lundi 2 février 2015

Découvrir la bibliothèque d'Octave Uzanne [17, Quai Voltaire à Paris] à travers les gravures de ses livres. Comme si vous y étiez ... ou presque.




Frontispice pour Nos amis les livres (1886)


      A ce jour nous connaissions trois iconographies de la bibliothèque de travail d'Octave Uzanne à son adresse du 17, Quai Voltaire à Paris. Lieu de toutes ses attentions décoratives (comme d'ailleurs toutes les autres pièces de ses appartements successifs).
      En 1886 paraît en frontispice de Nos amis les livres une eau-forte signée H. Manesse (graveur) d'après le dessin d'A. Lynch. Elle nous montre le bureau du maître écrivain-bibliophile avec à l'arrière plan une bibliothèque remplie de livres. Bureau encombré de livres, de papier, mais également de bibelots divers et variés : lampe à pétrole, bougeoir et sa chandelle (toujours utile en cas de panne de pétrole), encrier, faïence décorative. La bibliothèque est en bois avec colonnades torsadées dans le style Henri III si couru à cette époque. Sur le haut de la bibliothèque trônent diverses bibelots, sculptures, faïences. On distingue mal mais sans doute s'y trouve-t-il quelques œuvres de son ami le céramiste Jean Carriès. On distingue à peine sur cette eau-forte, en haut à droite (sur la gauche du bureau), un grand vitrail composé de pièces losangées formant panneau éclairant. C'est de la que venait la lumière du jour qui permettait de travailler. Octave Uzane n'est pas représenté dans cette gravure, on y voit un fauteuil vide poussé sous le bureau.



Eau-forte hors-texte pour le Dictionnaire Biblio-Philosophique (1897)


      La deuxième représentation de la bibliothèque Uzanne paraît en même temps que la troisième et dans le même ouvrage. C'est dans le Dictionnaire Biblio-Philosophique qui paraît en 1897, soit 10 ans après Nos amis les livres, que sont publiées deux gravures représentant une nouvelle fois le bureau-bibliothèque du Bibliophile.
      Que voit-on dans cette première gravure par Heidbrinck ? L'angle de vue sur la bibliothèque d'Octave Uzanne est notablement différent. On y voit toujours les mêmes boiseries à colonnades Henri III, des rayonnages remplis de livres, les in-folio en bas, les plus petits in-12 tout en haut, comme il se doit. Les hauts de bibliothèque sont décorées de céramiques et statuettes posées les unes à côté des autres. On les distingue bien plus nettement que dans la gravure publiée en 1886. On croit reconnaître des œuvres de Jean Carriès et peut-être même quelques unes d'Auguste Delaherche qu'appréciait fort Uzanne. Une lampe à abat-jour de tissu, des vases avec plantes vertes, un fauteuil avec une estampe posée, un tabouret, un coussin au sol, une petite table à pied tournés recouverte d'une étoffe. Posés sur cette petite table encore des céramiques. Ce sont deux pans de mur remplis de livres que nous pouvons voir ici.
      La deuxième gravure donnée par Heidbrinck dans le Dictionnaire Biblio-Philosophique montre Octave Uzanne à son bureau de travail. La plume dans la main droite (Uzanne est droitier et écrit avec une véritable plume d'oie), assis sur son fauteuil à dos de barreaux, un masque sur le visage. On retrouve la lampe à pétrole vue dans la gravure de 1886. Les livres derrière lui dans la bibliothèque à colonnades de bois torsadé. Des céramiques posées derrière lui sur une petite table située à gauche de la bibliothèque. Un encrier sur le bureau, des papiers, une loupe (Uzanne a toujours des problèmes de vision, son œil droit est pour ainsi dire perdu, son œil gauche est faible). Un mégot de cigarette finit de se consumer dans un cendrier posé devant lui (Octave est un grand fumeur).




Eau-forte hors-texte pour le Dictionnaire Biblio-Philosophique (1897)


      Jusqu'à ce jour nous n'avions que ces trois représentations de la bibliothèque du Bibliophile-Bibliographe Uzanne. Le hasard d'une acquisition récente vient ajouter une vue inédite à celles-ci. La gravure en question se trouvait reliée en tête de La Nouvelle Bibliopolis d'Octave Uzanne, ouvrage publié en 1897, c'est à dire quasiment en même temps que le Dictionnaire Biblio-Philosophique (qui paraît quelques mois avant seulement). Cette gravure nous ne l'avions jamais rencontré auparavant. Elle a été reliée là sans doute par un amateur dont nous ne savons rien puisqu'il n'a pas laissé de trace (ex libris) dans le volume. Ce volume a été relié à l'époque par Charles Meunier (demi-maroquin à coins avec dos orné mosaïqué).
      Que nous montre cette gravure non signée non datée ? On voir Uzanne à son bureau, vu sur son profil droit (ce qui est fort rare voire unique). Uzanne ne voulait pas que l'on puisse le voir sous son profil droit. Son oeil droit était toujours mi-clos ce qu'il ne voulait pas voir représenté. Rien que cette information nous permet de penser que cette gravure, peut-être exécutée par un ami, n'a pas été retenue par Uzanne pour illustrer un livre (La Nouvelle Bibliopolis peut-être ?). On voit en entier la baie vitrée qui apporte la lumière avec en arrière-plan quelques toits et clochers de Paris (ceux situés en face du Quai Voltaire). On voit les livres dans la bibliothèque derrière lui. On distingue cette fois (on ne le voyait sur aucune autre vue) une nouvelle bibliothèque à droite de cette baie vitrée. Toujours des céramiques posées en haut de ce meuble. Le fauteuil d'Uzanne est cette fois nettement visible par le détail. C'est un fauteuil à dossier à barreaux comme nous avons déjà signalé ; on voit ici qu'il doit être pivotant (permettant ainsi à Uzanne de passer sans difficulté de son bureau aux rayons de livres situés derrière lui). Des plantes à côté de la bibliothèque. Des tapis au sol.
      Cette belle gravure, pour nous inédite, apporte donc son lot de nouveautés et aide à la représentation en trois dimensions de la bibliothèque d'Octave Uzanne au 17 Quai Voltaire. C'est quasiment une vision panoramique que nous offre ces quatre gravures.
      A qui attribuer cette gravure ? Elle pourrait être l'oeuvre de François Courboin ? Heidbrinck ? Albert Lynch ? De quand date-t-elle ? 1895 ? 1896 ? La personne qui a fait relier cette gravure dans son exemplaire de La Nouvelle Bibliopolis a inséré deux états : il s'agit de deux états avant la lettre, le premier état est d'un tirage plus clair, certains détails n'apparaissant que sur le deuxième état, qui paraît être un état définitif (voir le détail des clochers et toits de Paris en arrière-plan de la baie vitrée).
      Quoi qu'il en soit nous restons sur l'idée que cette gravure a été refusée par Octave Uzanne, sans doute parce qu'il ne s'y trouvait pas à son avantage. En attendant de rencontrer un autre tirage de cette gravure (qui nous semble être une gravure sur acier ou sur cuivre, la cuvette n'étant cependant pas visible de manière nette), avec de la chance avec la lettre si cet état existe, nous ne pouvons que prendre plaisir à imaginer ce lieu hautement inspiré par le travail acharné du Bibliophile.


Bertrand Hugonnard-Roche



Nous en profitons pour lancer un avis de recherche
concernant toute épreuve de la gravure ci-dessous
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Eau-forte ajoutée reliée dans un exemplaire de La Nouvelle Bibliopolis (1897)
Etat définitif avant la lettre



Eau-forte ajoutée reliée dans un exemplaire de La Nouvelle Bibliopolis (1897)
Etat non terminé avant la lettre


Note : 

Uzanne emménage au 17, Quai Voltaire, très probablement peu de jours ou semaines avant novembre 1885 et non 1886 comme nous l'avions cru jusque là.

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