de force magnétique de se servir de leurs influences bienfaisantes en faveur des déshérités de ces mêmes forces.
La loi est inique, qui favoriserait le monopole médical au détriment de la logique des faits acquis et de la philanthropie. Je pense donc faire oeuvre saine en venant appuyer ici les revendications des intéressés qui ont le bon droit de leur côté. Les médecins syndiqués doivent se convaincre que l'opinion se refusera à considérer leur métier comme un privilège et les malades comme leur propriété exclusive, puisqu'il est des cas où ils ne peuvent les guérir ni les soulager.
Il semble naturel à chacun de rechercher, parmi les thérapeutiques infinies de la science contemporaine, celle qui semble appropriée plus spécialement aux douleurs dont il souffre. Que l'on s'adresse aux médecins électriciens, aux homoeopathes, aux hydrothérapistes et même aux empiriques, c'est un droit qui paraît indéniable, surtout à une époque où tant de pèlerins vont chaque année demander leur guérison à Notre- Dame de Lourdes, sans que personne pense à protester. Pourquoi dénier les vertus de l'influence psychique d'un magnétiseur ou d'un quelconque guérisseur ? La foi, ici-bas, entre pour une grande partie dans la cure des maladies. Le vieux proverbe : « Chacun prend son plaisir où il le trouve », pourrait être interprété, dans le cas présent, de cette façon : « Chacun doit pouvoir prendre son médecin là où il le désire ». Autrement, à cette heure de soi-disant liberté pour tous, la loi contre laquelle tant de gens protestent avec raison signifierait : En cas de maladie, chaque citoyen devra prendre un médecin officiellement reconnu, sinon être abandonné à son mal. Les Droits de l'Homme ont été proclamés, faudra-t-il faire une nouvelle Révolution pour assurer les droits des malades ?


OCTAVE UZANNE.


(*) Docteur ès lettres, chevalier des Arts et Lettres, Jean-Jacques BRETON a travaillé au département Livres de la Réunion des Musées Nationaux.Spécialiste des arts premiers, il publie aussi des ouvrages voulant ouvrir au grand public les zones insolites ou négligées de l’art : œuvres curieuses des musées ou mouvements méconnus comme l’art pompier. A paraître : “L’art est un mensonge. Faux et faussaires” Hugo et cie, 2014.

(**) Article publié dans la Revue du Bien dans la Vie et dans l'Art. 1er août 1902. 2e année. - N°8. pp. 1-3.

8 commentaires:

  1. Il y aurait bien des choses à écrire sur Octave Uzanne et le traitement de la maladie. Il était volonté de ceux qu'il décrit si bien comme neurasthénique, pathétiques névrosés, convulsés, spleenéliques, etc. Il en donne plus d'une fois la preuve à son frère Joseph entre 1906 et 1910 dans leur correspondance privée. Octave Uzanne a-t-il lui-même consulté de ces guérisseurs et autres magnétiseurs pour soulager ses maux ? C'est fort probable.

    Bertrand Hugonnard-Roche

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  2. Même en tenant compte de l'année de parution de cet article (1902), on peut dire aujourd'hui (2014) qu'Octave Uzanne aurait dû se contenter d'écrire sur les caprices des bibliophiles.

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  3. Et pourquoi donc ? M. le Docteur Fontaine ne croirait-il pas aux forces de l'esprit ? :-D

    B.

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    1. Comment peux-tu croire aux forces de l'esprit, alors que tu ne crois pas à l'au-delà ? Le bibliophile François Mitterand liait logiquement les unes à l'autre.

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    2. Je ne fais personnellement aucun lien logique entre le spirituel (esprit) et un hypothétique au delà (invention de dieu par les hommes)

      B

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  4. Un article qui reste d'actualité. Les tenants de la médecine traditionnelle et leurs lobby ont la vie dure. Sylvain

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