Illustration par J.-L. Forain Au Café-concert |
- La maison Quantin met en souscription un livre très extraordinaire et audacieusement conçu comme fabrication, tirage et publication, sous ce titre : le Café-concert, par Gustave Guiches et Henri Lavedan, avec illustrations de J.-L. Forain, gravées sur bois, en noir et en couleur, par le maître artiste Florian. Cet ouvrage de très haut luxe et d'une rare originalité d'expression d'art, tant par son illustration typique que par ses reproductions fines et essentiellement progressistes, ne sera tiré qu'à 350 exemplaires sur japon, mis en vente au prix de 300 francs l'un (les exemplaires de luxe à 500 francs). Quelque élevé que puisse paraître le prix de ces exemplaires, nous pouvons affirmer que rarement un livre de plus grand ragoût bibliophilique a été offert aux amateurs ; ce sera une publication absolument hors ligne et d'un cachet supérieurement curieux.
Nous ne pouvons que signaler tout spécialement aujourd'hui à l'attention de nos lecteurs ce livre de forte saveur, dont un joli spécimen sur japon, format in-8, a été envoyé à tous les principaux libraires de France et de l'étranger.
Nous reparlerons bientôt par le menu de cette publication extra-moderne qui est digne de séduire tous les bibliophiles contemporains.
O. U.
Octave Uzanne n'en reparla jamais, et pour cause, ce livre n'a jamais paru. Le spécimen de cet ouvrage est conservé à la Bibliothèque nationale de France sous la cote FRBNF41652598 (Arsenal) : 3 p. : fig. en noir et en coul. ; in-4.
J.-K. Huysmans lui-même a rendu compte et s'est enthousiasmé pour cet ouvrage dans un article publié le 1er mai 1889 dans la Revue illustrée : " [...] En fait de livres, M. Forain n’avait jusqu’alors illustré, en de capiteuses eaux-fortes, qu’un seul volume, les Croquis Parisiens, autrefois parus dans le placard oublié d’une librairie morte. Personne n’avait le courage de s’adresser à lui pour imager un livre dont le sujet fût réellement moderne. Cette aubaine est enfin venue. Voulant sortir de l’ornière où les librairies dites de luxe s’empêtrent sans exception, depuis des ans, la maison Quantin se résolut à tenter l'expérience, et elle lui demanda d’illustrer un livre sur les cafés-concerts, dont le texte fut confié aux habiles expertises de MM. Guiches et Lavedan. Bien lui en prit, car les planches livrées par M. Forain, et magistralement interprétées par la gravure sur bois de M. Florian, sont extraordinaires ! Le notateur perspicace, le Parisien narquois, le peintre doué de la vision rare, du dessin en quête de mouvements imprévus et justes, de la couleur accomplie dans la surprise d’une lumière exacte, est tout entier dans ces douze aquarelles et ces cent vignettes imprimées dans le texte, à plusieurs tons. D’aucunes sont d’une inconcevable alerte et piquent, toutes vives, sur le papier; les faces humaines, en soucis ou en liesses. Cabotins, spectateurs, larbins, tout y passe: le poulailler où le peuple, penché le buste en dehors, se gausse, en haleinant fort et en pipant ferme; les loges réservées où les dame sourient devant des messieurs préoccupés d’affaires ; le garçon avec un front chauve et des touffes de choux-fleurs le long des tempes, qui rêve aux caustiques pourboires qu’il voudrait extirper à l’indifférence lassée des gens ; le cabot, sérieux, guindé, qui expectore, un bras tendu et ses yeux en orgeat levés vers le ciel, la chanson patriotique; l’actrice, décolletée, qui tient d’une main son éventail, et de l’autre, gantée de noir, bénit la drogue sentimentale qu’elle écoule dans le vinaigre à la ciboulette de sa pauvre voix ; tout, jusqu’à l’ouvreur de portières qui s’élance au-devant des étoiles à la sortie de théâtre, tout a été surveillé et scrupuleusement fixé, par M. Forain, dans ces bonnes planches. De cet amusant sujet, le café-concert, il a exprimé le suc essentiel comme il avait jadis, pour le raffinement des vrais artistes, concentré les pénétrants parfums des cabinets particuliers, des promenoirs des Folies-Bergère, des salons de danse et des bars. [...] " (Revue illustrée, n°82 - 1er mai 1889).
Conclusion : l'article de J.-K. Huysmans laisse entendre que toute l'illustration de Forain était livrée à Quantin. On suppose le texte de MM. Lavedan et Guiches livré également. Que s'est-il passé ? Raisonnablement on peut en conclure que la souscription n'a pas été achevée. Le prix demandé de 300 francs or l'exemplaire (quand le salaire d'un ouvrier est d'environ 2 à 3 francs par jour) était sans doute trop élevé, comme le laisse supposer justement Octave Uzanne. Nous aurons très certainement l'occasion de reparler prochainement de cet ouvrage mort-né.
J.-K. Huysmans lui-même a rendu compte et s'est enthousiasmé pour cet ouvrage dans un article publié le 1er mai 1889 dans la Revue illustrée : " [...] En fait de livres, M. Forain n’avait jusqu’alors illustré, en de capiteuses eaux-fortes, qu’un seul volume, les Croquis Parisiens, autrefois parus dans le placard oublié d’une librairie morte. Personne n’avait le courage de s’adresser à lui pour imager un livre dont le sujet fût réellement moderne. Cette aubaine est enfin venue. Voulant sortir de l’ornière où les librairies dites de luxe s’empêtrent sans exception, depuis des ans, la maison Quantin se résolut à tenter l'expérience, et elle lui demanda d’illustrer un livre sur les cafés-concerts, dont le texte fut confié aux habiles expertises de MM. Guiches et Lavedan. Bien lui en prit, car les planches livrées par M. Forain, et magistralement interprétées par la gravure sur bois de M. Florian, sont extraordinaires ! Le notateur perspicace, le Parisien narquois, le peintre doué de la vision rare, du dessin en quête de mouvements imprévus et justes, de la couleur accomplie dans la surprise d’une lumière exacte, est tout entier dans ces douze aquarelles et ces cent vignettes imprimées dans le texte, à plusieurs tons. D’aucunes sont d’une inconcevable alerte et piquent, toutes vives, sur le papier; les faces humaines, en soucis ou en liesses. Cabotins, spectateurs, larbins, tout y passe: le poulailler où le peuple, penché le buste en dehors, se gausse, en haleinant fort et en pipant ferme; les loges réservées où les dame sourient devant des messieurs préoccupés d’affaires ; le garçon avec un front chauve et des touffes de choux-fleurs le long des tempes, qui rêve aux caustiques pourboires qu’il voudrait extirper à l’indifférence lassée des gens ; le cabot, sérieux, guindé, qui expectore, un bras tendu et ses yeux en orgeat levés vers le ciel, la chanson patriotique; l’actrice, décolletée, qui tient d’une main son éventail, et de l’autre, gantée de noir, bénit la drogue sentimentale qu’elle écoule dans le vinaigre à la ciboulette de sa pauvre voix ; tout, jusqu’à l’ouvreur de portières qui s’élance au-devant des étoiles à la sortie de théâtre, tout a été surveillé et scrupuleusement fixé, par M. Forain, dans ces bonnes planches. De cet amusant sujet, le café-concert, il a exprimé le suc essentiel comme il avait jadis, pour le raffinement des vrais artistes, concentré les pénétrants parfums des cabinets particuliers, des promenoirs des Folies-Bergère, des salons de danse et des bars. [...] " (Revue illustrée, n°82 - 1er mai 1889).
Conclusion : l'article de J.-K. Huysmans laisse entendre que toute l'illustration de Forain était livrée à Quantin. On suppose le texte de MM. Lavedan et Guiches livré également. Que s'est-il passé ? Raisonnablement on peut en conclure que la souscription n'a pas été achevée. Le prix demandé de 300 francs or l'exemplaire (quand le salaire d'un ouvrier est d'environ 2 à 3 francs par jour) était sans doute trop élevé, comme le laisse supposer justement Octave Uzanne. Nous aurons très certainement l'occasion de reparler prochainement de cet ouvrage mort-né.
Bertrand Hugonnard-Roche
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