jeudi 26 janvier 2012

Physionomie comparée des frères Uzanne.


Octave Uzanne (1851-1931)
Homme de lettres, critique d'art et bibliophile.
Photographie Protat Frères, 1901.
(le cliché original qui a servi à cette publication date probablement de 1890)


Si tout le monde peut aisément retrouver la physionomie d'Octave Uzanne (1851-1931), aussi bien par la gravure que par la photographie (même si les photographies ne sont pas légion), il sera beaucoup plus difficile de satisfaire à qui voudra se faire une idée de celle de son frère Joseph.

Joseph Uzanne (1850-1937)
publiciste, journaliste et critique d'art.
Photographie Protat Frères, 1901.
(le cliché original qui a servi à cette publication date probablement de 1890)


Joseph Uzanne (1850-1937) était l'aîné des deux frères. Les informations le concernant sont assez peu nombreuses. On sait qu'il se fit connaître du public au tournant du siècle en dirigeant la publication des notices biographiques des Figures Contemporaines tirées de l'Album Mariani (14 volumes publiés entre 1894 et 1926 - avec une large interruption pendant et après la grande guerre). Cette très intéressante série, admirablement illustrée de portraits gravés avec luxe et d'ornements typographiques choisis du plus pur style Art Nouveau, offre au lecteur une galerie de plus de mille personnalités, des plus connus (princes, rois, empereurs, diplomates, hommes politiques, hommes de lettres, artistes, etc.) aux plus obscurs aujourd'hui tombés dans l'oubli le plus total.

Il était né à Auxerre le 4 septembre 1850 et est mort à Paris (VIe arrondissement) le 19 avril 1937. Sa date de décès était restée pour ainsi dire inconnue, je dois de l'avoir retrouvée dans une liste de courtes biographies des "Hydropathes". Joseph était Hydropathe (*) et franc-maçon semble-t-il (à vérifier). Il est mort dans un âge avancé (près de 87 ans) et a donc survécu près de 6 années à son frère Octave décédé le 31 octobre 1931.

Notons que Octave et Joseph eurent obligatoirement à travailler ensemble aux Figures Contemporaines tirées de l'Album Mariani puisqu'on trouve quelques préfaces ou introductions signées Octave Uzanne dans ceux-ci.

Quelles relations entretenaient les deux frères Uzanne ? A vrai dire, je n'ai que très peu d'informations à ce sujet. A ce jour je n'ai jamais lu Octave Uzanne citer son frère ou le travail de son frère et la réciproque est vraie. Se peut-il qu'ils n'aient pas été en très bon termes ? On serait tenter de le penser. La suite de nos découvertes nous permettra très certainement d'en savoir plus.

Leur physionomie peut être comparée grâce aux deux portraits photographiques reproduits par Protat Frères (Mâcon) dans une Galerie des Célébrités composées de très nombreux portraits publiés sur papier glacé en 1901. Probablement ces deux portraits sont issus de photographies plus anciennes, probablement de la fin du XIXe siècle, vers 1890. Octave comme Joseph semblent ici âgés d'une petite quarantaine d'années. L'un porte fièrement la barbe (Octave) tandis que l'autre (Joseph) arbore fièrement une belle moustache fin de siècle.

Nous aurons très bientôt l'occasion de reparler de Joseph Uzanne.

(*) Les Hydropathes est un club littéraire parisien, fondé par le poète et romancier Émile Goudeau, et qui a existé entre 1878 et 1880 puis, de façon éphémère, en 1884. Après la guerre de 1870, il se créa à Paris de nombreux clubs littéraires dont la longévité et l'importance furent extrêmement variées. Le club des Hydropathes fut l'un des plus importants tant par sa durée que par les artistes qui y participèrent. Le club fut créé par Émile Goudeau le 11 octobre 1878. Il choisit le nom Hydropathes (étymologiquement : ceux que l'eau rend malades), peut-être à partir d'une valse appelée Hydropathen-valsh de Joseph Gungl qu'il affectionnait. L'objectif premier du club était de célébrer la littérature et en particulier la poésie : les participants déclamaient leurs vers ou leur prose à haute voix devant l'assistance lors des séances du vendredi soir. Mais les membres professaient également le rejet de l'eau comme boisson au bénéfice du vin. Le club eut un succès important : dès de sa première séance, il réunit soixante-quinze personnes et il compta plus tard trois cents à trois cent cinquante participants. Cette réussite était due en grande partie à son président et animateur Émile Goudeau mais aussi à une certaine bienveillance des autorités et à la facilité d'inscription (celui qui voulait s'inscrire était toutefois tenu de mentionner sur sa demande au président un talent quelconque dans la littérature, la poésie, la musique, la déclamation ou tout autre art.) Dans les mois qui suivirent, de nombreux articles de journaux, en France et en Belgique, publièrent des comptes-rendus élogieux des séances du Club des hydropathes, et la revue du même nom, fondée par Goudeau, parut à partir de janvier 1879. La fondation du club y était présentée ainsi : Nous étions, en ce temps-là, un groupe jeune, composé d'artistes, de poètes, d'étudiants. On se réunissait chaque soir au premier étage d'un café du Quartier latin, on faisait de la musique, on récitait des vers. Mais la musique ne plaît pas à tout le monde, on n'aime pas toujours, lorsqu'on fait une partie de piquet ou d'échecs, à entendre chanter derrière soi, le chanteur fût-il excellent. Nous gênions souvent et nous étions gênés. Il nous fallait absolument un local à nous. De l'idée d'un local à l'idée d'un cercle, il n'y avait qu'un pas. Il fut fait, et le Cercle des Hydropathes était fondé. La création en était due surtout à l'activité d'Émile Goudeau. Il était juste qu'il en fût nommé Président. La revue compta trente deux numéros entre 1879 et mai 1880. On y trouvait transcrites les interventions, poésies ou monologues, des membres du club et la présentation, à chacun de ses numéros, d'une personnalité proche du groupe (d'André Gill à Sarah Bernhardt et de Charles Cros à Alphonse Allais), qui apparaissait en caricature en couverture et faisait l'objet d'un article élogieux en page deux. Elle fut ensuite remplacée par une autre revue intitulée Tout-Paris, dont l'existence fut éphémère (cinq numéros entre mai et juin 1880.) Le club se réunit d'abord dans un café du Quartier Latin (le Café de la Rive Gauche, à l'angle de la rue Cujas et du Boulevard Saint-Michel) puis dans divers locaux du même quartier, le voisinage étant indisposé par le bruit. C'est après une série de chahuts provoqués par le trio Jules Jouy, Sapeck et Alphonse Allais qui lancèrent des pétards et des feux d'artifices que le club disparut en 1880. Mais dès l'année suivante, la plupart des anciens membres du Club des Hydropathes se retrouvèrent au Chat noir de Rodolphe Salis, ouvert en décembre 1881. Plusieurs anciens Hydropathes rejoignirent, également en 1881, un autre groupe, les Hirsutes, dont le président, Maurice Petit, fut ensuite remplacé par Goudeau. Le groupe des Hirsutes se saborda en février 1884. Il renaquit alors sous le nom d'Hydropathes, mais cessa ses activités en juillet de la même année : les cafés de la rive droite, Le Chat noir en tête, avaient remplacé ceux de la rive gauche en tant que lieux de réunions privilégiés de la bohème estudiantine. Les anciens Hydropathes se retrouvèrent en 1928 à l'appel de Jules Lévy pour célébrer le cinquantenaire du groupe à la Sorbonne, cérémonie qui réunit cinquante quatre anciens membres et fit l'objet d'un article à la une du Figaro. (source Wikipedia). On sait que Joseph Uzanne fut présent au cinquantenaire des Hydropathes 17 octobre 1928 (il avait alors 78 ans). Je ne sais rien à ce jour des relations d'Octave Uzanne avec les Hydropathes.

Bertrand Hugonnard-Roche

6 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Erreur de manip.

    En regardant ces photos, je me suis dit que l'on voyait toujours Octave de profil. J'ai cherché très rapidement sur google image une photo d'Octave de face et je suis retombé sur ce billet du Bibliomane moderne :
    http://le-bibliomane.blogspot.com/2009/10/on-est-si-bien-en-compagnie-de-loctave.html
    En regardant mieux, je me demande si celui qui y est présenté comme étant Octave ne serait pas plutôt son frère Joseph ?
    Et du coup connait-on des photos d'Octave de face ?

    Eric

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  3. Remarque très judicieuse que je me suis fait également lorsque j'ai vu ce matin le visage de face de Joseph. Octave n'a jamais porté que la barbe à ma connaissance, sauf peut-être à la fin de sa vie, je n'en sais encore rien. Par contre je trouve que les deux frères sont très ressemblants (menton, oreilles, front), ce qui pourrait avoir causé cette méprise de la part des MNH lorsqu'ils ont légendé ces photos que tu cites en lien et que j'avais moi-même publié.
    A suivre donc.

    En tous les cas, nous avons là, deux belles photographies des deux frères Uzanne, désormais fixés pour un moment dans nos mémoires. Je ne désespère pas de trouve un jour des clichés originaux de l'un ou de l'autre. Pour le moment je n'ai qu'une seule photographie originale d'Octave en 1893 (voir mon billet publié à l'époque de sa découverte).

    B.

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  4. Je pense qu'il faut se fier aussi à la corpulence que l'on devine ici. Octave semble avoir été plus charpenté que son frère. Epaules plus massives, voire même un embonpoint qu'on devine sur quelques gravures. Joseph semble plus svelte. Les photos dans l'appartement montrent en effet un homme d'une carrure qui ferait plutôt penser à Joseph.

    B.

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  5. Complément d'information sur Joseph Uzanne posté par Jean-François, un commentateur, sur le Bibliomane moderne :

    Joseph Omer Uzanne est né le 4 septembre 1850. Il se marie tardivement le 17/6/1916 à Paris 6eme avec une femme de son âge Marie Adenot originaire de Beaune. Elle est veuve de Jules Ferdinand MILLON qui était marchand de domaines de métier, Elle a plusieurs enfants avec son 1er époux. Dans son acte de mariage, Jules Omer Uzanne est qualifié de publiciste, Directeur des Figures Contemporaines. Les deux époux résident Boulevard Saint Germain, lui au 172 et elle au 204.
    Louis Octave Uzanne est témoin au mariage de son frère, il est dit homme de lettres, à Saint Cloud, Boulevard de Versailles.
    J'ai trouvé cet acte de mariage en faisant des recherches sur la famille Millon puisque Jules Ferdinand MILLON a démoli le Château d'Angelier (construit 60 ans auparavant) à Dampierre sous Bouhy dans la Nièvre en 1905 après l'avoir acheté en 1904. Il a également gagné beaucoup d'argent avec le domaine du Clos Vougeot en 1889. La famille MILLON tout comme la famille UZANNE est originaire d'Auxerre également où ils étaient mariniers.

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  6. Le fait qu'Octave Uzanne ait été témoin au mariage de son frère en juin 1916 (Joseph a 66 ans et Octave 65) dissipe les doutes que je pouvais avoir sur leurs relations.

    B.

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