mardi 16 août 2022

La vente des livres du bibliophile dauphinois Auguste Genard (1886) : un flop pour le top !? Compte-rendu par Jules Brivois dans Le Livre (Octave Uzanne rédacteur-en-chef et directeur de la publication).



Photos : n°365 du catalogue de la vente Genard de 1886.

Le Cabinet satyrique, ou Recueil parfait des vers piquans et gaillards de ce temps. S. l. [Hollande], s. n. [Elzevier], 1666, 2 t. en 1 vol. pet. in-12, mar. r. (Trautz-Bauzonnet). 300 fr.


Photos Bertrand Hugonnard-Roche

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Librairie L'amour qui bouquine | exemplaire Librairie L'amour qui bouquine

Août 2022

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Pour faire écho au billet publié par notre ami bibliognoste Jean-Paul Fontaine sur son blog Histoire de la Bibliophilie ; billet consacré au bibliophile dauphinois Auguste Genard (1819-1908), maître gantier à Grenoble, voici le compte-rendu de la vente de ses livres par Jules Brivois (vente de 1886). La bibliothèque Genard, composée à grand frais, donna lieu à plusieurs ventes en 1882, 1884 et 1886. Comme le souligne M. Brivois dans son compte-rendu, bien que plusieurs ouvrages classiques et de qualité aient été une première fois rachetés par leur propriétaire pendant les ventes de 1882 et 1884, ces derniers n'ont souvent pas trouvé preneur à bon prix dans la vente de 1886. Les exemplaires n'étaient pas parfaits : titres raccommodés (refaits ?), exemplaires très courts de marges. Les prix bien que soutenus, dans une époque de flambée des prix de la haute bibliophilie, n'ont pas permis pour beaucoup d'entre eux, à M. Génard de retrouvé sa mise. Nous vous laissons  lire le très intéressant billet détaillé publié par Jean-Paul Fontaine (LIEN).

Bertrand Hugonnard-Roche


« Il y a quelques années, M. Génard [sic] mit en vente une importante collection de livres, qui fut loin de produire ce qu’il en attendait ; et encore soutint-il les enchères, en rachetant un certain nombre d’ouvrages qu’il ne voulut pas laisser partir à bas prix. Il vient de les remettre en vente. Cette fois encore, ses espérances ont été déçues. Ce qu’il avait racheté plus de 40,000 francs a produit à peine 20,000 francs, frais déduits. Les livres ont subi, comme toute chose, une certaine dépréciation ; mais il faut dire aussi que l’amateur devient de plus en plus difficile sur la condition des exemplaires […]. C’est ce qui vient d’arriver pour un Montaigne de 1588, in-4°, relié par Trautz, que M. Génard avait racheté 800 francs à sa première vente et qui vient d’être revendu 270 francs. Il y avait un raccommodage au frontispice.

Divers autres ouvrages, laissant à désirer comme condition, se sont trouvés dans le même cas à cette vente. Voici les plus importants :

Fables choisies, mises en vers par Jean de La Fontaine. Paris, Desaint et Saillant, 1755 ; 4 vol. gr. in-fol., fig. d’Oudry, rel. de Chambolle ; exempl. en grand papier, très court de marges ; racheté par M. Génard 1,120 francs à sa première vente et revendu à celle-ci 750 francs.

Fables de La Fontaine, avec fig. gravées par Simon et Coiny. Paris, Didot, 1787 ; 6 vol. in-18, mauvaise reliure, figures avant les nos ; racheté 700 francs, revendu 290 francs.

Le Théâtre de P. Corneille. - Les Tragédies et Comédies de Thomas Corneille. Amsterdam, 1664-1678 ; 10 vol. petit in-12, fig., reliés par Duru ; exempl. court de marges, revendu 350 francs au lieu de 770 francs.

La Princesse de Clèves. Paris, Claude Barbin, 1678 ; 4 tomes en 2 vol. in-12, mar. citron, rel. de Trautz, court de marges ; repris par M. Génard à 700 francs, revendu 270 francs.

Le Diable boiteux. Paris, Claude Barbin, 1707, in-12 relié par Lortic, édition orig., superbe exempl. (dit le catalogue), mais titre raccommodé (ce qu’il omet d’indiquer) ; vendu 141 francs au lieu de 370 francs.

Le Paysan perverti. - La Paysanne pervertie. 8 vol. in-12, rel. par Chambolle ; exempl. court de marges, fig. remontées ; vendu 295 francs au lieu de 450 francs.

Heptaméron français ou Nouvelles de Marguerite, reine de Navarre. Berne, 1780-1781 ; 3 vol. in-8°, fig. de Freudenberg ; exempl. relié sur brochure par Thibaron-Joly, fig. courtes à la marge extérieure ; vendu 672 francs au lieu de 750 francs.

C’était le plus beau livre de la vente. Quelques ouvrages importants, qui étaient en bonne condition, n’ont pas eu meilleure fortune.

Fabliaux ou Contes des XIIe et XIIIe siècles. Paris, Jules Renouard, 1829 ; 5 vol. gr. in-8°, papier vélin, avec les l8 grav. de Moreau et de Desenne, en double état : avant la lettre sur chine et eaux-fortes (rel. anglaise) ; 420 francs au lieu de 700 francs.

Œuvres de Boileau. Paris, Lefèvre, 1824 ; 4 vol. gr. in-8°, papier jésus vélin, l’un des 50 exempl., demi-rel., mar. r. (Capé), avec environ 80 vignettes et portraits avant la lettre ou à l’eau-forte ; 601 francs au lieu de 1,000 francs.

Œuvres complètes de Grécourt. Paris, Chaigneau, 1796 ; 4 vol. in-8°, papier vélin, rel. par Doll, fig. avant la lettre et eaux-fortes ; 265 francs au lieu de 500 francs.

Contes et nouvelles en vers, par M. de La Fontaine. Amsterdam, 1762 ; 2 vol in-8°, port. et fig. d’Eisen, édition dite des « fermiers généraux », mar. r., large dentelle doublée de moire (rel. ancienne) ; 1,345 francs au lieu de 1,700 francs.

Œuvres complètes de Molière. Paris, Lefèvre, 1824-1826 ; 8 vol. gr. in-8°, papier Jésus vélin, demi-rel., non rogné ; contenant la suite complète d’un portrait de Molière gravé par Saint-Aubin avant lettre et eau-forte, et de 30 fig. de Moreau, publiées par Renouard, en triple état : eau-forte avant lettre et avec lettre ; deux autres suites avant la lettre par Desenne et Horace Vernet, et un certain nombre de portraits de Molière (exempl. de Renouard, relié depuis sa vente) ; 1,500 francs au lieu de 2,200 francs.

Œuvres de Crébillon. Paris, Lefèvre, 1828 ; 2 vol. in-8°, mar. r. (Capé), grand papier vélin, avec plusieurs portraits, dont celui de Ficquet et la suite de 9 fig. de Moreau en triple état : eau-forte, avant lettre et avec lettre ; 290 francs au lieu de 500 francs.

Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé, 1718, petit in-8°, front. et 28 fig. par Audran, mar. r. doublé de tabis vert, tr. dor. (Bradel-Derome) ; 530 francs au lieu de 800 francs.

Mémoires et avantures (sic) d’un homme de qualité. Amsterdam, 1731 ; 7 vol. in-12, mar. bleu jans., tr. dor. (Thibaron-Joly) ; exempl. de la bonne édition ; 222 francs au lieu de 400 francs.

Les Aventures de Télémaque. Paris, Didot, 1784 ; 2 vol in-8°, mar. r., dos orné (Capé), papier vélin ; orné de la suite complète d’un portrait gravé par Delvaux, en double état, et des 25 fig. de Moreau, en triple état ; 340 francs au lieu de 600 francs.

Le Temple de Gnide. Paris, 1772 ; gr. in-8°, fig. avant lettre, rel. de Lortic en mar. r., dos orné, plats couverts d’une riche dentelle XVIIIe siècle à petits fers, avec des oiseaux, des carquois et des cœurs, doublé de maroquin bleu, couvert de pensées alternant avec des cœurs enflammés ; contre-gardes en tabis bleu, etc. ; 780 francs au lieu de 1,400 francs.

Les Souffrances du jeune Werther. Paris, Didot, 1809 ; mar. violet, ébarbé (Thouvenin), papier vélin, avec la suite de 3 fig. de Moreau, en double état : avant lettre et eaux-fortes ; 262 francs au lieu de 600 francs.

Le catalogue préparé à Grenoble ne signalait aucun défaut ; mais M. Porquet, après l’avoir reçu tout imprimé, avait examiné chaque ouvrage avec soin et avait marqué avec un signet les endroits défectueux – il y en avait beaucoup - ; de sorte que la amateurs et les libraires, qui avaient eu la sage précaution de voir les livres avant la vente, savaient à quoi s’en tenir ; aussi aucun article ne fût-il vendu. Qu’on ne vienne donc plus prétendre, comme je l’ai entendu maintes fois, que l’expert n’a pas le temps de soumettre à un pareil examen les livres qu’il est chargé de vendre. Il le prend bien pour en développer les mérites, dans des notes très prolixes, et il ne l’aurait pas pour en signaler les défauts ? Eh quoi, en collationnant et en feuilletant un livre, il n’y verrait que les qualités ? Quelle grâce d’état ! »

(Jules Brivois. « Chronique du livre » dans Le Livre. Bibliographie rétrospective. Paris, A. Quantin et Octave Uzanne, 1886, p. 254-256)


Mis en ligne le 16 août 2022 par Bertrand Hugonnard-Roche pour www.octaveuzanne.com

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