Lettre autographe de Remy de Gourmont à Octave Uzanne. 25 février 1911. 2 pages in-8. Papier fin. (Collection Bertrand Hugonnard-Roche).
25 févr. 1911
Cher confrère et ami,
Je ne vous ai pas écrit depuis quelque temps parce que j'ai eu de vives douleurs gastralgiques, qui m'ont fort abattu et mis en retard de tous côtés. Vos conseils étaient bons sur l'Italie et Florence en particulier : je suis forcé de remettre à les suivre à une autre année.
C'est Davray (1), je m'en suis douté, qui vous a donné l'idée de m'écrire au sujet de la Société (2). Il est très pressant, et cela étonne un peu. Je lui ai promis à demi de me décider et vos instances ne sont pas non plus sans me toucher, car je sais que vous n'avez eu en vue que mon intérêt. Pour moi, il ne s'agit ni de comité, ni de dîner, ni de pension. Faut-il me rentrer annuellement des sommes qui ne soient pas ridicules, voilà toute la question.
Je vous remercie de m'offrir votre parrainage. Vous devancez mon désir, car je comptais bien vous le demander.
Je vais toujours me procurer mon casier judiciaire : j'espère qu'il n'est pas trop chargé et que je n'y trouverai pas, comme cela arrive, des arrêts égarés sur mon nom.
Que devient Huc (3) ? on ne voit plus jamais sa signature.
Avec mes bonnes amitiés,
Remy de Gourmont
(1) Henry-D. Davray (1873-1944), écrivain et traducteur des oeuvres de H.-G. Wells.
(2) De nombreux indices conduisent à penser que la Société en question est l'Association syndicale des critiques littéraires et bibliographes. En 1911, Octave Uzanne en était membre d'honneur et H.-D. Davray sociétaire. L'article 6 des statuts précise : "Les candidats devront adresser au Président une demande appuyée par deux parrains appartenant à l'Association, fournir la justification de leurs titres, et s'engager à acquitter, outre un droit d'entrée, une cotisation annuelle". Et dans l'article 7, on lit ceci, qui justifie la nécessité de présenter son casier judiciaire : "Le Conseil prononcera, sans délibération, l'exclusion des membres qui auraient été frappés de condamnations pour faits de droit commun entachant l'honneur". L'entrée de Remy de Gourmont dans cette Association semble alors légitime : il collabore régulièrement à la Dépêche depuis 1906, publie ses "promenades littéraires" dans Le Temps, et chronique régulièrement au Mercure de France depuis sa création. Impossible, toutefois, à ce stade des recherches, de dire si ce parrainage se fit et si Remy de Gourmont devint sociétaire de ladite Société.
(3) Arthur Huc (1854-1932), Journaliste et homme de pensée, Arthur Huc débute à La Dépêche en 1890 en tant que correspondant parisien avant d'être nommé rédacteur en chef en 1894, fonction qu'il occupe jusqu'à sa mort en 1932. Sous son influence, le journal devient une véritable puissance politique dans la République de la « Belle époque ». Authentique homme de gauche, d'un anticléricalisme féroce, ses articles signés du pseudonyme Pierre et Paul incarnent la doctrine radicale tout en dévoilant les multiples facettes de son talent. Ce grand polémiste scrute de sa plume les affaires politiques et sociales, mais c'est aussi un amateur d'art éclairé, dont les articles signés Homodei s'évertuent à éveiller le public de province aux innovations de l'avant-garde parisienne. De son style simple, rigoureux mais subtil, il captive le lecteur le plus modeste comme la haute bourgeoisie toulousaine. (Archive de La Dépêche).
Vous pouvez retrouver les autres lettres autographes de Remy de Gourmont adressées à Octave Uzanne en cliquant ICI.
Bertrand Hugonnard-Roche
Avec la collaboration de Mikaël Lugan
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire