dimanche 24 juin 2012

Octave Uzanne et les Bibliophiles contemporains : Clodius Popelin (20 février 1889).

Collection Bertrand Hugonnard-Roche - juin 2012

Continuons notre visite au sein de la Société des Bibliophiles contemporains. Plusieurs documents viendront à la suite pour compléter cette intéressante étude de la première société de bibliophiles fondée par Octave Uzanne à la fin de 1889. Comme on le verra, celle-ci fut mise en train dès le début de l'année 1889 mais plusieurs retards empêchèrent qu'elle ne voie le jour avant novembre de cette même année.

Voici une première lettre dans laquelle Uzanne invite Claudius Popelin à devenir membre des Biblios Contempos. Il ne le deviendra pas. Popelin mourra en 1892 âgé de 67 ans.

Bonne lecture.

Bertrand Hugonnard-Roche

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Lettre autographe signée d’Octave Uzanne à Clodius Popelin, datée du 20 février 1889 et écrite sur papier à en-tête de la revue Le Livre, revue du monde littéraire, Maison Quantin, 7, rue St-Benoit, Octave Uzanne, Rédacteur en chef. ¾ page in-8 – papier vergé crème.

Paris le 20 février 1889

Mon cher confrère,

Je vous fais parvenir sous bande un projet de société lettrée[1] dont je serais heureux que la teneur put vous intéresser.
D’ici peu, cette académie d’amis des livres sera constituée et comptera parmi ses membres des noms illustres ; je voudrais parmi ceux-ci voir figurer celui de Clodius Popelin[2] qui synthétise si brillamment l’art du livre par la pensée et la forme « ut pictura poesis[3] » -
Je serai donc ravi, mon cher confrère, de recueillir votre bulletin de sanction[4], si le projet, tout grossièrement ébauché qu’il soit, vous séduit.

Croyez, mon cher confrère, à l’expression de mes sentiments les plus distingués.

                                        Octave Uzanne


[1] La Société des Bibliophiles Contemporains ou Académie des Beaux Livres, qui naîtra quelques mois plus tard.
[2] Claudius Popelin, né Claudius Marcel Popelin le 2 novembre 1825 à Paris 2e et décédé le 17 mai 1892 à Paris 8e, est un peintre, émailleur et poète français. Élève de François-Édouard Picot et d'Ary Scheffer, il est peintre d'histoire, de portraits et d'émaux.Il épouse à Paris 8e le 15 avril 1858 Marie Thérèse Anquetil (Paris 8e, 1er septembre 1836 - idem, 19 février 1869). De cette union naîtra un seul enfant, Gustave (1859-1937), artiste peintre.
[3] La comparaison entre les arts de la vue et ceux de l'ouïe s'inscrit dans une longue tradition qui, selon Platon, remonterait à Simonide, et qui s'est diffusée à la Renaissance à travers la lecture d' Horace. « L'esprit, écrit Horace dans l'Épître aux Pisons, est moins vivement frappé de ce que l'auteur confie à l'oreille, que de ce qu'il met sous les yeux, ces témoins irrécusables » (Art poétique, Flammarion, “ GF ”, 1990, p. 264).Reprise par les théoriciens de la Renaissance, cette comparaison sera à l'origine de ce qu'on a appelé la doctrine de l'«  ut pictura poesis ». Or celle-ci s'est constituée sur un contresens au sens propre, c'est-à-dire sur une inversion. Alors qu'Horace comparait la poésie à la peinture, rapportant les arts du langage à ceux de l'image, les auteurs de la Renaissance inversent le sens de la comparaison. Un poème est comme un tableau devient un tableau est comme un poème. L'« ut pictura poesis », telle qu'on l'entend dans le champ du discours sur l'art, consiste toujours à définir la peinture, à déterminer sa valeur, en fonction de critères qui sont ceux des arts poétiques. La fécondité de cette doctrine pendant plusieurs siècles fut incontestable (…)C'est ainsi que Félibien, dans le Songe de Philomathe, met en scène l' « ut pictura poesis » à travers un dialogue entre deux sœurs, l'une blonde, l'autre brune, la première s'exprimant en vers, la seconde en prose (publié en 1683, ce texte a été repris en appendice au Livre X des Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, 1668-1688). L'«  ut pictura poesis » ne se contente pas de modifier l'image et le statut de la peinture; elle transforme aussi sa définition en lui imposant les catégories de la poétique et de la rhétorique (l'invention, la disposition) et en lui attribuant une finalité narrative. La doctrine de l'ut pictura poesis triomphe ainsi dans la peinture d'histoire, considérée longtemps comme le genre le plus noble de la peinture. "ut pictura poesis erit": il en est de la poésie comme de la peinture (Horace). Nous renvoyons à cette page pour en savoir plus sur cette comparaison entre art poétique et peinture : http://robert.bvdep.com/public/vep/Pages_HTML/$COMPARAISON2.HTM
[4] Le compte rendu de la réunion constitutive des Bibliophiles contemporains en date du 18 novembre 1889 et qui donne la liste des membres fondateurs de cette société, ne mentionne pas le nom de Clodius Popelin. Popelin n’aura donc pas répondu favorablement à la missive d’Octave Uzanne. Popelin meurt le 17 mai 1892 à Paris.

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