jeudi 15 septembre 2022

Les aménités du public à l’égard des Agents du guichet. Octave Uzanne remis à sa place concernant ses attaques et ses critiques des Dames de la Poste (5 novembre 1901).



Le hasard de nos recherches nous a mis ces lignes sous les yeux, extraites de :

L'union des dames de la Poste, des Télégraphes et des Téléphones, revue bi-mensuelle, professionnelle et littéraire, publiée par un groupe de receveuses et de dames-employées. 2ème année, n°15. 5 novembre 1901.


REVUE POSTALE. Du Bulletin hebdomadaire : Les aménités du public à l’égard des Agents du guichet. pp. 265-266.

    La campagne menée par M. Octave Uzanne contre le personnel des Postes et Télégraphes a suscité, comme c’était à prévoir, une vive indignation parmi les commis de service au guichet, qui sont les plus spécialement visés dans les deux articles publiés jusqu’à ce jour. Ce renversement des rôles, qui consiste à représenter le public victime de l’impolitesse et de la grossièreté des agents, alors que ceux-ci sont journellement exposés à recevoir, sans oser répondre, des propos désobligeants, voire même injurieux, est très sévèrement qualifié par les « gueules notoirement hostiles », qui protestent avec énergie contre les imputations qu’ils qualifient de calomnieuses.

    Si l’on en croyait M. Uzanne, le public qui fréquente les guichets, des bureaux de Poste serait un public de gentlemen (c’est son expression), personnes d’élite, auxquelles les raffinements de la plus parfaite courtoisie sont d’usage habituel. Cependant, on nous a cité toute une liste de faits, dont certains ne manquent pas de pittoresque, qui démontrent que, pour porter un semblable jugement, M. Uzanne ne doit mettre que bien rarement le pied dans une salle d’attente des bureaux de Poste. Il ne nous est pas possible de relater toutes les preuves évidentes qui nous ont été données, de la grossièreté gratuite de certaines personnes. Nous nous contenterons de relater deux faits, dont nous garantissons l’authenticité, qui suffiront pour donner un aperçu du genre de politesse qu’on rencontre parfois chez certains clients de la Poste.

    Dans un bureau de Paris, une contestation s’était élevée au guichet entre le préposé et une personne qui se présentait pour toucher le montant d’un remboursement de Caisse d’épargne et qui ne s’était munie d’aucune pièce d’identité. Les récriminations de l’intéressé menaçant de s’éterniser, et entravant le service, l’agent du guichet lui déclara péremptoirement qu’il ne lui était pas permis, de par les règlements, d’effectuer un remboursement sans preuve d’identité, et le pria de ne pas retarder inutilement le tour des personnes présentes.

    Sur ces observations, formulées poliment, mais avec fermeté, le client grincheux s’exaspéra et, à haute voix, traita d'animal le commis qui refusait de lui donner satisfaction. A cette parole malsonnante, l’agent interrompit immédiate ment son service. « Attendez-moi un instant, cria-t-il, je vais vous faire voir si je suis un animal », et il se précipita vers la porte d’accès de la salle d’attente au bureau. Mais son courageux insulteur se garda bien de l’attendre ; il gagna la porte de sortie avec une précipitation qui souleva, chez les personnes présentes dans la salle d’attente, un rire homérique.

    L’autre fait, infiniment moins amusant, s’est passé dans un bureau simple de province, bureau d’une certaine importance, où nombre de voyageurs viennent chercher leurs lettres poste restante.

    Pour l’intelligence du fait que nous allons narrer, il faut mentionner que la receveuse de ce bureau a pris l’habitude, pour éviter d’exiger la production de pièces d’identité de la part des personnes qui viennent réclamer leurs lettres poste restante, de leur demander simplement de faire connaître le lieu d’origine des correspondances à leur adresse.

    Cette précaution, prise précisément en faveur du public et qui n’avait jamais soulevé la moindre difficulté, a motivé l’incident que nous allons rapporter.

    La receveuse dont nous parlons demandait à un voyageur d’où provenait la lettre qu’il réclamait, sans présenter ni carte, ni enveloppe de lettre, fut grossièrement interpellée par ce gentlemen dont M. Uzanne vante si fort la courtoisie. Ce client peu gracieux s’emporta et reprocha à la receveuse, en termes d’une impolitesse excessive, de se mêler de ce qui ne la regardait pas, et lui enjoignit d’avoir à lui remettre sa lettre sans se permettre de le questionner.

    Celle-ci fit connaître au voyageur le motif pour lequel elle avait cru devoir poser cette simple question, et le pria de lui faire voir soit une enveloppe de lettre, soit une carte de visite. Recrudescence de fureur et d’injures. Le grossier personnage lança sa carte à travers le guichet et, en recvant des mains de la receveuse sa lettre et sa carte, il quitta le guichet en l’appelant « sale youtre ».

    Un fait pareil, une grossièreté semblable vis-à-vis d’une femme, se passent de tout commentaire. Mais, que dirait donc M. Uzanne si un agent lui adressait une épithète de cet acabit 

    Si nous relatons ces deux faits entre mille, c’est pour bien démontrer ce que nous maintenons, malgré toutes les dénégations et les démentis intéressés, à savoir que les agents des Postes ne sont pas traités avec la considération qui leur est due et qu’ils méritent. Le public sait qu’il peut impunément insulter un agent à son guichet, et il ne s’en fait pas faute.

    Si M. Uzanne n’avait pas écrit ses articles avec un évident parti-pris, il aurait tenu compte de la situation réelle, et se serait montré plus juste et moins agressif contre des employés de l’Etat, sans défense contre ses attaques, comme ils le sont contre les accès d’impatience et de mauvaise humeur du public.

120 années ont passé et la situation des Postes semble ne guère avoir changé (a-t-elle empiré ?). Que dirait en effet Octave Uzanne aujourd'hui quand on peut lire en entrant dans un bureau de Poste la sentence suivante : Afin de garantir un accueil professionnel et prévenant à l'ensemble de nos clients, nos équipes du Pôle Accueil se réservent néanmoins le droit de ne pas servir les personnes irrespectueuses, insultantes, agressives et ayant des propos discriminatoires. Dont acte ! Je ne nierai pas la mauvaise humeur et les mauvais mots de clients excédés (excédés pourquoi le plus souvent ? je vous le demande ...) mais ... Que dire de l'accueil désastreux de bon nombre d'agents mal lunés, mal payé(e)s, incompris(es), frustré(e)s, peu ou pas motivé(e)s par leur vocation ? Je m'arrête là de peur d'avoir à faire à la Ligue des Dames des Postes ...

Le trois articles d'Octave Uzanne dont il est ici question sont les suivants et ont été publiés dans l'Echo de Paris :



- Jeudi 31 octobre 1901 Indigence des Postes

Nous les publierons ici in extenso bientôt mais vous pouvez d'ores et déjà les lire en cliquant sur les liens ci-dessus.

Bertrand Hugonnard-Roche
Mise en ligne le 15 septembre 2022 pour www.octaveuzanne.com

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