lundi 21 avril 2014

Pierre Louÿs écrit à son frère Georges et cite Octave Uzanne [février 1895] "[...] Et puis ... et puis ... surtout il ne faut pas être Octave Uzanne [...]"



Pierre Louÿs (1870-1925)
gravure sur bois par Félix Vallotton (1898)
pour le Livre des Masques vol. II
de Remy de Gourmont
Lundi gras 25 février 1895, Pierre Louÿs (25 ans) est à Séville. Il écrit à son frère Georges Louis (*) pour lui raconter ce qu'il fait, ses soucis d'argent, ce qu'il écrit, ses projets littéraires. Voici ce qu'il écrit à propos des Chansons de Bilitis qui avaient paru l'année précédente et pour lesquelles il écrit 40 pièces nouvelles :

"[...] Pendant ma semaine de sécheresse, je me suis enfermé dans ma chambre et j'ai travaillé (à des heures raisonnables). J'ai renoncé à pousser Bilitis jusqu'à la 300e chanson, comme j'en avais eu l'intention ; mais ce n'est pas sans regret, parce que j'avais encore bien des choses à dire, et c'est un travail si amusant ! Néanmoins je persiste à croire qu'en me bornant à 40 pièces nouvelles, le livre ne pourra qu'y gagner. J'en ai déjà fait 22. Les autres suivront. Dès ma rentrée à Paris, je m'occuperai de donner ce nouveau texte à Charpentier s'il en veut. L'édition sera moins jolie, mais ... je m'y résignerai contre un bon traité qui me mettrait à l'abri de mes ennuis présents. Voilà cinq ans que je travaille pour mon simple plaisir ; je voudrais continuer toujours, mais si je puis arriver, sans concessions, à gagner ma vie par le même moyen, je ne perdrai que la joie des beaux papiers et des Caractères Didot. C'est peu de chose. Et puis cela reviendra plus tard. Et puis ... et puis ... surtout il ne faut pas être Octave Uzanne ; le papier à chandelle a son bon côté. [...]"


Pierre Louÿs photographié vers 1898
"Et puis ... et puis ... surtout il ne faut pas être Octave Uzanne" écrit Pierre Louÿs. Quels sous-entendus se cachent derrière cette simple pique ? Octave Uzanne comme le précise la note qui accompagne l'édition des Mille lettres inédites de Pierre Louÿs à Georges Louis, 1890-1917, Fayard, 2002, p. 150 : "Octave Uzanne, écrivain et critique, célèbre pour sa passion de la bibliophilie et des livres imprimés sur papier de luxe." Jean-Paul Goujon, l'éditeur de ces lettres, n'échappe pas à la multitude qui n'a fait que répéter l'erreur sur la date de naissance d'Octave Uzanne (1852 pour 1851).
Pierre Louÿs et Octave Uzanne s'appréciaient-ils ? On peut en douter d'après cette petite estocade épistolaire. On sait cependant, comme nous l'avons déjà présenté dans les pages de ce blog, que Pierre Loüys et Octave Uzanne furent tous les deux membres de la Comission pour la Réforme du Mariage mise en place par Henri Coulon dès 1905 et qui œuvra jusqu'en 1908.
Si Octave Uzanne, célibataire endurci volontaire, écrivait le 26 décembre 1905 : "La seule réforme logique [concernant le mariage] dont il puisse être question est celle de la séparation définitive « de la morale et de l'Etat »."


Bertrand Hugonnard-Roche
(texte indiqué par Xavier Pollet)


* Georges Louis (1847-1917) était son demi-frère, son aîné de 23 ans. Diplomate en Égypte en qualité de délégué de la France à la Commission de la Dette Égyptienne (1893-1903), puis ambassadeur de France en Russie (1909-1913), fils né d'une première union de leur père, Pierre Philippe Louis. D'après diverses sources, Georges Louis serait peut-être en réalité le père de Pierre Louÿs et non son frère. Ils échangeront une correspondance quasi quotidienne jusqu'à la mort de Georges. 

1 commentaire:

  1. Il semble vouloir dire "imprimer ad libitum sur papier de luxe pour ne rien dire", non?
    Olivier

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