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Reliure en maroquin sur un Almanach de Lansberg pour 1784 Photo Copyright Librairie L'amour qui bouquine |
Un bibliophile ne quittait point son cabinet, nous rapporte je ne sais plus trop quel compilateur de calembredaines dans son amour pour ses chers bouquins, il négligeait de satisfaire aux tendres désirs d'une épouse caressante et dévouée, tant que celle-ci soupirait ardemment : "Que ne puis-je devenir livre, pour t'occuper un seul instant !". Lors l'émule de Peignot :
Deviens donc Almanach, répond-il, j'y consens ;
Et j'y consens en homme sage ;
J'en tirerai cet avantage,
C'est qu'on en change tous les ans.
Tous les ans, en effet, à l'approche de l'année nouvelle, presqu'au moment où les marchands de marrons se montrent sous les auvents des cabarets, les almanachs apparaissent plus nombreux, plus variés que jamais, avec la ponctualité du retour des hirondelles aux premiers beaux jours du printemps. On les voit prendre place à la vitrine des libraires : leurs couvertures aux notes éclatantes et gaies tirent. l'œil, ou, comme pourrait dire l'apôtre du naturalisme, marquent de taches criardes et avivent de couleurs crues les étalages de toutes les librairies de France et de l'étranger.
Leur variété surprend ; chacun d'eux a son caractère, son aspect particulier. Beaucoup ont disparu depuis leur origine. Les AImanachs des muses, de parnassienne mémoire, ont sombré après avoir abrité plusieurs générations de poètes. L'Almanach royal, celui qui faisait dire à Fontenelle « C'est le livre qui contient le plus de vérités », n'a pas résisté à la révolution. Mais voici un aïeul, le plus vénérable de tous les almanachs, l'Astrologue universel ou le véritable triple Liégeois, fondé par Mathieu Lansberg, dans son petit format carré, son impression naïve sur papier à chandelles, sa brochure grossière et primitive outrageusement rognée, faite d'une simple ficelle poinçonnée, au cœur de l'épais volume, et son titre original dont l'ancienne gravure sur bois burinée à la diable représente le vieux Lansberg, muni de ses lunettes et de sa barbe chenue, aussi fantastique qu'un Nicolas Flamel de vignette romantique. Le triple Liégeois n'a point perdu sa vogue, il reste encore aujourd'hui comme l'oracle des populations rurales ; le gros esprit de ses anecdotes y détonne comme un pétard plutôt que comme une fusée, et ses avis pratiques, ses remèdes, ses recettes ont de quoi alimenter les connaissances des commères de village.
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Page de titre Almanach de Lansberg pour 1784 Photo Copyright Librairie L'amour qui bouquine |
Je citerai ensuite, par degré d'âge depuis la date de fondation, les almanachs suivants : l'Almanach de France et du Musée des familles (49e année), publié par la Société nationale, avec cette épigraphe, hélas ! trop véridique « 15 millions de Français n'apprennent que par les almanachs les destins de l'Europe, les lois de leur pays, les progrès des sciences, des arts, de l'industrie, leurs devoirs et leurs droits. » Versez l'instruction sur la tête du peuple, vous lui devez ce baptême.
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Page de titre Almanach de Lansberg, 1784 Photo Copyright Librairie L'amour qui bouquine |
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Reliure en maroquin au chiffre de Marie-Louise Petit souvenir des Dames, Janet, 1817 Photo Copyright Librairie L'amour qui bouquine |
O. U. [Octave Uzanne].
(*) Extrait des Comptes rendus analytiques parus dans la livraison du 10 novembre 1880 pp. 297-298 de la revue Le Livre dirigée par Octave Uzanne. Octave Uzanne s'est réservé pour lui-même ce petit résumé bibliographique sur les divers Almanach parus au fil des XVIIIe et XIXe siècle.
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