lundi 12 septembre 2022

5 mars 1882. Une lettre d'Octave Uzanne écrite en vieux français maniéré, adressée à un Monsieur d'Espernon, pour un rendez-vous manqué et un nouveau rendez-vous fixé quelques jours plus tard.


Photographie Bertrand Hugonnard-Roche
Collection Bertrand Hugonnard-Roche (acquisition septembre 2022)


Paris, le 5 mars 1882 (*)

Pardieu, Monsieur d'Espernon (**), puisque vous vous boutez en joie, ce prochain mercredi, et que sans doute vous courez en débauches braguardes, avec filles de haulte graisse et belles chemisées de chair fraîche ; puisque vous semblez en ce jour desdaigner ma sacerdotale compagnie en quelque modeste auberge du plat d'étain ou du lion d'or, où nous eussions humé quelque pauvre piot, que les sauvages de cestuy temps nomment sétier, litre ou bouteille, il me faudrait être Nostradamus de prophétique remembrance pour vous fixer assignation certaine.

Le lundi 13 me sied, quoiqu'on die ; et je me sens un furieux tendre pour ce 13 fatal.

C'est dit - et puisse votre chevelure flave comme celle d'Apollon tomber en descrépitude, si en un jour d'infamie, vous observiez ma parole.

Une seule objection - un seul impedimentum, une seule mauvaise chance, pourrait me faire biffer ce lundi 13 des fastes de nos orgies - ce serait un rendez-vous vague, un rendez-vous de coquette écrit sur des nuages et pris pour la prochaine première de l'Odéon.

Mais le 13 est si bon pour effrayer les imbéciles - c'est-à-dire, messieurs les directeurs des patentés spectacles de la république - que le nuage ne crèvera pas entre nous.

Au 13 donc - ironique jeune homme - seulement je vous veux en tête à tête - j'exclue pont-s .... et je n'admets en tiers que le Pontet-Canet (?) Oh ! l'orthographe des vins !

La dextre dans la dextre, signons, je vous crie : vives, hospes, dum licet atque vale.

Octave Uzanne


(*) lettre autographe signée rédigée sur le papier à en-tête de la revue bibliographique Le Livre, Octave Uzanne en étant le rédacteur en chef.

(**) nous ne savons pas qui peut être ce "Monsieur d'Espernon". Est-ce une nom réel ou bien un pseudonyme ? Nous penchons pour la seconde hypothèse. Cette lettre est rédigée dans un style ancien utilisant de vieux vocables et de vielles tournures à la manière des Contes drolatiques de Balzac, dans le style rabelaisien. Du contenu de la lettre on suppose qu'Octave Uzanne avait l'habitude de faire quelques sorties festives voire orgiaques (bacchiques) avec cet homme. Octave Uzanne semblait tenir beaucoup à leur entrevue.

Bertrand Hugonnard-Roche

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