dimanche 3 février 2013

Octave Uzanne et l'homosexualité en littérature : Les Marges, mars-avril 1926.

Octave Uzanne à son bureau
Nous avons publié récemment un billet intitulé Octave Uzanne défenseur de la cause homosexuelle dans la littérature en 1926, or il se trouve que l'article cité de la revue Arcadie (n°91/92 (juillet/août 1961) sous le titre : Un intéressant retour en arrière par Raymond Leduc, pp. 412/417, n'était pas complet du texte d'Octave Uzanne et avait tronqué et raccourci sa réponse, que nous venons de retrouver en intégralité dans la revue Les Marges de mars-avril 1926 et que nous donnons ci-dessous :

« Il se peut que selon Spencer, le progrès s'accomplisse par différenciation, mais j'estime que les moeurs demeurent les mêmes à travers les âges, l'humanité est immuable ; seule, disait Balzac, l'hypocrisie est plus ou moins perfectionnée.
Baudelaire, d'après ce que me conta Rops qui fut son ami, s'indignait violemment des limites que l'on prétendait assigner à la morale sexuelle. La casuistique étrange établissant les copulations permises ou interdites, le retour au vase debito ou vase indibito du père Gaucher dans les rapprochements des sexes, lui apparaissaient comme imbéciles ou ridicules.
« La nature, clamait le poète vierge, au dire de Félicien Rops, n'a mis aucun obstacle formel à l'accomplissement de certains accouplements que l'humanité, aussi bien que l'animalité, ont toujours pratiqués selon les opportunités. Pourquoi donc parler de moeurs contre nature, anti-physiques, anormales ? Là où il y a possibilités physiologiques d'adaptation et des conséquences nulles et aucunement nocives, en dehors de l'idée de repopulation, peut-il y avoir criminalité ou offense aux lois naturelles ? C'est question de vie privée, de goûts, d'impulsion ou d'instincts hérités. - "N'en parlons pas plus que des vices solitaires, cela suffit. » Cette façon de voir les choses me semble logique et sensée.
La littérature, sur ce sujet, qu'elle en soit préoccupée ou non, exerce une action d'influence bien minime. Le Docteur Freud dans ses études de psychanalyse, ne nous a-t-il pas suffisamment démontré, à quel point dès notre enfance, nous étions dominés par l'instinct sexuel et combien ce que nous nommons l'anormal suffit à éclairer le normal et vice versa ?
Pour répondre à votre questionnaire étendu, de façon précise sans omettre aucun paragraphe, j'aurais l'inconvenance d'un long écrit. Je préfère me réserver, et, sans abuser de votre hospitalité qui sera sans doute pour ainsi dire débordée, il me plaire sans doute de développer ma réponse en une étude spéciale. Il y a là une difficile chronique à écrire afin de ne pas effaroucher l'esprit public ; c'est peut-être bien ce côté périlleux qui me le fera entreprendre. La mesure ne fut comble qu'avec le marquis de Sade, dont la Philosophie dans le Boudoir, atteignit les limites du cynisme le plus brutal. Avec le Charlus de Marcel Proust et même avec son Albertine masquant, affirme-t-on, un délicat Albert, nous avons une large marge devant nous. - Les jeunes Romanciers la rempliront peut-être, avec esprit et talent. »

Octave Uzanne
Les Marges, mars-avril 1926

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