En tant que rédacteur en chef de la revue bibliographique Le Livre (1880-1889) publiée chez A. Quantin (rue St-Benoît à Paris), Octave Uzanne recevait tout naturellement, dès les débuts de cette publication, les ouvrages qu'il commentait ou que ses confrères commentaient pour la partie Bibliographie Moderne, le service de presse en somme. Uzanne, c'est encore une évidence, dût se retrouver très rapidement submergé par les exemplaires à lui offerts ornés des dédicaces les plus variées, du plus illustre des inconnus prometteurs ou non, au plus confirmé des auteurs reconnus de longue date. Etant donné les milliers d'ouvrages commentés dans Le Livre, ce sont autant de ces exemplaires dédicacés qu'on devrait retrouvé dans sa bibliothèque ou dans celle des locaux de l'imprimerie Quantin, ou dans celle de ses nombreux collaborateurs (Jean Richepin, Edouard Drumont, etc). Que sont devenus ces ouvrages "de politesse" ? Octave Uzanne décida d'en conserver de nombreux, qu'on peut en partie retrouver dans le catalogue de la vente de sa bibliothèque de mars 1894. De nombreux autres, jugés sans intérêt ou pour d'autres raisons, Uzanne décida de s'en séparer en les reléguant presque aussitôt dans les boîtes des bouquinites des quais. Est-ce un crime ? Sans doute. Est-ce un crime légitime ? Sans doute. C'est ce que les deux articles publiés à la suite dans deux numéros du Gil Blas de septembre 1885, sous la plume anomyne du Diable Boiteux, alias le Baron de Vaux (1), dénoncent aux lecteurs du « plus littéraire - (du) plus parisien des journaux ».
Bonne lecture.
Bonne lecture.
« J’ai raconté l’autre jour que M. Octave Uzanne, directeur de la Revue du livre, se faisait des rentes en vendant sur les quais les livres qu’on lui adressait sans prendre la peine d’en faire disparaître les dédicaces.
Furieux de voir que je révélais son truc, M. Uzanne crut devoir m’écrire que cet acte coupable devait être mis à l’actif de ses collaborateurs, chargés de rendre compte des livres qui lui étaient envoyés chaque jour. Comme en réalité M. Uzanne ne contestait pas le trafic que je dénonçais, je n’ai pas publié sa lettre. Aujourd’hui il m’écrit de nouveau en s’étonnant de ne pas avoir vu paraître sa rectification, et il ajoute que : « Mon entrefilet étant resté sans résonnance il recule en ma faveur les bornes de l’indifférence. »
Je suis très fâché d’avoir encouru la colère de M. Uzanne, mais cela ne m’empêchera pas de le considérer comme un vieux marchand de livres. » (2)
Voici l'entrefilet dont il est question ; il avait été publié 9 jours auparavant :
« Hier, en bouquinant sur les quais, j’ai fait une découverte assez curieuse qui intéressera, je crois, plusieurs de mes confrères. J’ai trouvé une foule de livres avec dédicace, et parmi ceux qui paraissent pratiquer ce commerce sur une vaste échelle, il convient de citer M. Uzanne.
Vous avez des livres qui ne vous plaisent pas, vous les vendez, c’est votre droit ; mais lorsque ces livres contiennent des dédicaces, je crois qu’il serait convenable de les faire disparaître avant de les donner en échange de quelques pièces de monnaie. M. Uzanne a commis dans cette circonstance une fort mauvaise action. »
Articles communiqués par Mikaël Lugan,
Bertrand Hugonnard-Roche
(1) Son identité est discutée. Il semble qu'il fut le chef des Echos du Gil Blas dès 1879 et ce pendant plusieurs années sous le pseudonyme "Le Diable boiteux". Il pourrait s'agir du Baron Ludovic de Vaux, proche de Guy de Maupassant, et qui servit très probablement de modèle au personnage de Bel-Ami. On sait par ailleurs que Guy de Maupassant signa la Préface pour Les Tireurs au pistolet, ouvrage signé du même Baron de Vaux. On évoque aussi le nom d'un certain Vauquelin.
(2) Article publié dans le Gil Blas du dimanche 27 septembre 1885. Article signé LE DIABLE BOITEUX (pseudonyme du Baron de Vaux).
(3) Article publié dans le Gil Blas du vendredi 18 septembre 1885 et signé LE DIABLE BOITEUX (pseudonyme du Baron de Vaux).
Il est amusant de noter qu'Octave Uzanne, en septembre 1885, est un "vieux marchand de livres" âgé de ... 34 ans (sourire).
RépondreSupprimerJe n'ai trouvé à ce jour aucun lien établi entre le Baron de Vaux et Octave Uzanne. Si ce n'est l'amitié qui semblait lier l'un et l'autre à Guy de Maupassant à cette époque.
B.
M'est avis, en tout cas, qu'Uzanne avait raison de ne pas effacer ou de ne pas découper son nom des envois qui lui étaient faits, car rien ne m'insupporte davantage que cette précision dans les descriptions de livres : "Avec envoi. Le nom du destinataire à été effacé/decoupé" !
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