mardi 16 octobre 2012

Deuxième vente Octave Uzanne : Catalogue d'un choix de livres contemporains en exemplaires choisis, curieux ou uniques tirés de la bibliothèque d'une Bibliophile Parisien (Octave Uzanne).


La salle n°8 au premier étage de l'Hôtel Drouot était-elle remplie de monde ce lundi 24 avril 1899 ? On peut le penser. C'est ce jour là, à deux heures de l'après-midi précisément, qu'allait se vendre une nouvelle partie de la bibliothèque d'Octave Uzanne. Partie choisie et fort opportunément circonscrite à un "choix de livres contemporains en exemplaires choisis, curieux ou uniques, tirés de la bibliothèque d'un bibliophile parisien." Octave Uzanne se cache encore une fois sous le voile de l'anonymat pour céder à l'encan quelques pépites issues de ses rayonnages les plus brillants.

C'est le libraire Durel, tout comme pour la première session de vente des 2 et 3 mars 1894, qui assure la vente et l'expertise, sous le ministère de maître Maurice Delestre, commissaire-priseur. Les livrres pouvaient être examinés du mercredi 19 au vendredi 21 avril chez Durel, 21 place de l'Ancienne Comédie ou au 9-11 Passage du Commerce.

Tout était prêt dans la salle. Les acheteurs savaient qu'il devraient payer 5 p. 100 en sus des adjudications. Les livres devraient être collationnés dans les vingt-quatre heures après l'adjudication, sans quoi, passé ce délai, ils ne seraient repris pour aucune cause.

M. Durel s'intalla à la chaise de l'expert. Le commissaire-priseur prit place. Quelques chaises restaient vides au fond la salle mais ne tardèrent pas à être occupées. Tout au fond, à droite, penché sur une cimaise, le regard baissé et tourné vers l'entrée, un homme âgé d'une petite cinquantaine d'année, veston bien apprêté et foulard-cravate délicatement noué autour du coup, scrutait l'assemblée d'un regard inquiet. La main dans sa barbe il s'interrogeait sur les suites de cette évènement. Qui était-il ? D'aucun diront qu'il pouvait s'agir d'Octave Uzanne lui-même, venu là pour contempler une dernière fois ses petits rejetons de bibliophile-éditeur ; les autres, plus avertis sans doute, savaient qu'il était loin, très loin, en voyage dans quelque terre d'orient d'après ce qu'on avait pu lire ici ou là. Peu importe. La séance allait commencer.

135 lots. Pas un de plus, pas un de moins furent mis sur la table recouverte de feutre rouge ce jour-là. On ne saurait dire si tout fut vendu et bien vendu. Nous n'avons pas à ce jour retrouvé les prix d'adjudications. Nous avons cependant le menu si nous n'en n'avons pas le prix ! Uzanne vendait Uzanne, une nouvelle fois (en 1894 cela avait déjà été le cas pour partie). Pas moins de 18 titres à l'entrée d'auteur : UZANNE (O.) ! Et encore ne compte-t-on pas les ouvrages édités par Uzanne qui ne portent pas toujours son nom mais qui lui doivent beaucoup, comme les Contes de Maupassant (1891-1892) dont on retrouve ici plusieurs exemplaires en fascicules (avec dessins ou non) ; La Porte des Rêves de Marcel Schwob édité pour les Bibliophiles indépendants (1899) fraîchement sorti des presses ; les Annales littéraires des Bibliophiles contemporains pour 1892 ; un exemplaire des Balades dans Paris illustré par A. Bertrand, pour les Bibliophiles contemporains également (1894) ; un exemplaire unique de Féminies (1896), aussi pour les Bibliophiles contemporains, exemplaire truffé de lettres des auteurs, de planches de Félicien Rops avant la lettre ; ici la Leçon bien apprise d'Anatole France pour les Bibliophiles indépendants (1898) en deux exemplaires ; encore là L'Effort d'Haraucourt pour les Bibliophiles contemporains (1894) ; l'Almanach de douze sports de William Nicholson pour lequel Uzanne rédigea l'étude-portrait de l'artiste (1898), un des 20 exemplaires tirés pour la Société des XX ; Les Rassemblements ou Badauderies parisiennes (1896) illustré par Valloton, exemplaire unique du manuscrit de tous les écrivains et un exemplaire broché de cet ouvrage aujourd'hui tant convoité des amateurs du XXIe siècle ; encore les Débuts de César Borgia, première création éditoriale pour les Bibliophiles contemporains balbutiants en 1890 ; toutes les entrées UZANNE (O.) sont occupées par divers ouvrages comme : L'art dans la décoration extérieure des livres, 1898 (exemplaire sur japon) avec ajouts etc ; Bouquinistes et Bouquineurs, 1893, exemplaire unique ; le Calendrier de Vénus l'un des 50 exemplaires sur papier Whatman avec 28 dessins originaux de Paul Avril ; le si renommé Dictionnaire Bibliophilosophique (1896-1898), exemplaire unique de l'auteur et président des Bibliophiles contemporains (truffé de lettres, dessins, etc) ; un lot de dessins de Heidbrinck pour ce même Dictionnaire Bibliophilosophique ; La revue L'Art et L'Idée, 1892, un des 15 chine ; L'école des Faunes, fantaisies muliéresques, 1896, exemplaire unique truffé ; La Femme à Paris (1894) avec aquarelle de Rassenfosse ; Le Miroir du Monde (1888), exemplaire sur Japon avec liseuse ou emboîtage japonais ; Les Modes de Paris (1898) relié par Noulhac, truffé ; La Nouvelle Bibliopolis (1897), exemplaire sur Japon en reliure églomisée par Pierre Roche, unique ; La Reliure moderne (1887), exemplaire unique truffé ; Son Altesse la Femme (1885), un des 100 exemplaires sur Japon relié par Carayon ; Les Surprises du Coeur (1881) avec dessins originaux de Paul Avril, complice artiste des débuts ; Vingt jours dans le Nouveau Monde (1893), exemplaire unique sur papier de Chine ; Voyage autour de sa Chambre illustré par Caruchet (1896) exemplaire unique truffé et relié en maroquin violet ; les Zigzags d'un Curieux (1888), exemplaire unique imprimé sur papier rose ; enfin les Contes pour les Bibliophiles d'Uzanne et Robida (1895), exemplaire unique sur papier de Chine avec lettres de A. Robida.

Uzanne vendait Uzanne ! Et d'autres aussi : on croise évidemment Félicien Rops, Joséphin Péladan, Théophile Gautier, etc. Mais finalement près de la moitié du catalogue contient des livres de Uzanne ou dans lesquels Uzanne a prit la plus grande part en tant que directeur artistique ou président de société de bibliophiles.

Pourquoi ? Pourquoi Uzanne décide-t-il de vendre des livres pour la plupart si fraîchement imprimés ? Notoriété acquise, exemplaires truffés, les exemplaires partiraient vers d'autres horizons. Les motivations sont-elles les mêmes que celles de mars 1894. Plusieurs courriers nous montrent qu'Octave Uzanne était en contact quasi permanent avec Durel à propos de la vente de livres de sa bibliothèque. Sans doute Uzanne en a-t-il d'ailleurs vendu d'autres entre mars 1894 et avril 1899, par l'intermédiaire de Durel ou directement.

La vente avait commencé. Silence religieux. Tout allait changer de mains. Ne nous reste plus pour le plaisir de savoir et pour celui non moins grand de l'émotion, qu'à retrouver un exemplaire de ce catalogue avec les prix d'adjudication notés à la plume. Mieux ! avec le nom des adjudicataires ! Mieux ! l'exemplaire de ce monsieur, penché sur la cimaise, tout au fond de la salle ...

La suite risque d'être palpitante ! ...

En guise d'amuse bouche attentatoire voici ce précieux petit catalogue devenu si difficile à dénicher ICI. (*) Bonne lecture !


Bertrand Hugonnard-Roche
pour évocation presque conforme


(*) si le lien de téléchargement n'est plus valide veuillez nous contacter par mail pour que nous puissions vous faire parvenir ce catalogue numérisé.

3 commentaires:

  1. Les résultats (partiels) de cette vente a été donné par la Revue Biblio-Iconographique de Pierre Dauze (1899). Le produit de la vente des 135 lots a été de 19.700 francs or. "Somme rondelette" d'après le commentateur de la revue. Les beaux livres se sont vendus entre 300 et 800 francs or chaque ! Les exemplaires étaient uniques, truffés. Ceci expliquant cela.

    Voir billet du 17 octobre 2012 ici : http://octave-uzanne-bibliophile.blogspot.fr/2012/10/resultats-de-la-deuxieme-vente-uzanne.html

    B.

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  2. Ces ventes de livres n'étaient-elles pas une façon de se mettre en spectacle?
    Acumuler des livres pour les lire et les placer dans la pénombre de sa bibliothèque peut satisfaire certains bibliophiles, d'autres ont besoin de les partager. Octave Uzanne ne pouvait pas créer un blog de bibliophilie mais il pouvait rassembler ses livres dans un catalogue et les offrir en pature à ses semblables ... Ce n'est qu'une hypothèse ..; y at-il un psy dans le coin ?
    Textor

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  3. Il y a certainement du vrai dans vos propos Textor. Mais comme je ne suis pas psy ... ;-) (mais je me soigne ...)

    B.

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