Henri Beraldi (1849-1931) |
Ce texte est un joli cri de guerre poussé par un novateur qui défend contre tous, c'est du moins ainsi qu'il le présente, les beautés de cette technique d'interprétation.
Octave Uzanne n'a pas encore créé l'Académie des Beaux Livres (Bibliophiles contemporains), société de bibliophiles qui ne verra le jour qu'en novembre 1889. Henri Beraldi en sera, avec Octave Uzanne et Charles Cousin (le Toqué), l'un des trois principaux membres de l'exécutif.
Bertrand Hugonnard-Roche
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CAUSONS GRAVURE
[Henri Beraldi] (**)
On a récemment publié de nombreux ouvrages sur la gravure, son histoire et ses divers procédés. Le vicomte Henri Delaborde, M. Alfred de Lostalot, Gustave Bourcard, le baron Roger Portalis, et bien d'autres que j'oublie, ont écrit des ouvrages intéressants et très utiles à divers points de vue sur ce grand art d'interprétation et de vulgarisation. Il nous manquait encore néanmoins à nous autres collectionneurs, catalogueurs, névrosés d'iconofolie, une œuvre spéciale, conçue par l'un des nôtres et faite à l'image de notre toquade ; un livre documenté, sérieux, bien que relevé d'humour, une encyclopédie des graveurs de ce temps. - Henri Béraldi est venu satisfaire à ce desideratum, et le malin panégyriste de la Bibliothèque Paillet, le fin metteur en lumière de Mes estampes a entrepris, avec une grâce extrême, de mener à bonne fin cette publication colossale d'un véritable dictionnaire des graveurs du XIXe siècle, devant servir de guide aux amateurs d'estampes modernes.
Un tel travail aurait fait frémir par sa hardiesse, en des temps moins productifs cependant, les Abraham Bosse, les Caylus, les Bazan, les Adam Bartsch, les Joubert, les Robert Duménil et les Prosper de Baudicourt ; le vieux papa Ambroise-Firmin Didot, très compétent sur la question, aurait regardé avec un œil d'aliéniste le téméraire qui serait venu lui proposer l'édition de ce formidable catalogue ; mais Béraldi n'est point allé quêter l'appui d'aucun éditeur, il a voulu élever ce monument ex labore et sumptibus suis ; très fier, très patient, très audacieux, il ne s'est pas aveuglé sur les difficultés de son œuvre ; il a laissé de côté les conseilleurs, les timorés, les indécis, et il est parti en guerre avec la belle devise de Charles-Quint : Le temps et moi contre tous.
Ne vous ai-je point présenté Henri Béraldi ? Quel incroyable oubli!... Messieurs, permettez- moi... ;
« Henri Béraldi, chevalier de la Légion d'honneur, services exceptionnels - ne pas confondre avec l'Indépendance belge, - jeune ... naviguant sur le vaisseau amiral, vers le cap de quarantaine, élégant, svelte : mine d'officier d'état-major, dessiné par Detaille (gravure de Bracquemont) ; moustache finement burinée, bouche ironiquement retroussée à la pointe sèche, œil froid ne s'animant qu'au contact de la « belle épreuve », allure calme, très correcte, flegmatique, une véritable apparence d'inquisiteur d'États ; peu bavard, quoique très disert, aimable sans affectation ; l'esprit à la cantonade et le regard toujours au guet sincère comme un acier de Keepsake, sans truquage ni caches ; mordant comme l'eau-forte à l'occasion, mais conciliant comme le brunissoir, s'il devine qu'il est allé trop loin. Au demeurant, le gentleman iconophile dans sa fleur et sa quintessence et le plus habile homme du monde dans la Timocratie de l'Estampe.
De plus, messieurs, le pur des purs ; n'admettant ni compromissions ni transactions. Si vous le mettez en communion avec un livre curieux ou une vignette de valeur, incapable de murmurer des éloges à la guimauve ; très carré, déclarant sans ambages : c'est parfait ! ou bien : c'est infect ! murmurant en petit comité : Ce livre est d'un bat ! ou bien : Cette gravure est rien mouche ! avec une conviction écrasante ; tout cela dans une gamme de distinction rare, sans éclat bien qu'avec passion, car rien n'échappe à cet œil janséniste. - En Icono-bibliophilie, c'est le plus impitoyable intransigeant du beau. Tel est Béraldi, et, ce qui nous déroute, c'est qu'en ses notes, ses sous-notes et ses miscellanées catalographiques il se montre plus lunatique que le Cousin Jacques, paradoxal comme un Gautier, fantaisiste et épigrammatique non moins que feu Roqueplan, de boulevardière mémoire.
C'est donc à ce singulier physiologiste-catalographe que nous devons les Graveurs du XIXe siècle, et cette œuvre énorme, il semble la conduire sans fatigue avec brio comme une figure de cotillon. Six livraisons, six volumes en quelque sorte, ont déjà paru depuis dix-huit mois, six gros fascicules qui se lisent, qui se dévorent malgré la traditionnelle réputation de sécheresse de ces travaux d'inventaires.
C'est que Béraldi sait entrelarder toutes ces nomenclatures d'estampes de son humoristique personnalité il les truffe de bon et bel esprit, il les épice des saillies de ses étonnantes annotations à propos d'un nom, d'un mot, il bat la campagne selon son caprice et nous entraîne à sa suite, bon gré mal gré, comme des écoliers en rupture de ban puis il nous ramène à l'étude et semble nous dire « maintenant, mes amis, reprenons la série des œuvres gravés de M. X. ou Z., » tandis que las de nous distraire, nous reprenons le collier ... pour refiler ensuite plus loin, avec l'incohérent et diabolique professeur.
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Le but que s'est proposé dans ce travail Henri Béraldi, c'est d'établir le recensement des graveurs du XIXe siècle, et de nous donner un répertoire consciencieux de leurs divers travaux, et cela sous forme de tableaux synoptiques, afin de faciliter la tâche des collectionneurs et des critiques à venir. Un catalogue, à vrai dire, avec appréciations très succinctes du mérite de l'artiste, biographies concises et listes d'estampes aussi complètes que possible. Cette compilation de notes semble un jeu d'enfant au premier venu mais pour qui connaît la matière, c'est le plus horrible casse-tête chinois qui puisse être inventé. Il ne s'agit pas seulement en effet de dresser la liste considérable des graveurs de ce siècle, tant graveurs sur bois, que lithographes, burinistes, pointe-séchistes, aquafortistes et eaufortiers, aquatintistes, hommes du cuivre et de l'acier. Encore faut-il ne pas accueillir que les gens du métier, faire place aux amateurs, aux essayistes, aux peintres qui se sont interprétés eux-mêmes, aux littérateurs-graveurs, tels que Hugo, les de Goncourt et quelques autres, en un mot, faire la levée en masse de tous ceux qui, par fantaisie ou profession, ont laissé circuler des estampes dans notre société et ont manié plus ou moins habilement la pointe ou le burin.
L'intrépide Béraldi ne s'est pas dérobé un seul instant aux clauses ardues de ce cahier des charges. Il est parti bravement du pied droit, non en critique d'art, mais en amateur et en curieux ; il a pris, il en convient lui-même, les artistes tels qu'ils sont, non comme on s'imagine qu'ils devraient être, ne leur demandant que ce qu'ils font et se tenant pour satisfait, s'ils le font bien il a acquis, chemin faisant, la certitude que le temps présent n'est en rien inférieur au temps d'autrefois, et son oeuvre a le grand mérite d'en fournir la preuve, tant pour ce qui regarde le commerce des estampes, que pour ce qui touche à l'illustration des principaux beaux livres du siècle.
Je puis dire en outre, et il s'en doute bien, le rusé ! - que ce laborieux iconographe est l'inventeur d'un genre qu'il peut patenter, celui du Catalogue compensateur ou du Catalogue accordéon ; catalogue tout à fait spécial S. G. D. G., d'une souplesse et d'une flexibilité inouïe, en ce sens qu'on le développe et raccourcit à volonté, non pas suivant le nombre des pièces gravées, mais selon la valeur réelle de chaque artiste. Béraldi apporte ici ses qualités de sincérité tranchante, il juge et exécute du tic au tac. Un tel, ... grand talent, bien que n'ayant gravé que vingt planches : six pages à ce maître ; tel autre, tempérament médiocre, bien qu'ayant gratté huit cents bois ou cuivres, sera placé au même niveau que le premier, pour la place accordée.
Cette manière de procéder est conforme à l'équité aussi, ce qui distingue les graveurs, c'est que le Catalogue raisonné s'y trouve heureusement remplacé par le Catalogue raisonnable. Le nom de chaque artiste est placé, sous forme de dictionnaire, en capitales grasses ; l'état civil suit aussitôt, puis vient la caractéristique du talent, une légère appréciation ; enfin, un coup d'œil sur l'ensemble de la production, et en queue (texte petit œil), la nomenclature rigide de l'oeuvre ; cela est net, exact, marmoréen. Comme il faut des soupapes fantaisistes à ce métier de dresseur de procès-verbaux artistiques, Béraldi s'est réservé les sous-sols de son livre. Une boutade lui vient-elle au cours de son travail ...V'lan, une note, une longue note qui part en fusée, qui s'étend en gerbe, qui pétarade joyeusement en caractères minuscules dans la cave de son grave monument ; ces déli-cieux bas-reliefs ne sont pas l'une des moindres originalités de ces catalectes de la gravure.
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Les fulminates Béraldiques, ai-je dit, éclatent à la moindre pression et dès qu'ils se trouvent en contact avec une idée vivante dans le domaine des livres ou de l'estampe. Ils détonent à propos du burinisme ou de l'aquafortisme, ils fulgurent à l'approche de la belle épreuve gravée, ils grondent et font explosion à l'occasion « de la qualité du papier moderne », ils ratent un peu à mon avis, au sujet de l'héliogravure ; mais ils sont vibrants, saccadés, pétillants aux appels des « vignettes romantiques », du jargon des bibliophiles, ou de « l'horreur du caractère elzévirien » ; ils se glissent partout au tournant du feuillet, semés au hasard, et ils partent à point ; ce sont des chefs-d'œuvre de pyrotechnie qui réjouiront pendant longtemps bibliophiles et iconophiles, car de leurs explosions se dégagent le bon sens, l'esprit pratique, la verve et l'ironie la plus fine.
Dans ce Béraldiana, on nous débine tous les trucs de la gravure et de l'édition avec une malice si rare, que Paul Eudel ne pourrait crier à la contrefaçon ; on nous montre toutes les petites misères du métier, on nous révèle toutes les cocasseries iconographiques, on nous instruit, on nous amuse, on nous charme ; mais il est juste d'ajouter qu'il faut être un peu « du bâtiment », pour s'esbaudir comme il convient à ces délirantes bagatelles de la porte, et qu'en dehors d'une certaine zone d'amateurs et d'artistes, ces annotations, qui embaument pour nous le jargon d'une province à part, seraient totalement incomprises comme des nouvelles à la main de Honolulu.
Car il existe un argot de la gravure et de la taille-douce, comme il y a un argot des typographes mais ce langage pittoresque n'a pas encore trouvé son Boutmy, et c'est regrettable ; un profane, qui entendrait causer deux aquafortistes ou taille-douciers, resterait bouche bée ; il ne saisirait rien à toutes ces terminologies qu'il croirait licencieuses : très blonde, un peu engraissée, retroussée, noire, vaporeuse, molle, grasse, soutenue, vigoureuse, cuisinée, sans compter les : ça fout le camp, il y a de la barbe, mal mordu, égratigné, léché, intaillé, il n'y a rien dessus ; on penserait ouïr comme un vague écho sadique de la Philosophie dans le boudoir.
C'est que l'art du graveur et du taille-doucier exige toute une cuisine compliquée, toute une alchimie incroyable ; chacun y apporte sa manière et sa manie, sa toquade et ses procédés, son dada et son secret ; quelques chercheurs, comme Félicien Rops ou Félix Buhot, sont littéralement hantés par la recherche des vernis mous, des grains à la résine ou à l'alcool, par les roulettes granulatoires, par l'outillage des progressistes. La question du papier n'est pas moins importante pour ces artistes inquiets et innovateurs ; le japon et le vergé de Hollande, le whatman et le vélin moderne ne leur suffisent point ; ils s'enquièrent de toutes parts, chez le bric-à-brac et le bouquiniste ; ils lacèrent, les monstres ! les gardes des vieux in-folio, les feuillets blancs des manuscrits incomplets duXVIIe ou XVIIIe siècle ; ils grattent, ils polissent, ils analysent ces solides spécimens des belles papeteries d'autrefois, ces feuilles aux tons crème ou bleu verdâtre, sonores, résistantes, qui donnent des épreuves si fines, des témoins si accentués.
L'encollage des papiers contemporains les trouble à l'extrême ; ils cherchent encore, ils chercheront toujours ; ils combinent de savants mariages de gomme et d'alun qu'ils relèvent d'une foule de mixtures longuement élaborées ; aussi, lorsque des Philistins s'étonnent que de tels raffinés produisent peu, que leur répondre ? ils ne sentiraient rien aux mystères du Grand Œuvre. Nicolas Flamel n'entretenait pas autant de problèmes en sa tête que ces chercheurs d'inaltérable, qui ont la constance de ne pas vouloir que leur art périsse dans la grande débâcle des éphémères productions chimiques de l'industrie moderne. Papiers, encre et cuivres sont voués, dit-on, à la déliquescence. - Ah! qu'il y aurait une curieuse physiologie à écrire sur le graveur du XIXe siècle et sa peur du lendemain !
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Dans son dictionnaire-catalogue, Béraldi s'occupe des burinistes tels que Audouin, Bertinot, Bervic, Blanchard, Calamatta, Danguin, Didier et Gaillard, ce maître qui vient de mourir, laissant un oeuvre aussi élevé qu'il est peu nombreux. Il dresse le répertoire des graveurs à l'eau-forte qui ont nom Adeline, Allemand, de Boer, Benassis, Blery, Boilvin, Bracquemont, auquel tout un fascicule est réservé ; Buhot, Champollion, Chapelain, Chauvel, Corot, Courtry, Daubigny, Decamp, Delacroix, Delauney, Flameng père et fils, Fortuny, Foulquier, Gaujean, etc. Il réserve une place importante aux lithographes Victor Adam, Alophe, Aubry-Lecomte, Racler d'Albe, Edouard de Beaumont, Bellangé, Bida, Bonnington et Deveria. Il n'a garde d'oublier des vignettistes et caricaturistes comme Bertall, Cham, Draner, ou des graveurs sur bois comme Jean Best ou Brevière ; on trouve enfin, dans son livre des articles développés sur Charlet et Daumier et des notes peu connues sur Bouchardy graveur, sur Gustave Doré aquafortiste, sur Bresdin (Chien-caillou), qui est remis à la petite place d'où on n'aurait point dû le sortir. En véritable collectionneur, Henri Béraldi voit la gravure en tout et partout, même dans les affiches de la rue, surtout si elles sont signées par Jules Chéret ou Alfred Choubrac, ces Véronèses de l'art populaire. A ce sujet il a écrit une page non moins juste que curieusement observée :
« Le commun des mortels, dit-il, ne se représente l'estampe que sous sa forme solennelle, et la considère comme un objet de luxe qui se place dans les cartons des amateurs et qu'on s'amuse à regarder de temps en temps plaisir de désœuvré.
« Pour celui qui a l'habitude et l'amour de la gravure, l'estampe au contraire est partout. Il n'est commune si reculée où vous ne voyiez chez le châtelain le portrait du comte de Chambord, chez le curé celui du Pape ou quelque autre image de sainteté, à l'église un chemin de croix (généralement détestable) ; chez le maire, la chromolithographie des funérailles de Gambetta, à moins que ce ne soit le portrait de Napoléon. L'estampe est dans nos livres de travail ou de luxe. Elle est à la devanture des marchands de gravures où elle forme un musée toujours renouvelé. Elle étale aux kiosques des boulevards les actualités, les portraits, les caricatures, les modes. Entrez-vous au café, on vous l'apporte aussitôt en vous offrant « les illustrés » la bouteille placée devant vous porte une étiquette enjolivée estampe. Vous écrivez une lettre, vous l'affranchissez ; qu'est le timbre que vous portez à votre bouche, sinon une petite estampe ? Vous payez avec une estampe de la Banque de France. Aux étalages des libraires, mille volumes s'escriment à vous tenter par des couvertures provocantes : estampes. Derrière les vitres des débitants, des placards vous convient aux spectacles en vogue chez les éditeurs de musique, d'autres placards retracent les scènes capitales de l'opérette du jour : estampes. Le modèle que vous présente le tailleur ou la couturière : estampe. La romance que chante votre fille est ornée d'une estampe ; l'enfant qui vous accompagne dans un magasin y reçoit en cadeau une petite estampe, et, s'il est sage à son école, il lui sera donné une estampe d’Épinal (choisie, s'il vous plaît, par une Commission officielle). Rue-de Rivoli, un personnage louche vous offrira à l'oreille des estampes transparentes. Si vous dînez en ville, une petite estampe marquera votre place à table, une autre vous indiquera le menu ; le programme du concert qui suivra sera encore une estampe. Enfin et surtout, si la surveillance de l'autorité faiblit un instant, vos yeux ne quitteront plus l'estampe, car tous les murs seront en un clin d’œil envahis par l'affiche, cette maladie de peau des villes mal tenues. Ainsi entouré, poursuivi, traqué par l'estampe, conclut M. Béraldi, l'iconophile serait au supplice si, en toute occasion, il n'avait sous les yeux que des horreurs. »
C'est ici qu'intervient Chéret, auquel l'auteur des Graveurs accorde avec raison toutes ses sympathies et plus de trente pages de son catalogue. Chéret, le rénovateur de l'affiche, le grand enlumineur des murailles parisiennes, qui, avec un petit nombre de couleurs et d'impressions, produit un maximum d'effort, Chéret, avec son beau dessin franc, large, tout d'un jet, méritait assurément d'être classé parmi les maîtres lithographes de ce siècle.
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On peut dire qu'on est fier d'être Français quand on regarde ce catalogue, encore à son début, car ce XIXe siècle, sur lequel nous blasphémons tous un peu trop tant que nous sommes, aura produit de rudes générations d'artistes, des travailleurs opiniâtres, des génies novateurs, des ouvriers incomparables, qui auront le mérite d'avoir lutté avec plus de violence et de désespoir que leurs aînés d'avant la Révolution pour sortir de la mêlée générale et se frayer un chemin vers la renommée.
N'est-il pas curieux de considérer à travers ce siècle l'histoire des modes dans la gravure et de voir tous les efforts qui, selon les engouements du jour, ont été faits tour à tour dans l'estampe et la vignette, sur le bois, l'acier, le cuivre ou la pierre ?
La gravure aura eu ses différents âges. L'âge d'acier nous reporte aux temps byroniens, à l'heure des Keepsakes et des grands paysages froids et clairdelunesques, où la poésie chevaleresque gothicisait toutes les perspectives ; cette période a produit des talents simples, naïfs, anémiés ; tempéraments propres, bien peignés sans ardeur et sans flamme, mais cependant langoureux et charmeurs comme les bardes qu'ils interprétaient.
L'âge de bois aura été glorieux, et l'aurore de la postérité se lève à peine sur cette admirable pléiade de graveurs, la plupart inconnus, qui, de1835 à 1855, firent successivement ces chefs- d'œuvre de vignettes qui illustrèrent les publications de Curmer, de Perrotin, de Bourdin, de Dubochet, d'Hetzel et Cie. Jamais on ne reverra bois plus brillants dans les noirs et les demi- teintes, gravures plus vigoureuses et mieux comprises ; la zincographie, après le procédé Lecomte, est venue mettre à néant l'école de tant d'artistes supérieurs ; l'âge du zinc aura tué pour toujours l'âge du bois et du sous-bois.
Quant à l'âge de pierre, Daumier et Gavarni en sont les grands pontifes ; c'est dans le journal illustré ou les feuilles hebdomadaires qu'on les retrouve, ces maîtres superbes, avec la splendeur incomparable de ce procédé direct de la pierre, si gras, si flexible, si transparent, si profond et si harmonieux. La lithographie est par excellence le procédé de l'artiste peintre et du dessinateur indépendant ; Victor Adam, de Sudre, Aubry-le-Comte y ont trouvé leur réputation ; Deveria en usa largement et Bonington lithographia des choses exquises. L'âge de pierre est aujourd'hui fini en gravure ; la lithographie est en pleine léthargie. « C'était un art charmant et digne d'un meilleur sort », écrit M. de Lostalot dans ses Procédés de la gravure; il est mort dans les bras du commerce, délaissé de ceux qui l'avaient mis au monde et qui seuls pouvaient lui garder sa place au soleil. » - Le livre, il faut bien l'avouer, n'admettait guère la lithographie, et un art de reproduction qui ne peut s'encadrer dans la pensée écrite est en quelque sorte frappé d'interdit. Chauvel se trouve un des derniers qui ait excellé en ce genre ; son oeuvre est étonnant. Il nous reste le zinc et le cuivre, le relief et le creux, la gravure et l'héliogravure, l'eau-forte, la pointe sèche et le burin. - L'eau-forte est en pleine floraison et jouit de la faveur publique, à ce point que les aquafortistes se sont multipliés et qu'ils se trouvent dix à guetter comme des loups un dessin à reproduire. Le Livre plus que jamais est ouvert à l'eau-forte, et le vrai bibliophile en est friand comme il convient à un ami du beau ; mais je ferai bien des réserves sur l'eau-forte moderne, en tant qu'illustration livresque.
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Assurément l'eau-forte contemporaine compte de très nombreux et très habiles maîtres et petits- maîtres, des talents fins, délicats, blonds et légers comme Boilvin, des Eisenistes comme Hédouin, des coloristes comme Lalauze, des sincères et consciencieux comme Gaujean, des éclatants comme Bracquemont, des affinés comme Champollion, des vibrants comme Manesse, des maniérés comme De Mare, des fignoleurs comme Toussaint, des gentlemen like comme Blanchard, le graveur du Derby ; de délicieux roublards comme Bléry, un doyen qui trouve moyen d'être encore mordu par le paysage qu'il fait mordre ; des pittoresques « vieux Rouen » comme Adeline, des gratteurs estimables comme X., Y., Z. ; tout cela est fort bien, et vivent les graveurs de France, indéniablement les premiers du monde ! Mais en tant qu'illustrateurs de livres, il n'en est pas moins vrai que l'eau-forte est trop monocorde, trop soumise à la même école, au même procédé, à la même taille. - On y fait trop de pointe et de contre-pointe, on n'y cuisine pas suffisamment le cuivre. Ouvrons un livre de luxe, nous y trouvons sempiternellement l'eau-forte conventionnelle, plus ou moins mordue et traitée avec liberté ou de façon serrée ; cela est blond ou noir, violent ou tendre ; on y sent la pointe sèche, parfois le burin ; il y a la trilogie de la gravure sur métal, mais c'est tout. Il semblerait qu'il n'y ait rien autre à faire et que tous les descendants de Léopold Flameng soient voués à l'impuissance de créer des aspects nouveaux.
Or je voudrais que l'eau-forte bibliographique fût plus variée, et qu'elle s'inspirât des triturations anciennes pour donner des notes et des physionomies nouvelles à la gravure. Je voudrais que l'on revînt tantôt à l'aquatinte, tantôt au vernis mou, tantôt à la manière noire, tantôt à l'imprévu des grains ; que l'on cherchât, par des cuisines habiles et des tripotages incessants du cuivre, à donner des valeurs neuves, des apparences inédites, des estampes primesautières d'allure et de rendu. Sur la fin du XVIIIe siècle les manieurs d'eau-forte s'entendirent fort bien à ces fantaisies gravées ; on fit un peu de tout et on produisit des planches extraordinaires qui étonnent encore les gens du métier.
L'aqua-tinte convient à ravir au livre, elle est légère, permet les perspectives et contraste heureusement avec la note noire et ferme de la typographie ; l'eau-forte à roulette a aussi son mérite ; la manière noire, habilement traitée, serait souvent idéale si l'on trouvait encore des artistes qui sachent graver au berceau ; quant au vernis mol, on doit y revenir. Cette renaissance d'eau-forte serait saluée par tous les connaisseurs et les ennemis de la routine.
Je ne vois guère que trois ou quatre graveurs assez indépendants pour s'affranchir des règles imposées. Félix Buhot, Guérard, Rops et Tissot ; ceux-là au moins sont les cordons-bleus du cuivre et ne sentent pas l'école. Ils ne signent pas des eaux-fortes quelconques, mais des gravures qui révèlent quelqu'un ; leur personnalité éclate et transparaît dans les plus minces détails de leurs empreintes.
Félix Buhot, par exemple, possède toutes les ficelles du métier, des ficelles personnelles qu'il a confectionnées brin à brin ; c'est un moderne par excellence, un imaginatif, un original avant toute marque, un singulier et un fantasque. Ah ! certes, celui-ci ne fait pas de concessions au commerce éditorial ; il sait que les fabricants de livres n'entendent quoi que ce soit à l'art de l'eau-forte, aussi s'imprime-t-il et s'édite-t-il lui-même, et, en dehors des suites consacrées à Barbey d'Aurevilly, il travaille peu pour le livre, et se consacre au Paris du jour, au Paris qui vient, au Paris qui s'en va, à Londres qu'il entrevoit dans un gigantesque à la Turner, et à la démonologie qui le tracasse prodigieusement comme un simple Goya. Buhot, qui signe parfois Tohub, a apporté dans l'eau-forte une note que je voudrais voir se vulgariser dans l'édition ; il livre ses cuivres à toutes les mixtions, il use du mezzo-tinto, de la taille, du mâchonné, de la roulette, de l'estampage, du berceau, de l'échoppe et du racloir ; ses planches sentent le griffonnis, le guillochis, l'égratignure et l'empâtement ; elles s'enlèvent en vigueurs et se noient dans des aquatintes délicieuses c'est mieux que de l'eau-forte, c'est du coloris.
Guérard apporte aussi une originalité très intéressante dans tout ce qu'il grave ; et, pour ce qui concerne Rops, l'artiste est si compliqué, que je ne saurais en quelques lignes donner aucune caractéristique de sa valeur ; je le prendrai donc à part, quelque jour, pour lui faire rendre gorge surabondamment, à ce timoré de lumière et de succès qui rajeunit chaque jour davantage, à l'ombre de son talent.
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J'invoque donc une néo-iconophilie pour l'illustration de nos amis les livres, et je suis assuré que je ne suis pas seul à être las de cette même eau-forte à taille et contre-taille, académiquement léchée par tous les poncifs de la pointe ; c'est bien ce qui me met en opposition complète avec l'ami des livres Béraldi, lorsque je vois cet indépendant et ce progressiste partir furieusement en guerre contre l'héliogravure en creux. Ça, c'est de l'entêtement et de l'aveuglement, ô correct iconologue ! - l'héliogravure ne déshonore pas une édition de bibliophile, si cette héliogravure est habilement faite et artistiquement retouchée ; en somme, l'héliogravure, ce n'est que l'eau-forte interprétée directement sous les rayons solaires, et ce procédé est si puissant, si exact, si indispensable, que la plupart des estampes modernes, signées par les premiers graveurs du temps, ne sont que des héliographies dissimulées sous un petit travail final. Les héliograveurs ont mis au point les cinq sixièmes des eaux-fortes modernes, mais c'est un secret d'État qu'aucun coupable ne veut avouer. Allez donc parler du calque aux eaufortiers d'aujourd'hui ; ils avoueront le procédé Lucas ou photographie sur vernis blanc ; mais le calque ! fini le calque, mort à jamais.
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L'héliogravure est supérieure à toutes les interprétations médiocres, elle est variée à l'infini et donne la sensation des croquis originaux au fusain, à la plume, au lavis, à la sépia c'est une sincère qui ne dissimule ni les défauts ni les qualités du peintre, et c'est là, à mon sentiment, son grand mérite. Lorsqu'on cessera de tirer niaisement les épreuves héliographiques sur du vilain papier pâte mangé par le chlore, et quand il sera avéré que les graveurs ne donnent au public que des héliogravures rafistolées, la lumière se fera dans le monde des bibliophiles et ailleurs, et l'on cessera de jeter des pierres dans le domaine d'une des plus remarquables découvertes de cette fin de siècle.
Pour ce qui me concerne, je ferai tous mes efforts pour prouver que l'héliogravure peut être un art élevé et non un procédé commercial, et, tout en donnant pâture à mes camarades de l'eau-forte et de la pointe sèche, je ne désespère pas d'arriver à convaincre tous les attardés dans la routine, et d'opérer de la cataracte le petit clan des résistants, à commencer par vous, irréconciliable et radical Béraldi.
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Les oeuvristes futurs feront le catalogue des Héliograveurs célèbres du XXe siècle ; c'est là une conviction que je suis fier de ne partager avec aucun de mes collègues en bibliomanie ; il fait bon de se sentir seul aux avant-postes d'une idée qui doit se généraliser ; en attendant, n'inquiétons pas le géant Béraldi en train d'élever pierre à pierre les pyramides des graveurs de ce siècle-ci ; bastions formidables qui exigent toute sa conviction et du haut desquels quarante siècles d'iconophiles le contempleront dans sa gloire. - Dans chacun de ses opuscules, le fin matois a réuni d'étranges et délicieux frontispices dus à la reconnaissance et au talent des meilleurs de ceux qu'il a momifiés dans son livre. De Bar, Adeline, Bracquemont. Brunet-Debaines, Buhot, Cheret, Giacomelli, Courtry, Delatre, Daumont, Guérard, Maurice Leloir lui ont fourni l'expression la plus vivante de leur manière. Les Graveurs du XIXe siècle parleront donc aux yeux non moins qu'à l'idée ; on les lira et on les feuillettera, utile dulci. A la porte du monument nos petits-fils aimeront à retrouver ces fleurs et ces fresques ; mais ce qu'ils y chercheraient en vain, et ce que je somme l'auteur de vouloir bien faire exécuter sans délai, c'est l'icone aquafortisé du seul, du divin Henri Béraldi, Caliban Ier de la catalographie, grand artificier de la Société des Amis des Livres.
OCTAVE UZANNE
4 mars 1887.
(*) Angelo Ferdinand Henri Beraldi, né le 6 février 1849 à Paris 8e, et mort dans cette ville le 31 mars 1931, est un sous-chef de bureau au ministère de la Marine et des Colonies, homme de lettres, fondateur et président de la Société des Amis des Livres, collectionneur d'estampes, bibliophile, écrivain d'art et éditeur français, officier de la Légion d'honneur. Angelo Ferdinand dit « Henri », est fils de Pierre-Louis Beraldi, employé au ministère de la Marine, élu de l'Aude (1876-1885) et président au conseil d'administration des Chemins de fer de l'État, et de Suzanne Mathilde Mazzoli (1823-1909), sœur de Ferdinand Mazzoli, qui fut le parrain d'Henri.
Henri se marie le 4 décembre 1880 à Paris 9e avec Cécile Félicie Jeanne « Mathilde » Gavet, née le 22 novembre 1857 à Paris 8° (elle y décède le 23 décembre 1940). Elle est la fille de Pierre « Auguste » Bienaimé Gavet (1824-1881), agent de change à la Bourse de Paris et d'Alexandrine Félicie « Louise » Bornot (1833-1886). Ils eurent cinq enfants, dont trois garçons et deux filles.
Henri Béraldi était membre et président de nombreuses associations culturelles. Pendant la Première Guerre mondiale, il est administrateur de l'hôpital de la Croix-Rouge installé dans le Lycée Louis-le-Grand à Paris. Dès l'âge de 20 ans, il manifesta son goût pour les vignettes, les illustrations, les estampes et gravures. Il réussit, au fil du temps, à constituer une collection renommée. Parmi les trésors qu'il avait rassemblés, figuraient entre autres livres, l'édition des Contes de Jean de La Fontaine, contenant 57 dessins originaux de Fragonard, chef-d'œuvre conservé longtemps au Petit Palais. Il figurait dans les années 1920 parmi les quatre plus grands collectionneurs de livres aux côtés de Ferdinand von Rothschild, Louis Roederer et Robert Schuhmann (1869-1951) : en 1934-1935, les livres passèrent en salle des ventes et furent dispersés durant quatre jours. C'est à l'âge de 25 ans qu'Henri Béraldi fit paraître son premier ouvrage, L'œuvre de Moreau le Jeune. D'autres publications suivirent, parmi lesquelles on peut citer notamment :
Les graveurs du XVIIIe siècle, en collaboration avec Roger de Portalis.
Les Graveurs du XIXe siècle : guide de l'amateur d'estampes modernes, monumental ouvrage comprenant 12 volumes (1885-1892) publiés chez Conquet à Paris.
Dans cet ouvrage, Beraldi manifestait dans sa conclusion la crainte d'un « nombre croissant des graveurs, entrant à flots dans une carrière jugée facile par des débutants présomptueux. [...] Ainsi, la surproduction, ce mal de notre époque, menacerait de se produire aussi dans l'Estampe. [...] Pour nous, nous n'avons pas de raison de voir l'avenir en sombre, nous rappelant toutes les prophéties de malheur faites quand naquit la menaçante photogravure, qui devait anéantir la gravure, et qui, expérience faite, laisse aujourd'hui les graveurs plus nombreux que jamais ».
Il publia également de nombreux catalogues d'estampes, et des ouvrages consacrés à la bibliophilie, ainsi qu'à la reliure dont Estampes et Livres de 1872 à 1892 (Paris, Conquet, 1892). En novembre 1898 paraissait le premier titre de sa collection « La Reliure du XIXe siècle », série proposée en 4 volumes publiés entre 1895 et 1897 chez également chez Conquet. Ce livre est considéré par les spécialistes comme « le meilleur et le mieux illustré » sur le sujet : il retrace également d'une manière savoureuse l'histoire de la bibliophilie et des bibliophiles au XIXe siècle. Imprimé à l'époque à 295 exemplaires sur vélin, ce livre fut longtemps introuvable. Un index des noms de relieurs, d'artisans et d'artistes a été ajouté à la fin de chaque volume dans la nouvelle édition. En reconnaissance de ses travaux sur les Pyrénées, la ville de Luchon édifia un monument à sa mémoire. Venu souvent aux Pyrénées (il passa plusieurs étés à Luchon), il y fit de nombreuses ascensions. Il se vantait volontiers d'être monté plus de cent fois au Port de Vénasque.
Bibliophile passionné, il rechercha et collectionna les livres consacrés aux Pyrénées. Il publia plusieurs ouvrages sur cette « littérature pyrénéenne » :
Cent ans aux Pyrénées (1898-1904), une somme monumentale en sept volumes. Il y analyse et commente, parfois avec ironie, toujours avec passion, la littérature pyrénéenne du XIXe siècle, de Ramond de Carbonnières aux premiers écrivains du XXe siècle. Cet ouvrage est en même temps une histoire de l'exploration et de la « conquête » des sommets des Pyrénées. Dans le préambule du tome I, « excursion biblio-pyrénéenne », il propose, sur le modèle d'alpinisme, le terme « pyrénéisme ». Le projet initial était une édition illustrée avec les dessins de Charles Jouas, gravés par Henri Paillard, les deux artistes qui accompagnèrent Beraldi dans ses pérégrinations pyrénéennes. Les dessins étaient prêts et la plupart étaient gravés, mais l'ouvrage parut, pour des raisons inconnues, sans illustrations, à l'exception des huit vignettes portraits figurant sur les couvertures. Henri Beraldi. Le Passé du pyrénéisme. Notes d'un bibliophile. Tome I (1911) : Les Pyrénées avant Ramond. Tome II (1919) : Ramond de Carbonnières, le cardinal de Rohan, Cagliostro.
Henri Beraldi. Le Sommet des Pyrénées. Notes d'un bibliophile. Tome I (1923) : Les Cent et un pics. Tome II (1924) : Tuquerouye. Paris. Tome III (1925) : Du Mont-Perdu au Nethou.
Il s'intéressa aussi aux officiers géodésiens qui établirent les limites de la frontière franco-espagnole (Junker) ou la carte d'état-major (Peytier et Hossard, entre autres) :
Henri Beraldi. Balaïtous et Pelvoux. Tome I : Notes sur les officiers de la carte de France. Tome II : Un Officier géodésien aux Pyrénées en 1786-1795, les premières ascensions du grand Pelvoux par le capitaine Durand.
La Bibliothèque de Toulouse possède un « fonds Beraldi », offerts par les héritiers d'Henri Beraldi, comprenant une partie de ses collections, celle relative aux Pyrénées et à Luchon. Henri Beraldi édita de nombreux ouvrages sous sa marque, dont :
Paysages Parisiens. Heures et saisons, d’Émile Goudeau, dessins et gravures d’Auguste Lepère, 1892
Tableaux de Paris. Paris qui consomme., d’Émile Goudeau, illustrations de Pierre Vidal, 1893
Paris au hasard, de Georges Montorgueil, dessins et gravures d’Auguste Lepère, 1895
Tableaux de Paris. Paris qui consomme., d’Émile Goudeau, illustrations de Charles Jouas, 1897
Poèmes Parisiens, d’Émile Goudeau, illustrations de Charles Jouas, 1897
Paris-Staff. Exposition de 1900, d’Émile Goudeau, 1902. (source : Wikipédia, juillet 2015).
(**) Article publié en tête de la troisième livraison de la revue Le Livre datée du 10 mars 1887.
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