dimanche 2 juin 2013

Octave Uzanne remercie Paul Lacroix, le Bibliophile Jacob, dans une épître dédicatoire placée en tête de la Guirlande de Julie (10 décembre 1875) : "votre exemple comme guide et votre mérite comme but".



Marque pour les premières œuvres publiées par Octave Uzanne chez D. Jouaust
(1875 et années suivantes)
Avec la devise RENOVATA RESURGO et le chiffre OU.


Voici une épître dédicatoire qui compte dans l'oeuvre imprimée d'Octave Uzanne. Elle se trouve placée en tête de la réimpression de la Guirlande de Julie (*) publiée à la Librairie des Bibliophiles chez D. Jouaust (éditeur-imprimeur). Ce petit volume in-12 sort des presses de D. Jouaust le 10 décembre 1875 (imprimé pour Octave Uzanne - comprendre : imprimé à ses frais). Tiré à 517 exemplaires seulement dont 500 sur papier de Hollande, 15 sur papier de Chine et 2 sur parchemin. Il est orné d'un joli frontispice à l'eau-forte par A. Mongin, d'un portrait de Julie d'Angennes, damoiselle de Rambouillet gravé à l'eau-forte par A. Lalauze, et d'une vignette à l'eau-forte signée LM probablement pour Louis Monziès. Très jolie impression en beaux caractères agrémentée d'ornements gravés (bandeaux, lettrines, culs-de-lampe) par Louis Monziès.
Ce petit volume se fait remarquer d'entrée par cette épître dédiée à Paul Lacroix, autrement dit le Bibliophile Jacob (**). Octave Uzanne a 24 ans. Paul Lacroix en a 69. Presque deux générations les séparent. Octave Uzanne a commencé par fréquenter le cercle des amis du conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal, probablement au cours des années 1871-1872, il avait alors tout juste 20 ans et aspirait à devenir bibliographe ou homme de lettres, sans doute les deux. Plusieurs lettres trahissent ses premières séances de travail à l'Arsenal mais également à Sainte-Geneviève et encore dans de nombreuses autres bibliothèques parisiennes et auprès d'érudits ou de personnes en vue de l'époque (tel Francisque Sarcey que nous avons déjà évoqué dans ce blog).
Paul Lacroix est posé ici en maître à suivre, en véritable maître à penser. Le jeune Octave Uzanne a choisi le Bibliophile Jacob pour marcher dans ses traces : "votre exemple comme guide et votre mérite comme but" lui écrit-il avec sincérité.
Voici cette épître, suffisamment courte pour ne pas tomber dans la flagornerie, mais suffisamment longue pour montrer tout ce qu'il devait au Bibliophile Jacob à ce moment précis où sa carrière littéraire était encore au point proche de zéro.

Deux choses intéressantes à noter. L'épître date du 10 décembre 1875 qui est également la date de l'achevé d'imprimer (??). Uzanne et Jouaust placent, selon un travail de réflexion sans doute commune, sur la page de titre, une vignette gravée par Louis Monziès et qui a pour devise RENOVATA RESURGO [renouvelé, je réapparaît] avec, sous un phénix dans un cartouche, les initiales OU pour Octave Uzanne. Une marque de plus à mettre au crédit d'un Octave Uzanne décidément précocement prolixe de son nom (voir photo) et qui finance ses éditions pour pouvoir en avoir le contrôle.

Bertrand Hugonnard-Roche

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ÉPÎTRE DÉDICATOIRE

A. M. PAUL LACROIX
(Bibliophile Jacob)


Paul Lacroix (1806-1884)
dit le Bibliophile Jacob, polygraphe infatigable
et compagnon de route d'Octave Uzanne
de 1875 à sa mort en 1884.
Monsieur,

Je viens, disciple fidèle, placer cette édition, de la Guirlande de Julie sous votre haute protection, rendre humblement hommage à votre vaste savoir, et atténuer, s'il est possible, ma dette de reconnaissance envers vous. C'est non-seulement au maître, au docte bibliophile, au grand lettré de ce siècle, que je dédie cette réimpression, c'est plus encore à l'homme bienveillant, au savant d'intimité, prodigue, comme les vraiment riches, de ses immenses trésors bibliographiques, de son expérience et de ses conseils. N'est-ce pas, en effet, sous l'influence de vos généreux encouragements que j'ai pu concevoir ma tâche, préparer et mûrir la réhabilitation des poètes de ruelles du XVIIe siècle ? Aux quelques beaux esprits que je me proposais d'exhumer, à Sarasin, Voiture, Colletet, Malleville, Brébeuf et Scudéry, n'avez-vous pas ajouté, avec l'enthousiasme juvénile de votre ardente érudition, les noms de Chapelle, Montreuil, Charleval, Lainez, Ferrand, et autres poètes, hélas ! oubliés, jadis oracles dans le temple du beau langage, talents originaux, précieusement étoffés de couleur locale, au milieu de la grandiose universalité littéraire du siècle de Louis le Grand ? Vous avez particulièrement daigné sourire à l'illustre galanterie du marquis de Montausier, éclose dans ce pays de la conversation, ou Julie d'Angennes était reine et idole, et j'ai eu l'inappréciable bonheur de contempler dans votre cabinet de travail, radieuse dans son auréole de fleurs, la ravissante Guirlandeuse, dont le portrait si recherché, et jusqu'alors ignoré, embellit, grâce à vous, cette nouvelle édition. Ne sont-ce pas là, monsieur, des titres à mon entier dévouement, et ne dois-je pas m'estimer fier et heureux d'avoir su rencontrer, au début du chemin, le guide sûr et charmant qui a bien voulu faire quelques pas sur ma route ? C'est donc sous votre inspiration que paraît aujourd'hui la Guirlande de Julie, et que renaîtront tour à tour tous ces rimeurs galants, favoris des Parnassides, troupe légère d'avant-garde des Corneille et des Molière, qui, en dépit de la verte férule du régent Boileau, sut si agréablement faire l'école buissonnière et butiner dans les sentiers de la double colline. Grâces vous soient rendues, monsieur, si je puis mener à bonne fin l'entreprise que je conçois, et offrir aux lettrés, dans une gracieuse rénovation, ces délicates victimes de l'oubli. Quoi qu'il en soit, heureux ou non dans l'avenir, ayant votre exemple comme guide et votre mérite comme but, je marcherai fièrement en avant, prenant la devise que les anciens, dans leur erreur, plaçaient sous le disque solaire :


Fit cursu clarior.


Avec l'assurance de ma plus vive reconnaissance et de ma sincère amitié, veuillez me croire,

Monsieur,

Le plus fervent et le plus dévoué de vos admirateurs.

OCTAVE UZANNE.


Paris, le 10 décembre 1875.

(*) La Guirlande de Julie est un célèbre manuscrit poétique français du xviie siècle conservé à la Bibliothèque nationale de France. Vers le milieu du siècle, le salon de l’hôtel de Rambouillet était le lieu de rendez-vous de nombreux aristocrates, écrivains et avocats célèbres. L’un d’entre eux, le duc de Montausier, qui devint gouverneur du Dauphin, tomba, vers 1631, amoureux de Julie d'Angennes, dite « l’incomparable Julie », fille du marquis et de la marquise Catherine de Rambouillet. Décidant, pour charmer la jeune femme qui était l’objet de son admiration et de son culte, de lui offrir un ouvrage surpassant tout ce qui pouvait se voir alors de plus singulier et de plus délicat en galanterie, il eut l’idée de demander aux habitués du salon de sa mère, parmi lesquels les gens de lettres et quelques beaux-esprits de ses amis Georges de Scudéry, Desmarets de Saint-Sorlin, Conrart, Chapelain, Racan, Tallemant des Réaux, Robert Arnauld d'Andilly, père et fils, Arnauld de Corbeville, Arnauld de Briottes, le capitaine Monmor et son cousin, l’abbé Habert, Colletet, Claude Malleville, Philippe Habert, le chevalier de Méré, Antoine Godeau, dit le nain de la Princesse Julie, Pinchesne, peut-être Pierre Corneille et le marquis de Rambouillet, d’écrire des poésies où chaque fleur chanterait les louanges de Julie. Il en résulta un des manuscrits les plus extraordinaires du xviie siècle et un des points culminants de la société des Précieuses. Il commença, en 1638, à composer les madrigaux dont l’ensemble devait former tout un livre à la louange de Julie. Lui-même en composa seize, dont la Tulipe flamboyante. Le texte fut alors calligraphié sur vélin, en ronde, avec une admirable perfection par le célèbre calligraphe Nicolas Jarry et la fleur citée dans chaque poème peinte par Nicolas Robert, alors fort renommé, le même qui commença le Recueil des vélins de la Bibliothèque du roi. Le manuscrit comprenait 490 feuillets in-folio. Après le titre, venaient trois feuillets de garde, suivis du faux-titre formé par une guirlande de fleurs au centre de laquelle étaient écrits ces mots : la Guirlande de Julie. Trois autres feuillets blancs séparaient ce frontispice d’une seconde miniature qui représentait Zéphyre tenant une rose de la main droite et, de la gauche, une guirlande de vingt-neuf fleurs. Parmi les autres feuillets, vingt-neuf portaient chacun une fleur peinte en miniature ; les autres présentaient un ou plusieurs madrigaux relatifs à chaque fleur. Les madrigaux étaient au nombre de soixante-deux. La reliure, en maroquin rouge, avec les lettres J et L enlacées, était l’œuvre de Le Gascon, l’un des plus habiles relieurs français. Après la mort du duc de Montausier, qui survécut à sa femme, ce précieux volume passa à la duchesse de Crussol-d’Uzès, et fut possédé plus tard par le duc de La Vallière. Lors de la vente de la bibliothèque de ce dernier, il fut acheté 14 500 livres par des Anglais. Il a été racheté depuis par la fille du duc de La Vallière. Le manuscrit est actuellement conservé au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. Jarry fit, du même manuscrit, une copie en bâtarde se composant de 40 feuillets in--8 ° qui ne contient que les madrigaux, sans peintures. Elle a été payée dans des ventes successives : 406 fr., 622 fr. et 250 fr. Un troisième manuscrit, moins remarquable, a figuré à la vente Debure. Le texte de la Guirlande de Julie fut publié pour la première fois en 1729, mais plusieurs poèmes avaient déjà paru dans divers recueils. Il fut ensuite réimprimé plusieurs fois (Paris, 1794, in--8 ° ; 1818, in-18 ; 1824, in-18, avec figures coloriées). Source : Wikipédia

(**) Paul Lacroix, plus connu sous les pseudonymes de P. L. Jacob ou du Bibliophile Jacob, né le 27 février 1806 à Paris et mort à Paris le 19 octobre 1884, est un polygraphe érudit français. Fils de Jean-Louis Lacroix de Niré, déjà littérateur sur les bancs de l’école, il faisait encore sa philosophie an collège Bourbon lorsqu’il publia son édition de Clément Marot. À l’âge de dix-neuf ans, il présenta au théâtre de l'Odéon plusieurs comédies en vers, qui furent reçues, mais les ennuis qui accompagnent la carrière d’auteur dramatique le dégoûtèrent bientôt et il cessa en même temps sa collaboration aux journaux de la petite presse, où il s’était fait cependant quelque réputation par de piquantes épigrammes. Il fonda en 1830 le journal Le Gastronome. Menant de front la littérature facile et la littérature difficile, comme on disait alors, il composa d’un côté des romans et de l’autre des livres d’histoire, puis il mêla les deux genres dans plusieurs publications. Ses premiers romans eurent du succès et firent école, malgré les difficultés de lecture qu’offrait l’imitation du vieux langage. La parution de l’Histoire du seizième siècle, remplie de recherches inédites, fut bien accueillie des esprits sérieux. Cette publication valut à l’auteur, à peine âgé de vingt-huit ans, la croix de la Légion d'honneur. Les romans historiques du Bibliophile Jacob, souvent réimprimés et traduits en plusieurs langues, contribuèrent pour une grande part à propager le gout du Moyen Âge, qui se répandit alors en France et en Europe jusque dans les arts. Ses publications bibliographiques eurent la même influence sur le gout des livres : il continua à cet égard la mission de Charles Nodier. P. L. Jacob parcourut l’Italie pour rechercher dans les bibliothèques publiques les manuscrits inédits relatifs à l’histoire de France. En 1842, il fonda avec M. Thoré l’Alliance des Arts, dans le but de faire connaître, par de bons catalogues, les trésors artistiques et littéraires que possédaient les collections particulières, et de servir ainsi les intérêts des amateurs de livres et d’objets d’art. Cet établissement, qui dura jusqu’en 1848, publiait un Bulletin, dont P. L. Jacob avait la direction. Nommé membre des comités historiques du ministère de l’Instruction publique, il en fit partie jusqu’en 1881, et y est rentré en 1858. Il eut une part active à la plupart des grandes publications qui virent le jour sous les auspices de ces comités. En 1848, il fut appelé à faire partie de la commission des monuments historiques créée près du ministère de l’intérieur. Pendant plus de dix ans, il poursuivit la réforme de la Bibliothèque du Roi et proposa un plan de réorganisation de ce grand établissement. En 1855, il fut nommé conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal et a notamment rédigé le catalogue de la bibliothèque de Soleinne. La réunion de ses ouvrages semble représenter la vie de plusieurs hommes. Il a tant produit, traduit, édité, annoté, que la notice qui le concerne dans le Grand dictionnaire universel du xixe siècle occupe deux pleines colonnes. Il publia, avec Henri Martin, une Histoire de France par les principaux historiens. Source : Wikipédia 

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