mardi 3 mars 2020

Octave Uzanne éreinte l'éditeur Ed. Monnier et l'auteur Edouard Montagne (Le Livre, critique littéraire, mars 1885).



Octave Uzanne arrive encore à nous faire sourire après 20 années passées à l'étudier en long en large et en travers ! Quand il n'aimait pas quelqu'un, il le faisait savoir. Rédacteur en chef du Livre entre 1880 et 1889 chez Albert Quantin, auteur sous son nom ou sous un pseudonyme de très nombreuses notices de critique littéraire dans cette revue, Uzanne donne ici une fois de plus une grosse gifle publique (sa revue était très lue dans le milieu littéraire et les critiques du Livre avaient alors leur poids) à l'éditeur Ed. Monnier, libraire-éditeur, 16, rue des Vosges, à Paris. La gifle est aussi pour l'auteur de l'ouvrage : Edouard Montagne (1830-1899). La critique est concise mais non moins cinglante ! Chaque mot est choisi pour faire mal. Uzanne ne se montre pas ici très objectif, il faut bien l'avouer. La publication dont il fait la critique, La Feuille à l'envers d'Edouard Montagne, est illustrée par Gorguet et Fau. Ces deux artistes du livre ne sont même pas mentionnés dans sa critique. Les éditions Ed. Monnier ont une bonne tenue artistique, à en juger par celles que nous avons pu voir. Quid ? Octave Uzanne Jaloux ? Octave Uzanne vengeur ? Ce qui est certain, c'est qu'Octave Uzanne publie entre 1884 et 1886 plusieurs ouvrages illustrés chez Quantin (Son altesse la Femme et La Française du siècle). L'ouvrage de M. Montagne édité par Monnier entrait-il en concurrence avec les siens ? Probable. Sa franchise vaut-elle objectivité ? Nous ne pensons pas. Le tirage des ouvrages chez Monnier était à petit nombre et largement illustré de beaux procédés. Ici, pour La Feuille à l'envers, chaque historiette débute par une lettrine rehaussée à l'aquarelle au pinceau. Aussi, chaque historiette est illustrée d'un hors-texte rehaussé en partie à l'aquarelle, parfois imprimé à l'or. De notre aveu, cela ne nous paraît pas si moche. En tous cas, cela ne méritait pas les invectives Uzanniennes à l'encontre de l'éditeur et de l'auteur. A la décharge d'Octave Uzanne, disons que les exemplaires "Ed. Monnier" de ce type, imprimés sur papier ordinaire, ont assez mal vieillis, et qu'aujourd'hui effectivement, ces exemplaires ne sont guère séduisants. A l'époque ? Nous ne savons pas. Nous nous plongerons bientôt dans d'autres critiques des ouvrages "Ed. Monnier" et "Edouard Montagne" pour voir si notre Cyrano avait une grosse dent contre l'un, l'autre, ou les deux. En attendant, voici la critique in extenso, publiée dans Le Livre (Bibliographie moderne, livraison n°63 du 10 mars 1885. Octave Uzanne ne l'a pas signalé, mais il a été fait un tirage de luxe à 30 exemplaires sur Japon, vendus au prix de 20 francs (contre 5 franc pour les exemplaires ordinaires). Il est vrai que nous nous faisons notre idée sur cet ouvrage sur un exemplaire imprimé sur Japon. L'exemplaire même de l'auteur. Exemplaire luxueusement relié et qui non seulement a été très bien imprimé (imprimerie Crété à Corbeil) et bien enluminé. Octave Uzanne a fait rentrer sa critique dans la section Livre d'amateurs - Editions de luxe du Livre, ce qui est déjà un effort ... Il signe sa critique de l'initiale Z., pseudonyme qu'il utilisait quand il était virulent ...

Voici sa critique :

La Feuille à l'envers, par Edouard Montagne. Un vol. in-8° cavalier, avec illustrations. Paris, Ed. Monnier et Cie, éditeurs. - Prix : 5 francs.

Je ne sais point si les livres qui composent cette collection bizarre, que la maison Monnier intitule Collection joyeuse, ont quelque succès auprès du public ; à coup sûr, ceux qui acquièrent ces singulières productions ne sont ni des esprits quelque peu délicats ni des gens de goût, encore moins des bibliophiles.
Il est impossible de porter plus haut l'amour de la camelotte dans l'illustration, l'impression et l'enluminure ; la Belgique seule serait susceptible d'enfanter de pareilles horreurs, et il est regrettable de constater, en France, un manque si complet de délicatesse et de goût.
Le texte de M. Montagne ne mérite guère une mention honorable : ce sont là de petites histoires grivoises à la manière de Silvestre, dont la librairie actuelle nous gave jusqu'au vomissement. Il serait temps de remiser un peu toutes ces boîtes à ordures, tout au plus bonnes à flatter l'odorat des concierges. 

Z. (Octave Uzanne)

Veuillez trouver ci-dessous quelques pages de l'exemplaire de l'auteur imprimé sur Japon.









Pour évocation conforme,
Bertrand Hugonnard-Roche

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