vendredi 31 octobre 2014

Acte de décès de Louis Octave Uzanne. Mort célibataire dans son appartement de Saint-Cloud le samedi 31 octobre 1931.



Nous sommes le vendredi 31 octobre 2014. Octave Uzanne est mort le 31 octobre 1931 qui était un samedi. C'était il y a tout juste 83 ans. Voici la retranscription intégrale de l'acte de décès de Louis Octave Uzanne telle qu'on peut la lire sur les registres de l'état civil à la mairie de Saint-Cloud. Fidèle à son esprit caustique, mordant et souvent sarcastique, Octave Uzanne aurait sans doute aimé qu'on dise pour lui ce jour là : « Vilaine veille de Toussaint ne présage rien de bien. ». Je me permets d'y penser pour lui ... 83 ans plus tard. Octave Uzanne aspirait au repos éternel depuis déjà plusieurs mois. Il écrivait à son ami Georges Maurevert le 7 avril de cette dernière année : J'arrive au terme de mon transit, et je n'en suis pas fâché. Je n'ai plus rien à faire ni à dire qui m'exalte le moins du monde, la société actuelle m'est aussi étrangère que celle des Mèdes ou des Perses et j'ai vraiment envie de mourir tout comme on dit : « Je tombe de sommeil ». Il dort depuis.


Acte n°302. Folio 153. Uzanne Louis Octave [décès].

Le trente un octobre mil neuf cent trente un, dix heures, est décédé en son domicile 62 Boulevard de Versailles, Louis Octave Uzanne, Homme de Lettres, né à Auxerre (Yonne) le quatorze septembre mil hui cent cinquante un, fils de Charles Auguste Homère Uzanne et de Laurence Octavie Chaulmet époux décédés ; Célibataire. - Dressé le deux novembre mil neuf cent trente un, dix heures quarante cinq, sur la déclaration de Albert Guéret, employé, cinquante-sept ans, domicilié 15 rue de l'Eglise en cette ville, qui, lecture faite, a signé avec nous, Jules Emile Bourguignon, Adjoint au Maire de Saint-Cloud, officier de l'Etat-Civil par délégation. - Signé L'Adjoint délégué, Bourguignon. Signé Guéret.

Acte copié conforme par Bertrand Hugonnard-Roche

mercredi 29 octobre 2014

Adjugé aujourd'hui 14.375 euros : Un exemplaire remarquables des Contes pour les Bibliophiles d'Octave Uzanne et Albert Robida. Très nombreux dessins originaux. 1 des 30 ex. de luxe sur Japon.



Photo Binoche et Giquello SVV


Lot n° 90 UZANNE (Octave) et Albert ROBIDA Contes pour les bibliophiles. Paris, Ancienne maison Quantin, Librairiesimprimeries réunies, May et Motteroz, 1895. In-4, maroquin vert bronze, jeu de doubles filets dorés, de filets à froid et d'un listel de maroquin rouge en encadrement, dos orné de même, six filets dorés intérieures, tranches dorées, non rogné, couverture et dos (G. Mercier Sr de son père - 1921). Édition originale. L'illustration contient plusieurs compositions en noir dans le texte et 17 figures gravées à l'eau-forte ou reproduites hors texte. UN DES 30 EXEMPLAIRES SUR JAPON DE LUXE, enrichi d'un état avant la lettre sur japon des 17 figures et d'un état supplémentaire sur vélin d'Arches pour 2 d'entre elles. Bel exemplaire, parfaitement relié par Mercier, auquel on a ajouté: - une MAGNIFIQUE AQUARELLE de Robida sur le faux-titre, représentant une jeune fille dans son lit écoutant et regardant un film projeté sur un mur (par le biais d'un téléphonoscope, vision robidienne de la télévision). - 36 DESSINS ORIGINAUX À LA PLUME, certains signés par l'artiste. - 28 DESSINS ORIGINAUX À LA PLUME SUR JAPON, montés sous passe-partout et conservés dans une boîte-étui reliée en demi-maroquin vert bronze par G. Mercier. - un GRAND DESSIN ORIGINAL À LA PLUME de Rougeron Vignerol, préparatoire pour le second plat et le dos de la couverture. De la bibliothèque Claude Rebeyrat, grand spécialiste de la caricature du XIXe siècle, avec son ex-libris. Dos passé.

Estimation : 4 000 / 5 000 €

Résultat : 11.500 euros au marteau. Soit 14.375 euros frais compris (25% de frais).

Il n'est pas précisé si l'exemplaire contient ou non la très rare planche des Fricatrices (érotique). On suppose que si elle avait été présente, cela aurait été signalé aux amateurs.


Bertrand Hugonnard-Roche



Photo Binoche et Giquello SVV


Binoche et Giquello
info@binocheetgiquello.com 
+33(0) 1 47 42 78 01
Vente aux enchères du mercredi 29 octobre 2014

mardi 28 octobre 2014

Qui était Augusta Laborde ? Envoi autographe d'Octave Uzanne" à Augusta Laborde, ces images illustrées d'un texte de son ami bien affectionné".




Envoi autographe d'Octave Uzanne à Augusta Laborde,
sur l'Ombrelle.

Coll. privée


Qui était Augusta Laborde ? Son portrait encore très flou se dessine progressivement.

Voici quelques notes de travail.

Ce que nous savons :

Augusta Laborde est la sœur de Marguerite Laborde connue sous son nom de plume d'Andrée Béarn. Marguerite Laborde est né à Oloron-Sainte-Marie en 1880. Elle publie des articles dans la presse dès 1903 semble-t-il puis quelques romans entre 1907 et 1911. Cette même année 1911 elle épouse le peintre Catalan Alexandre de Riquer y Remonlins. Marguerite part s'installer à Barcelone avec son époux. Ce dernier meurt à la fin de l'année 1920. Marguerite revient s'installer à Oloron auprès de ses deux soeurs : Marie, qui est sage-femme, Augusta, qui tient une boutique. Alexandre de Riquer a dessiné plusieurs ex libris pour Andrée Béarn et sa sœur Augusta.

Octave Uzanne offre un exemplaire de L'Ombrelle (publié en novembre 1882) avec cet envoi autographe : "à Augusta Laborde, ces images illustrées d'un texte de son ami bien affectionné Octave Uzanne". Cet envoi n'est pas daté.
La correspondante inédite des deux frères Uzanne (AD Auxerre) nous révèle quelques passages intéressants les sœurs Laborde. Octave Uzanne se rend à Oloron en 1908. Voici les passages concernés de cette correspondance :



Oloron-Sainte-Marie (vers 1910)

"Hier, je fus tout seul à Oloron, ville curieuse que je désirais connaître et visiter à fond – J’ai trouvé, à ces altitudes, plus basses de 3 à 350 mètres, une chaleur qui me fit regretter ma montagne où je suis rentré à 6 ½ pour boire et baigner. [...]" (11 juillet 1908, Eaux-Bonnes).

Un an plus tard, Octave Uzanne écrit à son frère :

"Je suis arrivé, mon chéri, hier, vendredi, vers 11 h à Eaux Bonnes où j’ai trouvé beau temps et toutes choses comme je les avais laissées l’an dernier, ma même chambre, ma petite table solitaire, les boutiquiers familiers, quelques habitués de l’hôtel etc et des serviteurs zélés et incomparables. Le soir vers 4 h, j’ai rencontré ma petite femme de lettres béarnaise, avec sa sœur, deux charmantes jeunes filles de 20 à 25 ans que j’ai promenées et invitées à déjeuner demain – ces deux aimables et intelligentes demoiselles d’Oloron sont venues spécialement pour me rencontrer ici et quitteront lundi le pays. [...]" (Samedi 7 août 1909, Grand Hôtel de France à Eaux-Bonnes).

Que conclure de ceci ? "ma petite femme de lettres béarnaise" s'adresse à Marie Laborde (Andrée Béarn) plutôt qu'à Augusta. En 1909, Marie Laborde n'est pas encore mariée à Alexandre de Riquer, peut-être même ne la fréquente-t-il pas encore ? En 1909 Marie Laborde a 29 ans tandis que qu'Octave Uzanne en a 58. Les deux soeurs Laborde viennent à Eaux-Bonnes depuis Oloron pour rencontrer Octave Uzanne qu'elles avaient rencontré l'année précédente.

Nous n'avons pas encore retrouvé l'acte de naissance d'Augusta Laborde. Nous la croyons la sœur cadette de Marguerite. Augusta est très probablement née entre 1882 et 1885.

Un texte publié par Elisée Trenc-Ballester et intitulé "Rapports d'Alexandre de Riquer avec l'art français, belge, allemand, autrichien et italien" (in Mélanges de la Casa de Velázquez, 1983, vol. 19, n°19, pp. 317-346) apporte quelques précisions intéressantes qu'il nous faudra cependant vérifier. "Veuf depuis 1899, il [Alexandre de Riquer] se remarie en 1911 avec Marguerite Laborde, en littérature Andrée Béarn, qui était d'Oloron-Sainte-Marie. Marguerite Laborde, dont la soeur Augusta était une amie intime du grand bibliophile français Octave Uzanne, se rendit à Barcelone en 1910 et connut, grâce à Uzanne, A. de Riquer. [...] de 1914 à 1919 A. de Riquer se sépara de sa femme, qui vécut dans sa famille à Oloron-Sainte-Marie. [...]" (p. 319)

Elisée Trenc-Ballester note également p. 324 de son article : "N'ayant retrouvé aucune lettre d'Octave Uzanne dans les archives de la famille Riquer, j'ignore tout des contacts et des rapports entre les deux bibliophiles. L'amitié qui les unit dut être assez tardive, certainement postérieure à 1910, la dédicace du livre d'Uzanne Son Altesse la Femme à A. de Riquer le précise textuellement : "A M. A. de Riquer, artiste sous tous aspects et formes, avec le regret de ne l'avoir plus tôt connu pour lui offrir ce livre que je trouve entre les mains d'esthète tout à fait éventuellement, en toute sympathie. Octave Uzanne." Uzanne se rendit certainement à Barcelone, puisqu'il figure dans la galerie des portraits au fusain de Ramon Casas (voir cet article sur www.octaveuzanne.com). Peut-être y alla-t-il en compagnie d'Augusta Laborde et de la soeur de celle-ci Marguerite en 1910. Les contacts entre les deux bibliophiles ne purent que s'intensifier après le mariage d'A. de Riquer avec Marguerite. L'artiste catalan possédait une grande partie des livres d'Octave Uzanne, que ce dernier lui avait offerts."

Il nous faut enfin encore citer une lettre d'Augusta Laborde adressée à Alexandre de Riquer le vendredi 1er octobre 1920 qui prouve qu'Octave Uzanne et Augusta étaient encore en contact régulier à cette date. Augusta Laborde revient de Paris (où elle a rencontré Octave Uzanne) "trop court voyage à Paris". De retour à Oloron elle écrit à son beau-frère pour lui dire ses contrariétés concernant un tableau de très grande taille qu'il lui a expédié et qu'elle récupère à la gare où elle doit alors payer plus de 200 francs de frais et taxes. Elle cite Octave Uzanne qui "me disait qu'il avait vu de très bonnes toiles à 50 francs, et même 30 francs." Octave Uzanne lui dit qu'avec vingt mille francs "on se ferait une superbe galerie de tableaux". (Appendice 2 à Rapports d'Alexandre de Riquer avec l'art français, belge, allemand, autrichien et italien).

La correspondance inédite des deux frères Uzanne indique (lettre du 20 août 1910) : "Septembre dans les Pyrénées." La correspondance dont nous disposons s'arrête malheureusement à cette date. Peut-être ce séjour dans les Pyrénées est-il celui qui permettra à Uzanne de rencontrer A. de Riquer à Barcelone ? Nous ne savons pas encore.

En conclusion.

Octave Uzanne s'est lié d'amitié avec les soeurs Laborde dès l'été 1908 lors d'un séjour à Oloron-Sainte-Marie. En 1909 il les côtoie sans doute plus intimement. Octave Uzanne est-il amoureux de l'une ou l'autre des soeurs Laborde ? Est-ce une amitié poussée ? Quoi qu'il en soit, Marguerite Laborde épouse A. de Riquer en 1911. Uzanne est toujours en rapport avec Augusta en octobre 1920.



Ex libris dessiné par A. de Riquer pour Augusta Laborde

Sedó, Lleida, Espagne

Lieu où a été retrouvé l'exemplaire
de l'Ombrelle avec l'envoi autographe
d'Octave Uzanne à Augusta Laborde
L'exemplaire de l'Ombrelle qui nous servit de point de départ à cette recherche est un simple volume resté broché, qui a été retrouvé dans une librairie de livres anciens en Espagne, à Sedó, à 100 kilomètres à l'ouest de Barcelone. L'ex libris par A. de Riquer pour Augusta Laborde était présent dans le volume mais a été perdu (on en voit encore la décharge sur le faux-titre (voir photo ci-dessus).

Cette enquête ne fait que commencer. Tout ou presque reste à découvrir des relations intimes entre Octave Uzanne, Augusta Laborde, Marguerite Laborde (Andrée Béarn) et le peintre décorateur Alexandre de Riquer. La commune d'Oloron-Sainte-Marie pourra, espérons-le, nous apporter de nouvelles informations. Un simple envoi autographe est le point de départ de beaucoup d'interrogations.

A suivre ...


Bertrand Hugonnard-Roche

lundi 27 octobre 2014

Envoi autographe d'Octave Uzanne à la comédienne Marguerite Moreno (1871-1948). "à Mlle Marguerite Moreno. En souvenir. Octave Uzanne." (1897-1898)



Envoi autographe d'Octave Uzanne
Coll. privée
Voici un envoi autographe d'Octave Uzanne à la comédienne Marguerite Moreno : "à Mlle Marguerite Moreno. En souvenir. Octave Uzanne." sur un exemplaire de "Les Modes de Paris, Variations du goût et de l'esthétique de la femme, 1797-1897. ". Volume in-4 richement illustré de 100 planches en couleurs par François Courboin, achevé d'imprimer le 8 octobre 1897, et portant la mention au crayon rouge "offert" de la main même d'Octave Uzanne. L'exemplaire initialement offert broché, a été relié ultérieurement en demi-basane, probablement vers 1930 ou 1940 (la reliure est sans intérêt).
Cet envoi par Octave Uzanne est l'occasion de remettre en lumière les débuts de la carrière de cette comédienne connue pour avoir été la muse des poètes symbolistes pendant les années 1890 à 1900. Octave Uzanne se souvient d'elle à la fin de cette année 1897 ... elle a tout juste 26 ans. Maîtresse de Catulle-Mendès, elle épousera Marcel Schwob le 12 septembre 1900 alors en Angleterre. Marcel Schwob (qui est à cette même époque en relation avec Octave Uzanne) meurt à l'âge de 37 ans en 1905. Elle épouse l'acteur Jean Daragon en 1908. Elle participera à l'épopée du cinéma muet puis parlant. Elle meurt le 14 juillet 1948 à l'âge de 77 ans. Octave Uzanne et son frère Joseph, alors Directeur des Albums Mariani, furent sans doute assez proche d'elle à cette époque (entre 1894 et 1897, et peut-être sans doute encore après). Cet envoi autographe d'Octave Uzanne à Marguerite Moreno est le premier que nous publions de cette sorte : c'est le premier envoi autographe d'Octave Uzanne à une femme dont nous avons fait l'acquisition cette année.


Bertrand Hugonnard-Roche




MADEMOISELLE MORENO (*)


Marguerite Moreno en 1895 (24 ans)
Album Mariani
A l'heure actuelle une biographie de Mlle MORENO ne peut être qu'un mémento, une suite de notes pour demain. Quand la jeune artiste sera une des gloires de notre théâtre (il ne faut pas être bien profond devin pour parler de la sorte) on ne sera pas fâché de trouver dans un des bons coins de notre Album un petit croquis de jeunesse, couleur d'aube, fleuri d'espoirs. Espoir n'est pas le mot propre, car déjà il y a mieux que des promesses : de belles et claires réalisations.
Avez-vous assisté à une représentation du Voile, de Rodenbach, à la Comédie-Française ? Une telle soirée est indispensable à qui veut juger Mlle MORENO. Bien plus, cette unique audition suffit comme base à une opinion. L'artiste s'y affirme en pleine possession de son talent, fait de douceur, de profonde intelligence, de charme très pénétrant. Quels que soient ses succès à venir, elle restera toujours Soeur Gudule, la très délicieuse et la très troublante béguine, dont la robe sombre était comme illuminée par le visage au pur profil de médaille et par ces longues mains comme les géniaux primitifs en donnaient aux madones en prières. Ah ! les beaux gestes lents de ces mains qui semblaient planer doucement déjà loin de la terre ! Ah ! cette démarche de cloîtrée silencieuse, glissant vers le silence absolu ! Et combien femme cependant encore, avec sa gerbe de chrysanthèmes dans les bras ! Mais il faut être à la fois critique et poète pour parler congrûment d'une telle personne. Nous allons donc laisser la parole à Catulle Mendès, - personne ne s'en plaindra. La page qu'il lui a consacrée dit fort justement et en termes précieux toute la carrière de la jolie comédienne. Nous ne bifferons même pas les passages désagréables, car ils sont le garant de la loyauté du critique. "Un sort un peu bizarre, celui de cette toute jeune artiste. Après de prodigieux succès au Conservatoire, elle débute à la Comédie-Française, sans aucun éclat. Certes, on ne peut méconnaître ses adorables dons naturels, l'art inné des délicates attitudes, la singularité frêle du geste, souvenirs d'anciens tableaux, et sa voix, l'une des plus douces, avec des notes graves, l'une des plus nettes, avec des langueurs tendres, l'une des plus dociles au rythme poétique qu'il soit possible d'entendre. Mais, bien que le rôle de la Reine de Ruy-Blas semblât fait comme tout exprès pour elle, elle y fut à peu près médiocre et mérita son insuccès. Trouble des premières soirées devant le grand public ? Nombre insuffisant des répétitions ? Bousculade de bons conseils, trop peu souvent donnés pour qu'ils produisent leurs effets, assez insistants pour empêcher de se manifester la personnalité nouvelle de l'artiste ? Je ne sais. Un four. Les espérances se détournèrent de Mlle MORENO. Peut-être elle-même espérait-elle plus. Et beaucoup de mois se passèrent inutiles. On ne savait même plus si elle était encore à la Comédie-Française. Un poète la voulut pour sa Bertrade, dans Grisélidis. Pas plus d'une centaine de vers, je pense. De chaque vers elle fit un chant. On la trouva tout à coup telle qu'on l'avait espérée. Puis elle joua la Junie de Britannicus. Elle y fut toute la pudeur, toute la grâce émue et tout le frissonnant effarement de l'amour virginal ! Elle eut l'honneur de doubler, dans Grisélidis, l'incomparable Bartet. Elle se montra digne de la confiance qu'on avait eue en elle. Un grand bonheur lui advint. Grâce à la volonté persistante de M. Georges Rodenbach, le rôle de la Soeur Gudule, dans le Voile, lui fut maintenu ; et voici qu'elle fut tout à fait elle-même. On se souvient de cet unanime succès. Quiconque n'a pas entendu Mlle MORENO dire, d'une voix si lointaine, les vers exquis du poète du silence et ne l'a pas vue bercer mélancoliquement, comme un petit enfant parfumé, le bouquet de jeunes fleurs qu'elle n'a pas, pure nonne, le droit de trop étreindre, ne sait pas ce qu'une comédienne peut mettre d'enchantement dans la mélodie du vers et d'infinie pureté dans la résignation du geste. Mais, quoi ! cette jeune femme, qui voisinait volontiers avec les poètes, - on peut avoir de plus mauvaises connaissances, - avait appris d'eux, peut-être, l'air de sa chanson tendre ? On l'attendait dans quelque prose moderne, dans un rôle pratique pour ainsi dire. Grâce à l'intérêt que M. Jules Clarétie n'a jamais cessé de lui témoigner, elle obtint le rôle de Lucy Watson, dans le Monde où l'on s'ennuie. Elle n'eut pas la prétention d'y faire oublier sa parfaite devancière (Mlle Emilie Broisat), mais elle y fut amusante, subtile, et, chose imprévue, adroite. Peste ! cela commençait à compter ! Et ce soir (il s'agit de la représentation d'adieu de Mlle Broisat, et Mlle MORENO y dit un poème de Victor Hugo), Mlle MORENO a si mélodiquement chanté, et si ardemment aussi, les vers sacrés du Maître des Maîtres, que vraiment, cela comptait tout à fait. Voici que cette jeune artiste, de qui on espéra tant, de qui on espéra moins, justifie, définitivement, nos premières espérances."
Qu'ajouter à cette belle et complète analyse de la carrière de Mlle MORENO, de 1891 à 1895, sinon qu'elle est une des muses que les jeunes poètes rêvent pour interprètes ? De taille moyenne, mince mais pas maigre, de cette sveltesse pleine de secrets charmants que recèlent les robes droites des cloîtrées, les plus beaux cheveux roux qu'on puisse imaginer, des mains qui sont des poèmes, des yeux de caresses, des lèvres spirituelles, et, derrière le front très pur, des idées et pas des communes ... Voilà Mlle MORENO telle qu'elle est aujourd'hui, à peine embarquée pour la gloire et pour notre jouissance. Que souffle le bon vent et il y aura de belles heures à passer à la Comédie, les soirs de poésie.

[Joseph UZANNE]

Mlle MORENO (Marguerite MONCEAU, dite), née à Paris le 13 septembre 1871, d'une mère espagnole et d'un père très voisin aussi des Pyrénées. Deuxième prix de tragédie et de comédie en 1889 ; premier prix de comédie et premier prix de tragédie en 1890 au Conservatoire (classe de M. Worms). Débute à la Comédie-Française le 26 septembre 1890, dans la Reine de Ruy-Blas. Voici, pour les curieux qui aiment l'exactitude, quelques dates, jours où Mlle MORENO prit pour la première fois les rôles qu'elle garde aujourd'hui : 15 mai 1891, Bertrade de Grisélidis (création), le 15 juillet suivant joue le rôle de Grisélidis après Bartet. - 22 août, Dona Sol d'Hernani. - 27 avril 1892, Bianca de Par le Glaive. - 28 avril, Zacharie d'Athalie. - 7 juillet, Orsola de Par le Glaive. - 16 août 1893, Junie de Britannicus, où elle est exquise. - 26 août, Armande, des Femmes savantes. - 21 décembre, Phénice, de Bérénice. - 21 mai 1894, Soeur Gudule du Voile (création). - Joue encore Julie d'Horace, et a succédé à Mlle Emilie Broisat dans le rôle de l'Anglaise du Monde où l'on s'ennuie.

[Joseph UZANNE]

La notice de l'Album Mariani est illustrée d'un portrait de Marguerite MORENO gravé par Adolphe Lalauze (profil tourné vers la droite). Ce portrait est accompagné de l'autographe suivant de la comédienne : "On a dit tant de belles choses sur le vin de Coca Mariani qu'il ne me reste rien à trouver. Je me bornerai à joindre ma voix à ce concert d'éloges. M. Moreno"

(*) Cette notice a été publiée dans le deuxième Album Mariani (Paris, H. Floury, 1896). Bien que non signées, les notices des Album Mariani sont de Joseph Uzanne (1850-1937), frère cadet d'Octave. Nous savons, par la correspondance inédite sur laquelle nous travaillons actuellement, qu'Octave Uzanne a parfois aidé son frère dans la rédaction de ces biographies (c'est peut-être le cas ici). Armand Silvestre, le préfacier de cet album, est, lui aussi, tombé sous la charme de la jeune comédienne. Hiératique, avec un profil de Boticelli, écrit-il, le nez long et droit qui dit la race, les yeux vifs et le sourire énigmatique où se devinent la sensibilité et l'esprit, voici Mlle MORENO : et j'entends, rien qu'à la regarder, comme on respire une fleur même avant de l'avoir vue, les vers tomber de ses lèvres en belles perles sonores, comme d'une rose qui secoue des gouttes de rosée ; car elle a la seule voix qu'on puisse comparer à celle de Sarah Bernhardt et elle est, déjà, à la Comédie-Française, la glorieuse interprète des poètes. Nul de l'a oubliée ni dans Grisélidis, ni dans le Voile. Ceux qui ont l'honneur d'avoir causé souvent avec elle savent combien son esprit est délicieusement imprévu et primesautier.

samedi 25 octobre 2014

Résultat de vente publique. Exemplaire remarquable. Lot 142. UZANNE (Octave). La femme à Paris. Nos contemporaines. Notes successives sur les Parisiennes de ce temps dans leurs divers milieux, états et conditions. Illustrations de Pierre Vidal. Eaux-fortes hors-texte par Frédéric Massé. Paris, Quantin, novembre 1893. Photographies, Livres Anciens Précieux et Curieux, Médecine dont la collection d’un cardiologue le 21 Octobre 2014 à 14h. KAPANDJI MORHANGE, PARIS.



Photographie KAPANDJI - MORHANGE

Lot 142. UZANNE (Octave). La femme à Paris. Nos contemporaines. Notes successives sur les Parisiennes de ce temps dans leurs divers milieux, états et conditions. Illustrations de Pierre Vidal. Eaux-fortes hors-texte par Frédéric Massé. Paris, Quantin, novembre 1893 [couverture datée 1894]. Grand in-8, [2] f., VI-328 p., [4] f., 20 eaux-fortes hors-texte en double état (1 aquarellé, 1 avant la lettre avec remarques), 29 planches de dessins originaux ajoutés, très nombreuses vignettes dans le texte dont une grand nombre aquarellé, reliure début XXe s., demi-maroquin gris à coins, dos lisse, auteur, titre et date dorés, décor mosaïqué avec roses, fleurettes et petit éventail central, filet doré aux plats, tête dorée, couverture et dos illustrés en couleurs par Rudnicki conservées [reliure signée de Champs-Stroobants S.r], étui marbré (dos lég. bruni, infimes frottements). Edition originale de ce panorama de la gent féminine parisienne, dans le goût du temps. Un des 110 exemplaires numérotés sur Japon, seul grand papier (n° V), comprenant les 20 eaux-fortes en double état. Très bel exemplaire dans sa reliure soignée signée de Champs-Stroobants. Il est enrichi de 29 planches de dessins originaux de Pierre Vidal, à pleine page, à l'encre, quelques-uns légèrement rehaussés au crayon ; ces dessins, à l'exception d'un seul (en regard de la page 29) ont été réduits et employés pour des vignettes. Deux d'entre eux sont sur papier fort (en regard des p. 42 et 307). Etiquette ex-libris monogrammée OVA.

Estimation : 500 € / 700 €. Adjugé 1.100 euros + 25% frais. (1.375 euros)

Photographies, Livres Anciens Précieux et Curieux, Médecine dont la collection d’un cardiologue le 21 Octobre 2014 à 14h. KAPANDJI MORHANGE, PARIS.



Photographie KAPANDJI - MORHANGE

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