Couverture de l’Éventail, dessinée par Paul Avril |
Paris,
le 26 Xbre 1881 [26 décembre 1881] [papier vergé bleu à en-tête du Livre, 7, Rue St-Benoît, A. Quantin, imprimeur-éditeur / Octave Uzanne, rédacteur en chef] (*)
Cher
monsieur,
Je
trouve votre mot à mon retour de Belgique où je viens de passer quelques jours.
La
question est embarrassante – comment résumer l’établissement d’un ouvrage qui
est si compliqué et dont la fabrication – sans parler du texte – m’a demandé de
si longues recherches et m’a fait franchir tant d’obstacles ?
Le
lecteur ou le curieux n’a pas à s’inquiéter de toute cette cuisine terrible d’un
beau livre, et je vais tâcher de répondre succinctement à votre obligeante demande,
dans le sens de l’insertion que vous pouvez faire.
Les
illustrations de ce livre offrent cette originalité qu’elles contournent le
texte et l’encadrent ingénieusement. L’auteur et l’illustrateur ne font qu’un,
le dessin interprète dans les marges les idées de l’auteur, et ces dessins sont
d’une variété et d’une finesse d’exécution dont l’héliogravure seule pouvait
rendre en les fac-similant les divers caractères : fusain, gouache,
crayon, sépia, camaïeu, croquis au trait, sanguine, esquisses à la plume très
poussées, tous les procédés en un mot dont un artiste peut se servir pour
réaliser ses conceptions.
Toutes
ces illustrations gravées sur cuivre et tirées suivant les « manières »
en différentes couleurs, ont d’abord été imprimées sur des presses en taille
douce et il a fallu repérer ensuite, sur des presses à bras typographiques, le
texte noir de l’ouvrage ; travail difficultueux au possible, si l’on songe
au retrait du papier mouillé, aux inégalités du pointage, au foulage « à
rendre imperceptible » dans la « retiration », à tous ces
labeurs d’impression dont le public se rend malaisément compte.
Pour
arriver à la possibilité réelle de cette mise en œuvre originale, il a fallu
que l’auteur fut à la fois inventeur, calculateur, artiste, chromiste,
taille-doucier, typographe metteur en page et le reste – car ses idées même
devaient se repérer dans les dessins déjà imprimés, alors que pour le lecteur, les
dessins ne font que paraphraser le texte. Il faudrait plus de dix pages de
détails techniques pour conter l’histoire de ce livre qui ouvre la série des
ornements de la femme et qui ne pouvait être exécuté que par celui qui en a
conçu la nouvelle manière, c'est-à-dire par
Votre
confrère aux Amis des Livres
Octave
Uzanne
Si
ce panégyrique ne vous suffit pas, je me tiens à votre disposition chez moi le
matin de 10 h à 2 h pour vous expliquer de vive-voix sans en rien négliger les
différentes triturations de l’Eventail.
Ce
sera assez long, je vous en préviens, - mais nous pourrons nous délasser en
causant de notre société sur laquelle il y a tant à dire et pour laquelle il y
aurait tant à faire.
Bien
à vous.
Oct.
(*) Coll. priv. Cette lettre était jointe à un exemplaire de l'Eventail d'Octave Uzanne. Ce volume a été achevé d'imprimer sur les presses d'Albert Quantin le 1er décembre 1881. Elle s'adresse à un des membres de la société de bibliophiles fondée par Eugène Paillet un an plus tôt. Octave Uzanne en est membre mais ne manque pas de faire remarquer à son correspondant que cette société n'est pas exempte de critiques. La personne à qui est adressée cette lettre doit faire une communication sur l'Eventail : dans quelle revue ? dans quel journal ? Nous ne savons pas pour le moment. Moins d'un an après paraît l'Ombrelle (Paris, A. Quantin, 1883 - achevé d'imprimer le 15 novembre 1882), deuxième et dernier volume consacré aux Ornements de la femme (série qui devait primitivement compter d'autres volumes). Ces deux volumes ont été illustrés par Paul Avril. Nous donnons ci-dessous quelques exemples de pages illustrées par cet artiste pour ce volume.
Illustrations pour l’Éventail d'après les dessins de Paul Avril (héliogravures)
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