Voici une intéressante lettre adressée par Octave Uzanne à Charles Monselet. Elle se trouve parmi les papiers du fonds Y. Christ aux Archives de l'Yonne, qui outre une majorité de lettres adressées à son frère Joseph, contient une vingtaine de lettres adressées à divers correspondants. Ces lettres, des années du Livre (1880-1889), date à laquelle Joseph Uzanne collaborait et tenait souvent lieu de secrétaire pour son frère. Cette lettre se trouvant là, parmi les papiers de Joseph Uzanne, il est légitime de se demander si Charles Monselet n'a jamais reçu cette lettre ? Quoi qu'il en soit, cette lettre, donne de précieux détails quant à la situation financière du Livre qui n'était, semble-t-il, pas si saine que cela.
Bertrand Hugonnard-Roche
Paris, 31 décembre 1883
Charles Monselet (1825-1888) |
Je n’ai pas de chance avec vous au début de l’année
nouvelle ; heureusement que nos bonnes relations sont au dessus des
questions d’affaires, ce qui mitige pour moi l’ennui de cette lettre.
Voilà que l’administration du livre, éditeur
en tête, tablant sur la lenteur des renouvellements d’abonnements, se
réunit en commission de budget pour aviser à mille et une économies dont vous
êtes la première victime.
On supprime tous les gros traitements, le vôtre est
au premier rang et est jugé excessif, vu la situation actuelle et c’est moi, palsambleu
qui suis chargé de vous mander ceci – Plus de Causerie anecdotique !
– moi qui était si heureux de cette bonne aubaine de vous compter comme chef de
file de ma seconde partie. – moi-même je suis rogné – c’est une question d’héroisme
et de dévouement qui se comprend de ma part, mais vous aviez mieux à faire,
vous, mon cher ami, que de jouer les St Labre sur le seuil de ma revue
bibliophilique.
Votre premier article est composé, mais comme on ne
veut pas donner lieu à des réclamations d’abonnés qui, dès le numéro de février
se verraient privés de leur « Monselet », il ne sera pas
inséré.
Je tiens la copie à votre disposition ou épreuve si
cela nous est agréable.
Je vous quitte et vous cache toute ma mauvaise
humeur. Alceste n’était qu’un Philinte à côté de votre ami en ce moment.
Toujours tout à vous.
Octave Uzanne
P.S. Vous savez que par exemple je maintiens et à bon
prix les oubliés et dédaignés seconde partie. Ici, ce serait une
question de cabinet – rien moins que cela – et cela n’aura pas lieu – Je compte
donc sur un Sylvain Maréchal soigné. Octave.
(*) Charles Monselet, né à Nantes le 30 avril 1825 et mort à Paris le 19 mai 1888, est un écrivain épicurien, journaliste, romancier, poète et auteur dramatique français, surnommé « le roi des gastronomes » par ses contemporains. Il est avec Grimod de la Reynière, le Baron Brisse et Joseph Favre l'un des premiers journalistes gastronomiques.
La crise dans l'édition ne date pas d'aujourd'hui !
RépondreSupprimerCharles-Pierre Monselet est né chez un libraire. Il consacra ses loisirs à établir des bibliographies sur des auteurs du XVIIIe et du XIXe siècle, dont "Les Oubliés et les Dédaignés" (Alençon, Poulet-Malassis et de Broise, 1857, 2 vol. in-12). Il était également un gourmet, composa "La Cuisinière poétique" (Paris, Michel Lévy frères, 1859, in-18), et un "Almanach des gourmands" (Paris, Eugène Pick, 1862, in-16) dont le succès permit des éditions ultérieures. Bibliophile averti, il travaillait au milieu de ses « livres amoncelés », formule reprise sur l’ex-libris qu’il fit réaliser. Deux catalogues témoignent de la vente, par nécessité, de sa bibliothèque : le rare "Catalogue détaillé, raisonné et anecdotique d’une jolie collection de livres rares et curieux dont la plus grande partie provient de la bibliothèque d’un homme de lettres bien connu" (Paris, R. Pincebourde, 1871, in-8, 537 numéros) et le moins volumineux "Catalogue de livres modernes et d’autographes provenant de la bibliothèque de M. Charles Monselet" (Paris, A. Voisin, 1885, in-8).