mardi 17 avril 2012

Octave Uzanne donne trois pièces en vers libres pour le Nouveau Parnasse Satyrique du XIXe siècle publié par H. Kistemaeckers en 1881.

Tant de questions restent encore sans réponses autour du bonhomme Octave Uzanne que parfois je me demande si une vie suffira pour en faire le tour ? Peu importe à vrai dire. Au moins j'aurai essayé de savoir, de comprendre et d'apprendre. Et c'est bien là l'essentiel. Ce blog se veut comme la plus vaste entreprise bio-bibliographique actuellement en cours de rédaction sur le Prince des Bibliophiles pour les uns ou le Monsieur de ces Dames à l'éventail pour les autres.

Qui était-il vraiment ? Voici l'unique question qui me préoccupe et motive toutes mes recherches actuelles et futures. Je reste persuadé qu'on ne peut comprendre l'oeuvre d'un écrivain ou d'un artiste que si l'on connait aussi (et même surtout) sa vie privée, son intimité, j'oserais même dire son âme. Peut-on pénétrer dans l'âme de quelqu'un ? et qui plus est post-mortem ? Rien n'est moins certain. Et pourtant je tente l'aventure.

Octave Uzanne est resté célibataire tout sa vie durant. Et pourtant il n'a cessé d'encenser la femme, les femmes, ses femmes, ses maîtresses. De ci, de là, on peut lire quelque dédicace à Madame *** mais sans jamais rien savoir de plus. Nous ne savons donc pas encore de qui il s'est fait aimé. Nous ne savons pas l'ardeur de son sentiment amoureux si ce n'est pas quelques lignes dispersées ici ou là dans Le Bric-à-Brac de l'Amour (1879), Le Calendrier de Vénus (1880) ou encore Les Surprises du Coeur (1881). Dans aucun de ces écrits vous ne rencontrerez textes licencieux, écrits avec des mots explicites propres au registre pornographique ou pour le moins fortement érotique. Jamais je n'avais pu prendre Octave Uzanne en flagrant délit de libertinage verbal. Seules quelques allusions textuelles avec pirouettes stylistiques invitaient parfois à la suggestion libertine.

En 1881 Uzanne est vert ! très vert ! il fête ses 30 ans ! ... Il n'y a guère que la littérature, la bibliophilie et les femmes qui occupent ses pensées. Quel beau programme !

C'était une erreur de croire qu'Uzanne n'avait jamais rien écrit sur le mode pornographique. Je me dois ici de remercier une amie, Prune, qui a la première posé les yeux sur ces vers évocateurs. Quand Prune m'informe qu'elle a trouvé un "Souhait priapique" signé Octave Uzanne, j'avouais de suite mon incrédulité. Et pourtant c'était bel et bien Octave Uzanne qui en était l'auteur, avoué, signé de son nom, imprimé à très petit nombre certes.

On trouve le Souhait priapique d'Octave Uzanne dans un recuil intitulé Le Nouveau Parnasse Satyrique du XIXe siècle pour faire suite au Parnasse Satyrique, édition revue, corrigée, complétée et augmentée de nombreuses pièces nouvelles, inconnues et inédites. Ce volume, le troisième d'une série de trois, a été publié "A Bruxelles, avec l'autorisation des compromis" en 1881. En réalité ce volume a été publié par l'éditeur belge Henry Kistemaeckers, à Bruxelles. Recueil  de pièces facétieuses, scatologiques, piquantes, pantagruéliques, gaillardes et satyriques, etc. Imprimé à 175 exemplaires seulement (rare de fait), ce troisième volume qui contient les auteurs modernes, est semble-t-il encore moins facile à trouver que les deux précédents. On trouve un long compte-rendu (4) sur cet ouvrage dans la onzième livraison du 10 novembre 1881 de la revue Le Livre (Bibliographie moderne), Octave Uzanne étant le directeur et rédacteur en chef de cette revue. L'article de compte-rendu est signé des initiales J.R. qui pourraient correspondre à Jean Richepin. Jean Richepin commentait souvent la sortie des ouvrages dans Le Livre. Cependant à la lecture de ce compte rendu, on serait tenté de voir en arrière-plan un Octave Uzanne espiègle qui se joue du lecteur et s'engage dans une critique en règle d'un ouvrage condamnable qui pourtant "a sa raison d'être". Nous ne saurons sans doute jamais.

Quoiqu'il en soit, Octave Uzanne a bel et bien donné trois pièces en vers pour ce recueil. Elles se trouvent aux pages 64 et 65. La première est un sonnet intitulé Sonnet, imité du Bois-Robert. La seconde est intitulée Le livre qu'on lit d'une main. Et enfin la troisième et dernière s'intitule Souhait priapique. Les deux premiers poèmes traitent sur le mode subtil et imagé de l'onanisme masculin. Le dernier poème traite lui du fantasme de fellation. Les trois pièces sont signées en toutes lettres Octave Uzanne, qui reconnait par là son oeuvre libre (on retrouve d'ailleurs sont nom en toutes lettres dans la table des noms in fine).

Je dois également remercier ici mon ami Xavier pour les renseignements bibliographiques qu'il m'a fourni concernant cette édition peu commune d'un ouvrage que je ne possède pas (encore) sur mes rayons. Il m'a également fourni les photographies que vous pouvez voir.

Mais laissons les vers libres d'Octave Uzanne prendre leur envol. Les voici. Nous ne désespérons pas d'en découvrir d'autres, disséminés ici et là dans divers recueils de cette époque. Improbable mais non impossible  désirable découverte.


Sonnet, imité du Bois-Robert (1)
A Madame ***



L’autre nuit, je bandais très fortement, ma chère.
En rêvant des attraits que j’eus à parcourir ;
Ne les pouvant baiser, je cherchais à saisir
Tous ces mignons appas du Pays de Cythère (2).

J’étais, s’il m’en souvient, désireux de pourtraire
En doux termes brûlants, mon très brûlant désir
Et commençai d’écrire avec tant de plaisir
Que je croyais pour vous tout penser… et tout faire.

J’exprimais assez bien l’ardeur de mes souhaits,
Et passais du larcin au plus grand des forfaits,
Vous tenant près de moi, joliment étendue.

Hélas ! à mon réveil, malheureux écrivain !
Je me trouvai la plume encore à la main
Et sentis dans mes draps mon encre répandue.


Octave Uzanne.




Le livre qu’on lit d’une main.

Le livre est très cochon, cependant il attire ;
La main qui l’éloignait le rappelle soudain,
Il faut bien s’enfermer, tout seul, afin de… lire
Cette pollution d’un bandant écrivain.

Le prurit est très grand… difficile à décrire ;
Il chatouille si fort ce doux récit malsain !
Tous les nerfs se cabrent et l’œil est en délire
Les doigts chauds et crispés tremblent dans l’incertain.

Après bien des … soupirs, la lecture s’achève ;
On se sent accablé comme au sortir d’un rêve
Des plus étourdissants.

Et l’on regrette alors la sensation bête
Qui vous a fermenté tout à coup dans la tête
Pour ces stimulants.

Octave Uzanne.


Souhait priapique.

Tel Tibère dans sa piscine,
Quand je chevauche une Gothon (3)
(Dans mon ivresse libertine
Qui cherche à corser le bouillon)
Je voudrais que ma rouge pine
Trouvât au fond du large con
Une bouche d’enfant poupine
Pour la têter comme un suçon !

Octave Uzanne.


Bertrand Hugonnard-Roche,
Prune V.
Xavier P.


(1) François Le Métel de Boisrobert est né le 1er août 1592 à Caen et mort le 30 mars 1662 à Paris, est un poète et dramaturge français. Boisrobert a composé 18 pièces de théâtre, dont 9 tragi-comédies. L’une de ses comédies, La Belle plaideuse (1655) est remarquable et passe pour avoir inspiré l’Avare de Molière. Il est également l’auteur de nombreuses poésies. Il a édité les Œuvres deThéophile (1627) et le Parnasse royal, ou Poésies diverses à la louange de Louis XIII et du cardinal de Richelieu (1635, 2 vol.). D’après Bernard de La Monnoye, il serait l’auteur des Contes licencieux qui ont paru sous le nom de son frère, Antoine Le Métel d'Ouville.

(2) Cythère est l'île dont les eaux ont vu naître la déesse Aphrodite avant que celle-ci soit poussée par le zéphir vers Chypre. Selon Homère, la déesse en tire même l'une de ses épiclèses, Cythérée.Hérodote mentionne la présence d'un temple dédié à la déesse dans l'île.

(3) La Gothon Duffé (Anne-Marguerite Maillefert dite La Gothon), la trentaine, engagée trois années plus tôt comme chambrière, et donc « le plus beau c...qui fût échappé des montagnes de Suisse depuis plus d’un siècle (Sade, dans sa lettre « L’aigle, mademoiselle… »).

(4) compte-rendu dans la revue Livre, Le Nouveau Parnasse Satyrique du XIXe s., Sous le manteau, 1881. 3 vol. in-8. (Bruxelles, H. Kistemaeckers)




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