mardi 14 octobre 2025

Hommes et Choses | Les Climats de la Pensée | Article publié dans La Dépêche du jeudi 22 août 1929 : "Je crois fermement aux climats de la pensée. Il me semble assuré que les foyers les plus radio-actifs pour exciter, actionner et alimenter notre moteur spirituel et augmenter son rendement sont ceux qui sont les plus chargés d’effluves électriques, les moins sereins d’apparence et, en conséquence, les mieux appropriés à nos besoins de conception, de germination et de procréation d’œuvres, d’un enfantement parfois long et anxieux."

Hommes et Choses

Les Climats de la Pensée


Illustration par Paul Avril pour le chapitre intitulé
La Campagne dans Le Miroir du Monde
publié par Octave Uzanne en 1888
(soit 41 ans auparavant)


Travaille-t-on avec une égale ardeur à la ville que dans la quiétude absolue d’une ambiance champêtre ? Les œuvres conçues et mises au jour en pleine nature sont-elles douées d’une qualité de pensée, d’une clarté de perception ou d’une profondeur de jugement vraiment supérieures aux écrits élaborés dans l’agitation constante des studios urbains ?

Il paraît que c’est un sujet d’enquête tout à fait à l’ordre du jour.

J’en reçois le témoignage par une lettre que m’adressent certains jeunes écrivains qui, dans un patelin isolé parmi les pinèdes landaises, constatent leur impuissance à accomplir les travaux qu’ils s’étaient si bien promis de porter à la perfection et à leur terme final au cours de leur villégiature au milieu des sables agrémentés de bruyères, d’ajoncs, de fougères, de genêts et de pins maritimes, d’une altière monotonie, accentuée de la solennité du silence.

Ces esthètes, poètes et romanciers, accoutumés déjà aux séduisantes spéculations de l’esprit et aux possibilités d’entraîner à une action déterminée la sœur musarde et languide, la rêverie, ont longuement et vainement, m’expliquent-ils, disserté sur la question des climats les plus favorables à la pensée agissante et combative. La singulière idée de me prendre pour arbitre de leurs argumentations contraires leur est venue en raison de ce qu’ils nomment mon expérience des hommes.

Je consens volontiers à ratiociner sur un sujet qui, par hasard, est de pleine actualité, en raison des perturbations d’habitudes qu’apporte aujourd’hui dans toutes les classes sociales cette vie hors de chez soi, devenue une loi d’urgence entre juillet et la fin septembre et plus particulièrement en août.

De toutes les épreuves qui menacent les hommes, observait récemment un chroniqueur philosophe, les vacances sont une des plus redoutables. Il en développait la thèse avec une subtile ingéniosité et démontrait le rôle, si souvent nocif, à maints points de vue, de cette solution de continuité, véritable hiatus conventionnel, dans l’ordonnance de nos travaux, de nos efforts et de la puissance résidant dans la continuité.

Mais, sans vouloir sortir des appréciations et arbitrations qui me sont demandées, je rechercherai, sans différer, la climatologie de l’intelligence portée à son maximum d’activité, c’est-à-dire à certain ensemble de circonstances particulières à un milieu dégageant une électro-énergie stimulatrice de notre foyer cérébral et psychique.

Chaque être, indiscutablement, est de tempérament exceptionnel ; il est rare qu’on subisse également les influences des régions d’habitat. Il n’est pas de vérités absolues, mais plutôt relatives. Les forces volontaires, chez certains individus, échappent aux pressions prédominantes des atmosphères ambiantes susceptibles de s’inscrire sur notre barométrographe de sensibilité intellective. Mais il est des règles assez constantes, pour une moyenne d’humanité pensante. Par les seules remarques faites sur cette moyenne d’individualités, on peut et doit porter un jugement.

Je crois fermement aux climats de la pensée. Il me semble assuré que les foyers les plus radio-actifs pour exciter, actionner et alimenter notre moteur spirituel et augmenter son rendement sont ceux qui sont les plus chargés d’effluves électriques, les moins sereins d’apparence et, en conséquence, les mieux appropriés à nos besoins de conception, de germination et de procréation d’œuvres, d’un enfantement parfois long et anxieux.

Dans les zones des capitales et des grandes cités, il existe, à l’état permanent, un courant d’action continu, un potentiel de forces agissantes, une puissance de vie renouvelée sans cesse, car la vie refait de la vie, une distribution d’énergie si considérable que les désœuvrés, les flegmatiques, les somnolents les plus déterminés à la paresse se trouvent entraînés à multiplier leurs occupations ou leurs plaisirs à ce point que le véritable farniente, le lazzaronisme torpide est interdit à l’ensemble de la population et presque à l’individu.

Notre éducation lettrée nous enseigne que Horace à Tibur, Jean-Jacques Rousseau à Montmorency, Montesquieu au château de la Brède, Voltaire à Fernay, aux Délices ou à Mon Repos, Buffon à Montbard, George Sand à Nohant, Zola à Médan, et combien d’autres écrivains ayant célébré leurs demeures campagnardes avaient trouvé dans la béatitude champêtre les conditions de production indispensables au développement de leur génie.

Ce serait une erreur d’admettre ces exemples comme des preuves positives des ressources intellectuelles qui se peuvent découvrir dans les solitudes rurales car, aussi bien les poètes de l’antiquité romaine que les maîtres littérateurs de notre époque contemporaine étaient loin de vivre en ermites dans leurs gentilhommières. On y menait le plus souvent grand train et l’animation intellectuelle y était pour le moins aussi grande qu’à la ville.

De plus, ces grands pondeurs de proses ou de vers s’étaient créé chez eux un milieu stable, artificiel qui les reliait pour ainsi dire au mouvement urbain par les visites fréquentes et cette fièvre d’écriture épistolaire qui fécondait l’intelligence par les échanges d’idées avec ceux de la ville et des faubourgs. Mme de Sévigné nous témoigne mieux que personne, dans ses lettres, à quel point cette vie factice, par ses grands commerces de ballades et de curieuses anecdotes, pouvait reconstituer une existence très représentative de la société polie aux siècles derniers, du dix-septième au dix-neuvième.

Il n’en est pas de même dans les thébaïdes d’occasion choisies par la plupart de nos confrères de lettres pour y enclore, au cours de leur exil de la grande ville, une existence consacrée au travail intellectuel. Avec une illusion touchante et qu’aucune expérience précédente n’a pu détruire, ils emportent avec eux nombre de livres qu’ils n’eurent pas le loisir de lire pendant l’hiver. Ils s’encombrent de manuscrits ébauchés, de documents, de notes, de lettres à répondre, de tous les papiers, en un mot, susceptibles de leur faciliter un travail obstiné, dans la région bocagère de leur choix.

À peu près seuls, ils se sont juré de pondre et de pondre sans fin, au milieu du calme absolu, à peine troublé par le chant éperdu des coqs. Que d’espoirs n’ont-ils pas fondés sur cette diète de toute vie sociale, vouée uniquement à l’auto-culture de leur imagination et à la mise en œuvre de productions trop longtemps différées au milieu des obligations multiples qui les assaillaient au domicile habituel.

Hélas ! il faut s’en convaincre, la campagne ne donne rien de ce qu’on en attendait. Une somnolence devant le papier blanc, une flemme accusée par des bâillements fréquents, des sorties exaspérées sur les routes, des causeries attardées avec les indigènes rencontrés, un abîme de détresse morale, le renoncement progressif à l’effort d’assembler des idées, de les discipliner au gré de ses désirs et de les revêtir d’une beauté stylisée originale et personnelle.

Mes jeunes correspondants, échoués dans ce nirvana des Landes, qui les rend à la suprême sagesse bouddhique aboutissant à une sorte de néantisme accepté, aperçoivent déjà mon jugement. C’est la reconnaissance de l’impossibilité d’œuvrer en période de vacances, car le propre des vacances est le repos et la nécessité de mettre son sensorium en jachère. Jamais, d’ailleurs, la vie ne semble plus fugitive que lorsqu’elle est vide. C’est le temps des récréations futiles, des gamineries et distractions de collégiens dans le préau du « bahut ». Le mieux est de s’en rendre compte et de faire sa cure de relâchement, afin de reprendre haleine, de souffler comme à une halte indispensable.

Le meilleur climat de la pensée n’est pas aux champs. La nature peut inviter aux méditations élevées et aux spéculations philosophiques, mais elle n’est pas instigatrice de productions littéraires proprement dites. Fictions romanesques, fantaisies poétiques, mensonges de l’art d’écrire, elle révèle nettement la superfétation de ces jeux de l’intelligence. Devant la sérénité de ses visages qu’elle ne saurait farder, nous sentons qu’elle enseigne surtout les supérieures vérités qui consistent à vivre dans l’harmonie de ses lois et qu’elle repousse toutes les grimaces, contorsions et maniérismes de la littérature qui ne saurait la comprendre qu’en la travestissant.

Octave Uzanne (*)


(*) Publié dans La Dépêche du jeudi 22 août 1929, alors qu’il a soixante-dix-huit ans, Octave Uzanne signe sous la rubrique Hommes et Choses un essai intitulé Les Climats de la Pensée, méditation tardive, lucide et élégante sur les conditions de la création intellectuelle. Partant d’une question provocante — « Travaille-t-on avec une égale ardeur à la ville que dans la quiétude absolue d’une ambiance champêtre ? » — Uzanne confronte le mythe de la retraite inspiratrice à l’expérience vécue : celle de jeunes écrivains réfugiés dans les Landes, qui, dans le silence et la monotonie des pins, avouent leur impuissance à écrire. Loin d’y trouver la fécondité espérée, ils y éprouvent la torpeur, la langueur, la paralysie de l’esprit. Cette constatation fournit à Uzanne le point de départ d’une réflexion plus vaste sur ce qu’il appelle la « climatologie de l’intelligence » : les lieux et les ambiances qui favorisent ou inhibent l’activité créatrice. Pour lui, la pensée, pour être vive et féconde, a besoin de continuité, de tension, d’une stimulation constante : un « courant d’action », une « électro-énergie » qui entretient la flamme intellectuelle. Or, dit-il, les vacances, cette « solution de continuité » dans la vie de travail, sont l’une des épreuves les plus redoutables pour l’homme moderne, car elles rompent le rythme de l’effort et dissolvent la puissance de la concentration. La nature, en apparence apaisante, agit en réalité comme un dissolvant : elle disperse les forces vives, endort la volonté et neutralise l’intelligence. La ville, au contraire, demeure le lieu d’une énergie circulante, d’une vie électrique et fébrile qui alimente la pensée et la création. Dans les capitales et les grandes cités, explique Uzanne, règne « à l’état permanent un courant d’action continu », une sorte de rayonnement vital où « la vie refait de la vie ». C’est là, dans ce tumulte et cette agitation, que les esprits se frottent, se stimulent, se fécondent. Il oppose à ce dynamisme urbain la torpeur des exils campagnards, où les écrivains croient retrouver l’inspiration des anciens : Rousseau à Montmorency, Voltaire à Ferney, George Sand à Nohant, Zola à Médan… Mais Uzanne souligne que ces retraites n’étaient pas de véritables solitudes : on y menait grand train, on y recevait, on y correspondait sans cesse ; ces foyers de travail demeuraient en contact vivant avec le monde des idées et des lettres. Ce n’est donc pas la nature qui a inspiré ces maîtres, mais la continuité de la vie intellectuelle qu’ils avaient su recréer autour d’eux. Par contraste, les jeunes romanciers modernes qui s’exilent pour écrire dans un « patelin isolé parmi les pinèdes landaises » s’y engloutissent dans l’ennui. Ils rêvent d’un labeur fécond, emportent manuscrits, notes et livres, mais finissent par céder à la somnolence, à la flemme, aux discussions creuses et aux promenades sans objet. De l’élan initial ne subsiste qu’une mélancolie vague et un sentiment d’impuissance. Uzanne y voit une forme de « nirvana des Landes », un néantisme bouddhique où l’esprit, privé de stimulation, s’éteint doucement. À travers cette observation, Uzanne développe une philosophie implicite de la pensée : celle-ci ne naît pas du repos, mais du mouvement ; elle exige la contrainte, la tension, la friction des volontés et des idées. La ville, avec ses « effluves électriques » et sa fièvre, produit les conditions d’un rendement supérieur de l’intelligence ; la campagne, avec son silence et son immobilité, offre tout au plus un relâchement nécessaire, une halte, mais jamais un climat de production. Les vacances, écrit-il, devraient être comprises comme une jachère du « sensorium », un moment de repos avant la reprise du travail, non comme un état fécond en lui-même. La nature enseigne l’harmonie et la sérénité, mais repousse les « grimaces, contorsions et maniérismes » de la littérature : elle incite à vivre, non à créer. Ce texte, rédigé à la fin de la vie d’Octave Uzanne, a la valeur d’un testament intellectuel. Il traduit la vision d’un homme issu du XIXᵉ siècle, témoin d’un monde de lettrés urbains, de correspondances, de salons et de journaux, qui observe avec scepticisme le culte moderne de la retraite bucolique. Le ton, à la fois ironique, élégiaque et plein d’expérience, révèle un esprit encore vif, conscient du déclin de son époque. Sa prose demeure foisonnante, imagée, nourrie de métaphores électriques et physiologiques qui empruntent leur vocabulaire à la science contemporaine : Uzanne parle de « foyers radio-actifs », de « climat de la pensée », de « courant d’action continu ». Ces expressions traduisent un vitalisme intellectuel où la pensée est conçue comme une forme d’énergie, exigeant circulation, échange, friction. Sous l’élégance du style et la fantaisie de la démonstration, on sent poindre la mélancolie d’un vieil esthète pour qui la ville — Paris, surtout — reste la patrie de l’intelligence et de la conversation. Les Climats de la Pensée est ainsi à la fois un essai esthétique, une réflexion philosophique sur la discipline du travail et un autoportrait : celui d’un lettré vieillissant qui se sait condamné à la solitude, mais qui continue de célébrer la fécondité de la vie urbaine. Uzanne y oppose la chaleur nerveuse du monde civilisé à la froideur immobile de la nature ; il y défend la continuité du travail contre la dispersion, la tension de l’esprit contre la passivité du rêve. La nature apaise, la ville inspire. L’agitation urbaine, plus que le calme des champs, demeure pour lui — jusque dans la vieillesse — le véritable climat de la pensée

En septembre 2013 nous avions mis en ligne le texte intitulé La Campagne publié en 1888 dans l'ouvrage Le Miroir du Monde. Il est intéressant de comparer ces deux textes à la portée similaire. La comparaison entre La Campagne (1888) et Les Climats de la Pensée (1929) d’Octave Uzanne révèle une remarquable continuité de pensée et, en même temps, une évolution de ton : entre le jeune esthète de 37  ans et le vieil observateur de 78 ans, la vision du monde s’est approfondie, affinée, désenchantée — mais elle demeure fondamentalement cohérente. Dès 1888, dans La Campagne, Uzanne affirme que la nature apaise le corps mais endort l’esprit, qu’elle purifie sans féconder. La vie des champs, écrit-il, « nous assainit le corps, nous vivifie le sang et nous purifie l’esprit », mais elle « absorbe et dévore les idées » : l’habitude rurale « animalise » et « rouille » l’intelligence. Trente ans plus tard, dans Les Climats de la Pensée, il reprend presque mot pour mot cette conviction : la campagne « ne donne rien de ce qu’on en attendait » ; elle engendre somnolence, inertie et vide. Dans les deux textes, la ville est le véritable foyer de la pensée : un milieu électrisé, fécond, nerveux, où « la vie refait de la vie ». Uzanne reste fidèle à une philosophie du mouvement : la pensée se nourrit de tension, de frottement, de lutte. Le bonheur et la paix — qu’incarne la campagne — sont dangereux, car ils dissolvent le génie dans le bien-être. La ville, à l’inverse, offre la friction des idées, le tumulte des passions, la promesse d’un progrès intérieur. C’est le lieu de la fécondité intellectuelle, là où la souffrance et l’agitation deviennent des forces créatrices. Dans les deux essais, Uzanne oppose ainsi le repos qui avilit à l’effort qui élève, la nature qui endort à la civilisation qui stimule. Il reste aussi profondément moraliste et psychologue : il observe l’homme dans son milieu, dissèque ses illusions, met en garde contre les mirages du bonheur tranquille. Derrière ses descriptions de paysages et de climats, se cache toujours une réflexion sur la condition humaine : l’équilibre entre action et contemplation, entre vie nerveuse et sérénité. Mais entre 1888 et 1929, le regard change de nature. En 1888, Uzanne parle encore en esthète conquérant, fasciné par la beauté du monde sensible. La Campagne fourmille d’images, de sensualité, de chaleur solaire, de références antiques et mythologiques (le Soleil divin, Pan, Apollon, Horace). Il célèbre la splendeur de la nature tout en s’en méfiant : la campagne est un grand poème dangereux, une tentation paresseuse. Il s’y exprime avec l’abondance d’un homme en pleine maturité, nourri d’humanisme et de classicisme. En 1929, le ton a changé. Les Climats de la Pensée n’est plus lyrique mais analytique, presque scientifique. Le vocabulaire de l’énergie et de l’électricité — « électro-énergie stimulatrice », « foyers radio-actifs », « climatologie de l’intelligence » — remplace les métaphores solaires et mythologiques d’autrefois. La rhétorique vitaliste de l’époque a remplacé l’imaginaire païen. Uzanne raisonne en moraliste vieillissant, observateur du monde moderne, qui a vu naître le culte des vacances et le déclin des lettres. Il y a moins de volupté et plus d’ironie. Là où l’écrivain de 1888 jugeait la campagne dangereuse pour l’esprit, celui de 1929 y voit désormais une menace d’extinction de la pensée : un « nirvana des Landes », un « néantisme bouddhique ». Ce glissement reflète l’évolution de son époque autant que la sienne : la France de 1929 n’est plus celle de la IIIᵉ République triomphante mais celle du désenchantement d’après-guerre. Uzanne, vieillissant, a troqué le soleil de Pan contre la froide lumière de l’électricité. En 1888, Uzanne, encore actif et curieux, prône un équilibre : « On peut vivre à la ville et mourir à la campagne », écrit-il en conclusion — formule magnifique qui résume sa pensée du juste milieu. En 1929, le vieil écrivain ne croit plus guère à cet équilibre : il choisit la ville, la pensée, le mouvement, le tumulte. La campagne n’est plus la fin apaisée de la vie, mais le symbole de l’abdication intellectuelle. D’un texte à l’autre, on passe donc de l’hédonisme éclairé d’un esthète à la sagesse désabusée d’un moraliste. Mais le fond demeure identique : Uzanne a toujours conçu la pensée comme un organisme vivant qui dépérit sans stimulation, et la nature comme une puissance de dissolution. Sa foi en la civilisation, en la conversation, en la vie intellectuelle reste entière — c’est la marque de son appartenance à la lignée des hommes du XIXᵉ siècle, urbains, lettrés, persuadés que la culture humaine vaut mieux que la nature brute. Entre La Campagne (1888) et Les Climats de la Pensée (1929), Octave Uzanne développe la même idée sous deux formes différentes : la nature apaise mais stérilise, la ville agite mais féconde. En 1888, il célèbre encore la beauté solaire des champs avant de rappeler qu’elle engourdit l’intelligence ; en 1929, il ne voit plus qu’un « nirvana des Landes » où la pensée se dissout. Ces deux textes, séparés par quarante ans, tracent le portrait d’un homme resté fidèle à lui-même : un esthète urbain, méfiant envers la rusticité, convaincu que la vie intellectuelle n’a de climat favorable que dans la tension, la lutte et le mouvement. De la lumière du soleil à la lueur électrique, Uzanne n’a jamais cessé de chercher le foyer où brûle le feu de l’esprit — et ce foyer, pour lui, fut toujours la ville.

Lien direct vers l'article intitulé La Campagne publié dans Le Miroir du Monde en 1888.

Publié le mardi 14 octobre 2025 par Bertrand Hugonnard-Roche pour www.octaveuzanne.com

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