C O R R E S P O N D A N C E I N E D I T E
Octave Uzanne à Joseph Uzanne
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[ref.
1909.1] [papier à en-tête Les Pins – Le Cannet (A-M)] Ce (vendredi) 1er
janvier soir (1909).
Voici ce 1er janvier terminé assez
paisiblement. Emile est arrivé hier soir à 9 h ½, retardé de 8 h par les
neiges.
Ce matin les Dupré et Jeanne sont venus déjeuner,
notre ami est toujours et plus que jamais uniquement préoccupé de son nombril
de propriétaire et il est sourd à toute autres conversation. Jeanne est à la
veille de vendre Valrose. Son désintérêt est tel qu’il ne lui parle de rien ou
même qu’il ne répond que distraitement à ses demandes de conseils. C’est inouï.
J’ai fait ma vie dans ma chambre, d’où je sors peu, mais l’obligation de causer
avec cet exclusif de ses uniques affaires est au dessus de mes forces, je le
sens. Ni littérature, ni art, ni les raisons des choses, rien ne le pénètre …
Il me regarde d’un air idiot, si j’aborde un sujet qui n’a pas trait à sa
personne et fait craquer ses doigts sans rien dire – comme il ignore tout, tout
et tous, comment causer agréablement –
Je ne pourrai résister plus de 8 jours avec ce
monomane ; aussi voici mon plan que je viens de déterminer et que je crois
bien arrêté selon mon habitude.
Demain samedi j’irai déjeuner avec M. Ducreux et un
lot de jeunes femmes très gentilles -
Lundi – J’irai (seul) à Grasse déjeuner avec Maurice
Maëterlinck qui m’attend –
Mercredi – Je déjeunerai à la villa pension des
Héliotrophes avec mon voisin de St Cloud et j’irai voir d’autres personnes.
Vendredi, j’irai à Nice voir Maurevert et enfin
Dimanche matin (10 courant) je repartirai pour St Raphaël, où je me
réinstallerai à Beau Rivage dans ma chambre toute installée et qui m’attend –
Le reste du temps je travaillerai chez moi et me
promènerai le plus possible pour fuir cet irresponsable ami, ce malheureux et
inqualifiable garçon, dont la compagnie m’horripile à me faire crier, car son
état de personnalisme touche à la folie et aucune conversation générale ou
généreuse n’est plus possible avec lui.
Donc demain chez le Papa Ducreux où je me retrouverai
avec joie, car ce vieillard n’est pas personnel, lui, et son intelligence
malgré ses 89 ans est à cinquante mille pieds au dessus de celle de l’auteur
(?) de la « beauté du diable » qui est un néant bouffi d’orgueil –
Je serai donc le 10 de retour à Raphaël. En attendant,
avec Henry, j’ai arrangé toutes choses pour être tranquille ici, déjeuner chez
moi, me chauffer et ne pas me laisser embêter – avec mes sorties, mes petites
balades tout ira bien, mais, sans cela, ce serait intenable – abrutissant.
Il n’a pas même demandé à son ami Dupré ce qu’il avait
vendu sa maison, s’il était content, rien de rien – il est absent de tout ce
qui n’est pas sa vanité, et son cerveau n’évolue que sur lui-même. C’est de la
pure aliénation – Tu dois comprendre que j’aie hâte de m’évader de ce tête à
tête, moi qui aime tant la causerie, les partners intéressants, les amis du
paradoxe ! ici : « Mon terrain, mes allées, mes oliviers, mes
fleurs, etc. » puis fermé sur le reste, borné, obtus, sourd jusqu’à la
grossièreté – il ne m’a soufflé mot de toit et n’a point répondu à mes
questions sur ta santé, ou si peu !!
Bien heureux, mon chéri, de te revoir vers le 25, mais
nous viendrons peu aux Pins … notre ami ne vaut pas d’être cultivé, même pour
l’usage externe – il est à distancer, c’est vraiment un malade exceptionnel et
sans intérêt aucun, car sans cœur, tout ce qui faire croire à sa bonté est un
composé de mots apitoyés qu’il ne pense aucunement – Il sacrifierait le monde
entier à une seconde de vanité personnelle et quant à songer aux autres, pour
après sa mort – ah ! que nenni.
Embrasse Mariani pour moi en cette année nouvelle et
en attendant sa venue ici soigne toi bien et te gare du froid.
Mille tendresses et à bientôt.
Octave
[ref.
1909.2][papier libre] Ce huit janvier – vendredi – 7 h matin – (1909).
Mon chéri,
Les trains ont de nouveau des heures de retard, 5 à 6
heures, pour les rapides, si bien que je pars ce matin pour Nice sans avoir eu
de tes nouvelles récentes –
J’ai fait hier une promenade à Cannes avec l’ex
huissier Brillet de Brienon – J’ai toujours mieux causé avec lui qu’avec l’ami
des Pins. Ah ! certes.
Ma santé est toujours bonne et je la soigne de mon
mieux – Je passerai, j’espère, la journée agréablement à Nice et rentrerai vers
4 h ce soir si possible –
Je serai de retour dimanche après midi à St Raphaël,
bien heureux je t’assure de retrouver mon indépendance d’hôtel et la liberté de
mes pensées.
Je n’ai rien de nouveau à te mander – J’espère que tu
vas toujours très bien et que tu te sauras te garder de tout mal cette prochaine
quinzaine pour arriver en parfait état à Valescure vers le 23 au 25 –
A bientôt, mon chéri ; le père Ducreux, hier, m’a
dit le plaisir qu’il aurait à te revoir – Je me plais toujours bien chez ce
brave nonagénaire, dont les déjeuners sont simples et délicats, jamais gênants
et dont l’esprit et la mémoire restent intacts.
Mes tendresses cordiales.
Octave
[ref.
1909.3][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] Ce lundi 11
janvier 09.
Mon chéri, de retour, hier dimanche, par le rapide de
14.13 j’ai été ravi de quitter la villa du pauvre imbécile qui est notre ami.
Le matin il y avait eu une scène avec ses domestiques des plus violentes – la
cuisinière lui gueulait des injures : « Ramolli, tête de cochon,
omelette, sale couillon, gâteux … » Je n’invente rien et il n’osait rien
répliquer, souriant, tandis que Henri venait à la rescousse l’accablant
de : « Vous nous emm … » le menaçant presque – Voilà où cet
idiot en est arrivé - Oui (criait Thérèse), vous ne pouvez pas seulement
conserver un ami convenable, quand une fois il en vient un, par hazard chez
vous, c’est n’est pas votre genre, il vous faut des fripouilles, des saligauds,
des Elzéar ou des putains comme celle d’en bas. Vous les dominez ceux-ci, c’est
ce qu’il vous faut, et pas des gens propres !!
Tu conçois ma gêne, mais ça m’amusait de lui entendre
dire ces vérités par des gens au dessous de lui. Je te conterai ces misères à
ton arrivée ici – en tout cas, j’ai déménagé le plus possible de chez Rochard,
et en quittant Cannes, où je rencontrai le Dr Galippe, il me semblait que je
quittais le chevet d’un gaga, la maison d’un irresponsable et un endroit prison
–
J’ai retrouvé Raphaël avec ivresse, à l’hôtel, en
ville, tout le monde me fit fête – Je me suis déjà installé avec joie et, comme
il fait un temps miraculeux, je vais à St Aigulf passer l’après midi, voir la
mère Loÿer et reviendrai travailler chez moi à 4 h –
Stuart-Merril m’a envoyé une lettre cordiale,
hospitalière, vraiment touchante – Je l’irai voir à St Tropez.
Mes affectueux baisers – Je me sauve au petit train du
sud.
Octave
[ref.
1909.4][papier libre] Jeudi 14 janvier 09.
Mon chéri,
Je vais bien, je travaille en paix, je suis absolument
indépendant, étant solitaire et libre de mes moindres actions, dans ma chambre
d’hôtel bien suffisante à tous mes besoins – somme toute c’est le bonheur
réalisé et sans nuages.
Le temps beau, avec mistral, depuis deux jours – je
vais et viens très heureux de ce vent qui est bon et salutaire quand on se
porte bien.
Ci-contre une lettre de ce malheureux Emile qui s’est
décidé à jetter à la porte ses larbins – il y a mis le temps ; encore ne
les reprendra-t-il pas ? Je ne le jurerais point – il est si faible et il
en a tant besoin ! Tels qu’ils sont, il les regrettera ; leur sottise
et leur grossièreteé vis-à-vis du patron venait de celui-ci qui ne sait pas
conduire une maison, ni garder les distances, tout en étant familier. Ce sont
les sombres ennuis qui vont commencer pour lui, c’est la dégringolade,
l’impossibilité de vivre aux Pins, car il ne sait rien de ses affaires, ses
domestiques seuls connaissaient toutes choses. Enfin … je m’en fiche après
tout ! qu’il se débrouille.
J’avais écrit à Emile que Zulma était mourante,
atteinte d’un cancer à la machoire, madame Loyé m’avait donné ces renseignements.
Affectueux baisers – le temps rapproche un peu notre
réunion – je ferai dire une messe le 24 à St Raphaël – j’ai reçu une carte
toujours touchante de madame Paulet, à Menton.
Octave
[la lettre d’Emile Rochard n’a pas été transcrite]
[ref.
1909.5][papier à en-tête du 35, Boulevard Félix Martin à St Raphaël (Var) –
adresse rayée] Le 16 janvier soir 1909.
J’espère bien, mon chéri, que tu sauras triompher de
cette dernière semaine parisienne et que tu te tireras sain et sauf de Paris,
le lundi 25 – Tu me diras quand doit arriver Angelo à Valescure, afin que je
lui écrive un mot ou que j’aille le voir, si je suis en disponibilité de le
faire vers jeudi ou vendredi prochain –
Demain, j’irai à Agay ; la semaine prochaine
j’irai peut-être un jour à Cannes, un autre à St Tropez. Quant tu seras à
Valescure, je compte bien que tu te rendras indépendant de la bande Mariani and
Co et que tu te décideras à aller à droite ou à gauche avec moi, même si tu
devais découcher une fois ou deux – c’est très gentil la boîte de Valescure,
mais, pour toi, c’est connu, c’est couru, c’est cousu, le personnel est
invariable, tu peux donc et dois te donner un peu d’air – Si toutefois ça te
chante.
Rochard a conservé ses larbins, comme je le
prévoyais ; il a même du leur faire des excuses … je ne plaisante pas,
j’en suis sûr. S’ils étaient partis, il aurait couru après. Ils resteront chez
lui jusqu’à à la fin de ses jours, car la vie antihygiénique qui est la sienne
ne peut guère se poursuivre des ans et des ans – D’ailleurs l’arrière
vieillesse de ce pauvre diable serait pitoyable si j’en juge par sa veulerie et
ses dépressions actuelles. C’est déjà un vieux … sale.
Je t’écrirai un peu moins ces prochains jours puisque
tu vas arriver et que j’ai tant à travailler.
Tendresses.
Octave
[ref.
1909.6][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] Lundi matin – 18
janvier 09.
Excellente journée, hier, dimanche, mon chéri, par
temps divin. Je suis parti pour Agay à 8 ½, puis, d’un pas d’alpin, je gagnai
la Paulotte, à Anthéor où je surpris Bertnay musicant du violoncelle avec sa
vieille maman au Piano – une petite heure avec ces braves amis et, d’un pas non
moins alerte, une course chez Donnay de 5 kilomètres au moins. Bon déjeuner
avec de fort aimables convives, longue promenade en Estérel et à 6 h je
revenais par train du soir, pas l’ombre de fatigue – avec 15 à 16 kilomètres
dans les jarrets. Aujourd’hui c’est un temps de rêve encore. Je pense qu’il
demeurera pour ma balade à St Tropez, chez le brave Merrill qui m’écrit de
longues lettres exquises et poétiques et chez qui je déjeunerai demain. Et ce
malheureux Mérat, victime de sa vanité individuelle, de son orgueil, de sa
croyance d’être méconnu – Pauvre diable ! encore une victime de Paris
comme Frémine – Tous ceux qui ne savent sortir du cercle de leur propre
existence et savourer la vie extérieure, voyager loin des sottises et hantises
de cette folle vie de la capitale, finissent par s’intoxiquer l’esprit et
finissent plus ou moins de la même façon.
Faute de quitter Paris combien nombreux ceux qui en
crèvent. Moi, il me semble que je commence à peine à vivre.
Tu verras on a vu Alphonsine sans dents, qui se dit
très vieille « centenaire » la pauvre fille. Elle est bien seule,
évidemment, mais c’est un lot que je ne puis lui échanger à la loterie de la
destinée humaine sans galvauder celui que j’ai pu acquérir et désire conserver
pour ma dernière étape ici bas.
Mariani doit être en route. Je pense que tu pourrais à
ton arrivée à St Raphaël venir passer une nuit et une bonne journée avec moi
ici à l’hôtel, dans une chambre voisine de la mienne. Tu n’irais à Valescure
qu’un ou deux jours après – ouvertement ou non tu peux faire cela sans
désobliger ton tyran. Pense y et tâche de réaliser mon désir – Dis moi bien
quand tu dois arriver sans te gaspiller dans des faux départs et des remises de
jour en jour. Je dois faire une tournée dans les Maures avec Maëterlinck et
Georgette en auto, deux journées environ et j’aimerais à lui pouvoir fixer la
date du 29 au 30 courant.
Je te conseille de filer direct sur Marseille, d’y
coucher et d’arriver ici à 16 h ½ ou à midi, selon que tu prendras le Calais
[Méditerranée] express ou le rapide ordinaire.
Ton itinéraire ordinaire est bien barroque et t’amène
bien tard à St Raphaël – tu peux brûler Lyon –
Je t’embrasse bien tendrement.
Octave
Les Bertnay m’ont parlé du drame de septembre chez
Angélo à Valescure – le vol des bijoux de la mère Paoli, tout le monde
soupçonné … etc.
Connais-tu ça ? Il m’a parlé aussi de Gresse
qu’il déclare être un homme à tout faire, ayant sur lui les pires
renseignements.
Il voudrait bien, ce brave Paulot, nous avoir tous
deux à déjeuner sans le cirque Mariani, les écuyers Paoli, Santelli, la
sauteuse, son épouse, et tous les autres comparses.
Rochard m’écrit qu’il attendra que tu sois là pour
venir … je l’espère bien et encore nous ferons en sorte que ce ne soit pas trop
tôt et chez Mariani, car à l’hôtel il m’embêterait, il se tient trop mal et est
trop bruyant. Ce brave ramollot passe à juste titre pour avoir la plus
pitoyable éducation qui soit.
Je verrai peut être le père Ducreux vers jeudi à
Cannes, si j’y vais et lui demanderai à déjeuner, fixant notre prochain
déjeuner pour le début de février – ce sera peut être notre dernière année à le
voir –
Tendresses.
Octave
Je ferai également dire une messe à St Raphaël pour
notre mère chérie, le samedi 23 puisque le 24 est un dimanche.
Octave
[ref.
1909.7][papier libre] St Raphaël – (mardi) 19 janvier soir (1909).
Mon chéri, je sais que les valets du cirque Angélo
sont déjà arrivés pour dresser la tente et que le fidèle Paul Séquier attend le
patron jeudi à 1 h – je serai à Cannes, mais j’écris un mot à Angélo à la villa
Andréa – je lui annonce la mort du pauvre Lord Amherst survenue à Londres dans
la nuit de samedi à dimanche, et que le brave Lacreusette, me vint annoncer –
je lui donne l’adresse de la famille Amherst à Londres pour qu’il y envoie ses
condoléances.
J’arrive de St Tropez par un temps merveilleux,
indiciblement beau – j’ai voyagé, aller et retour, avec Brieux qui allait
visiter à La Moutte Emile Olivier pour son élection à l’Académie. Le bon gros
Stuart Merrill était à la gare. Je suis allé dans sa coquette maison, au haut
de la colline et ai vu sa gentille femme, toute jeune et menue – j’ai passé
deux à trois heures agréables avec ce brave et loyal garçon qui est très
simple, très amoureux de vie au grand air et de mœurs vagabondes – un bon
camarade.
Jeudi à Cannes, je ne verrai point Joseph Ducreux,
auquel j’écris que tu arriveras la semaine prochaine et que nous irons déjeuner
fin du mois ou début de février – j’arriverai de bonne heure et rentrerai
également vers 2 ½ à St Raphaël avec les livres laissés chez Rochard – à qui
j’ai donné rendez-vous à la gare.
Tache de suivre mon programme et de venir jouir d’un
peu de liberté à l’hôtel Beau Rivage, tout mon étage est libre et tu aurais une
chambre voisine de la mienne, délicieuse, tu verras – tu as le temps de
marianiser hélas ! à Valescure.
Enfin, si tu juges que tu ne le peux ni ne le dois, je
n’insisterai pas. Tu comprends mon désir de t’avoir un peu et le sentiment qui
me guide.
Mes tendresses.
Octave
[ref.
1909.8][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] Paris (?) [lapsus
calami… lettre écrite en réalité de St Raphaël] ce 29 février 1909 Lundi.
Hier, par temps d’autre monde, tout soleil, azur et
tiédeur, je passai belle après midi à St Aigulf. Le soir, retour, promenade
avec Adler, son épouse, sa belle mère, qui voulaient que je les accompagne
aujourd’hui dans la tournée Mal Infernet, Col des Aubisques, Trayas, mais j’ai
décliné l’offre et ne crois pas qu’ils soient partis, le temps ce matin étant
un peu gris avec vent d’est –
Je me décide, tellement, je redoute les foules
bourgeoises qui vont inonder l’Italie, pendant la semaine sainte, à me
dorlotter encore ici sans tracas de voyage jusqu’au 12 avril environ – après
quoi je ferai ma tournée italienne pour rentrer peut être par le Mont Cenis,
Modane, Chambéry, etc –
J’aimerais envoyer ma petite vitesse à Paris mais je
ne veux pas t’encombrer, ne pourrais-je faire envoyer mes caisses, malles, etc,
peut être 5 ou 6 à la pharmacie Mariani ou Monsieur Naudin pourrait garder
le tout jusqu’à ce que je le prie de faire déposer tout cela en consigne à la
gare St Lazare ? D’où j’emporterai tout à St Cloud par grande vitesse –
Tu me diras si c’est possible – ça m’éviterait de
laisser ici les caisses et de repasser par la côte au retour et puis chez
Mariani pharmacie, il doit y avoir de la place au rez de chaussée.
Ma causerie La Corbeille des Roses a paru dans la
Dépèche portant la date du 20 mars. Tu trouveras les numéros à Paris 4 faubourg
Montmartre, tu peux y téléphoner – j’ai un article envoyé recommandé envoyé en
pleine grève le 20 courant qui n’a pas passé et a du être égaré, c’est 100 f de
perdu et c’est bien embêtant, car l’article intitulé « La vie
épistolaire » était très bon à mon avis.
Merci de te charger d’envoyer l’article à De Bonnefon
qui ne l’a certainement pas lu – je vais lui écrire un petit mot à ce sujet.
Je vais mercredi à Cannes et de là à Nice et à St
Jean, diner et coucher – je rentrerai ici jeudi après midi.
Je suis désolé sur ce que tu me contes de tes
sensations de froid la nuit – tu peux et dois réagir contre ce manque de
circulation qui vient de ce que ta peau fonctionne mal, défaut de bains
fréquents, de frictions, etc – crois moi, des affusions d’eau chaude le matin à
38° te feront un bien considérable. Je sais ce que ça me fit – c’est excellent
avec des frictions peu après au gant de crin – la peau doit être entrainée à
réagir si on l’abandonne à elle-même, elle nous joue les pires tours, ça à
l’air stupide, c’est ainsi, faut que tout s’actionne et travaille dans notre
corps.
Madame Rouveyre, seule, est à l’hôtel ; Jules
Cottet le frère du peintre, Docteur à Evian, doit venir deux jours ici auprès
de son ami le Dr Frey – si Paul Bilhaut se présente, je l’accueillerai bien.
Merci pour ton d’Aurevilly–Bourget – La conférene
paraitra sans doute dans la revue hebdomadaire et je l’achèterai.
Mes tendresses bien tendres, mon cher frérot,
Octave
[ref.
1909.9][papier à en-tête du 35, Boulevard Félix Martin à St Raphaël (Var) –
adresse rayée] Le (mardi) 2 mars 1909.
Mon chéri, je me trouve en effet bien seul depuis ton
départ et hier, lundi, ce me fut une journée grise et mélancolique – je suis
allé à 4 h donner le bonjour à Jacques, qui partait avec le fils Bouloumnié, -
il faisait froid, triste ; il y avait là les Villeneuve et les Bertnay qui
avaient déjeuné chez les Bouloumnié avec Angelo & Cie. Je ne suis pas
remonté à Valescure ; je me suis mis un peu au régime et malgré tout j’ai
des troubles nerveux le soir, ou plutôt la nuit avant de pouvoir m’endormir et
je n’ai plus ma belle ardeur des premiers jours sur le littoral.
Aujourd’hui le mistral souffle intense ; je ne
l’affronterai point sauf peut être pour aller ce soir dire adieu à Villeneuve à
la gare. Je resterai chez moi, m’observerai, et, si mes fatigues un peu
cardiaques, qui viennent peut être de l’estomac, persistaient, j’irai voir le
Dr Caldiquès ; mais, avec un peu de Valérianate et du calme alimentaire,
j’espère en sortir bien vite.
J’espère que tu as fait un bon voyage de Marseille à
Lyon et Lyon Paris et que tu as retrouvé ton logis avec plaisir – vraiment tes
vacances sont peu agréables chez Mariani avec ces chambres si médiocres et si
mal assurées – c’est l’hôtellerie avec ses désavantages des jours
d’encombrement – quelle maisonnée ! Il me serait odieux d’y vivre et je te
plains bien affectueusement de n’êtes pas plus indépendant.
Tout ce monde là d’ailleurs a le cœur volage et ne
fait que de la représentation – ni toi, ni le fils, ni les amis, rien ne tient
à l’âme d’Angelo qui n’a qu’égoïsme et vanité – tu le sais et le sens
d’ailleurs aussi bien que moi, aussi tu dois en prendre et en laisser et tirer
ce que tu peux de ta situation.
Je m’occuperai aujourd’hui ou demain des photos de
Bandieri et ferai pour le mieux, tu auras ton tirage dès que possible.
Je t’embrasse bien tendrement, mon chéri, profite de
ta solitude pour te bien soigner et ne sortir que lorsque tu ne pourras faire
autrement.
Affectueusement,
Octave
Ci-contre une lettre de Lady Mary, je lui ai répondu –
Je donne aussi par écrit ton adresse à Mme Loyé qui me la demande pour te
remercier. Le soleil est chaud et brillant mais le vent est déchainé.
[ref.
1909.10] [papier libre] Mercredi soir 3 mars (1909).
J’ai eu ta lettre de Lyon aujourd’hui à midi, il
faisait très beau. Le facteur me l’a remis tandis que je me promenais au soleil
avec joie.
Avec des soins et une nourriture plus sobre qu’à
Valescure, je ne serai pas long à reconquérir ma pleine santé ; ces
petites dépressions nerveuses sont passagères chez moi – Le Valérianate m’a
déjà fait grand bien.
J’ai un grand défaut de circulation, mais je
rétablirai tout cela avec le temps, l’exercice la vie à l’air. Les médecins n’y
feraient rien.
La vieille dame qui était avec moi quand Bouloumnié
m’a vu était la sœur du Dr Villeneuve. Lumière m’a faire téléphoner de n’aller
à la Ciotat qu’il avait quitté – de toute façon l’envie de revoir cet homme ne
m’était pas venu. Ah non ! Il peut m’attendre sous l’orme, ce vieux fol.
Te voici dans ton Paris. Tâche d’y consolider ta santé
et de ne pas choir en male grippe, c’est le mauvais moment – donc précautions
multiples. Je ne monterai guère à Valescure que vendredi ou samedi – Je
t’embrasse bien affectueusement, mon chéri, amitiés cordiales à Madame Millon.
Octave
[ref.
1909.11][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] St Raphaël jeudi
soir 4 mars (1909).
Je trouve ton télégramme, mon chéri, en revenant d’une
promenade à St Aigulf. Il faisait très beau, très doux et je suis allé voir la
vieille maman Loyé et me promener un instant avec la petite Bourgouin. La nuit
dernière, il avait fait un gros orage et le beau temps était revenu dès neuf
heures ce matin.
Je vois qu’il a fort neigé à Paris et je pense à ton
retour maussade dans cette ville si vivement désorganisée dans sa locomotion et
si sale avec ses boues glacées, ses cloaques, etc –
Ma santé est assez bonne, mais je la dois surveiller.
J’ai eu l’estomac un peu surmené par les repas de Valescure, il me faut si peu
de chose. Depuis dimanche je m’entraine à ne prendre que le nécessaire et je
tâche de reconquérir une langue propre, mais ça n’est pas facile – on se
détraque plus vite qu’on ne se retape –
Les Mariani étaient aujourd’hui à Nice – Je n’irai
guère à Valescure que samedi matin – Je téléphonerai à Angelo à cet effet.
J’espère, mon chéri, que tu vas te reprendre et te
faire à ta vie parisienne habituelle et que tu te reposeras le plus possible
auprès de ton feu sans sortir qu’en cas d’urgence.
De mon côté je ne pense pas me disperser sans raison
chez les Bertnay et ailleurs – Je désire ronronner un peu chez moi, me soigner
et ne me point fatiguer – à nos âges l’utilité de se dépenser n’apparait pas de
toute urgence – on vit sur son capital de forces, on ne fait plus d’économies,
il faut se ménager.
Je t’embrasse bien tendrement – J’aurai plaisir demain
à te lire – Mes affectueuses pensées à Marie Millon.
Octave
[ref.
1909.12][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] Ce Vendredi soir
5 mars 1909.
Mon chéri, la nuit dernière, avec un second orage
violent, j’ai été un peu ébranlé par une petite crise nerveuse rappelant celles
de notre pauvre chère mère, à mon âge environ. J’ai donc vu le Dr Courchet
aujourd’hui et j’ai été agréablement surpris par le sérieux, les connaissances
médicales, l’intelligence ouverte de ce bon médecin - Il m’a trouvé le cœur en parfait état, les
poumons parfaits, la tension artérielle excellente (15 de pression) bons
réflexes – etc. Il a compris que les fonctions stomacales seules pouvaient être
en cause et m’a donné une remarquable consultation et d’excellents conseils et
ordonnances. C’est un garçon tout à fait bien et calé, tout cela ira bien,
j’espère après soins.
Angelo m’a fait demandé si je ne voulais pas monter à
Valescure ce matin – J’ai refusé – J’irai dimanche, car demain le cirque est en
tournée je ne sais où, mais il se mobilise.
J’ai pris aujourd’hui toutes les photos faites chez
Bandieri – Il y en avait 13 de toi en rond, dont 6 montées – (pour le prix de 8
frs) tout était fait et trop tard pour décommander – elles sont d’ailleurs très
bien. J’ai gardé une de celles collées et je t’envoie les autres. J’y joins
après partage, nos photos ensemble 6 dont 3 ou 2 collées – j’ai payé 8.50 pour
ce second lot (8 f net) cela te ferait donc 12 frs pour ta part, puisque tu as
à payer ta photo en rond, mais dix francs suffiront - tu les remettras à
Alphonsine quand tu la verras avec les 50 frs convenus ce qui fera 60 f somme
exacte que je lui donne par mois – et nous serons quittes.
Je viens de faire le petit paquet que je remettrai à
la poste demain samedi et qui t’arrivera lundi sans doute. Ces épreuves ne sont
pas comparables avec les mauvaises que je t’adressai – tu en conviendras.
Je t’écris en hâte ce vendredi soir, à 7 h dans
l’espoir que tu aies ce mot à la seule distribution matinale du dimanche.
Mille tendresses mon chéri – Soigne toi bien.
Octave
[ref.
1909.13][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] St Raphaël –
(dimanche) 7 mars 09.
Ma santé tout à fait meilleure. L’ordonnance du Dr
Courchet me sera salutaire, je l’avais d’ailleurs prévue en m’ordonnant à
moi-même frictions et infusions et Valérianate – La voici : le matin une
affusion d’eau chaude à 38° - me recoucher après pendant une demi heure puis
friction vigoureuse au gant de crin – avant le repas, 5 minutes avant – une
cuillerée à soupe de phosphate de soude 6 g. – sulfate de soude 3 g. – eau
distillée 200 g. – ceci pour favoriser le suc gastrique et préparer une bonne
digestion – (tu pourrais essayer) – ne pas boire aux repas – après déjeuner un
cachet de charbon végétal de 0,50 avec une infusion très chaude de
« menthe verveine et oranger. » Je te recommande ce mélange
d’infusion, il est exquis. Enfin, le soir, de la Valérianate d’ammoniaque et la
recommandation de manger lentement et de mâcher longuement même les potages et
les crèmes – ce que je m’applique à faire. En plus : rester allongé
pendant ½ heure après les repas, tu vois que tout cela n’est pas trop bête.
Le mauvais temps est venu hier samedi après midi,
pluie orageuse et petite bourrasque, ce matin dimanche ciel chargé, pluie
intermittente – je vais vois si je vais déjeuner à Valescure – si ce n’était
toi et la peur de paraitre dédaigner la maisonnée villa Andréa, ce que je
plaquerais tout cela avec quiétude et joie – Enfin, je vais essayer de fréter
une voiture couverte et d’y aller.
Je t’écrirai ce soir ou demain lundi, mon chéri – je
te prie de ne pas te surmener bêtement au travail, de te cuire les yeux – tout
cela n’est pas sage et peut te jouer un mauvais tour – ce n’est pas seulement
sa nourriture et son estomac qu’il faut surveiller, c’est sa vie et son travail
– il faut s’aérer, marcher quand même, faire manœuvrer ses muscles et se donner
tous les soins d’hygiène nécessaire. A quoi servent ces excès de travail – si
tu venais à t’y ruiner la santé, à y laisser ta peau, quelle belle indifférence
chez ceux pour qui tu te sacrifies bien bêtement – Il faut accorder un temps de
bureau à tes affaires, rien de plus. Tant pis si tu mets plus de temps à
accomplir ta besogne.
J’ai vu qu’Angelo et cet imbécile de Paoli avaient
déjeuné chez le préfet Joli à Nice avec Bertheroy et Cie – (Eclaireur de Nice).
A bientôt et affectueusement.
Octave Uzanne
[ref.
1909.14][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] Ce lundi soir 8
mars 09.
Mon chéri, pas eu de tes nouvelles ce matin lundi.
J’en attends demain.
Je n’ai pu t’écrire aujourd’hui, mes vieux anglais
sont enfin partis pour Nice et l’Italie, et m’ont embêté dans ma chambre
jusqu’à 4 h où ils prenaient le train.
Il fait un froid noir et du mistral –
Ma santé est tout à fait meilleure. Hier j’ai déjeuné
à Valescure, avec Paoli, les 2 Santelli et Angelo – ça s’est bien passé, j’y
dois retourner demain, il y aura peut être les De Jolly préfet de Nice et
l’auteur de Les Danseuses de Pompeï mais ceci n’est pas sûr –
Mariani et autres disaient que tu avais eu tort de partir,
de te presser, de rentrer, que tu aurais du rester, etc – O hypocrisie
humaine !
Des mots, toujours des mots. Drôles de gens !
inconscients. Ils s’embêtent sans doute – Angelo partira lui samedi 13, il ira
le 14 à Marseille et rentrera le 15 au soir à Paris. Tu peux donc t’attendre à
être de corvée le mardi 16.
J’écris à Ducreux, à Rochard, aux Dommartin à Nice –
toutes lettres à répondre –
J’ai reçu la lettre de [faire] part de la mort
d’Ernest Rignault – le Dr professeur Deboue est son frère – sans doute de mère
d’un second lit – c’est drôle – il avait 59 ans, ton âge.
Affectueux merci pour l’envoi de tes deux pièces de
théâtre – Je lis le Roi, ça m’amuse énormément – J’irai voir ça avec toi à
Paris je trouve que c’est une satire exquise.
Je pense rentrer avant Pâques – je m’arrange pour
laisser Louise à Chambéry cet été, sauf avis contraire de son médecin auquel je
viens d’écrire et qui lui fera (d’après ma lettre confidentielle) entendre
raison en lui disant l’urgence de compléter sa guérison près des siens – etc.
Je t’écris avant le diner qui sonne – à bientôt et mes
tendresses.
Octave
[ref.
1909.15][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] St Raphaël 9
mars 09 mardi soir.
J’ai déjeuné ce matin à Valescure avec les Santelli,
Paoli, les Bertheroy et Mme de Joly et sa fille – ce ne fut pas gai – La
Préfète un peu officielle, la Bertheroy poseuse, prétentieuse, insupportable à
mon gré – enfin ça s’est tiré – à 3 h je redescendais à Beau Rivage avec les
Santelli qui venaient y assister à un concert.
Je reverrai Angelo tous ces jour-ci, car il a l’air
d’y tenir n’ayant presque personne à Valescure. J’irai peut être avec lui chez
les Bertnay – je lui ai donné de tes nouvelles et lui ai dit que tu te
fatiguais trop à travailler toujours chez toi, il dit lui-même que tu avais
tort, que tu devrais en prendre et en laisser et sortir un peu, etc. Je sais ce
que tu me répondras, mais peu importe, je lui ouvre un peu l’entendement sur
tes fatigues.
Il a fait aujourd’hui un temps délicieux, soleillé et
chaud – je ne sais si ça durera – il le faut espérer.
Le temps file éperdu, hélas ! J’ai peine à croire
que mars va bientôt finir et que j’aurai à songer à reprendre ma vie dans le
nord – Tout à une fin et rapide – je ne sais ou ni quand je trouverai le loisir
d’aller à Nice, à Cannes, et de faire tout ce que j’ai à terminer.
Angelo a fixé son départ comme te l’ai dit. Il sera de
retour le lundi soir à Paris avec le fidèle Paoli – ne sois pas assez faible
pour aller à la gare à son arrivée – tu le verras mardi ça suffit – le soir la
gare de Lyon c’est terrible.
Affectueuses tendresses et à bientôt mon chéri, lettre
moins rapide.
Octave
[ref.
1909.16][papier à en-tête du 35, Boulevard Félix Martin à St Raphaël (Var) –
adresse rayée] Le dix mars 1909.
Mon chéri, vilain temps, gris, pluvieux, mélancolique
aujourd’hui – je devais déjeuner ce matin encore à Valescure avec le maire
Bassot, mais j’ai téléphoné et ne suis pas sorti – Patauger sur la route ou me
geler, en décalottée – zut ! avec ces mauvais jours, je suis un peu
dépaysé & dévoyé. Demain, même s’il ne fait pas très beau, j’irai déjeuner
à Nice, puis je monterai à St Jean où est installé Dommartin dont la
malheureuse femme a été prise à l’hôtel d’une violente crise d’entérite, on
craint l’appendicite – je déjeunerai à l’hôtel des Etrangers où sont les vieux
Davey, mes anglais, et j’irai par le train à l’hôtel pension Montfleuri au Cap
Ferrat ou est Dom, son épouse et d’autres belges –
Vendredi sans doute irai-je avec Angelo en voiture
couverte à Anthéor voir les Bertnay – ce sera mon P.P.C. pour Mariani et, qui
sait, peut être aussi pour les Bertnay.
Plus habitué aux jours sombres et pluvieux, je me sens
comme deux sous de tarte, avec ce nord dans le midi.
Ducreux oncle m’avait invité demain à déjeuner avec sa
petite nièce, son mari, et les Chartroux – j’ai décliné – je n’irai que pour
dire adieu et pour me rencontrer avec Lucie Gauthey, dès qu’il me fera signe –
Sallès m’écrit une longue carte ; il espérait ta
visite à Lyon ; il a reçu du vin et albums, est enchanté et se propose de
te remercier – mais il est si mol !
Affectueux baisers mon chéri –
Je ne t’écrirai sans doute pas demain.
Octave
[ref.
1909.17][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] Vendredi 12
mars 09.
Bien portant mon chéri – Hier matin à Nice – Voyagé
avec ton ami Lartigues qui venait de coucher à Valescure et que Paoli
accompagnait à la gare de Raphaël – Brave garçon, banal et raseur, je m’en suis
défait rondement à Nice – Il a voulu me présenter à Orsati, mais j’ai refusé
ses invites au café, etc.
Déjeuné dans l’ignoble turne de l’hôtel des Etrangers
où sont les Davey, à 1 h ¼ je prenais le train pour le Cap St Jean où je voyais
Dommartin – Sa femme beaucoup mieux et d’autres belges – à 3 h je reprenais le
train à Beaulieu, m’arrêtais une heure à Nice et j’étais de retour à 6 h à St
Raphaël où je trouvais le père Lumière arrivant par le même train et qui a du
coucher à la villa Andréa et repartir ce matin à 9 h pour la Ciotat.
Je vais aller aujourd’hui à 1 h en voiture à Anthéor
avec Angelo – seul à seul car le policier doit être allé à Nice.
Mariani ne partira que dimanche cela te laissera sans
doute ton mardi – autant de pris.
Je t’envoie toutes mes tendresses – à bientôt autres
nouvelles – aujourd’hui – il est midi – je viens d’écrire nombre d’épîtres, on
sonne et je descends déjeuner.
Le temps est redevenu superbe.
Encore à toi.
Octave
[ref.
1909.18][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] St Raphaël
– Samedi soir 13 mars 09.
Hier, ma balade à Anthéor avec Angélo seul s’est
admirablement passée, en landeau couvert, de 1 h à 4 h ½ - Mariani devait aller
voir Lady Amherst vers 4 h ¾ avec Paoli qui est aujourd’hui à Nice et ne
repassera à Raphaël que demain soir pour y prendre Mariani dans son wagon.
Ce matin, comme il faisait très beau, j’ai pris le
chemin de fer du sud et suis allé à Cavalaire. J’ai fait un peu de chemin dans
le même compartiment que la princesse Clémentine qui allait avec sa femme de
chambre déjeuner dans les bois, comme une boutiquière – A Cavalaire j’ai trouvé
ce brave Jacques Daurelle avec qui j’ai déjeuné dans son pavillon – J’ai vu Mme
Marguerite mère et longuement causé avec elle. C’est une excellente femme,
simple, intelligente, exquise, facile à vivre, indépendante et très supérieure
à ses fils – Je viens de rentrer à 4 h après avoir voyagé de La Foux à Ste
Maxime, avec le barde breton Bottrel et son épouse, mascaradés tous deux en
bretons d’opérette de façon affligeante.
Daurelle est un très brave garçon, intelligent et très
sage – Cavalaire est bien joli et séduisant.
Demain dimanche, j’avais prié Angelo à déjeuner ici
mais il préfère que je monte à Valescure – je déjeunerai donc en tête à tête
avec lui et je l’accompagnerai au train de 3 h 57. Les Santelli sont partis jeudi
matin.
Si Mariani va à Maillane – (il attend une lettre de
Mistral qui lui dira si il peut y aller) il rentrera à Paris mardi soir – S’il
ne peut aller à Maillane, sa rentrée s’effectuera lundi.
Voilà ce que je sais et te puis dire –
Merci de ta photo chez toi, elle est admirable – ne
m’envoie plus de théâtre à lire – j’ai tant à lire et à faire ! puis, je
prépare mon retour. Je partirai le 1er avril au soir, je m’arrêterai
à Marseille une grande journée, puis à Valence et Grenoble, d’où j’irai voir
Louise à Chambéry ; de retour à Grenoble, je filerai sur Lyon, puis après
arrêt à Lyon d’une journée, à Dijon et enfin Paris où je serai sans doute le
jeudi 8 avant Pâques.
Je pense descendre rue Duphot dans la maison meublée
de Bertnay, au n°20 – c’est central pour mes affaires et même pour te voir chez
Mariani – vers le 15 ou 18 je retournerai à St Cloud si le temps est redevenu
beau et agréable –
Affectueusement, mon chéri – mille tendresses.
Octave
Je dois aller lundi au Trayas avec Dommartin et un
autre belge, simple rendez-vous pour excursionner – je rentrerai le soir ici.
[ref.
1909.19][lettre écrite au dos d’une lettre dactylographiée adressée à Joseph
Uzanne pour le remercier d’avoir offert deux albums Mariani – papier à en-tête
Pall Mall Illustration, publication hebdomadaire, Canne, le 12 mars 1909]
Dimanche soir – 14 mars 09.
Mon chéri, je viens de déjeuner avec Mariani et de le
mettre dans le train avec Paoli – ils couchent ce soir à Marseille et vont
demain déjeuner avec Mistral à Maillane –
J’ai dit à Angelo que je te transmettais ses désirs –
il ne t’écrira donc pas ; les voici :
Angelo reviendra mardi soir coucher à Paris – mercredi
il déjeunera à Neuilly – tu pourras y aller déjeuner ; si tu le veux (le
peux), ça lui fera plaisir sans que rien ne te soit imposé – Si tu as à faire
ou si tu préfères n’y aller que jeudi matin, ça ira bien ; il t’attendra
rue Scribe jeudi ; tu pourras lui écrire – attends plutôt jeudi et écris
lui – cette matinée en intimité fut moins fatigante, Angelo avec Paoli revenu
hier soir à minuit de Nice, contrairement à son premier projet – il faisait un
mistral glacial aussi je montai en landeau et redescendis le même avec eux.
J’ai pris ta lettre à la poste (dimanche) merci pour
le n° de l’Egypte (du) Figaro – Ils ne pouvaient mieux tomber, car je possède à
fond la question – Pour la publicité d’Héliopolis c’est à Bruxelles chez Empain
le grand financier qu’elle se fait – je t’expliquerai cela en temps voulu –
Rosiers pourra traiter l’affaire et je te donnerai d’autres idées de publicité
– tu me diras quand ça paraitra – sans doute en octobre.
Je vais demain matin au Trayas passer la journée –
Jeudi j’irai déjeuner à Cannes chez Jourdan (avec Monsieur Ducreux) 2e
fête des fleurs – je t’envoie la lettre ci-contre du dit Jourdan, en enlevant
l’enveloppe pour ne faire aucun poids.
Et voilà – dare dare avant diner – baisers tendres mon
chéri
Octave
[ref.
1909.20][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] St Raphaël
– 16 mars 09.
Ma santé est bonne, mon chéri, la vue un peu fatiguée
par lectures et écritures – je vais la reposer tout à fait sérieusement – c’est
indispensable.
Belles journées solaires revenues, bien qu’encore mal
assises et incertaines – Hier, je trottai toute la journée dans l’Estérel avec
le vieux Dom et un nommé Souguenet, son ami très brave garçon – Déjeuné très
bien hôtel de l’Estérel au Trayas et rentré à 6 h, avec le jour encore.
Aujourd’hui je travaille et me repose.
Hier soir, j’ai vu arriver à table Berthelot
(Philippe, je crois) avec la petite Hélène, aucunement Madame Point aujourd’hui
femme du dit Berthelot – J’ai passé la soirée à deviser avec eux jusques à 10 ½
ce qui est tardif ici. Ils ont beaucoup voyagé et sont l’un et l’autre tout à
fait à mon goût – lui me parait tout à fait supérieurement intelligent. Il
rappelle physiquement son père – en mieux – ils sont aujourd’hui en balade chez
Daurelle à Cavalaire et à St Tropez ce soir chez Merrill, je les reverrai
demain –
Toujours beaucoup de monde ici.
Tu vas, mon chéri, avoir le gros ennui de te rendre
tous les deux jours à la boîte Scribe. Je te plains – c’est une telle
servitude, surtout ces déjeuners !
Donne moi à l’occasion des détails sur le n° égyptien
du Figaro et dis moi si c’est sérieux. N’ayant reçu aucune lettre directe, je
pense que ce sont des mots en l’air, car à Paris rien n’est stable dans les
idées et tout dépend des rencontres journalières des gens – les absents ont
toujours tort – En tout cas, si ça te parait sérieux, fais moi écrire par De
Malherbe –
Mes affectueux bécots, mon chéri, soigne toi et ne te
surmènes plus, crois moi.
Octave
[ref.
1909.21][papier à en-tête du 35, Boulevard Félix Martin à St Raphaël (Var)] Le
16 mars au soir 1909.
Mon chéri – je t’ai adressé aujourd’hui une petite
corbeille de fleurs pour la St Joseph, j’espère qu’elles te parviendront bien
fraîches, (elles doivent même devancer ce mot) et qu’elles te porteront mon
affectueux souvenir en ce renouveau de St Joseph que je fêterai j’espère bien
jeudi matin avec le papa Ducreux et nous boirons avec ce nonagénaire à ta
santé.
Après t’avoir écrit j’avais réfléchi à ma hâte de
revenir à Paris pour un but bien secondaire et je m’étais remis à la raison en
songeant à la lune rousse qui viendra en avril et aux regrets que j’aurais
d’être rentré trop vite. Je ne resterai sans doute pas à Raphaël, mais je
profiterai d’avril pour voyager un tantinet en laissant ici tous mes colis de
supplément – je vais organiser tout cela d’ici peu de jours, car je commence à
avoir assez de Beau Rivage et je changerais volontiers de nid fin de ce mois.
Le temps est beau, le mistral se calme –
Je t’envoie mes affectueuses tendresses et mes
souhaits bien tendres pour ta fête.
Octave
J’espère que les fleurs ont été bien servies ;
j’ai demandé 2 ou 3 douzaines d’œillets, panachés et souffre, des renoncules,
des roses, des anémones, des jonquilles, du mimosa, etc. Tu me diras si c’était
bien en un colis de 3 kilogs.
[ref.
1909.22][papier à en-tête du 35, Boulevard Félix Martin à St Raphaël (Var)] Ce
vendredi soir 19 mars 09.
Mon chéri, j’ai bien reçu ta lettre de mercredi, bien
que je ne reçoive presque rien de Paris – cette grève est odieuse. Je te lance
ce mot au hasard, tout est coupé – je suis allé hier fêter la St Joseph de M.
Ducreux chez les Jourdan – je rentrai à 4 h à St Raphaël avec la pluie qui ne
cesse depuis, ou à peu près – le ciel est noir, le temps doux – ajoute à cela,
la mélancolie de ces journées sans nouvelles, et toutes les incertitudes de ces
heures d’équinoxe – ce n’est pas gai – ah ! non.
Ma santé bonne – je me soigne, mange peu et bien et
espère bien aller – je pense à une promenade en Italie pour le début d’avril –
quant au salon j’ai écrit à Geffroy pour lui proposer de permuter, mais quand
arriveront les lettres hélas !
J’avais envoyé 40 frs à Alphonsine par mandat, je ne
sais si la lettre est arrivée. – je vis dans le noir et la solitude – c’est
sombre.
J’ai vu Rochard à Cannes – voici sa lettre avant sa
rencontre – il doit venir passer 24 heures ici et y coucher – ce sera dur – sa
Jeanne déménage et pour ne pas voir ce départ, il s’en va.
Tendrement.
Octave
Les Berthelot – Hélène et Philippe partis ce matin –
ils m’ont tout à fait plu – 3 soirées de causerie ensemble.
[ref.
1909.23][papier à en-tête du 35, Boulevard Félix Martin à St Raphaël (Var) –
utilisé à l’envers] Ce mardi 23 mars 09.
Merci, mon chéri, de m’avoir téléphoné hier – je t’ai
parfaitement entendu – je venais, après diner, de monter dans ma chambre
m’infusionner et je fus agréablement surpris d’ouïr ta voix – je m’y attendais
si peu.
Rochard était arrivé samedi soir, lourd, vieux jeux,
fatigué, embêté – il coucha deux nuits à l’hôtel – le 1er jour
dimanche je le conduisis le matin à Fréjus, après midi à Ste Maxime et lundi,
hier, du côté d’Agay, le Gratidis et chez Bertnay à pied – il était mort de
fatigue et soufflait comme un cochon bon à tuer – je l’ai lâché au Trayas – il
me rasa suffisamment pour que j’espère ne le plus voir de l’hiver. C’est un
homme fini, idiotisé, uniquement préoccupé de ses affaires … enfin, inutile de
poursuivre c’est une appréciation connue de nous.
La grève des postiers (est-elle finie ?)
m’assombrit beaucoup, je pensais déjà à t’adresser mes lettres à l’aide de
colis grande vitesse par chemin de fer – à Nice et Marseille ce fut pis qu’à
Paris – mes lettres de Nice ont 4 et 5 jours de retard. Tout cela est
pitoyable.
Le temps fuit ; bientôt avril. Je me hâte de tout
faire pour pouvoir quitter St Raphaël du 2 au 4 avril et, sans doute, irai-je
sur la côte italienne laissant tous mes colis importants ici.
Le temps fut beau superbe dimanche et hier, il se
couvre ce matin, mais il fait très chaud, il y a 21° dans ma chambre, le soir
23 ce qui est énorme et permet de vivre en chemise … ce dont d’ailleurs je me
garde.
J’attendrai la lettre du Directeur du supplément
Figaro mais cette lettre doit être exigée, ces gens là ne se hâtent jamais et
sans papiers écrits, j’estime qu’il n’y a jamais rien de convenu avec ces
maisons très rarement loyales et très perfides.
Je t’écrirai ces prochains jours dès que je serai
assuré de la reprise des ambulants – tout est affreusement détraqué – quel pays
lamentable !
Fais mes amitiés cordiales à Mme Million et mes
bonjours à Angelo.
Les Bertnay t’envoient leurs amitiés et t’enverront
des mimosas – écris leur un petit mot.
Je t’embrasse tendrement, mon chéri – à bientôt – ma santé est excellente.
Octave
[ref.
1909.24][papier à en-tête du 35, Boulevard Félix Martin à St Raphaël (Var) –
adresse rayée] Ce mercredi soir 6 heures (24 mars 1908).
Il fait depuis dimanche un temps merveilleux, idéal et
chaud comme en juin – hier, c’était la fête des fleurs ici ; j’ai siégé
dans la tribune du comité et composé un article pour ces braves gens qui ont
été ravis. Je leur ai prêté concours pour le choix des bannières –
J’ai arrangé, par lettre, mon affaire avec Geffroy qui
fera mon salon le 15 avril, tandis que je prendrai les artistes français fin du mois. Je te
prierai de faire prendre en temps utile cartes, livret et le reste –
j’arriverai du 27 au 28 avril. Je t’écrirai à ce sujet plus tard.
Ma santé est excellente – ce beau temps va la
consolider encore car je n’ai plus la moindre sensation de froid. J’ai tout le
temps 20 degrés chez moi et 15 à 17 dehors.
Il y a ici, à mon hôtel, Frey, mon docteur dentiste de
naguère et sa famille – assez gentils et pas collants.
Je commence à recevoir tes lettres, j’ai eu celle de
dimanche et bien après, celle de jeudi dernier 18 mars – je pense que tu auras
aussi les miennes peu à peu. Cette sotte grève m’avait fort énervé – quelle
niaiserie ! – enfin c’est fini –
Je fais la préface à Rochard, c’est bien rasant et je
veux m’en débarrasser. J’irai peut être demain P.P.C à Anthéor déjeuner, puis
ce sera Cannes, le père Ducreux, puis Merrill à St Tropez – je prépare mon
exode vers l’Italie pour le début d’avril. Je t’écrirai demain soir ou vendredi
– mille tendresses, mon bon chéri.
Octave
[ref.
1909.25][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] Raphaël (jeudi)
25 mars 09
Mon chéri, je vais bien. Je reçois toutes tes lettres.
C’est un poids sombre de moins cette grève finie. Le ciel s’est couvert un peu
à midi, mais il fait beau et doux aujourd’hui – ce matin j’ai eu le brave
Jacques d’Aurelles à déjeuner et en même temps, Maizeroy de passage à Raphaël –
tous deux sont partis à 1 h ½ .
J’aurai demain la femme de Dommartin et son amie
Clarisse, cousine de Mme de Roddaz – Samedi j’irai chez les Bertnay et mardi ou
mercredi chez M. Ducreux –
Je n’ai rien reçu du Directeur du Figaro illustré – je
ne crois rien recevoir, tout cela ce sont trop souvent des mots – ce que je me
méfie de ces gens là – Enfin nous verrons – je suis sceptique et suis payé pour
l’être.
Si tu as mon article La Corbeille des Roses – de la
Dépèche – oblige moi de l’envoyer à J. de Bonnefon rue Bonaparte – tu dois
avoir son adresse, sinon vois le tout Paris.
J’ai le catalogue de Houbron – Si j’avais été à Paris
j’y serais sans doute allé – ça a du se vendre à bas prix –
Ci contre une coupure qui te concerne.
Mes tendresses cordiales.
Octave
Je t’ai écrit 2 ou 3 fois depuis le téléphonage.
[ref.
1909.26][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] Raphaël
(dimanche) 28 mars 09.
Très belle journée hier, mon bon frérot, à Anthéor,
plein air du matin au soir – parti à 8 h – séjour à Agay chez les Maizeroy,
course à pattes à Anthéor où je trouvai les amis en compagnie d’un céramiste
charmant, de nos âges, M. Philippe David, qui vit avec son frère, presque toute
l’année, au Cap d’Antibes – fraternité comme la nôtre de 2 célibataires ayant
passé près de leur mère jeunesse et âge mur.
Puis vinrent déjeuner avec nous le couple du comte
d’Arlon et son épouse (affaire Hemheil) et un peintre très doux et gentil
garçon.
Maizeroy vint à 2 h ½, je le présentai aux Bertnay et
je rentrai à pied avec lui à Agay –
Aujourd’hui encore temps chaud, divin – j’ai vu ce
matin le Dr et Mme Adler, avec qui je me suis promené une heure et qui voudrait
acheter quelque chose de ce côté – braves gens, un peu bourgeois et lents – ils
resteront ici 2 ou 3 jours.
Maëterlinck est venu hier avec Georgette Leblanc pour
me voir ; ils ont déjeunés seuls à l’hôtel. Je les reverrai fin de cette
semaine.
Je déjeunerai à Cannes mercredi – je coucherai le soir
à l’hôtel Montfleury au Cap Ferrat où sont les Dommartin et les femmes de
Roddaz et le lendemain rôderai un peu de ce côté de la côte.
Mon ami d’Aurelles est actuellement au Cap St Jean à
la villa Ludine – je l’y verrai.
Je t’ai retourné ce matin en rouleau tes pièces de
théâtre – j’ai envoyé à Rochard sa préface qui n’a rien de dithyrambique avec
une lettre où je lui exprime le regret de ne pouvoir affirmer qu’il ait du
talent ou du génie – ah ! ça non.
J’ai reçu un mot trop vague du Figaro illustré. J’y
réponds – te tiendrai au courant.
Je vais aller aujourd’hui à St Aigulf avec ce temps
adorable, je ne pourrais rester chez moi.
Mes tendresses, mon chéri, je t’écrirai demain.
Affectueux baisers.
Octave
[ref.
1909.27][papier libre] Raphaël (dimanche) Ce mardi (30 mars 1909).
Mon chéri,
Ces deux lettres te diront pourquoi je ne vais pas à
Cannes demain – jeudi j’irai déjeuner
Beaulieu et rentrerai le soir – j’irai peut être vendredi soir à
Marseille pour y passer le samedi et y voir Huc qui doit s’embarquer ce jour là
pour Athènes et Constantinople.
J’ai écrit au Figaro illustré me proposant 800 f qu’il
m’avait été parlé de 1 000 f – ce qui n’était pas excessif – je leur
renouvelais mon acceptation de principe, demandant pour m’éclairer sur la
valeur de la ligne d’impression des exemplaires de numéros similaires. 800 f
pour 1200 lignes de texte me dit-on – ça vaut bien mille – enfin j’attendrai –
il ne faut jamais avoir l’air d’être fort heureux d’accepter une affaire à prix
moyen et tâcher d’obtenir davantage – c’est sur la publicité qu’on pourra se
rattraper si tu as l’entreprise principale.
Il a plu hier – le Dr Adler est resté 2 heures chez
moi. Bontems doit les promener aujourd’hui en auto aux portes de l’Argens mais
le temps est encore brouillé ce matin – mais ça change si vite ici.
Affectueuses tendresses.
Octave
Mlle Gauthey est invitée par moi à venir ici la
semaine sainte, sinon j’irai à Cannes déjeuner avec elle.
[copie
de la lettre de Mlle Gauthey à Octave Uzanne]
Hôtel de Paris
Boulevard d’Alsace – Cannes
29 mars 1909
Monsieur, je reçois un mot de Monsieur Ducreux me
disant le contretemps qui doit me priver de déjeuner avec vous chez lui
mercredi. Il me dit vous l’écrire en même temps. Alors il me vint une
idée : vous viendrez certainement dire au revoir à Monsieur Ducreux avant
de partir en Italie. Venez tout de même mercredi puisque vous aviez choisi ce
jour et faites moi le plaisir de venir déjeuner avec moi. Nous causerons, et
ensuite vous irez voir votre vieil ami. Peut-être est-ce très inconvenant de
vous inviter comme cela Monsieur, mais les convenances et moi sommes brouillées
depuis un certain temps – Je ne sais pas ce qu’elles en pensent, mais moi je
m’en trouve très bien. J’espère que vous accepterez, car je serais désolée de
ne pas vous revoir, et en attendant votre réponse, je vous renouvelle Monsieur,
l’expression de mes meilleurs sentiments.
Lucie Gauthey
[ref.
1909.28][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] 31 mars 09 - Ce
mercredi soir 7 h.
Mon frérot aimé,
Ce matin le ciel étant exquis, j’ai pris le premier
train du sud et suis allé déjeuner à St Tropez chez Merrill où il y avait le
poëte Mockel – très braves gens et belle journée – trop courte, car il faut
repartir à 2 h de St Tropez.
J’aurais pu accompagner les Adler dans leur tournée du
Malinfernet – Trayas ; ils l’espéraient, je crois, mais je n’ai pas donné
signe de vie, car je craignais cette course en voiture avec deux femmes, dont
l’une, la vieille, belle mère, est insupportable par ses manies et je redoutais
la calèche découverte, le déjeuner offert, etc – tout ça m’aurait embêté et
gêné.
Les Merrill me chargent de toutes leurs amitiés pour
toi.
Demain matin j’irai déjeuner à Beaulieu avec les Dom
et les deux femmes de Roddaz. Huc ayant différé son embarquement et changé ses
plans je n’irai sans doute pas me fatiguer samedi à Marseille – je me ménage.
Ce soir je vais diner à la table du Dr Frey avec Jules
Cottet, le Dr d’Evian qui a épousé la sœur de Mme Hériot et arrive du Cap
Martin où se trouve tu le sais, la dite Mme Hério .. (du Louvre).
Le beau temps domine malgré tout – Hier malgré ce que
je t’écrivais le matin la journée fut superbe.
Je dois faire l’excursion Chartreuse de la Verne avec
les Maëterlinck lundi ou mardi, puis j’irai un jour à Cannes et je pense partir
le lundi de Pâques pour Gènes.
Affectueusement mon chéri.
Octave
[ref.
1909.29][carte postale ancienne – Côte d’Azur – St-Raphaël – Bataille de fleurs
– Voiture de S.A.R. la Princesse Clémentine de Belgique] Mercredi 31 mars 1909.
Ce souvenir de la fête des fleurs te dira que je vais
fort bien – avec beau temps et que je ne pense qu’à continuer en paix ma cure
de repos – je t’écrirai mot demain si je puis, sinon avant d’aller jeudi à Beaulieu
– Adler est toujours ici – je l’ai vu ce matin et irai le voir ce soir sans
doute – il doit rentrer du 3 au 5 à Paris – Mes tendresses. Octave
[ref.
1909.30][papier à en-tête du 35, Boulevard Félix Martin à St Raphaël (Var)] Le
Vendredi 2 avril 1909.
Hier, mon frérot, bonne et agréable journée à Beaulieu
et belles promenades au Cap St Jean en compagnie des dames de Roddaz, les
Dommartin et de ce pauvre Monjoyeux assez souffrant et qui purge une vie de
fêtard, de joueur et de coureur de femmes.
Parti à 8 h ¼ le matin, je suis rentré à 6 ½. J’ai vu
Adler au retour avant son départ, j’ai redîné avec les Frey et Cottet le Dr
d’Evian très gentil et sympathique et m’évoquant tellement son frère le
peintre, que je me croyais encore en Egypte.
Tout ce monde est à San Salvadour aujourd’hui, ils ont
du voyager avec les Adler.
Le temps est chaud, couvert aujourd’hui, mais sec et
agréable sans un souffle.
J’ai beaucoup à travailler – cet animal de Rochard me
prend du temps avec sa préface et m’inonde de lettres – brave garçon qui n’a
pas trop rouspété pour cette préface pas très plaisante et où je me garde bien
de louanger ses vers et son genre vieillot. Il gémit parce que je le vieillis
trop. Il se croit jeune … le pauvre !
Je préparerai mes envois chez Mariani et je t’écrirai
à ce sujet.
Je n’ai rien reçu du Figaro illustré, ni numéros
spécimens demandés, ni réponse. Ecris donc ou téléphone à De Malherbe mon
départ pour l’Italie du 9 au 10 et l’urgence d’une convention rapide – si cette
convention doit avoir lieu.
Je déjeunerai ce matin avec Mme Rouveyre qui part ce
soir pour Paris et qui est à l’hôtel et je ne quitterai point St Raphaël
aujourd’hui.
Je me sens très bien portant, sauf ma vue à reposer.
Je t’embrasse bien tendrement.
Octave
[ref.
1909.31][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] St Raphaël 6
avril 09.
Me voici revenu d’une agréable excursion à Cogolin et
à Grimaud, avec les Merrill (femme et belle mère et Mockel) avec qui j’avais
pris rendez vous à La Foux, ce matin à 10 h.
La journée fut superbe – j’ai rencontré à Grimaud des
servantes de Porquerolles, mariées là, et j’ai bien déjeuné à l’auberge – un
déjeuner d’au moins sept plats pour 3 f. bouillabaisse comprise et tout cela
fut excellent.
J’ai fait trajet, à l’aller et au retour, avec une
délicieuse petite vieille de 65 ans environ, très marquise à cheveux blancs,
d’une rare distinction et d’une supérieure intelligence – on s’est accroché par
sympathies – malheureusement elle quitte St Raphaël après demain – j’ai
rarement rencontré femme aussi fine, aussi largement intelligente et charitable
et si avisée sur tous les ridicules des hommes.
Demain, je filerai à 8.17 du matin pour Cannes. Je m’y
ferai tondre, ferai mes achats, verrai M. Ducreux P.P.C vers 10 h – Rochard à
10 h ½ ou ¾. Je déjeunerai avec Mlle Gauthey, irai entendre une conférence de
Georgette Leblanc, et, le soir, je prendrai peut être le train tardif de 8 h où
se trouveront Dommartin rentrant directement de Beaulieu en Belgique.
J’ai fait hier mes adieux à St Aigulf à Mme Loyé.
J’irai vendredi ou samedi à Anthéor, et serai alors libre – cela ne veut pas
dire que je me bousculerai pour partir.
Les Huc sont passés – je ne les ai pas vus – allant en
Italie et fort en hâte l’itinéraire d’Ombrie que je dois faire et que je leur
ai communiqué. Je suis heureux qu’ils n’aient pas insisté pour que je les
accompagne, car je déteste n’être pas indépendant en voyage, et puis ces bœufs
lourds qui ne peuvent marcher, ne sont pas mon affaire.
Je filerai sinon lundi, du moins mercredi pour Gênes
et ne me hâterai pas – je compte arriver seulement le 27 à Paris et loger 20
rue Duphot, où j’aurai bonne chambre 7 f. au 1er, 6,50 au 2e
sur rue – J’ai correspondu avec l’hôtellerie.
J’enverrai ma petite vitesse en port dû à la pharmacie
Mariani et t’écrirai à ce sujet.
Hier, j’ai vu, venant déjeuner à Beau Rivage, Armand
Dayot, sa femme et sa fille, venant du Lavandou – je n’ai fait qu’échanger
quelques mots avec eux ; ils sont partis je ne sais où pendant que j’étais
à St Aigulf.
Sarraut a une double phlébite, Huc m’écrit que c’est
grave, mais qu’il peut partir sans crainte, il doit revenir à Paris d’ici dix
jours environ.
Louise m’écrit qu’elle n’a jamais été si bien ;
même avant d’être malade, qu’elle sort, qu’elle grimpe sans s’essouffler et que
sa mine est superbe – je la verrai au passage à Chambéry, je verrai aussi son
docteur, en tout cas je reviendrai seul et je ne crois pas la faire revenir
avant quelque temps.
Affectueuses amitiés et tendresses, mon chéri.
Octave
Ce mardi soir 7 heures
Je prends du Lactéol comme essai pour combattre les
faux ferments par les bons – verrai le résultat.
Mes souvenirs affectueux à Mme Million et baisers à
Lisette pour ses journées pascales. Tâche d’aller prendre un peu d’air de
samedi à mardi – crois moi – lâche tout tu en as besoin – tu peux aller voir à
la mer avec Mme M. ce qui serait à louer ou bien t’aller promener à Rambouillet
ou ailleurs.
[ref.
1909.32][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël] Ce (vendredi
saint) 9 avril 09.
Mon chéri – ce vendredi saint, je me repose au milieu
de mes colis de petite vitesse à faire partir demain si possible.
Hier, je fus à Anthéor porter mes adieux à Bertnay. Je
fus prendre le goûter avec eux chez leurs locataires et soisins de la
Jeannette, le comte d’Arlon et sa femme, et je suis revenu à pattes à Agay à 5
h ½ pour le train.
Demain Sallès m’annonce son passage pour deux
jours ; ça m’embête un peu car j’ai à faire, mais je n’ai pas osé lui
envoyer de dépèche contradictoire – il est dit que cette année j’aurai peu
connu la belle solitude. Je filerai mercredi matin sur Gênes d’où je ferai ma
petite tournée ombrienne avec quiétude sans trop charger mon programme. Je
reviendrai par Gênes – Turin (de Florence) coucherai le 25 à Chambéry, le 26 à
Dijon et le 27 à Paris rue Duphot.
Tu peux me garder ta soirée ce mardi 27 – sauf imprévu
– nous pourrons dîner ensemble aux environs de la Madeleine et nous quitter à 9
h, car si j’arrivais à 6 ½ - il me serait difficile d’aller Bd St Germain et de
toute façon le 1er jour ce serait surcharge de fatigue.
Je t’écrirai pour que tu fasses réclamer en temps
voulu par Filleul, cartes, livret etc. pour le salon des artistes français –
j’irai naturellement au déjeuner Mariani pour t’y rencontrer le 1er
mai, je crois bien.
Mes compliments que j’avais omis pour ta décoration
roumanienne. Tout ça fait très bien sur une lettre de part, mais dans la vie ça
paie insuffisamment.
J’attends encore les numéros spécimens du Figaro
illustré avant de répondre.
Je t’embrasse tendrement.
Octave
[ref.
1909.33][enveloppe-lettre du Modern Hotel 50 rue Cannebière à Marseille]
Marseille 19 avril 1909.
Mon chéri – Ravi de Marseille. J’ai vu hier aux
Variétés revue très bien montée et plus drôle que les revues parisiennes – le
temps est radieux. Je te lance ce mot avant de sortir et d’avoir un mot de toi.
Je viens de faire venir dans ma chambre un coiffeur
qui m’a tondu à fond et brûlé les cheveux (pour la 1ère fois de ma
vie) puis rasé et mis en état de me soigner barbe et le reste, mais ça me
change un peu ma tête, je n’ai plus que moustache et vague barbiche, (mais ma
barbe a besoin de soins avant de repousser -)
Ci contre une note pour Auxerre tu peux m’écrire à
Dijon et même m’y télégraphier samedi avant 11 h au Buffet de la gare si tu pars
ou ne pars pas le soir pour Auxerre – Tendresses.
Octave
[ref.
1909.34][papier à en-tête de l’Hôtel de la Paix & Terminus, E. Lebrun
propriétaire, à Chambéry] Chambéry, le dimanche 25 avril 1909.
Mon chéri – je suis bien arrivé hier samedi à 7 h à
Chambéry, dégoûté comme toujours, aux retours, par l’arrivée en France, le
défaut d’organisation, le j’men foutisme partout, les infâmes corvées des
douanes. Quel pays !!!
J’avais une belle chambre à l’hôtel, celle sans doute
où mourut il y a 5 mois le cardinal Lecot, j’ai peu être couché dans son lit
mortuaire, il n’importe, ça m’indiffère aujourd’hui.
J’ai aperçu Louise, sa sœur et sa nièce à l’arrivée.
Je vais les voir tout l’heure (9 h du matin) et j’irai déjeuner chez ses braves
gens de parents.
Hier soir je me suis promené dans cette ville et j’ai
fini heureusement par découvrir le médecin de Louise le Dr Shall, élève de
Teissier de Lyon. Drôle de type. Nous avons causé une heure environ. D’après
son avis, pas très net, mais dans le but de l’interpréter au mieux de ma
quiétude je laisserai Louise encore ici six mois au moins et je m’occuperai de
quelqu’un à Paris. J’ai voulu te téléphoner hier soir, on m’a dit que le fil
avec Paris était interrompu – Drôle de pays que le nôtre !
Je coucherai ce soir à Bourg ou à Dijon et serai 20
rue Duphot mardi à 3 h après midi – je t’y attendrai à 7 h pour que nous
allions diner dehors.
Demain je serai à Dijon – à la Cloche vers 9 h matin.
Tendresses cordiales.
Octave
[ref.
1909.35][carte-lettre à l’adresse de St Cloud-Montretout 62 Bd de Versailles]
Ce mercredi 16 juin 1909.
Je préfère, mon chéri, te donner rendez-vous demain
jeudi chez toi, entre 2 ½ et 3 h ¼ environ.
Je quitterai les De Roddaz sans doute vers 1 h ¾,
j’aurai un tour à faire au Louvre, mais il m’est assez difficile de fixer des
heures et je me ferais un scrupule de te faire quitter ton logis où je puis
grimper, sans te déranger.
Ma santé est bonne, je ne sens plus aucune fatigue
stomacale, pas même de lourdeur ; jamais, ça ne m’était arrivé jusqu’ici –
j’attribue cette rémission à la drogue prise chez Lady Mary et continuée ici.
Dieu veuille que ça continue ! ça me donnerait tant de forces et de temps
récupéré sur les heures de digestion pénible.
Je t’envoie un vague projet pour ta petite excursion.
Je pense que tu pourrais faire cette promenade à
rebours. Aller d’un trait à Bruxelles vendredi soir et y coucher. (prendre à la
frontière un billet de 25 f. valable 5 jours sur tout le réseau belge en 2e
– filer le lendemain pour Rosendaal à Middelburg où tu serais samedi à midi
pour déjeuner. Dimanche soir tu coucherais à Bruges ayant pu tout voir de
Walcheren, lundi tu ferais Furnes par Blenke sans hâte et tu irais aisément
coucher au Crotoy où tu resterais mardi matin pour rentrer mardi soir ou
mercredi.
Tendresses – à demain.
Octave
[ref.
1909.36][carte-lettre à l’adresse de St Cloud-Montretout 62 Bd de Versailles]
Ce jeudi 2 h 22 juillet 1909.
Je pars à 3 h 50 pour être à 5 h 58 à Pont-Anthou chez
la vieille dame de la chaumière où je coucherai.
Le temps est indécis, lourd, pas beau – j’espère que
tu es en route – Pour moi, je resterai seulement à Pont-Anthou jusqu’à demain
midi ¾ - je rentrerai à St Cloud entre 5 et 6 et y resterai quelques jours,
devant filer mardi par Bordeaux – si ça va bien – j’ai depuis 3 jours un petit
rhumatisme sur la région du cœur qui me gêne. Tâche de prendre autant d’air que
possible – après avoir vu Middelbourg, Veère, Dombourg, Flessingue, tu peux,
par Breskens, aller à Knocke, à Heyst, à Blarkenberck, au Coq, à Ostende et
Bruges, d’Ostende par Tram à Middelkerque et surtout west-end très coquet, de
là à Furnes et à La Paime et retour par Dunkerque (frontière Belge à Adinkerke
je crois – il te faut deux jours pas davantage à Walcheren – un jour Knocke,
Heyst ou davantage si tu t’y plais – la dune est hostile au début, mais elle a
son charme en y séjournant ! la mer du nord n’est pas le rêve, mais le
bain de mer y est partout supérieurement organisée et on peut aller à pied
partout sur des chemins de briques.
Voici un mot de Lady Mary à qui j’écrivis pour Lisette
– elle me dit avoir trouvé la pension idéale. A bientôt, tendresses
(cordialités à Mme Millon).
Octave
[ref.
1909.37][carte postale Ax-les-Thermes – les Cascatelles à M. Delcassé] Ce
mercredi Toulouse (5 aoout 1909).
Mon cher Joseph – rentré ce matin vers midi, venant de
Foix. J’ai fait 450 kil. en auto de lundi à ce matin, avec très beau temps. Ça
m’a dégourdi et fait du bien. J’ai vu société aimable et gaie. Hommes et
femmes.
Demain matin je serai à Luchon pour déjeuner. Je
coucherai à Tarbes le soir et vendredi j’arriverai à Eaux Bonnes vers 11 h ½
Hôtel de France, je pense y séjourner en repos jusqu’à dimanche 2 h après quoi
Bayonne poste restante.
Affectueux baisers – à bientôt lettre.
Je t’ai envoyé carte postale de Puycerda (Espagne).
Octave
[ref.
1909.38][papier à en-tête du Grand Hôtel de France à Eaux-Bonnes] le (samedi) 7
août 1909.
Je suis arrivé, mon chéri, hier, vendredi, vers 11 h à
Eaux Bonnes où j’ai trouvé beau temps et toutes choses comme je les avais
laissées l’an dernier, ma même chambre, ma petite table solitaire, les
boutiquiers familiers, quelques habitués de l’hôtel etc et des serviteurs zélés
et incomparables.
Le soir vers 4 h, j’ai rencontré ma petite femme de
lettres béarnaise, avec sa sœur, deux charmantes jeunes filles de 20 à 25 ans
que j’ai promenées et invitées à déjeuner demain – ces deux aimables et
intelligentes demoiselles d’Oloron sont venues spécialement pour me rencontrer
ici et quitteront lundi le pays.
J’ai passé la soirée avec le brave père Cazaux, un
médecin de la vieille école fort supérieur à la nouvelle – à l’établissement je
me baignai, bus un peu – pour deux jours ce sera peu mais je vais assez bien
pour n’avoir besoin de rien.
Je quitterai dimanche Eaux-Bonnes pour Bayonne.
Partant d’ici vers 5 h pour arriver vers 15 h le soir
sans doute à l’hôtel Bilbaïna – je serai le lundi à Biarritz – le mardi à Ambo,
si Rostand, à qui j’écris, m’y convie – mercredi matin je filerai sur Bordeaux,
dès le matin, pour déjeuner avec mon brave négociant en vins que j’ai retrouvé
ici et qui désire m’accueillir chez lui.
Je serai donc de retour après seize jours d’absence,
le jeudi 12, date fixée depuis longtemps pour reprise de mes travaux chez moi.
Assurément cette vie vagabonde me fait grand bien
physiquement et moralement, mais tout a une fin. J’ai des travaux importants à
faire ; d’autre part en septembre, j’irai en Bourgogne et à Tourville,
tout doit venir à son heure. Il me serait odieux de rentrer à Paris à cette
heure, mais, à St Cloud, je sais y trouver encore de l’air, de la verdure et de
la quiétude – je m’applaudis chaque jour davantage d’avoir lâché Paris qui me
fait horreur, sauf pour le nécessaire d’affaires et de relations – ma vie
désormais, est tout à fait organisée selon mes goûts et j’ai réalisé un maximum
de mes rêves. Cette petite balade qui me fut très mouvementée, très active,
sans stagner nulle part, aura été agréable et utile, gaie et intéressante.
Je pense que ce mot te trouvera après ton retour du
Crotoy où tu dois, je pense, aller ton dimanche. Je te dirai l’heure de mon
arrivée à Paris jeudi à Orsay, peut-être pourrons nous nous y voir sinon j’irai
déjeuner le samedi chez Angelo.
[la lettre n’est pas signée]
[ref.
1909.39][carte postale de Laruns – Vue générale (Les Basses Pyrénées)] Bayonne
ce (lundi) 9 août 1909.
Bon voyage, hier soir dimanche, des Eaux Bonnes à
Laruns, de Laruns à Pau et de Pau à Bayonne ou j’arrivai à 9 h en ville très
animée.
J’ai eu ta lettre hier matin – je resterai encore ici
demain, puis irai à Bordeaux et rentrerai jeudi à midi ou le soir.
Affectueuses tendresses. Octave
Encore aucun mot de Rostand à la poste – je préfère
ça.
[ref.
1909.40][papier libre] Ce mardi 10 août 09.
Mon cher frérot,
Je vais dîner mardi à Cambo. Une auto me reconduira à
Bayonne de chez Rostand – Demain je dînerai à Bordeaux chez de gros négociants
en vins – jeudi j’arriverai chez moi à St Cloud après midi si je puis comme
l’espère prendre le train à 4 h ¼ du matin pour être à midi 05 à Orsay où je déjeunerai
au buffet.
Tu seras ce matin là chez Mariani sauf quoi je
t’aurais prié de venir déjeuner avec moi.
Affectueusement – je pense aller déjeuner samedi à
Paris chez Mariani – si tu peux venir vendredi à Cloud tu me l’écriras – mes
tendresses.
Octave
[ref.
1909.41][papier libre] St Cloud 2 septembre 09.
Mon chéri,
J’ai pensé que tu étais hier chez Mariani et ne t’ai
point téléphoné. Aujourd’hui, je doute que tu sois chez toi et je ne bouge
d’ailleurs ayant fort à faire pour ce satané n° d’Egypte qui me revient en
pages trop longues et pour l’article Héliopolis très dur à camper de façon
originale, comme il est nécessaire de le faire.
Demain, je serai en courses à Paris avec toutes mes
heureus prises de 1 h à 4 où je reviendrai – Donc, je te donne rendez-vous samedi
à 10 h à St Augustin – j’y serai à l’heure juste, sauf contre avis de ta part.
Nous déjeunerons ensemble et vers 4 h j’irai me faire extraire des molaires
chez Trepka Block – avec qui j’ai rendez-vous.
Mes tendresses & à samedi 10 h matin.
Octave
[ref.
1909.42][papier libre] St Cloud – ce 10 septembre 09 – ce vendredi.
Le temps n’a pas favorisé ton départ, mais,
aujourd’hui, il doit être en Bourgogne, dans le Jura et en Suisse aussi
brillant et soleillé qu’ici.
Ma santé est excellente et je m’efforce de la
consolider chaque jour car je crois bien que je sors d’une mauvaise série
maladive et qu’avec des séjours d’hiver en lumière, je redeviendrai d’ici peu
beaucoup mieux équilibré que naguère, plein d’endurance et moins facile à
congeler – il y a du mieux déjà sensiblement. Soigne toi bien – tu trouveras à
Venise une foule bien terrible ; celle que je redoute le plus ; nos
compatriotes après la semaine de Brescia y seront en nombre et tu auras peine à
t’y loger convenablement – à Vérone aussi je redoute la poussée du banal
tourisme. Tâche de t’en sortir au mieux – tu rencontreras beaucoup de p arisiens, ce qui est le pire en voyage, car
cela nous empêche de nous isoler dans le milieu étranger et de bien voir par
soi même.
Moi, je pousse l’amour de la solitude en voyage à
l’extrême et la moindre rencontre d’un parisien m’est hostile, car voir ses
compatriotes hors de chez eux, ce n’est plus se sentir en voyage.
Ecris moi – je partirai mardi à 5 h pour Fontainebleau
– D’ici là beaucoup à faire, mais ce qui me serait pénible à Paris ne l’est
plus ici, où personne heureusement ne me relance et ne me dérange et je bénis
le ciel d’être venu gîter ici dans cette lumière, cette vue et ce bon air et
cette quiétude si conforme à mes goûts.
Pour le Gothard tu dois prendre place au fond du wagon
à gauche en montant à Lucerne, c’est côté gauche que la vue est superbe –
d’ailleurs s’il y a couloir tout ira bien.
Affectueux baisers.
Octave
[ref.
1909.43][papier à en-tête de la Compagnie des chemins de fer PLM – Hôtel
Terminus Buffet de la gare Lyon Perrache] Ce vendredi 26 novembre 1909.
Mon chéri – je suis arrivé hier sans m’en apercevoir
tant le trajet Dijon Lyon ainsi morcelé est court. A Terminus j’ai trouvé
l’agréable confort habituel et la bonne température nécessaire par radiateur.
J’ai dîné avec Sallès et suis rentré vers 11 h en train sans fatigue aucune et
sans même sentir le froid avec mon gros passe-montagne.
Ce matin j’ai eu mon courrier – Hier, j’avais vu, dans
le Figaro, à Dijon, l’article paru.
Carton de Wiart a du s’entendre avec De Malherbe pour
couvertures et titre refaits aux 5 000 ex. – c’est tu as du voir, un brave
garçon bien élevé très déférent et très cordial sous son apparence un peu belge
– si il y a l’an prochain une autre brochure à 100 000, ce serait une
nouvelle car Héliopolis sera plus avancée, je l’aurai vue et je pourrai en
parler plus rationnellement.
Je suis toujours sans nouvelles du ministère et je
vais ne pouvoir sans doute rien faire avec les messageries à Marseille – enfin
je m’arrangerai. Ne pourrais tu téléphoner à Gervais (de la part de Maurice
Favrant) (qui fait ses 9 jours) et dire à ce secrétaire de Doumergue que je
n’ai rien reçu et que j’attends pour m’embarquer (à St Raphaël). Ça vaut mieux
de téléphoner que de faire perdre du temps à Filleul, ça va plus vite et c’est
plus sûr si on te demande qui appelle dis : « de la part de M.
Maurice Favrant de la Dépèche ». Autrement on te dirait qu’il n’y a
personne et si Filleul y allait ce serait le même prix.
Il fait gris, ici, mais pas trop brouillardeux –
je vais déjeuner avec un brave garçon, Pierre Valin, qui est professeur
d’anglais et je partirai par le rapide de 5.16 pour être à 10 ½ à Marseille où
je resterai samedi & dimanche.
Je ne sais si Rochard y viendra me rejoindre.
Je pense m’installer à St Raphaël dimanche soir ou
lundi midi.
Cordiales tendresses – soigne toi bien – j’espère que
tu vas trouver la bonne idéale qui t’est nécessaire et pas bigote ou bégueule.
Mes amitiés à Madame M.
Octave
[ref. 1909.44][papier à en-tête du Grand
Hôtel de Russie & d’Angleterre à Marseille] Le samedi soir 27 (novembre
1909).
Je suis hier soir arrivé agréablement à Marseille – le
beau temps tiède et soleillé m’y a salué dès ce matin et j’ai passé une bonne
journée avec l’après midi au château d’If – J’irai sans doute demain aux
Martigues et je pense lundi à 1 h à l’hôtel Beau Rivage à Raphaël.
J’espère de tes bonnes nouvelles demain dimanche – je
n’ai eu rien de toi ici ce jourd’hui midi.
Bien tendrement.
Octave
[ref.
1909.45][papier à en-tête du Grand Hôtel de Russie & d’Angleterre à
Marseille] (le lundi 29 novembre 1909 ??).
J’ai eu aujourd’hui encore un temps divin, radieux,
tout soleil, lumière, tièdeur – quel pays et quelle ivresse de vivre ici, après
ces froidures de Paris qui auraient fini par avoir raison de ma bonne santé
actuelle – tout ce midi en clarté est pour moi une joie indicible.
Rochard n’est pas venu – ses folies de bâtisse
continuent ; il est l’esclave de ses maçons et fait construire un
poulailler.
Je serai demain à 1 h à St Raphaël – partant le matin
à 9 h 56 – j’ai vu ici la Compagnie des Messageries – il est probable que je
prendrai le bâteau du 2 janvier pour Port Saïd « Le Tourane » mais
toujours rien du ministère.
Je compte sur toi pour téléphoner à Gervais et
demander à quelle date je dois recevoir lettre et papiers nécessaires – si tu
ne peux avoir le fil avec Gervais, mets Maurice Favrant au courant, il est à la
Dépèche vers 11 h le matin, appelle le téléphoniquement. Son service doit se
terminer.
Mes tendres baisers – Affectueux souvenirs à Mme M.
Octave
Ce dimanche soir 5 h
[ref.
1909.46][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël (Var)] St Raphaël
2 décembre (1909) jeudi soir.
Hier, mercredi, je fus à Anthéor voir les Bertnay par
un temps superbe ; bonne causerie, au cours de laquelle ils me révélèrent
beaucoup de choses relatives à Mariani, à son fils, à Mme Chapuzot et au père
Lumière qui aurait fatigué Angelo à l’extrême en s’implantant à Valescure et en
le forçant à faire son jeu et à tolérer toutes ses vulgarités bruyantes en
septembre dernier.
Ce matin jeudi, par fort Mistral, Rochard s’est amené
vers 9 h ½ - ce fut une dure journée. J’en demeure aplati ; il ne m’a pas
quitté d’une semelle depuis sa venue et n’est reparti qu’à 4 h ½ - il me faudra
la nuit pour me remettre de ce bavard bredouillant, égoïste d’un enfantillage
qui tourne à l’idiotisme et d’une si grande ignorance sur toutes questions
générales – enfin tout ça c’est archi-connu – je déjeunerai demain chez les
Bertnay – (vendredi) et rentrerai de bonne heure – J’ai heureusement dissuadé
Rochard d’y venir.
Je n’irai aux Pins que vers le 11 ou 12 – ce sera pour
voir le papa Ducreux, aller à Nice, etc et changer un peu d’air.
J’ai reçu les papiers du ministère qui me confirment
ma mission et m’annonçent une recommandation officielle du ministre des
affaires étrangères et l’avis que ma réduction de 30% est consentie par les
Messageries maritimes. Il faudra encore attendre ces paperasseries dieu sait si
ce sera long !
Je n’ai eu aucun mot de toi aujourd’hui dans mon
courrier.
Ma petite vitesse est arrivée ici en 7 jours. Je vais
la déballer.
Je t’envoie mes affectueuses tendresses.
Octave Uzanne
[ref.
1909.47][lettre-enveloppe à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël (Var)]
Raphaël, dimanche midi 5 (décembre 1909).
Toujours émerveillé, heureux de vivre, charmé plus que
jamais par ce pays et ma paisible existence extasiée dans le soleil.
Je suis resté hier solitaire, laborieux et promeneur
méditatif – je quitterai peu cette semaine la zone raphaëloise, sauf pour Ste
Maxime, St Aigulf, Fréjus, etc.
Samedi prochain j’irai déjeuner (le 11) chez le papa
Ducreux, après quoi je me ferai monter aux Pins où je resterai dimanche et
lundi (12 et 13).
Le 14 je reviendrai à St Raphaël après promenade
matinale à Nice.
Après cette fugue, je m’arrangerai à ne plus aller
qu’à Marseille du 15 au 20 pour régler mon embarquement fixé au 2 janvier sur
« le Tourane ».
Je ferai le mieux possible n’ayant encore rien du
ministère des affaires étrangères ni des messageries.
Ça va passer si vite que je me sens à peine assis ici
– encore trois semaines et il faudra partir.
Toutes mes affaires sont bien à jour, fort
heureusement, j’ai tout préparé et prévu.
J’espère que tu seras encore à Valescure en Février,
quand je reviendrai du Caire, vers le 22 ou 25 environ. Mariani devrait rester
tout mars.
Les Bertnay viendront déjeuner chez Rochard quand j’y
serai, et aussi Jeanne, j’abrégerai ainsi la solitude avec ce brave Emile, si
loin de ma vie intellectuelle et de ma philosophie, si ignorant, si personnel
et embêtant.
J’ai ici une température de chambre incomparable – 16
à 17 sans radiateur et 19 ½ à 22 ½ quand le soleil a disparu et que l’appareil
fonctionne – c’est l’idéal.
Je viens de recevoir ton mot – j’ai eu aussi une
longue lettre de Carton de Wiart m’exposant son programme détaillé – je
t’écrirai bientôt.
Affectueux baisers – compliments à Mme M.
Octave
[ref.
1909.48][papier à en-tête de l’Hôtel Beau Rivage à St Raphaël – utilisé à
l’envers] Ce mardi 7 décembre 09.
Mon chéri,
J’ai reçu ta lettre ce matin avec un temps
paradisiaque – Hier, il plut un peu, mais qu’est-ce que la pluie en ce climat
béni ?
Je t’envoie un mandat de 5 f remboursement de ma
cotisation du collège d’Auxerre, pour n’y plus penser.
Je viens d’écrire une lettre cordiale et intime au
baron E. ; à Bruxelles. Sans lui démolir le Matin, je le pousse au Figaro
et au New York Herald. J’espère que ma suggestion lui sera déterminant pour
traiter avec Calmette et avec la maison Bennet et je pense bien que sur
« ces deux affaires » nous pourrons nous partager une intéressante
commission. Tu peux donc revoir Calmette à l’occasion afin qu’il n’y ait point
mal donne, car je hâte le baron de conclure, désireux de me mettre à l’œuvre
dès mon arrivée au Caire le 8 janvier (pas de temps à perdre). D’autre part,
pour nous assurer le N. Y. Herald, tu pourrais aller voir le chef de la
publicité de la maison, t’informer des conditions de la maison et ne rien
livrer jusqu’à nouvel ordre ni du pays d’où viendraient les correspondances, ni
du nom du baron E. (tu dirais d’un centre d’hivernage mondain) il s’agirait,
dirais tu de 2 correspondances, par mois pour janvier et février de 200 à 250
lignes en 2e ou 3e page) tu me dirais le résultat du
sondage et selon ce résultat, je tâcherai de combiner les choses de façon à ce
que le baron te charge de traiter – ce qu’il fera peut-être de lui-même,
d’après ma lettre de ce matin qui va partir avec ce mot. Voilà – il n’y a pas
une minute à perdre car dans un mois à cette heure, je foulerai le sol égyptien
où je désire activer mon action.
Je suis toujours l’homme le plus heureux qui soit dans
cette lumière et cet azur, solitaire à l’hôtel, ne causant à personne, n’allant
pas au salon, mes journées se passent béatifiques, avec de bonnes promenades,
de la lecture et du travail considérable que j’abats.
J’ai reçu avis de la transmission aux messageries de
ma mission ministérielle. La différence ne sera guère appréciable, 30%
(déduction faite de la nourriture) – j’écris à la Compagnie à Marseille où
j’irai la semaine prochaine arranger les choses – si ça s’arrange mal j’irai
peut être à Naples ou je prendrai la Biby Line anglaise à Marseille le 7 –
j’écris aussi à Liverpool à cette Compagnie de navigation qui est merveilleuse
comme confort.
Les Simond m’ont retourné mon article trop long,
disent-ils pour l’Echo m’en demandant un autre, je l’envoie pour essayer (sans
illusion).
J’ai demandé des renseignements sur les affaires de la
Dépêche à des amis confidentiellement car Huc ne me souffle mot et je crois
bien qu’il se mic maque des choses étranges en cette maison, je serai fixé
bientôt.
Tu vas voir cette pauvre chère Alphonsine qui fut
asphyxiée et noyée chez elle – elle te dira ça – pauvre fille, ça me fit gros
chagrin ; je serai si heureux de la voir près de moi partager mon repos
dans ce pays merveilleux qui la ravirait et lui ferait tant de bien.
J’ai envoyé quelques fleurs dimanche à Mme M. – Il y
en a peu en ce moment, elles sont rares et le mimosa ne donne pas encore.
Je déjeunerai samedi chez le Père Ducreux avec 3
lyonnaises – il m’attend. Je monterai après en fiacre aux Pins où je
séjournerai dimanche et lundi.
Je voudrais aller à Grasse et ailleurs, voir ce qu’on
y trouve pour s’installer, car à St Raphaël, un logis propre, net, coquet,
c’est introuvable – il n’y avait que la boîte Simond qui est louée aujourd’hui
à l’année et où d’ailleurs je ne serais jamais revenu – tout ce qui est propre
est loué – on ferait de l’or avec du meublé confortable ici.
Maëterlinck est à Londres, mais reviendra bientôt
m’écrit-il – Jacques d’Aurelle se marie et vient avec sa jeune femme à
Cavalaire le 20 courant. Les Donnay seront chez Bertnay le matin de Noël où j’y
déjeunerai avec nombre de parisiens. Ce mois va passer si vite, si
vite !!!
En voilà assez pour aujourd’hui – je boucle, j’ai
encore vingt lettres à écrire et ce soleil m’appelle dehors, il fait trop beau
pour rester à sa table – zut je sors.
Octave
Angelo devrait interdire sa maison en janvier à
Valescure par ordre du médecin, Mme Chap[uzot] pourrait écrire à Lumière qu’il
faut qu’il reste seul – il faudrait que ce goujat expulsé par sa femme et ses
fils (qui ne le peuvent souffrir) ne puisse se réfugier chez Mariani – Il est
tuant cet homme – il est à tuer.
Comment va ton extra ? Bien, j’espère.
Amitiés à Mme M.
[ref.
1909.49][papier libre] St Raphaël mercredi 8 (décembre 1909).
Je vais bien – temps superbe avec mistral – je viens
d’écrire un mot à Angelo.
Tu me diras comment tu as trouvé cette brave Alphonsine.
J’ai envoyé quelques fleurs, entre autres à Laure, l’amie de Raymot – tu ferais
bien de tenir un jour prochain tes engagements et de les prier à déjeuner tous
deux avec la téléphoniste de la rue des Renaudes – ce sont de braves gens et tu
les as invités – choisis un dimanche c’est le bon jour pour tous.
Je ne pense pas pouvoir rentrer à St Raphaël avant la
fin de février, du 28 février au 2 mars environ, donc plus tard tu viendras,
mieux ça vaudra.
As-tu lu mon article « En soleillade »
Dépêche – ce sont bien mes sensations de ces derniers jours – l’article a paru
le 7 mardi.
Je croyais t’avoir dit que j’étais en règle depuis
déjà huit jours pour ma mission et pour les messageries maritimes – je
n’attends plus qu’une recommandation du ministère des affaires étrangères me
recommandant à la sollicitude de ses agents – ça je m’en bats l’orbite.
J’ai écrit à Marseille aux messageries maritimes pour
mon passage sur la Touraine et à la Bibby Line à Liverpool, sollicitant une
réduction pour prendre place sur un bateau merveilleux de 12 000 tonnes le
Leicesterhire tout neuf et qui fait son 2e voyage partant de
Marseille le 7 janvier – j’attends les réponses – pour choisir ma voie – ne
t’occupe donc plus de la mission – j’ai tous les papiers, sauf ceux de Pichon
dont je me contrefiche.
Je labourerai l’onde amère au début de janvier sauf
cas de maladie, qui n’est pas sur mon programme, certes, non ; j’espère
bien ne pas l’y mettre par force majeure.
Je t’embrasse et ressors dans le vent pour aller à la
gare et coursoyer avant fin du jour.
Tendresses.
Octave
[ref.
1909.50][papier à en-tête de Les Pins – Le Cannet] Ce 30 décembre (1909).
Tous mes vœux, mon chéri, surtout souhaits de santé
pour cet an neuf.
Je vais bien – je vis en une chambre à 20 degrés.
Le temps est beau sans être idéal, mais soleil,
clarté, quelques nuages seuls contre coups des révolutions sismiques de Sicile
et d’ailleurs.
Pas de nouvelles d’Emile – je redoute son retour qui
sans doute sera le prélude de mon départ d’ici – ah ! si par chance il
pouvait rester encore 7 à 8 jours à Paris – Veine !
Mes tendresses.
Octave
(*) Source Fonds Y. Christ (1 J 780), Archives de L'Yonne, Auxerre. L'ensemble des lettres de la Correspondance entre Octave Uzanne et son frère Joseph (lettres d'Octave à Joseph uniquement) a été entièrement relevé par nos soins. Nous avons retranscrit l'ensemble que nous livrerons ici lettre par lettre. L'ensemble formera un corpus de 67 lettres pour l'année 1907, 95 lettres pour l'année 1908, 50 lettres pour l'année 1909, 22 lettres pour l'année 1910, 38 lettres de diverses années et 36 fragments ou lettres entières non datées, soit un ensemble de 308 lettres ou fragments de lettres. Notre projet arrêté dès fin 2012, début 2013, est de publier l'intégralité de cette correspondance avec notes explicatives. Espérons que nous pourrons mener à bien ce projet prochainement. La mise en ligne pour tous ici sera un premier pas permettant de juger au mieux de la relation fraternelle entre Octave et Joseph pendant les années 1907-1910, connaître l'intimité des deux frères ainsi que les pensées les plus intimes d'Octave Uzanne dans sa vie privée et publique. Mise en ligne Bertrand Hugonnard-Roche | www.octaveuzanne.com
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