mardi 30 juin 2015

Octave Uzanne demande à un ami de donner son portrait et un autographe pour les Figures Mariani (11 octobre 1896).

    

Coll. B. H.-R., juin 2015



  Voici une carte-lettre autographe d'Octave Uzanne qui vient éclairer un peu plus sa relation à l'Album Mariani ou Figures contemporaines. On sait que le directeur-rédacteur en chef de ces volumes de biographies est Joseph Uzanne, son frère. On a peu de preuves qui viennent étayer l'hypothèse selon laquelle Octave Uzanne est lui-même à l'origine de la création de ces albums et qu'il y a participé activement. Cette lettre vient donc appuyer cette théorie selon laquelle Octave Uzanne ne s'était pas contenté de rédiger deux préfaces mais qu'il avait contribué à rabattre pour son frère le Tout-Paris qui pouvait y trouver une place.
      On ne sait pas à qui était adressée cette carte-lettre. Le terme "verrerie" employé à propos pouvait laisser supposer un maître verrier ? De même que nous ne savons pas qui est ce "poète-critique" qui doit faire l'interview.
      Autant d'éléments qu'il nous sera peut-être donné de découvrir plus tard.

Bertrand Hugonnard-Roche


* * *

Paris, ce 11 octobre 1896 (*)

Mon cher ami,

Je viens vous demander ... votre tête, pour l'album des Comtemporains de l'excellent Mariani.

Je confie ma requête à un jeune poëte-critique, qui, en cas d'acceptation de votre part, serait chargé de vous interviewer pour une biographie et de vous demander un croquaillon et un autographe, selon la formule de votre fantaisie.

J'espère que vous accéderez au désir de M. Mariani qui versera dans votre verrerie les trésors de sa "Coca Wine" et je vous envoie avec mes souvenirs amicaux, l'assurance de ma cordiale sympathie.

Octave Uzanne

(*) Il s'agit d'une carte-lettre illustrée dans sa partie supérieure-gauche d'une vignette d'après Félicien Rops aux initiales d'Octave Uzanne, la Daphnée. Elle porte imprimée l'adresse suivante : "17, QUAI VOLTAIRE // (Téléphone) // Paris, ce ............ //"



Coll. B. H.-R., juin 2015

lundi 29 juin 2015

Aline, Reine de Golconde, conte par le Chevalier de Boufflers (1887). Superbe édition bibliophilique pour les Amis des Livres, dirigée par Octave Uzanne. Reliure maroquin mosaïqué signé Allô. Rare.




Exemplaire présenté par la librairie L'amour qui bouquine


Stanislas de BOUFFLERS (Chevalier)

ALINE, REINE DE GOLCONDE, CONTE par le Chevalier Stanislas de Boufflers.


A Paris, Gravé et imprimé pour la Société des Amis des Livres, 1887

1 volume petit in-4 (23,5 x 17,5 cm), (7)-IV-29-(2) pages, comprenant 4 pages pour la liste des membres de la Société des Amis des Livres, faux-titre et justification du tirage (1 feuillet), 1 feuillet de titre gravé avec vignette (imprimé en bleu), 4 pages d'envoi imprimé orné de 2 belles vignettes à l'eau-forte en couleur, 29 pages de texte gravé orné de 1 bel en-tête et 1 belle lettrine à l'eau-forte en couleur, 11 vignettes dans le texte en noir, 1 page pour l'explication technique, 1 page d'achevé d'imprimer.

Reliure plein maroquin orange mosaïqué d'un large encadrement sur chacun des plats. Chaque encadrement de maroquin bleu nuit est décoré aux petits fers d'entrelacs et de guirlandes de feuillages dorés à la manière des reliures décorées du XVIe siècle, filets et roulettes dorés en encadrement, dos orné de maroquin bleu nuit orné mosaïqué sur le maroquin orange, double-filet doré sur les coupes, large jeu de roulettes et filets dorés en encadrement intérieur des plats, doublures et doubles-gardes de papier peigne, tête dorée, relié sur brochure, non rogné, couvertures bleues imprimées conservées en parfait état. Etui bordé de maroquin et doublé de feutre. Reliure de l'époque signée ALLÔ. Parfait état.

TIRAGE A 117 EXEMPLAIRES SEULEMENT.

Celui-ci porte le n°113. Ils ont tous été imprimés sur papier de Hollande à la cuve. Les exemplaires 115bis et 115ter ont été affectés au dépôt légal.



On lit à la fin : "Les Amis des Livres ont confié la Direction de cet ouvrage à leur collègue Octave Uzanne. Les compositions jointes au texte ont été dessinées par Albert Lynch. Les eaux-fortes au lavis gravées par E. Gaujean. Les lettres bâtardes du texte burinées par A. Leclère. Le volume a été achevé d'imprimer pour la Société des Amis des Livres le 25 octobre 1887 sur les presses en taille-douce de la Maison Quantin à Paris."

Ce petit livre est une merveille, un véritable joyau bibliophilique. Octave Uzanne a donc dirigé la mise en train de cette édition de grand luxe pour ses collègues des Amis des Livres. C'est le seul livre dont il dirigea l'exécution artistique pour cette société qui lui laissera le goût amer du trop rigide et du trop convenu. C'est peu de temps après la mise au jour de cette édition qu'il créera fin 1889 l'Académie des Beaux-Livres ou Bibliophiles contemporains.



Voici comment Octave Uzanne s'exprime au sujet de ce joli conte léger :


« On ne saurait se faire une idée exacte aujourd'hui de l'engouement qu'excita le délicieux conte d'Aline ; Grimm en parle avec enthousiasme. [...] Ce fut une fureur pendant plus de six mois ; d'innombrables copies d'Aline couraient de ruelle en ruelle, de salon en salon, de société en société ; on s'arrachait ces manuscrits, on ne parlait que du conte et de l'auteur. Boufflers eut une vogue qu'il n'avait point cherchée, mais qui n'en fut que plus retentissante et le mit de plain-pied dans le domaine de la galanterie. Toutes les femmes voulurent connaître l'heureux amant de la jolie laitière, cet écrivain simple et charmant qui avait su, par la fraîcheur et la jolie tournure de son style, exciter la curiosité d'un public blasé par les fadeurs de tant de petits romans. [...] » (extrait de la Notice sur la vie et les oeuvres de Boufflers, placée en tête des Poésies publiées par Octave Uzanne dans la collection des Petites Poètes du XVIIIe siècle (Paris, A. Quantin, 1886).



On voit donc que ce n'est pas un hasard si Octave Uzanne publie Aline pour les Amis des Livres fin 1887 alors qu'il s'était largement intéressé à l'auteur dès fin 1885 début 1886.

Ce conte en prose, galant voire légèrement licencieux, a été publié pour la première fois en 1761. Deux ans après Candide , un an après La Nouvelle Héloïse, Boufflers donne ce petit bijou littéraire qui fait fureur : cinq éditions paraissent avant la fin de l’année. Ce conte est une douce rêverie, une rêverie qui rassemble certaines idées bien répandues sur le bonheur. Un jour, dans une belle vallée, un adolescent de bonne famille (c’est le narrateur) rencontre une jeune paysanne qui porte un pot de lait à son village. Ce jour-là, ils découvrent l’amour et la volupté, mais le jeune homme quitte sa belle laitière, Aline, pour suivre la voix trompeuse de la gloire. Il retrouvera Aline à trois reprises. La première fois, à l’Opéra à Paris : elle est devenue une femme du monde. La deuxième fois, aux Indes : elle est la reine bienfaisante du royaume prospère de Golconde, connu pour ses diamants. La troisième fois, ils se retrouvent dans un désert au pied d’une montagne où le narrateur se retire, las de ses déboires. Ils sont vieux, elle n’est plus belle : « Nous étions autrefois jeunes et jolis, lui dit- elle, soyons sages à présent, nous serons plus heureux. » (informations extraites du site de Sue Carrell consacré à la correspondance échangée entre la comtesse de Sabran et le chevalier de Boufflers)



« Je tombai aux pieds de la divine Aline : nous nous aimâmes plus que jamais, et nous devînmes l’un pour l’autre notre univers. J’ai déjà passé ici plusieurs années délicieuses avec cette sage compagne ; j’ai laissé toutes mes folles passions et tous mes préjugés dans le monde que j’ai quitté ; mes bras sont devenus plus laborieux, mon esprit plus profond, mon cœur plus sensible. Aline m’a appris à trouver des charmes dans un léger travail, de douces réflexions et de tendres sentiments ; et ce n’est qu’à la fin de mes jours que j’ai commencé à vivre. » (extrait).

Provenance : Ex libris Henri Lafond (1894-1963). La bibliothèque Henri Lafond vient d'être dispersée après plus de 50 années d'endormissement. Les exemplaires n'ayant pas bougé pendant cette longue période. Henri Lafond, proche de l'OAS, ennemi du Général de Gaulle il en deviendra pourtant conseiller, il a été assassiné en pleine rue non loin de son domicile de de trois balles de pistolet. Exemplaire présenté en novembre 1891 au Bulletin de la librairie Morgand (n°19.473) et coté 500 francs or. "Très-rare. Exemplaire dans une superbe reliure en mosaïque avec riches dorures."




SUPERBE EXEMPLAIRE.



Exemplaire présenté par la librairie L'amour qui bouquine

vendredi 26 juin 2015

Octave Uzanne, la liberté d'expression au sein du Livre et Emile Zola (décembre 1887).


     
oici une petite note placée en tête de la Critique littéraire du mois [livraison du 10 décembre 1887] de la revue Le Livre.

      "Nous considérons que la critique du Livre doit se produire en toute liberté d'expression, selon les sentiments personnels de ceux à qui nous accordons notre confiance. Parfois il nous en coûte de nous effacer devant une opinion entièrement opposée à la nôtre, mais nous jugeons que notre devoir nous impose de ne jamais exercer la moindre pression sur les tendances et l'esprit de nos collaborateurs. Nous éprouvons à l'égard du dernier roman de M. Zola [La Terre] un sentiment pénible et, il faut le dire, empreint d'un réel dégoût pour les écœurantes peintures qui maculent une œuvre superbe par endroits. Nos lecteurs verront que notre collaborateur [qui signe G. T.] n'a a pas jugé ainsi. Nous lui laissons donc la parole sans partager aucunement tous ses enthousiasmes. O.U. [pour Octave Uzanne]"

      Suit un long commentaire enthousiaste sur La Terre de Zola signé des initiales G. T. (initiales récurrentes dans les comptes-rendus du Livre). On retrouvera sur ce site quelques avis d'Octave Uzanne sur Zola et son œuvre.
      Nous ne savons pas qui se cache derrière les initiales G. T., mais nous savons maintenant qu'il ne s'agit pas d'Octave Uzanne.


Bertrand Hugonnard-Roche

mercredi 24 juin 2015

Les chirurgiens dans notre société, par Octave Uzanne (1911) "ces subtils charcuteurs" ...


Equipe chirurgicale en 1910. Source internet.
      Voici un article intéressant qui montre combien Octave Uzanne pouvait s'intéresser à l'actualité des sciences et des techniques médicales de son temps. Nous avons ici un portrait satirique des chirurgiens qu'on pourrait encore aisément assimiler aux barbiers du XVIIIe siècle. On sent d'ailleurs sans l'ombre d'un doute le vécu dans ce récit de charcuteurs subtils. Octave Uzanne eut à faire à ces scientifiques devenus incontournables quand la santé déraille.
      Avec un humour féroce assez décalé compte tenu du sérieux du thème, Octave Uzanne nous livre un portrait vitriolisé des vivisecteurs à la mode.
      Cet article a été publié pour la première fois dans une version légèrement différente dans l'Echo de Paris du dimanche 16 juin 1901 sous le titre "Les chirurgiens et la société".
      Voici l'article dans son intégralité dans sa version remaniée publiée en 1911 dans le Sottisier des moeurs.

Bertrand Hugonnard-Roche


* *
*

LES CHIRURGIENS
DANS NOTRE SOCIÉTÉ


      Les congrès de l'Association française de chirurgie se réunissent chaque année, tour à tour, dans l'une des grandes capitales de l'Europe. Tous les vivisecteurs en profitent pour s'offrir un voyage d'agrément et échanger des idées sur la matière opérable et le maintien de la surélévation des tarifs.
      Ceux-là, les « charcuteurs », les habiles « ovairiers » comme on les nomme, ne sont jamais en grève, ils se remuent, ils s'agitent, ils découvrent des maux inconnus à nos ancêtres, ils taillent et ils rognent avec maestria dans notre précaire étoffe d'humanité et jamais peut-être ils n'occupèrent dans notre société une place aussi considérable que celle que nous leur voyons prendre à l'heure présente. Naguère, il y avait la prépondérance sociale du prêtre, du guerrier, du médecin ; actuellement, seul, le chirurgien triomphe.
      Les chirurgiens sont en quelque sorte d'une constante actualité ; leur bistouri qui fait des miracles lorsqu'il ne cause pas de décès, qui d'ailleurs ne leur sont jamais imputables, vient les rappeler souvent à notre attention pour peu qu'il s'agisse de quelque personnage en renom atteint de quelque belle affection à la mode d'un mal viscéral tout à fait dernier cri.
      Depuis plusieurs années ils sont constamment en représentation. Ils ne manquent aucune occasion de faire beaucoup parler d'eux, ils ont leurs histrions, leurs opérations cinématographiques ; on se les arrache dans le monde en soirée et on voit leurs inventions supérieures chez les marchands d'appareils de torture qui se sont multipliés aux environs de l'Ecole de Médecine. Expositions en vitrine des plus inquiétantes cisailles, des forceps, des pinces hémostatiques, des scies circulaires et autres instruments merveilleusement nickelés et à « beau brillant ». On ne parle plus que de la virtuosité incomparable, de ces messieurs, et tous leurs fabricants se congratulent de la reprise des affaires, plus prospères que jamais. Les souverains bourreaux de notre lamentable basane ont su donner un élan tout nouveau aux affaires des marchands de trousses, aux vendeurs d'outils à ciseler et sectionner la chair.
      Ce qu'ils travaillent d'humaine bidoche chaque jour est inimaginable. Ces grands pontifes, les gens du peuple les nomment bouchers, tailleurs ou charcuteurs et les chansonniers montmartrois n'ont pas craint de les traduire en couplets drolatiques :

C'est nous qui fouillons
Et tripatouillons,
« Coupe-toujours » infatigables,
Dans les jolis bedons.
Nous nous bombardons
Ouvriers des plus remarquables.

      Ce sont indéniablement les vrais souverains de notre société égrotante et inquiète. Ils dominent despotiquement notre chair passive et dommageable dont ils réparent les désordres ou reconstituent la plastique. Ce sont les maîtres du marché de nos souffrances physiques. Ils règlent les lois de la demande pour tous les petits et grands travaux dont ils sont les virtuoses ; ils maintiennent leurs prix à un haut diapason et, à l'exemple des grands financiers d'outre-Océan, ils se sont syndiqués en une sorte de trust formidable, qui, comme celui des Pierpont-Morgan et autres monopoleurs, aurait droit au titre de : Trust de l'acier.
      Ce trust de l'acier nickelé, grâce à l'appui de la chloroformisation et des bienfaisantes applications des théories de Lister, de Pasteur et de Roëntgen, déploie chaque jour une audace plus accentuée, développe constamment ses champs d'opération à chaud ou à froid, d'urgence ou à terme, et exploite de nouveaux filons toujours plus profondément au centre de l'animal humain. On ne saurait dire combien et avec quelle extraordinaire facilité et quelle surprenante légèreté on laparotomise, on gastrotomise, on trépane à tout propos. Il n'est point d'heure où l'un de ces savants investigateurs de nos individus n'ouvre un crâne comme on entrebâille un porte-monnaie, n'incise un cou, ne pratique un curettage utérin ou ne réduise, avec une adresse infinie, quelque luxation ou fracture des jambes ou des bras. Tous nos organes sont liés et réséqués aujourd'hui en cinq sec, non sans quelque souci de belle mise en scène, mais toutefois avec un minimum de ce cabotinage si nécessaire au succès individuel à notre époque qui est de plus en plus indifférente aux talents modestes et silencieux.
      C'est pourquoi nous assistons actuellement à un spectacle assez étrange. Presque tous les sportsmen de la pince et du bistouri, naguère encore enclos dans le mystère de leurs travaux de laboratoire, ont dû plus ou moins sortir de la pénombre des salles d'étude pour envahir les salons mondains, y asseoir leur notoriété et y développer, par leur personnelle habileté, leur clientèle dons la société parisienne et ses colonies étrangères. Il faut d'ailleurs reconnaître que leur succès dans tous les mondes où l'on cause et où l'on fashionne a été chaque jour grandissant. Les chirurgiens sont devenus de plus en plus nécessaires aux petites névrosées qui aiment à frôler ces subtils charcuteurs et à les interroger curieusement sur leur méthode de travail en éprouvant auprès d'eux le troublant petit frisson cherché, le soubresaut musculaire, la palpitation d'effroi des centres nerveux, la chair de poule frousseuse des incisions hypothétiques.
      Il semble, en effet, que chacun se complaise à écouter ces héros tortionnaires contemporains, vis-à-vis desquels nôtre humanité se fait humble, craintive, soumise et doit s'avouer encore aléatoirement taillable à merci. On connaît, à la vérité, leurs menus méfaits, leurs erreurs de diagnostic, leurs oublis parfois invraisemblables au fond des cavités entr'ouvertes et recousues, on sait leurs querelles académiques, les différentes variétés et les oppositions de leurs méthodes opératoires, mais il faut bien constater aussi les miraculeux effets de leur science positive et l'indéniable et le constant progrès de leurs découvertes qui nous comblent d'espoir.
      Il n'est personne à cette heure qui ne s'intéresse à ces choses et qui n'apporte un goût spécial aux questions chirurgicales. On s'efforce de se tenir au courant de tout ce qui est du ressort de l'arsenal opératoire ; on ne répugne point à parler de fil à ligatures ou à sutures, de pièces de pansements, de drains et de stérilisation. Si la mode était encore aux petites physiologies, il serait intéressant de dresser celle du chirurgien à la façon dont Balzac, naguère, écrivit celle de l'agioteur, du dandy ou de l'homme politique. Ah! elle serait précieuse, par exemple, la physiologie « du tailleur » pour dames, celle du stérilisateur qui connut la vogue et fut assiégé par le bataillon des éternelles rieuses qui brûlaient d'être couchées sur le registre des infécondes. On nomma l'un d'eux : X ... for ovair ... es, à peu près de for ever.
      Cette introduction des questions opératoires dans la société élégante et frivole n'est pas une des choses les moins curieuses ni les moins caractéristiques de ce temps. Elle s'explique par la place chaque jour plus considérable que les chirurgiens ont prise parmi nous, grâce aux progrès opératoires et à là vulgarisation de leur méthode. Ils n'exercent plus comme jadis, de façon occulte, dans des salles lointaines, secrètes, obscures, impénétrables, aux murailles épaisses, semblables à des caves. Leurs officines contemporaines mises à la hauteur des révolutions de la science sont claires, transparentes, vernissées, nickelées, fraîches de coloration, sans tentures ou tout en glaces. Ils en montrent volontiers la coquetterie et s'ingénient entre eux à détenir le record de la simplicité hygiénique, de la propreté aseptique et de l'élégance translucide dans l'ordonnance des salles d'opération. Ils font visiter avec plaisir ces lieux de supplices que l'action du chloroforme fait supporter avec l'inconscience de la douleur. Ils ont des maisons mondaines, des cliniques de retraite où ces dames font leurs « vingt et un jours » avec résignation, dans un milieu de tout repos qui, pour être réduit a l'absolu nécessaire, n'en est pas moins merveilleusement ordonné. On y passe au début des heures qui pourraient être pires et les convalescences y sont généralement douces, agréables, instructives et de tout repos.
      Dans ces maisons de santé, les gens du monde ont fait vaguement leurs humanités médicales ; ils se sont familiarisés avec l'arsenal chirurgical et avec certains éléments de technique professionnelle. A force d'approcher les praticiens, une relative intimité est née entre eux et ces bourreaux bienfaisants qu'ils s'enorgueillissent désormais de connaître. Il semble que ce soit aujourd'hui comme une mode de parler, même à table, de la science et de l'habileté de tels et tels maîtres, de citer les miracles qu'on leur attribue, car il n'est personne qui n'ait quelque exemple à citer parmi ses proches et assez souvent il est loisible de parler de soi-même à titre de vivisectionné revenu à la vie militante et à la santé plus florissante que jamais grâce au cher docteur X..., Y... ou Z...
      Les chirurgiens, dans différents milieux de la société parisienne, ont donc pour la plupart créé pour eux seuls des petites chapelles dont ils demeurent les exclusives divinités et dont ils s'efforcent d'augmenter le nombre des fidèles, des apôtres et des zélateurs. Les uns règnent sur telle ou telle partie de la société financière juive, d'autres cultivent le monde cosmopolite anglo-américain, d'autres encore ne sont célèbres que dans le quartier de l'Europe, et il n'est pas jusqu'aux demi-mondaines qui ne se soient attitré quelque illustre praticien dont elles raffolent et vantent les mérites et les façons de procéder. Dans chacun de ces clans, on fait l'éloge avec enthousiasme de celui qu'on a élu. Les femmes se montrent surtout les plus passionnées, car ces écuyers- tranchants exercent indéniablement une influence hypnothérapique sur leurs centres nerveux qui vibrent au chirurgien comme le mysticisme des dévotes vibre au confesseur. Le chirurgien est le roi du jour. On a foi en sa science qui est si probante le plus souvent. C'est l'architecte suprême de nos charpentes humaines, celui qui fait les nécessaires réparations locatives et nous aide parfois à renouveler un bail qui semblait bien près d'expirer. Comment ne serait-il pas recherché, admiré, vénéré par tous ceux qui apprécient la fragilité de leur « home » charnel !
      Le médecin ne sera bientôt plus que l'observateur-rapporteur, le chirurgien deviendra l'unique guérisseur.


Octave Uzanne
Sottisier des mœurs : le spectacle contemporain : quelques vanités et ridicules du jour, modes ...
Paris, Emile Paul, 1911
pp. 86-92

mardi 23 juin 2015

Dictionnaire Bibliophilosophique par Octave Uzanne. Réimprimé avec une Postface par les soins de Bertrand Hugonnard-Roche. Avec La Bibliophilie moderne et La Reliure Moderne (deux textes d'Octave Uzanne). Publié chez Bertrand Hugonnard-Roche, à Alise-Sainte-Reine. 1 volume 24 x 15 cm, broché, couverture en couleurs, jaquette en couleurs avec rabats, VIII-364 pages + 97 pages, avec 31 hors-texte couleurs, titre en couleurs, tirage des gravures en noir également, papier bouffant luxe, tirage à 200 exemplaires dont 176 exemplaires seulement mis dans le commerce. Prix : 45 euros port compris jusqu'au 10 juillet - 50 euros après cette date. Livraison des exemplaires déjà précommandés dans la deuxième semaine de juillet.


Quelques photos de l'exemplaire 0 (BAT)













Dictionnaire Bibliophilosophique par Octave Uzanne. Réimprimé avec une Postface par les soins de Bertrand Hugonnard-Roche. Avec La Bibliophilie moderne et La Reliure Moderne (deux textes d'Octave Uzanne). Publié chez Bertrand Hugonnard-Roche, à Alise-Sainte-Reine. 1 volume 24 x 15 cm, broché, couverture en couleurs, jaquette en couleurs avec rabats, VIII-364 pages + 97 pages, avec 31 hors-texte couleurs, titre en couleurs, tirage des gravures en noir également, papier bouffant luxe, tirage à 200 exemplaires dont 176 exemplaires seulement mis dans le commerce. Prix : 45 euros port compris jusqu'au 10 juillet - 50 euros après cette date. Livraison des exemplaires déjà précommandés dans la deuxième semaine de juillet. Il reste environ seulement 70 exemplaires disponibles.

Commande et renseignements à librairie-alise@orange.fr


samedi 20 juin 2015

Un exemplaire remarquable de L'Effort d'Haraucourt : La Madone, L'Antéchrist, L'Immortalité et La Fin du Monde, illustrés par Carlos Schwabe, Alexandre Lunois, Eugène Courboin, Alexandre Séon et Léon Rudnicki (1894). Chef d'oeuvre de l'Art Nouveau et de l'illustration symboliste. Superbe et riche reliure mosaïquée et doublée du maître Charles Meunier (98). Exemplaire enrichi de 3 superbes dessins originaux dont un dessin aquarellé pleine page signé Carlos Schwabe. Edition menée de bout en bout par Octave Uzanne.

reproduction photo du plat supérieur

ancienne coll. B. H.-R. / Librairie L'amour qui bouquine / coll. priv.


Fiche descriptive de la librairie L'amour qui bouquine (janvier 2013) :

HARAUCOURT (Edmond)‎ - ‎SCHWABE (Carlos), illustrateur - Léon RUDNICKI, illustrateur ‎- SEON (Alex.) - COURBOIN (Eugène) - LUNOIS (Alexandre) 

L'EFFORT. LA MADONE. L’ANTÉCHRIST. L’IMMORTALITÉ. LA FIN DU MONDE.

Paris, Les Bibliophiles Contemporains, Académie des Beaux Livres, 1894.

1 volume in-4 (28,5 x 22,5 cm) de (4)-144 pages.

Reliure plein maroquin bleu vert, reliure entièrement mosaïquée sur le premier plat d'un large décor floral composé de fuchsia pourpre et autres fleurs épanouies et feuillages variés, étamines et coeur de fleur dorés, encadrement de maroquin marron avec listels de maroquin beige, deuxième plat mosaïqué en son centre d'une composition florale violine, étamines et coeur de fleur dorés, même encadrement mosaïqué, dos à deux nerfs saillants, mosaïqué tout du long d'épines et fleurs de lis, avec titre en lettres de formes dorées,  doublure de maroquin de même teinte que les plats mosaïqué sur l'ensemble de la surface de fleurs et feuillages courant en large encadrement, épines, fleurs, étamines dorées, première garde de soie brochée violine, mauve et rose, seconde garde de papier peigne, tranches dorées sur témoins. Couverture illustrée conservée (les deux plats et le dos, à l'état de neuf), étui bordé (reliure signée CH. MEUNIER 98). Dos très légèrement passé nonobstant magnifique exemplaire. 

doublure


UNIQUE TIRAGE DES ILLUSTRATIONS DE CARLOS SCHWABE, ALEXANDRE LUNOIS, EUGÈNE COURBOIN, ALEXANDRE SÉON, LÉON RUDNICKI.

SUPERBE OUVRAGE ILLUSTRÉ SYMBOLISTE.

Tirage unique limité à 180 exemplaires numérotés, celui-ci n°11 imprimé pour M. P.-L. BERALDI (frère de Henri BERALDI alors vice-président des Bibliophiles contemporains). Imprimé sur beau papier d'Arches filigrané en marges (frise florale et noms de l'auteur et de la collection) conçu par Octave Uzanne, le directeur fondateur de la Société.

plat inférieur





Collection de quatre contes : La Madone, illustré de 18 lithographies originales d'Alexandre LUNOIS - L'Antéchrist, illustré de 38 compositions d'Eugène COURBOIN, aquarellées - L'Immortalité, illustré de 32 compositions de Carlos SCHWABE, dont 10 gravées à l'eau-forte en noir (par Massé) et 23 grands motifs floraux aquarellés.- La Fin du Monde, illustré d'un frontispice tiré en or et de 46 grands dessins d'Alexandre SEON. La couverture, les faux-titres, justification et titre sont entièrement orné de grandes compositions en couleurs de Léon RUDNICKI. 



Octave Uzanne signe ici l'une des plus belles productions pour les Bibliophiles contemporains. C'est un livre qui est aujourd'hui de plus en plus remarqué et recherché par les amateurs.


Aquarelle originale de Carlos Schwabe


EXEMPLAIRE UNIQUE ENRICHI A L'EPOQUE DE TROIS AQUARELLES ORIGINALES.

UNE AQUARELLE ORIGINALE SIGNÉE D'ALEXANDRE LUNOIS (pleine page).

UNE AQUARELLE ORIGINALE SIGNÉE DE CARLOS SCHWABE (pleine page), avec un envoi autographe à Madame Hanin sur la première page de texte, en haut.

UNE AQUARELLE ORIGINALE SIGNÉE D'ALEX. SÉON.


Aquarelle originale d'Alex. Séon


L'aquarelle de Carlos Schwabe confère à cet exemplaire un intérêt de premier ordre. C'est une oeuvre délicate et de première manière, entièrement inédite et non référencée. Il avait déjà donné pour l'Art et l'Idée, revue dirigée par Octave Uzanne, en 1892, un très joli frontispice allégorique gravé alors par Paul Avril. Il donnera pour la même revue une intéressante vignette de titre.

Le dessin présenté ici montre un vieillard marchant le long d'un cours d'eau, portant une pierre noire et regarder son reflet dans l'eau. La pierre noire devenant anneau de feu. La symbolique est-elle sans doute à rapprocher de l'opposition des mondes supérieur et inférieur évoquée pour cette période de son travail. Voir à ce sujet Jean-David Jumeau-Lafond, Carlos Schwabe, symboliste et visionnaire, ACR édition (1994), pages 158 à 161 pour ce qui concerne notamment le langage des fleurs, une contribution à l'Art Nouveau, qu'on retrouve ici dans les encadrements du conte l'Immortalité.

doublures


MAGNIFIQUE EXEMPLAIRE EN RELIURE ENTIÈREMENT MOSAÏQUÉE ET DOUBLÉE (DOUBLURES RICHEMENT MOSAÏQUÉES) A L'ÉPOQUE PAR LE MAÎTRE DU GENRE CHARLES MEUNIER.

L'UN DES PLUS BEAUX LIVRES DE LA PÉRIODE ART NOUVEAU CHEF D'OEUVRE DE L'ILLUSTRATION SYMBOLISTE.

EXCEPTIONNEL DESSIN ORIGINAL NON RÉPERTORIÉ DE CARLOS SCHWABE.



Note : nous n'avons pas voulu charger inutilement cette fiche par des dizaines de photographies de la reliure ou des dessins et estampes. Vous pourrez retrouver une large sélection de photographies de détails dans un album ICI.

mardi 16 juin 2015

Exemplaire Octave Uzanne : J.-K. Huysmans, Croquis Parisiens (1886). “à Octave Uzanne bien cordialement J.-K. Huysmans”.




Notice du libraire (site Livre Rare Book consulté le 16 juin 2015) : Référence : 20942 ‎HUYSMANS (Joris Karl).‎ ‎Croquis parisiens.‎ ‎Nouvelle édition, augmentée d’un certain nombre de pièces et d’un portrait. P., Léon Vanier, Editeur des Modernes, 1886, in-8, reliure pleine soie vieux rose à motifs répétés, couv. cons., n.r., (Pierson), 168 p. 1/500 sur papier des fabriques du Périgord. Envoi a.s. “à Octave Uzanne bien cordialement J.-K. Huysmans”. Très jolie reliure de l’époque de Pierson. Ex-libris d’Octave Uzanne.‎ Librairie J.-F. Fourcade - Livres anciens et modernes. - Paris (SLAM, ILAB) Prix : EUR. 900


Photo Librairie J.-F. Fourcade, Paris

dimanche 14 juin 2015

Lettre de Eugène Grasset à Octave Uzanne (25 juillet 1890). A propos d'un rendez-vous avec leur vitrailleur (Félix Gaudin).

Portrait de Eugène Grasset par lui-même
paru dans l'Art et l'Idée d'Octave Uzanne (1892)
Octave Uzanne écrit en 1892 dans sa revue l'Art et l'Idée (*) : "Grasset n'est pas de ceux qui ont fait retentir avec toute la puissance et tout l'éclat de leur aimable médiocrité le pavillon des cuivres engorgés de la Renommée ; la Déesse aux cent bouches polluées par toutes les irrumations littéraires et artistiques n'est s'est pas plus souciée de sa gloire, que lui ne s'est préoccupé des complaisantes fanfares et sonneries de cette vieille buccinatrice. - Eugène Grasset est un dévot d'art qui, jusqu'ici, a vécu fier, mystérieux et béatifié, sous la cagoule de son idéal et qui a nourri plus rêves élevés que de basses ambitions honorifiques courantes."

"Depuis plusieurs années, écrit encore Octave Uzanne, ce grand artiste réfléchi, observateur et philosophe, insensible à la flatterie, vit très retiré dans son atelier du boulevard Arago ; c'est là, au milieu d'une foule de belles oeuvres ébauchées, que je l'ai, il y a longtemps déjà, connu, estimé et affectionné de profonde amitié. Sa vie est solitaire, car seule la solitude permet un travail véritable lentement mûri, médité et procréé dans le silence, ce maître accoucheur des cerveaux en gésine."

Octave Uzanne écrit :

"Ses cartons de vitraux sont en nombre déjà fort remarquable [...] Ses vitraux, par exemple, dont plus de cinquante ont été exécutés sous sa direction avec des choix de verres irrisés et frissonnants, d'importation américaine, portent tous l'empreinte de son style respectueux du passé, mais exclusivement préoccupé de modernisme ; il est difficile d'imaginer plus belles verrières que celles qu'il a fait dresser, et c'est à hurler de douleur quand on pense que nos plus merveilleuses cathédrales françaises sont déshonorées par des vitraux d'un dessin honteux et d'une coloration qui donne le mal de mer, alors qu'un si excellent artiste est là qui permettrait de ne plus profaner les fenêtres ogivales par d'aussi carnavalesques chromos de pacotille."

On peut supposer à la lecture du billet ci-dessous qu'Octave Uzanne a fait appel aux services d'Eugène Grasset et du maître verrier Félix Gaudin pour quelque travail de décoration dans son appartement du Quai Voltaire.


Bertrand Hugonnard-Roche



* * *


Lettre de Eugène Grasset (*) à Octave Uzanne

65 Bd Arago Paris 25 juill[et] [18]90.

Mon cher Uzanne,

C'est entendu, je vous attendrai jeudi à 5h. et je préviendrai notre vitrailleur (**)
pour qu'il se trouve là, mais ne venez pas trop tard de façon à ce que nous
puissions le voir avant 6h.

A vous
Sincèrement


E. Grasset

(*) L'Art et l'Idée, Les Artistes originaux : Eugène Grasset, illustrateur, Architecte et Décorateur. Paris, A. Quantin, 1892, pp. 193-220. Lire également dans Quatorze sensations d'art signées Octave Uzanne, L'Exposition récapitulative d'Eugène Grasset aux artistes décorateurs, textes rassemblés par Bertrand Hugonnard-Roche. Alise-Sainte-Reine, 2014. pp. 43-52 (publié pour la première fois dans la revue Art et Décoration, juillet-décembre 1906, pp. 173-186).

(**) Eugène Grasset, né à Lausanne le 25 mai 1845 et mort le 23 octobre 1917 à Sceaux, est un graveur, affichiste et décorateur et architecte français d'origine suisse, représentatif de l'Art nouveau. Né d'un père décorateur et sculpteur, Eugène Grasset étudie le dessin avec François Bocion, puis l'architecture au Polytechnicum de Zurich à partir de 1861. À la fin de ses études, en 1866, il visite l'Égypte, dont on retrouve l'inspiration dans ses œuvres ultérieures. Il est aussi un admirateur de l'art du Japon, qui influence nombre de ses œuvres à partir de 1871. En 1869 et 1870, il travaille comme peintre et sculpteur à la décoration du théâtre de Lausanne, puis s'installe à Paris en 1871 et fournit des modèles pour des fabriques de fournitures, de tapisseries, de céramiques et de joaillerie, où il acquiert vite une bonne réputation. Il découvre les travaux de Viollet-le-Duc qui exerce sur lui une grande influence. En 1880, il dessine le mobilier de Charles Gillot, conservé au musée des arts décoratifs de Paris, que l'ébéniste Fulgraff réalise sous la surveillance de Grasset. Il s'agit d'un buffet pour la salle à manger, en chêne et en noyer sculptés, orné d'animaux fantastiques et de personnages de l'art populaire, d'un lit (aujourd'hui disparu) ainsi qu'une cheminée monumentale. En 1905, il réalise, pour Madame Marcelle Seure, la fille de Charles Gillot, une salle à manger en noyer (une grande table, un buffet, six chaises, une desserte et deux consoles d'applique. À partir de 1877, il réalise des illustrations pour des ouvrages comme : Les Fêtes Chrétiennes - 1880 (pour l'Abbé Drioux), Les Quatre Fils Aymon - 1883, Le Petit Nab - 1883, La Plante et ses applications ornementales - 1896, Nouveau Larousse illustré - 1897, Le Procurateur de Judée - 1902 (éd. Édouard Pelletan), L'Almanach du Bibliophile pour l’année 1901 (Édouard Pelletan), Méthode de composition ornementale - 1905, (Librairie Centrale des Beaux-Arts), Larousse pour tous - 1910. Il crée aussi des tissus (La Marseillaise), des papiers peints, des mosaïques, des vitraux religieux et profanes, des lithographies et des affiches. Il dessine également des cartes postales et des timbres pour les Administrations française et suisse. Pour sa réouverture, Grasset dessine l'enseigne du nouveau cabaret du Chat Noir, la silhouette d'un chat sur un soleil d'or se prélassant entre deux colossales lanternes de fer forgé, tandis qu'à l’intérieur il dessine la cheminée et des lustres. Il dessine des cartons pour des vitraux : l'Église Saint-Étienne de Briare, La vie de Saint Joseph dans l'Église de la Sainte Madeleine à Troyes en 1894, Le Saint Hubert à Lyon Saint Michel - Jeanne d'Arc - La Musique - Le Printemps - L'Automne à Châlons Cathédrale d'Orléans (non réalisés). Pour la réalisation de ces vitraux, il collabore avec son ami Félix Gaudin à partir de 1887 et jusqu'à sa mort. Par ailleurs, Félix va organiser en mars 1918 en quatre ventes à l'Hôtel Drouot, la dispersion du fonds d'atelier Grasset. Parmi les toiles exécutées : Au Jardin, Pauvre quartier, La Seine à l'Institut. En 1890, il crée le logotype de la Semeuse soufflant une fleur de pissenlit pour le dictionnaire Larousse, qui figure sur la plupart des ouvrages des éditions Larousse de 1890 à 1952 environ et reparaîtra dans les années 1970. En 1894, il crée la mosaïque La Mosaïste en émaux de Briare, conservée au musée de la mosaïque et des émaux de Briare. Par ailleurs, la quasi-totalité des sols de l'Église Saint-Étienne de Briare sont des mosaïques réalisées sur des cartons de Grasset en 1895, de nombreuses mosaïques ornent les différentes façades extérieures de l'édifice, mosaïques fournies par Jean-Félix Bapterosses et exécutées par les ouvriers de la Manufacture de Briare. Devenu mondialement célèbre, il est contacté par plusieurs publications américaines. En 1892, il fait la couverture du numéro de Noël du Harper's Magazine et en 1894, il crée la publicité The Wooly Horse pour The Century Magazine. Il est l'un des initiateurs de l'Art nouveau aux États-Unis. En 1898, pour la Fonderie G. Peignot et Fils, il crée le caractère d'imprimerie Grasset, qui est présenté lors de l'Exposition universelle de 1900 à Paris et utilisé sur ses affiches et posters. Il obtient la nationalité française en 1891, est nommé chevalier en 1895, puis officier de la Légion d'honneur en 1911. Il est membre et/ou collaborateur de plusieurs revues : Art & Décoration, L'Estampe et L'Affiche, Les maîtres de l'affiche, Ver Sacrum (un parmi les 49 membres d'en dehors d'Autriche) Il est cofondateur avec Hector Guimard de la Société des artistes décorateurs. Avec René Lalique, il cofonde la Société de l'art décoratif français. Avec Henri Cazalis, (Jean Caselli / Jean Lahor) , René Lalique, Émile Gallé, Alphonse Mucha et Victor Horta, il cofonde la Société internationale de l'art populaire. Membre de la Société nationale des beaux-arts, il est élu membre permanent du jury de l'Union centrale des arts décoratifs. Son début en tant qu'enseignant fut à l’École de la rue Thévenot (Syndicat des ouvriers bijoutiers) entre 1875 et 1877 avec un cours de principes généraux de décoration, suivi des cours éparses dans l'atelier de vitraux de son ami, Félix Gaudin. Il reprend cette activité avec un cours de dessin d'art industriel et composition décorative à l'École Guérin de la rue Vavin de 1890 à 1903. Puis il enseigne à l'École d’Art graphique de la rue Madame de 1903 à 1904, et enchaîne avec des cours à l'Académie de la Grande Chaumière de 1904 à 1913. Ensuite, il donne un cours d'histoire et de dessin de la lettre à l'École Estienne jusqu'à sa mort. (source : Wikipédia).

(***) Il pourrai s'agir de Félix Gaudin (1851-1930), artisan verrier "vitrailleur".



Coll. B. H.-R., acquisition juin 2015
auprès de la Librairie Trois Plumes
(Benoît Galland Libraire)

mardi 9 juin 2015

Une lettre autographe d'Oscar Méténier à Joseph Uzanne (28 août 1911).


Oscar Méténier (1859-1913)
Lettre autographe d'Oscar Méténier (*) à Joseph Uzanne (**)

28 août 1911

Mon cher Uzanne

L'apparition de la série des Figures contemporaines qui a été distribuée hier m'a rempli de confusion.
Lors de notre dernière entrevue, - elle est lointaine car elle remonte à plusieurs années - vous avez eu l'amabilité d'insister gentiment pour obtenir de moi ma photographie et la pensée obligatoire. Je fus très flatté de votre demande à laquelle je promis de faire suite le plus tôt possible. Dès le lendemain pour m'encourager vous faisiez parvenir chez moi deux tomes reliés de l'Album Mariani et des figures en bonne place dans ma bibliothèque, tomes 9 et 10.
Le hasard voulant que deux jours plus tard, voulant vous adresser mon envoi, je ne trouvai sous ma main aucune photographie convenable et digne de figurer dans l'album Mariani.
J'ai ajourné l'expédition.
Que se passa-t-il ensuite, je l'ignore !
Toujours est-il, que, ne vous ayant pas rencontré depuis, au milieu de cette agitation de la vie, ma promesse sortit entièrement de ma mémoire.
Il a fallu le fascicule d'hier pour me la rappeler.
J'essaye de racheter mon impolitesse en vous expédiant sans encore retard ma tête et la pensée qui l'accompagne.
Je pense qu'il n'est pas trop tard.
Pardonnez-moi, acceptez mes excuses
Croyez à la vive amitié de votre encore camarade.

Oscar Méténier

[suit le texte qui devait figurer dans l'album Mariani]

Je ne bois pas d'alcool
Je jouis d'une santé
florissante que je veux conserver.
Aussi, tous les jours, je prends
le plus fortifiant et le plus agréable
des apéritifs : - Du Vin Mariani !

Oscar Méténier

(*) Fils d'un commissaire de police, Oscar Méténier entre d'abord dans la police comme secrétaire du commissariat de la Tour Saint-Jacques, où il observe les mœurs des bas-fonds de Paris, pour lesquels il a un intérêt presque scientifique. « Sanglé dans un harnais, écrit Laurent Tailhade, il gardait je ne sais quoi de fringant et d'avantageux qui décelait en sa personne l'irrésistible sous-officier [...] Un jeune homme sans jeunesse, le poil brun, les yeux du même, inexpressifs etronds. Sa peau huileuse avec le teint noir jaune des hépatiques, des dents superbes qu'il ne soignait guère, une moustache soldatesque et pommadée. » Suiveur de Zola, il écrit des nouvelles naturalistes généralement graveleuses et des articles en argot dans Le Chat noir. Il se fait une réputation avec des pièces naturalistes qui mettent en scène des vagabonds, des apaches, des prostituées s'exprimant dans le langage de la rue. En 1896, Mademoiselle Fifi, qui est temporairement interdite par la police, montre pour la première fois une prostituée sur scène. L'année suivante, Lui ! réunit une prostituée et un meurtrier dans une chambre d'hôtel. En 1897, Oscar Méténier achète un théâtre dans le 9e arrondissement de Paris, au bout de la cité Chaptal, afin d'y jouer ses pièces. C'est le Théâtre du Grand-Guignol, l'un des plus originaux de Paris, qu'il dirige jusqu'en 1898. Liste de ses oeuvres : Théâtre : En famille, comédie en 1 acte, en prose, Paris, Théâtre-Libre, 30 mai 1887 ; La Casserole, drame en 1 acte, en prose, Paris, Théâtre-Libre, 31 mai 1889 ; Les Frères Zemganno, pièce en 3 actes en prose, d'après Edmond et Jules de Goncourt, avec Paul Alexis, Paris, Théâtre-Libre, 25 février 1890 ; Monsieur Betsy, comédie en 4 actes, en prose, avec Paul Alexis, Paris, Théâtre des Variétés, 3 mars 1890 ; La Confrontation, scène dramatique, Paris, Théâtre de la Scala, 21 décembre 1891 ; La bonne à tout faire, comédie en 4 actes en prose, avec Jean-Louis Dubut de Laforest, Paris, Théâtre des Variétés, 20 février 1892 ; Rabelais, pièce en 4 actes et 5 tableaux, avec Jean-Louis Dubut de Laforest, Paris, Nouveau Théâtre, 25 octobre 1892 ; Charles Demailly, pièce en 4 actes en prose, d'après Edmond et Jules de Goncourt, avec Paul Alexis, Paris, Théâtre du Gymnase, 19 décembre 1892 (Compte-rendus par Willy et Edmond de Goncourt) ; Très Russe, pièce en 3 actes, avec Jean Lorrain, Paris, Théâtre d'Application (La Bodinière), 3 mai 1893 ; Mademoiselle Fifi, drame, d'après Guy de Maupassant, Paris, Théâtre-Libre, 10 février 1896 ; La Brême, mœurs populaires, drame, Paris, Théâtre du Grand-Guignol, 13 avril 1897 ; Le Loupiot, tableau de mœurs populaires, en 2 scènes, Paris, Théâtre du Grand-Guignol, 13 avril 1897 ;  Lui !, drame en 1 acte, Paris, Théâtre du Grand-Guignol, 11 novembre 1897 ; La Revanche de Dupont l'Anguille, drame en 3 tableaux, Paris, Théâtre du Grand-Guignol, 1898 ; Son poteau, drame, avec Raoul Ralph, Paris, Théâtre du Grand-Guignol, 10 avril 1901 ; Boule de suif, comédie en 3 actes et 4 tableaux, d'après Guy de Maupassant, Paris, Théâtre Antoine, 6 mai 1902 ; Casque d'Or, drame, avec Fabrice Delphi, Paris, Théâtre Robinière, 16 mars 1902 ; Notre-Dame de la Butte, mœurs montmartroises, drame, avec Fabrice Delphi, 1907 ; Madame ma sœur, pièce en 1 acte, 1910 ; La Moukère, drame en 1 acte, avec René Mélinette, 1910 ;  Royal-cambouis, pièce militaire en 1 acte, Paris, Scala, 1910. Romans, nouvelles, essais : La Chair (1885) ; La Grâce (1886) ; Madame Berwick (1888) ; Outre-Rhin (1888) ; Mynha-Maria (1889) ; Autour de la caserne, nouvelles (1890) ; Madame la Boule (1890) ; Le mari de Berthe (1890) ; Le Gorille, roman parisien (1891) ; La Lutte pour l'amour, études d'argot (1891) ; Les Voyous au théâtre (1891) ; Zézette, mœurs foraines, roman (1891) ; Les Cabots (1892) ; Le Policier, roman Barbe-Bleue (1893) ; Le Beau monde (1893) ; Le Chansonnier populaire Aristide Bruant (1893) ; La Nymphomane, mœurs parisiennes (1893) ; Demi-castors (mœurs parisiennes) (1894) ; La Grâce. Décadence. Nostalgie (1894) ; La Vie de campagne. Marcelle (1894) ; Le 40e d'artillerie. Les bêtes. Les hommes. La croix, nouvelles (1895) ; L'Amour vaincu. Bohème galante, bohème bourgeoise, nouvelles (1896) ; L'amour qui tue (1898) ; Reines de cœur, mœurs d'Outre-Rhin (1900-1910) ; Les Berlinois chez eux, vertus et vices allemands (1904) ; Une gamine vicieuse (1905) ; Le jeune télégraphiste (1905) ; Tartufes et satyres, grand roman dramatique inédit (1905) qui se veut "une véritable encyclopédie des passions humaines" (!) et doit comprendre : 1) Le marché aux vierges, 2) Le miroir à gigolettes, 3) Berlingot-la-Vache, 4) Les satyres en famille, 5) Les tricheuses de l'amour, 6) La môme claque-dents, 7) Le charcutier parfumé, etc. ; Les Amoureux de Mira, roman parisien (1907) ; Nina Sartorelle : mœurs parisiennes (1907) ; Les Baronnes de Roche-Noire (1908) ; Reine de cœur (1908) ; Notre-Dame de la Butte (1908) ; La dernière aventure du Prince Curaçao (1910) ; Les méprises du cœur (1910) ; Soldes de contes (1911) ; Le grand chéri (1911) (source ; Wikipédia).

(**) Joseph Uzanne (1850-1937), alors directeur des Figures contemporaines ou Album Mariani. Nous n'avons pas retrouvé d'une notice sur Oscar Méténier dans les Figures contemporaines parues après 1911 (1914-1925). Il semble donc qu'il s'agit bien là d'un acte manquéde la part d'Oscar Méténier qui meurt en février 1913. (Lettre coll. Bertrand Hugonnard).


Coll. B. H.-R. (détail)

lundi 8 juin 2015

Une intéressante lettre autographe d'Octave Uzanne à Francis Magnard (3 mai 1891). "[...] je suis étonné, moi, l'être indépendant par excellence, de m'être créé tout un fonctionnarisme, des rouages desquels je suis aujourd'hui victime [...]."

 

Coll. Bibliothèque de l'Arsenal, Paris

Papier à en-tête d'Octave Uzanne - Vue depuis la terrasse du 17, Quai Voltaire
son appartement situé au dernier étage de l'immeuble.


      Nous devons à l'obligeance des services de la bibliothèque de l'Arsenal (Paris) la communication de cette intéressante lettre autographe d'Octave Uzanne à Francis Magnard, Directeur du Figaro, aussi membre des Bibliophiles contemporains (Académie des Beaux Livres) depuis la fondation fin 1889 de cette société par Octave Uzanne.
      Francis Magnard (1837-1894) figure dans la liste des membres à l'adresse : 27, Boulevard de Montmorency, Paris. Il ne figure plus dans la liste des membres répertoriés dans l'annuaire pour le deuxième exercice 1891-1892. Sa démission des Bibliophiles contemporains a donc bien été enregistrée à la date du courrier. Le motif de cette démission reste vague.
      Si vous aviez encore un doute sur le trempé du caractère d'Octave Uzanne, vous voici rassurés.

* * *
* *
*

Paris, le 3 mai 1891 (*)

Mon cher Magnard,

Je comprends fort bien le mouvement qui vous a porté à m'écrire votre lettre, et je vous assure bien sincèrement que je ne saurais un instant vous en tenir le moins du monde rigueur, d'autant, qu'à votre place, il est probable que, les gens de banque me mettant l'échéance sous la gorge, j'eusse agi avec la même désinvolture que vous.
Mais, voilà, j'ai fondé une société et je me trouve flanqué d'un comité qui marche constitutionnellement, le trésorier agit en gendarme et je suis étonné, moi, l'être indépendant par excellence, de m'être créé tout un fonctionnarisme, des rouages desquels je suis aujourd'hui victime, en vertu de statuts existants - Oh ! la vie !! mais, je tiens à vous dire ceci, c'est qu'au fond, je suis et demeure un franc sceptique, au dessus des contrats de sociétés et académies privées, et je m'amuse de mon rôle présidentiel, comme d'une charge à la Monnier dont la force des choses m'a personnellement caricaturalisé.
C'est vous dire, de vous à moi, que j'accepte votre démission sans humeur et que je reste comme devant au dessus de tous ces Bibliophiliana,

Bien cordialement à vous de sympathie, 

Octave Uzanne

(*) Cette lettre est la propriété de la Bibliothèque de l'Arsenal à Paris. Nous avons obtenu l'autorisation de la publier sur ce site. Toute diffusion sur un autre support doit faire l'objet d'une demande auprès des services de cette bibliothèque.

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