jeudi 30 août 2012

Belle carte de vœux réalisée à l'eau-forte par Albert Robida pour Octave Uzanne à l'occasion de la nouvelle année 1893.


collection Bertrand Hugonnard-Roche (acquisition 2011)


Belle carte de vœux réalisée à l'eau-forte par Albert Robida pour Octave Uzanne à l'occasion de la nouvelle année 1893. Cette carte, restée vierge, est peut-être un essai ? un modèle non retenu par Uzanne ? Ou une carte restée oubliée dans un des tiroirs de son bureau du 17 quai Voltaire à Paris ? Qui sait ? Quoi qu'il en soit elle est restée vierge de toute écriture. Elle mesure 132 x 110 mm (cuvette). Je vous laisse juger, et de la qualité du dessin, de la gravure, du thème, de l'inspiration sans doute insufflée par Uzanne lui-même, à moins qu'il n'ait laissé carte blanche à son ami et complice Albert Robida.

Bertrand Hugonnard-Roche

mardi 28 août 2012

Epître dédicatoire à Albert Robida par Octave Uzanne (Contes pour les Bibliophiles, 1895)


a albert robida
maistre imaigier
en epistre dédicatoire[1]

                Ce m’est un plaisir, - je pourrais et devrais même dire un devoir, - mon cher compagnon de plume et de crayon, d’inscrire votre nom sonore, ami de tous ceux qui aiment encore, en ce temps refroidi, la fantaisie et l’imagination agissantes, en tête de cet ouvrage dont vous êtes, sinon le père absolu, du moins le véritable metteur en scène et l’inépuisable illustrateur[2].
                Sans l’appui de votre admirable faculté de travailleur, réalisant prestement toute idée émise, avant même qu’elle ne soit évaporée en rêve indécis, sans le concours de votre génie d’assimilation apte à vibrer à tous les sons de cloche de la pensée et sous l’impression de tous les paradoxes développés au cours d’une conversation littéraire, il est presque certain que ces divers Contes pour les Bibliophiles se seraient envolés en vaines paroles, dans la fumée des cigarettes dont les spirales bleuâtres semblent, parfois, soutenir et envoiler la vague chevauchée des projets enjôleurs qui nous hantent au passage.

                Ce fut il y a cinq ans, il vous en souvient, au cours de la dixième année d’existence de cette lourde revue Le Livre[3], dont vous étiez devenu sur le tard un précieux collaborateur, que nous échangeâmes, en une heure de répit, certains propos de Bibliofolie amusante groupés en une incohérence voulue, nous plaisant à échafauder un Recueil de Contes de tous les temps et de tous les pays, dont les thèmes nous mettaient en chasse d’étrangetés, et nous étions là, sondant le passé, scrutant l’avenir, dressant déjà une table des chapitres, émerveillés nous-mêmes de notre ingéniosité, comme sont très souvent deux partners sympathiques dont les cerveaux délibérés ou présomptueux se passionnent à l’unisson, s’excitent, s’emballent et arrivent – sans préméditation aucune – à tisser le canevas précieux de quelqu’une de ces productions spontanées qui seraient légères et séduisantes si la température intellectuelle du lendemain ne les assassinait pas en refroidissant le germe dans l’œuf.
                Je l’avoue, je n’y pensais plus guère, à ces mirifiques récits que nous avions élaborés de concert certaine après-dînée de printemps, en une journée soleillée ; d’autres travaux m’avaient reconquis la pensée et, parmi les feuilles volantes de mon bureau, je regardais les notes fiévreusement crayonnées la veille, auprès de vous avec cette pitié ironique et amère qui nous vient aux lèvres lorsque nous jugeons de la folie démesurée de nos désirs créateurs vis-à-vis des heures si brèves pour la réalisation d’œuvres dont déjà l’exécution nous absorbe, nous angoisse et nous tenaille par la crainte de ne les point pouvoir achever selon nos désirs, dans la limite de temps assignée pour la mise sous presse.

                Mais vous, mon cher Robida le Téméraire, vous le moissonneur et le meunier de l’idée, vous qui semblez, comme Siva, ce dieu prodigieux de la triade indoue, posséder plusieurs bras et diverses faces, le tout au service de votre imagination surprenante et de vos observations précises et satiriques, vous qui êtes lumineusement sain et ignorez les états d’âme inquiets qui Hamletisent la plupart des artistes contemporains, vous m’apportiez, huit jours plus tard, votre premier conte illustré, l’Hétirage Sigismond ; vous posiez, par conséquent, la pierre angulaire de l’Edifice, et moi, pauvre retardataire, entraîné par votre exemple, me sentant embarqué malgré mes protestations intimes par votre esprit d’aventure vers les contrées incertaines et touffues de cette œuvre nouvelle, je me prenais à ramer à vos côtés, bien irrégulièrement toutefois, vous contraignant à m’attendre des mois et des années, tandis que je tirais des bordées sous des vents contraires[4] ou que je faisais escale à divers ports d’attache : Revues, journaux et livres, avant de reprendre pour quelques instants ma place à vos côtés.
                Si nous abordons aujourd’hui heureusement à ce débarcadaire (sic) définitif qu’un Anglais disciple moderne de Sterne nommerait le Public pier de Publishing city, c’est  à votre constance, à votre bienveillante amitié, à votre angélique patience que je le dois, car votre collaboration n’a pas connu d’obstacles ; elle fut alerte, prodigue, accélérée, miséricordieuse. En effet, tandis que, d’une allure de podagre, j’écrivais le Bibliothécaire Van Der Boecken, de Rotterdam ; les Romantiques inconnus, la Fin des livres, l’Enfer du chevalier de Kérhany, Histoire de Momies[5] et deux ou trois autres contes qui ne sont au demeurant que des souvenirs personnels narrés sur le mode égotique, des haïssables historiens du moi moderne, vous terminiez le reste impétueusement avec une verve, un entrain, une modestie souriante qui épaississaient chaque jour davantage la cuirasse d’estime dont se revêt, avec tant de sincère conviction, ma batailleuse amitié pour vous.

                Et quels plaisants dessins que les vôtres, mon brave Robida, lorsque d’une plume ou d’un crayon mordants, qui se ruent à l’assaut du papier virginal, vous pastichez, à plaisir les Johannot, les Devéria, les Nanteuil, les Carle Vernet, les imagiers d’Epinal de l’Empire, les vignettistes allemands ou les petits-maîtres du dernier siècle ? Vous déroutez positivement, dans ces  fresques hors texte du livre, le public de demi-connaisseurs, c’est-à-dire le grand public, car votre science imperturbable de la manière d’autrui et d’autrefois surprend vos nombreux admirateurs, qui vous tiennent peut-être rigueur de votre extrême sagacité comme on est déconcerté par un pince-sans-rire inquiétant.
                Vous l’aviez déjà troublé, ce bon public, par vos voyages fantaisistes et vos itinéraires sérieux, par vos romans à panaches, par votre extravagant Vingtième siècle[6], par vos piquantes caricatures modernes, par tant de cordes vibrantes que vous avez su mettre en harmonie sur votre lyre universelle ; il est un peu en défiance vis-à-vis de vous, ce débonnaire public, car il n’apprécie et ne célèbre que les spécialistes, les hommes qui fournissent une note toujours répétée, les vendeurs d’un même cru, faciles à étiqueter et cataloguer dans sa mémoire ; les carillonneurs fidèles aux symphonies réitérées de leur métal idrosyncratique (sic) ; les autres, les talents multiformes et impétueux, qui, comme vous, brisent les cadres et les moules qu’on leur assigne et qui s’en vont, à leur fantaisie, errer sur le clavier des arts et des lettres, l’horripilent dans ses notions d’ordre, de méthode et de classification.
                Avec vous, au moins, c’est toujours à recommencer ; vous dérangez les petits papiers de vos bibliographes, vous êtes la couleuvre fugitive de votre propre dossier.
                Ici, toutefois, mon excellent camarade, nous serons, je m’en réjouis, à deux pour affronter ce public méthodique et fidèle à ses habitudes ; souhaitons qu’il nous accueille favorablement l’un portant l’autre ; mais, à son nez, à sa barbe, je tiens à vous dire de nouveau merci, et à vous donner l’accolade de gratitude selon les rites des anciens combattants dans les grands spectacles impériaux.

                Maintenant, cher ami, la main dans la main, pénétrons dans l’arène, livrons-nous aux griffes des gens d’esprit, qui ne sont souvent que de simples bonnes bêtes, comme a dit Beaumarchais, mais n’oublions pas qu’il est plus difficile de les émouvoir ou de les exciter que de les dompter.
                Au sortir de cette démonstration publique, remontons sur nos galères respectives et cinglons au large ; mais, quelles que soient les rives lointaines où nous abordions par la suite, croyez, ami très cher, que je conserverai l’impérissable souvenir de cette croisière dans l’archipel de la fantaisie que je viens si fraternellement d’accomplir à vos côtés[7].

O.U.




[1] Cette épître est placée en tête du volume intitulé Contes pour les Bibliophiles par Octave Uzanne et A. Robida. Nombreuses illustrations dans le texte et hors texte. Publié à Paris par l’ancienne maison Quantin, Librairies-Imprimeries réunies, May et Motteroz, directeurs, 7, rue Saint-Benoît, 1895. Achevé d’imprimer sur les presses de l’ancienne maison Quantin, à Paris, ce 27 novembre 1894. IV pages pour l’épître dédicatoire et 230 pages chiffrées. Il a été imprimé de ce volume, 1.000 exemplaires sur papier vélin numérotés de 1 à 1.000 et 30 exemplaires sur Japon de luxe numérotés de I à XXX. Les exemplaires sur Japon possèdent quelques états supplémentaires des planches. A noter que dans tous les exemplaires que nous avons rencontrés, la vignette de titre a été coloriée à la poupée. Pour le conte L’Enfer du Chevalier de Kerhany, il a été tiré une planche libre intitulée Les Fricatrices (d’après le tableau de Fragonard). Tirée à seulement 300 exemplaires, elle n’a donc pas été insérée dans les volumes et se vendait à part chez l’éditeur (à la place on trouve un carton imprimé ; texte dans un encadré et colorié sur un fond uni bleu-vert à l’aquarelle ; il est indiqué que le cuivre a été détruit après tirage). Ce volume est recouvert d’une très-jolie couverture illustrée en couleur par Georges Auriol et gravée par Rougeron-Vignerot.

[2] Ce volume contient les contes suivants : Un Almanach des Muses de 1789 ; L’Héritage Sigismond, luttes homériques d’un vrai bibliofol ; Le Bibliothécaire Van Der Boëcken de Rotterdam ; Un Roman de Chevalerie franco-japonais ; Les Romantiques inconnus ; Le Carnet de Notes de Napoléon Ier ; La Fin des Livres ; Poudrière et Bibliothèque ; L’Enfer du Chevalier de Kerhany, étude d’éroto-bibliomanie ; Les Estrennes du Poète Scarron, et enfin, onzième et dernier conte, Histoire de Momies, récits authentiques.

[3] Octave Uzanne a la mémoire qui défaille (volontairement ?) lorsqu’il écrit : « ce fut il y a cinq ans (…) ». En effet, la publication des premiers Contes pour les Bibliophiles débute dès 1888. A la page 257 du neuvième volume de la bibliographie rétrospective de la revue Le Livre (neuvième livraison du 10 septembre 1888 – n°105), on trouve un faux-titre intitulé « Contes pour les bibliophiles » suivi du conte intitulé « L’Héritage Sigismond – Luttes homériques d’un vrai bibliofol ». Il occupe les pages 259 à 274. Il est illustré de vignettes dans le texte seulement (il y a deux planches hors texte supplémentaires dans le tirage de 1894). La mise en page est sinon parfaitement identique (il y a un faux-titre indiquant le titre du conte dans le tirage de 1894). A noter pour l’anecdote que dans la revue Le Livre, ce conte est signé conjointement « Octave Uzanne, Adolphe (sic) Robida. » (il faut bien évidemment lire Albert et non Adolphe comme prénom pour l’artiste – cette erreur est reproduite également dans la table des contes qu’on trouve à la fin du volume). Le deuxième conte publié s’intitule Le Bibliothécaire Van Der Boëcken de Rotterdam (Histoire vraie). On le trouve placé en tête de la onzième livraison datée du 10 novembre 1888 (n°107). Il occupe les pages 321 à 335. Il est illustré de vignettes dans le texte uniquement (dans le tirage en volume de 1894 on trouve en plus une belle eau-forte originale de Robida intitulée « Le Bibliothécaire hypnotiseur ». Le troisième conte qui a paru dans la revue Le Livre s’intitule Un Almanach des Muses de 1789 (livraison de janvier 1889 – occupe les pages 1 à 15 – illustré de vignettes dans le texte mais également d’une eau-forte représentant une lectrice tirée en camaïeu de bleu – on retrouve cette même eau-forte dans le tirage de 1894). Le quatrième conte qui a paru dans la revue Le Livre s’intitule Un Roman de Chevalerie franco-japonais (livraison de juillet 1889 – occupe les pages 193 à 212 - illustré de vignettes dans le texte seulement – le tirage de 1894 comprend deux planches hors texte supplémentaires aquarellées à la poupée). Le cinquième et dernier conte qui a paru dans Le Livre s’intitule Les Romantiques inconnus (livraison de décembre 1889 – occupe les pages 357 à 375 - illustré de vignettes dans le texte mais également de deux planches hors texte tirées en noir – on retrouve ces deux mêmes planches hors texte dans le tirage de 1894 mais avec le fond des gravures colorié chacune d’une teinte différente, bleu ciel pour l’une et rose pour l’autre). Les Estrennes du Poète Scarron avait déjà paru dans les Caprices d’un Bibliophile sous le titre Les Galanteries du sieur Scarron (pp. 25 à 34). Ce conte avait donc été rédigé dès le 1er janvier 1878. L’Enfer du Chevalier de Kerhany, étude d’un éroto-bibliomanie, avait également déjà paru dans le même ouvrage, Les Caprices d’un Bibliophile, sous le titre Le Cabinet d’un Eroto-Bibliomane (pp. 127 à 146). Ce sont les deux seuls contes issus de ce livre de prime jeunesse d’Octave Uzanne (Les Caprices d’un Bibliophile ont été imprimés à Dole le 10 février 1878, Uzanne avait 27 ans). Le conte qui restera sans doute le plus marquant et le plus reconnu par la postérité est La Fin des Livres. Ce conte a été publié pour la première fois en anglais sous le titre traduit de The End of Books dans le Scribner’s Magazine du mois d’août 1894, soit seulement quelques mois avant la publication en France en volume des Contes (fin novembre 1894). Comme toujours, ce texte a été originellement écrit en français par Uzanne (seul ou en collaboration avec Robida), c’est seulement ensuite qu’il a été traduit en anglais pour être publié dans la presse new-yorkaise. Nous croyons à cette hypothèse, conforté en cela car nous possédons le manuscrit original du conte intitulé Histoires de Momies, récits authentiques (apparemment publié pour la première fois dans les Contes pour les Bibliophiles fin novembre 1894 mais très probablement rédigé bien avant, entre 1888 et 1894). Ce manuscrit,  acquis au début de l’année 2012 à Londres, est complet en douze feuillets de grand format (de l’in-4 au in folio), composé de bandes de papier collées les unes aux autres comme Uzanne en avait l’habitude pour ses épreuves d’imprimerie, présente quelques variantes par rapport au texte imprimé à la fin de l’année 1894. Le manuscrit que nous possédons est plus court de quelques paragraphes de la fin notamment. Or notre manuscrit, contenu dans la chemise cartonnée de l’époque, est accompagné de la traduction anglaise du texte original sous le titre History of the Mummies by Octave Uzanne. C’est un tapuscrit à l’encre bleue-violette (format in-folio – 16 pages chiffrées plus le titre). C’est la traduction exacte du manuscrit original en français qui l’accompagne. Nous ne savons pas si cette traduction anglaise a été publiée ou non. Ces deux manuscrits ne sont datés ni l’un ni l’autre. Nous pensons donc qu’il a été fait de même pour La Fin des Livres et que, par un hasard de rencontre très probablement, Uzanne a eu l’opportunité de faire imprimer dans la revue américaine The Scribner’s Magazine The End of Books avant la version française. A noter que les dessins de Robida qui illustrent la version américaine de l’article sont différents de ceux retenus pour la publication en français et en volume à la fin de l’année 1894. Il nous reste donc Le Carnet de notes de Napoléon Ier et Poudrière et Bibliothèque pour lesquels nous n’avons pas trouvé trace d’une première publication.

[4] Octave Uzanne veut très certainement faire allusion ici à la création de la Société des Bibliophiles Contemporains fin 1889 et à ses divers déboires avec les Amis des Livres et autres bibliophiles hostiles du moment. Cette société l’occupera encore jusqu’en 1895 et même au-delà avec la publication de plusieurs ouvrages de bibliophilie qui durent lui prendre une bonne partie de son temps. C’est aussi l’époque où Uzanne se met à Voyager (Etats-Unis, Angleterre, Italie, etc.).

[5] Voir notre la fin de la note 3.

[6] Le Vingtième Siècle de Robida a paru en 1883, à Paris, chez Decaux. Ouvrage formidable à tout point de vue, illustré de 50 planches hors texte et de nombreux dessins dans le texte. C’est un des grands ouvrages visionnaires de la fin du XIXe siècle. Il en est rendu compte dans Le Livre, bibliographie moderne (10 décembre 1882 – douzième livraison, troisième année – Livres d’étrennes, pp. 745-746). Ce compte rendu, vu le vocabulaire employé, rempli de néologismes, sort directement de la plume d’Octave Uzanne en personne. Il n’y consacre d’ailleurs pas moins d’une demi-colonne : « Avec lui, tout est imprévu, surprenant, fantastique ; on ne sait si l’on doit plus admirer son ingéniosité dans la création de ses mondes nouveaux ou la furia endiablée de ses compositions nerveuses, traitées largement, avec une impétuosité qui entraîne, provoque le rire, et émerveille. Ici, Robida semble avoir condensé toute sa fertile imagination et épuisé entièrement l’art de regarder l’avenir à travers le monocle grossissant du caricaturiste. »

[7] Octave Uzanne a visiblement cotoyé d’assez près Albert Robida, pour preuve une photographie qui nous les montre réunis à la campagne (peut-être en forêt de Fontainebleau – collection privée), en compagnie de plusieurs hommes de lettres et politiques, réunis pour l’occasion par leur ami commun Angelo Mariani, le chantre du vin à la coca. Par ailleurs, un article publié en mars 1898 dans l’Echo de Paris fait état d’une visite d’Octave Uzanne chez Albert Robida au Vésinet à propos d’une maquette pour l’Exposition Universelle de 1900. Leurs rapports ont visiblement perdurés jusqu’au début du siècle, peut-être même encore bien après, et d’une manière suivie. Nous manquons cependant de documents pour pouvoir être plus précis. Le dernier hommage rendu par Uzanne à son ami Robida se trouve dans la longue préface qu’il consacre à l’homme à l’occasion de la réédition des Œuvres de Rabelais chez Tallandier (vers 1928-1930).

Mise en ligne et notes,
Bertrand Hugonnard-Roche

dimanche 26 août 2012

Visions de notre heure, choses et gens qui passent. Notations d'art, de littérature et de vie pittoresque. 1897-1898. Paris, Chez le libraire Henry Floury, 1899


Un livre méconnu d'Octave Uzanne. En réalité la publication en volume d'articles précédemment publiés dans l'Echo de Paris entre 1897 et 1898. Tous ces articles avaient été publiés sous le pseudonyme de La Cagoule. Ce volume s'intitule Visions de notre heure, choses et gens qui passent. Notations d'art, de littérature et de vie pittoresque. 1897-1898. Paris, Chez le libraire Henry Floury, 1899 (achevé d'imprimer le 8 mars 1899). 



Outre ce très-joli frontispice par Eric Forbes-Robertson, le volume est décoré de quelques très-jolies vignettes par Léon Rudnicki dans le style Art Nouveau.


1 volume in-8 allongé (25,5 x 14 cm), VIII-279 pages. Ce volume est assez difficile à trouver car son tirage est restreint (650 ex. sur vélin teinté, 50 ex. sur chine et 10 ex. sur japon). La jolie couverture illustrée est signée H.-P Dillon.


Vignette de Léon Rudnicki

Nous reviendrons prochainement sur le contenu détaillé ce volume très intéressant, à la lecture duquel on apprend beaucoup sur Octave Uzanne, ses amitiés, ses idées, ses sensations d'art comme il aimait à dire.

Bertrand Hugonnard-Roche

samedi 25 août 2012

Octave Uzanne mis en scène et croqué par Albert Robida (1888)


Vignette dans le texte par Albert Robida pour les Contes pour les Bibliophiles.
Octave Uzanne représenté à son bureau, à gauche de l'image et le bibliothécaire Van der Boëcken à droite.


Octave Uzanne avait ceci en commun avec Alfred Hitchcock que tous les deux aimaient se voir furtivement mis en scène dans leurs productions, littéraires pour le premier, cinématographiques pour le second.

A ma connaissance, au moins trois artistes ont dessiné Octave Uzanne et l'on mis en scène dans l'illustration de ses propres livres. Le premier qui nous vient à l'esprit est Emile Mas, dont on retrouve les dessins dans la Physiologie des Quais de Paris (1893) ; le second est Albert Lynch, dont on retrouve les dessins dans le Paroissien du Célibataire (1890) ; enfin le troisième, et non des moindres, sans doute le plus proche collaborateur et ami d'Octave Uzanne à cette époque, Albert Robida, qui illustre les Contes pour les Bibliophiles et croque son ami en plusieurs endroits. Les Contes pour les Bibliophiles ont paru pour la première fois en revue entre 1888 et 1889 dans la revue bibliographique Le Livre (partie rétrospective). C'est seulement en 1895 que seront réunis tous les Contes pour les Bibliophiles, alors publiés en volume chez May et Motteroz, ancienne maison Quantin (achevé d'imprimer le 27 novembre 1894).

Voici ci-dessous, quatre dessins au trait imprimés en noir par la technique du gillotage. Dans ces quatre dessins, qui appartiennent au conte Le bibliothécaire Van der Boëcken pp. 321-335 (Le Livre, 1888). On reconnaîtra aisément Octave Uzanne à ses cheveux bruns très bouclés et à la barbiche qu'il portait à l'époque.

Nous donnerons par la suite d'autres mises en scènes iconographiques d'Octave Uzanne par ses artistes fétiches.







Octave Uzanne sortant un livre de la bibliothèque
du bibliothécaire Van der Boëcken






















Octave Uzanne examinant de près un ouvrage


















Octave Uzanne examinant un tableau


Afin de compléter cette iconographie uzannesque, voici deux autres dessins d'Albert Robida. Le premier représente Albert Robida (à droite) et Octave Uzanne (à gauche), réunis sur les pages d'un livre ouvert, vignette placée en tête de l'épître dédicatoire A Albert Robida, maître imaigier (Contes pour les Bibliophiles, ancienne maison Quantin, 1895). Le deuxième dessin sert de culispice ou de grande vignette à la Table des contes qu'on trouve à la fin du volume. Elle montre Robida et Uzanne, agenouillés et présentant leur ouvrage à deux haultes personnes, à la façon des livres enluminés du moyen-âge.
























Bertrand Hugonnard-Roche

Albert Robida (1848-1926), illustrateur et écrivain français, ici à sa table de travail avec devant lui une pierre lithographique en cours d'achèvement. Un ami fidèle d'Octave Uzanne avec qui il collaborera à plusieurs reprises.


Photographie placée en frontispice de la réédition
par Jules Tallandier des Oeuvres de Rabelais,
s.d. (vers 1928-1930), 2 vol. in-8.
C'est dans cette réédition que se trouve pour la première fois l'importante préface écrite par Octave Uzanne sur Albert Robida illustrateur de Rabelais.



Albert Robida (1848-1926), illustrateur et écrivain français, ici à sa table de travail avec devant lui une pierre lithographique en cours d'achèvement. Un ami fidèle d'Octave Uzanne avec qui il collaborera à plusieurs reprises. http://www.robida.info/


Bertrand Hugonnard-Roche

lundi 20 août 2012

Octave Uzanne témoin du duel qui opposa le jeune Marcel Proust au critique littéraire et homme de lettres Jean Lorrain (6 février 1897).


Dans le journal Le Gaulois du dimanche 7 février 1897, dans la colonne Faits du Jour, on pouvait lire :

"A la suite d'un article de Raitif de la Bretonne (Jean Lorrain), paru récemment dans le Journal, M. Marcel Proust, s'étant jugé offensé, a adressé ses témoins, MM. Gustave de Borda et Jean Béraud, à l'auteur.
M. Jean Lorrain a chargé ses amis, MM. Octave Uzanne et Paul Adam, de ses intérêts.
Les témoins se sont rendus chez M. Jean Béraud et, après avoir discuté toutes les chances de conciliation sans avoir pu arriver à une entente, une rencontre a été jugée nécessaire. L'arme choisie est le pistolet de tir.
Deux balles seront échangées ; la distance sera de vingt-cinq pas et le duel aura lieu au commandement.
Pour M. Marcel Proust : MM. Gustave de Borda et Jean Béraud. Pour M. Jean Lorrain : MM. Octave Uzanne et Paul Adam.
En conformité du procès-verbal arrêté le matin entre les témoins de MM. Marcel Proust et Jean Lorrain, ces messieurs se sont rencontrés, assistés de leurs amis, dans les environs de Paris où le duel a eu lieu.
Deux balles ont été échangées sans résultat et les témoins, d'un commun accord, ont décidé que cette rencontre mettait fin au différend."

Voici l'article publié par Jean Lorrain (*) dans Le Journal du 3 février 1897 et qui déclencha la colère du jeune Marcel Proust et le duel qui s'ensuivit :

"D’ailleurs, l’amateurisme des gens du monde. Un livre commis par l’un d’eux, livre autour duquel grand bruit fut mené l’autre printemps, me tombe entre les mains. Préfacé par M. Anatole France, qui ne put refuser l’appui de sa belle prose et de sa signature à une chère madame (il y avait tant dîné), ce délicat volume ne serait pas un exemple-type du genre, s’il n’était illustré par Mme Madeleine Lemaire. Les Plaisirs et les Jours, de M. Marcel Proust : de graves mélancolies, d’élégiaques veuleries, d’inanes flirts en style précieux et prétentieux, avec, entre les marges ou en tête des chapitres, des fleurs de Mme Lemaire en symboles jetés, et l’un de ces chapitres s’appelle : La mort de Baldassare de Silvande, le vicomte de Silvande. Illustration : des feuilles de roses (je n’invente pas). L’ingéniosité de Mme Lemaire ne s’est jamais adaptée aussi étroitement à un talent d’auteur ; M. Paul Hervieu, et son Flirt, n’avaient certainement pas inspiré aussi spirituellement la charmante peintresse. C’est ainsi qu’une histoire de M. Proust, intitulée : Amis : Octavian et Fabrice, a pour commentaires deux chattes jouant de la guitare, et une autre, dite Rêverie couleur de temps, s’illustre de trois plumes de paon. Oui, madame, trois plumes de paon ; après cela, n’est-ce pas, on peut tirer l’échelle. On trouve aussi dans Ces Plaisirs et ces Jours un chapitre intitulé : Mélancolique villégiature de Mme de Bresve, de Bresve, grève, rêve, oh ! la douceur fugitive de ce de Bresve, et trois héroïnes qui s’y ornent des noms charmants d’Heldemonde, Aldegise et Hercole, et ce sont trois Parisiennes du pur, du noble faubourg. Le fouet, monsieur. M. Marcel Proust n’en a pas moins eu sa préface de M. Anatole France, qui n’eût pas préfacé ni M. Marcel Schwob, ni M. Pierre Louÿs, ni M. Maurice Barrès ; mais ainsi va le train du monde et soyez sûrs que, pour son prochain volume, M. Marcel Proust obtiendra sa préface de M. Alphonse Daudet, de l’intransigeant M. Alphonse Daudet, lui-même, qui ne pourra la refuser, ni à Mme Lemaire ni à son fils Lucien."

Marcel Proust et les duels, pour la petite histoire qui éclaire la grande.

"C'est Proust qui demanda à ce que son honneur soit lavé après que l'éditorialiste Jean Lorrain, écrivain décadent à l'outrance et malicieux, eût publié une critique particulièrement acerbe de son premier livre, Les Plaisirs et les Jours. Il ne s'agissait pas seulement de son propre honneur, mais aussi de celui d'une dame du monde, Madeleine Lemaire, qui réalisa les illustrations de l'ouvrage, de Reynaldo Hahn, qui composa une musique pour cette oeuvre, et d'Anatole France, qui en écrivit l'avant-propos; l'oeuvre fut qualifiée de surfaite, et son prix d'excessif. Proust était rongé d'anxiété avant le duel, d'abord parce qu'il craignait qu'il n'eût lieu à l'aube, heure à laquelle il se couchait habituellement. Un fois que 3 heures de l'après-midi fût adopté comme une heure raisonable entre les témoins, le calme de Proust amusa tout le monde. C'était un jour pluvieux à la Tour de Villebon que ce 3 Février 1897, jour où les antgonistes se rencontrèrent, chacun muni d'un pistolet car aucun des deux n'était en condition physique suffisante pour se battre à l'épée. Après avoir tiré chacun deux fois et manqué leur coup, les témoins déclarèrent un match nul. Extatique (sans doute d'avoir évité une blessure), Proust souhaita serrer la main de son adversaire, mais en fut discrètement dissuadé par ses amis." (source et suite de l'article : P. Segal - En ligne)

Ce duel entre Marcel Proust (26 ans) et Jean Lorrain (42 ans) est bien connu dans l'histoire littéraire et a donné lieu à de nombreux articles de presse depuis l'évènement jusqu'à nos jours. Voici par exemple un article publié dans Le Point du 6 février 2012 : 6 février 1897 : Proust fait le coup de feu dans le bois de Meudon. Quel homme !

Si l'histoire littéraire a retenu les témoins de Marcel Proust, Gustave de Borda et Jean Béraud, répétés à l'envie dans les récits qui ont été fait de ce duel, les noms d'Octave Uzanne et de Paul Adam, amis très proches de Jean Lorrain, sont eux aujourd'hui beaucoup moins reconnus. On imagine pourtant sans peine Octave Uzanne, dans la forêt de Meudon, 46 ans, dans ses plus beaux habits, tout à la fois observateur et acteur de cette scène de duel presque anachronique.

Il nous reste à trouver quelques avis émis par Octave Uzanne sur l'homme Marcel Proust et son oeuvre littéraire. Nous n'avons pas encore trouvé de tel témoignage. Nous citerons cependant le passage relatif à ce duel inséré dans Jean Lorrain, l'Artiste, l'Ami (Les Amis d'Edouard, 1913) :

"Cependant, lorsqu'on lui demandait compte d'une opinion de presse par lui publiquement exprimée, il en revendiquait aussitôt avec une crânerie fort spontanée toute la responsabilité et ne refusait certes point de s'aligner honorablement en champ clos. Je fus un jour l'un de ses témoins en compagnie de Paul Adam, alors que le champion d'une déplorable peintresse de haute réputation, dont il attaqua avec raison les oeuvres plutôt pitoyables et la mondanité réclamière, s'était présenté pour soutenir l'honneur de la dame. Jean Lorrain se montra , je m'en souviendrai toujours, d'une jolie et coquette bravoure naturelle, sans aucune forfanterie. Il alla sur le pré, dans le bois de Meudon, à l'Ermitage de Villebon, en faisant, tout au long de la route, montre d'une sérénité et d'une gaieté sans pareille. Ce nerveux savait se dominer ; il marchait au pistolet ou à l'épée, comme un gentilhomme qu'il était dans les moelles, sentant tout le ridicule du préjugé auquel il sacrifiait. (...)" 

Comme on peut le lire ci-dessus, Marcel Proust n'est nommé par Uzanne que comme le Champion d'une déplorable peintresse de haute réputation.

Bertrand Hugonnard-Roche

(*) Jean Lorrain (1855-1906) a eu une existence tapageuse. Il a fréquenté la bohême (Richepin, Moréas, Rollinat), a provoqué maints scandales ; il affichait son homosexualité, aimait explorer, dans ses chroniques – redoutées – au vitriol le vice et la vulgarité. Spasmophile cardiaque et grand absorbeur d’éther, il subit amendes, procès et duels (dont un avec Marcel Proust) avant de mourir de syphilis. Il a écrit des poèmes d’inspiration parnassienne, quelques romans et de très nombreuses nouvelles dont Contes d’un buveur d’éther, section de Sensations et souvenirs (1895), où l’on trouve Une nuit trouble : « Avez-vous lu la Nuit d’orage de Maurice Rollinat? sa Nuit d’orage passée dans l’atmosphère lourde et vénéneuse d’une chambre de campagne hantée de vieux portraits, de vieux portraits hostiles aux clairs regards fixes, aux minces sourires froids, et ses obsessions morbides de misérable, dont le raisonnement sombre et que le surnaturel va ensorceler. Les vers de ce diable de Rollinat m’en ont singulièrement rajeuni. Eh bien ! cette nuit de fièvre et d’épouvante, moi, qui ne suis ni superstitieux ni nerveux, je l’ai vécue dans des circonstances si étranges qu’il faut, ma foi, que je vous la raconte. » » et Le Possédé : « Et pourtant, il faut que je parte, je retomberais malade dans ce Paris fantomatique et hanté de novembre ; car le mystérieux de mon cas, c’est que j’ai la terreur non plus de l’invisible, mais de la réalité. » A propos de Jean Lorrain, lire la courte biographie donnée par son ami Octave Uzanne : Jean Lorrain, l'Artiste, l'Ami, Les Amis d'Edouard, 1913.

mercredi 15 août 2012

Une petite lettre du bibliophile américain Charles Jolly-Bavoillot (1821-1895) au sujet de la vente des livres de la bibliothèque d'Octave Uzanne (mars 1894).

collection Bertrand Hugonnard-Roche - août 2012

Nous avons déjà évoqué la vente des livres de la bibliothèque d'Octave Uzanne les 2 et 3 mars 1894 (Paris, Durel expert). Anatole de Claye s'en était fait l'écho dans La Bibliophilie en 1894 sous le pseudonyme d'Eylac. Je vous invite à lire ou à relire ses commentaires acides ICI.

Nous avons retrouvé une petite lettre écrite par Charles Jolly-Bavoillot (1) de New-York, adressée au libraire Durel à Paris, à propos des catalogues de cette vente. Cette lettre est écrite sur papier à en-tête du Congrès américain et est datée du 1er mars 1894, soit la veille du premier jour de la vente.

Bonne lecture.

Lettre autographe signée de M. Charles Jolly-Bavoillot de New York (USA) à M. Durel, libraire à Paris. - 1 page in-8 sur papier à en-tête du Congress.

New York 1er Mars 94

Monsieur Durel, Paris.

J’ai bien reçu vos deux Catalogues Uzanne dont je vous remercie.
Aussitôt le reçu du premier j’ai envoyé un ordre pour 6 ou 8 n°. à Conquet.
Ordre confirmé au reçu du 2e Catalogue.
J’ai envoyé cet ordre à Conquet parce que comme vous le savez, je suis avec lui en rapport si régulier que nous nous comprenons parfaitement, comme goût, et comme prix à évaluer sans grande explication.
Si pourtant à une prochaine occasion vous désirez recevoir mon ordre directement, dites le moi, je me ferai un plaisir de vous être agréable.
Veuillez avec remerciements agréer Monsieur mes cordiales salutations.

[signé] C. Jolly Bavoillot


Bertrand Hugonnard-Roche

(1) Charles Jolly-Bavoillot (1821-1895) - Catalogue de la bibliothèque de feu m. Jolly-Bavoillot de New-York - Collection importante d'ouvrages de la période romantique - Victor Hugo - Alfred de Musset - Mérimée - Lamartine ... Riches reliures en maroquin ... Paris, A. Durel, 1896 - 168 pages. On retrouve la bibliothèque de Charles Jolly Bavoillot décrite en partie dans l'ouvrage Four private libraries of New York, a contribution to the history of bibliophilism in America (1892) écrit par Henri Pène du Bois et préfacé par Octave Uzanne.  

lundi 13 août 2012

Octave Uzanne "vieux marchand de livres". Articles publiés dans le Gil Blas de septembre 1885.


En tant que rédacteur en chef de la revue bibliographique Le Livre (1880-1889) publiée chez A. Quantin (rue St-Benoît à Paris), Octave Uzanne recevait tout naturellement, dès les débuts de cette publication, les ouvrages qu'il commentait ou que ses confrères commentaient pour la partie Bibliographie Moderne, le service de presse en somme. Uzanne, c'est encore une évidence, dût se retrouver très rapidement submergé par les exemplaires à lui offerts ornés des dédicaces les plus variées, du plus illustre des inconnus prometteurs ou non, au plus confirmé des auteurs reconnus de longue date. Etant donné les milliers d'ouvrages commentés dans Le Livre, ce sont autant de ces exemplaires dédicacés qu'on devrait retrouvé dans sa bibliothèque ou dans celle des locaux de l'imprimerie Quantin, ou dans celle de ses nombreux collaborateurs (Jean Richepin, Edouard Drumont, etc). Que sont devenus ces ouvrages "de politesse" ? Octave Uzanne décida d'en conserver de nombreux, qu'on peut en partie retrouver dans le catalogue de la vente de sa bibliothèque de mars 1894. De nombreux autres, jugés sans intérêt ou pour d'autres raisons, Uzanne décida de s'en séparer en les reléguant presque aussitôt dans les boîtes des bouquinites des quais. Est-ce un crime ? Sans doute. Est-ce un crime légitime ? Sans doute. C'est ce que les deux articles publiés à la suite dans deux numéros du Gil Blas de septembre 1885, sous la plume anomyne du Diable Boiteux, alias le Baron de Vaux (1), dénoncent aux lecteurs du « plus littéraire - (du) plus parisien des journaux ».

Bonne lecture.

« J’ai raconté l’autre jour que M. Octave Uzanne, directeur de la Revue du livre, se faisait des rentes en vendant sur les quais les livres qu’on lui adressait sans prendre la peine d’en faire disparaître les dédicaces. Furieux de voir que je révélais son truc, M. Uzanne crut devoir m’écrire que cet acte coupable devait être mis à l’actif de ses collaborateurs, chargés de rendre compte des livres qui lui étaient envoyés chaque jour. Comme en réalité M. Uzanne ne contestait pas le trafic que je dénonçais, je n’ai pas publié sa lettre. Aujourd’hui il m’écrit de nouveau en s’étonnant de ne pas avoir vu paraître sa rectification, et il ajoute que : « Mon entrefilet étant resté sans résonnance il recule en ma faveur les bornes de l’indifférence. » Je suis très fâché d’avoir encouru la colère de M. Uzanne, mais cela ne m’empêchera pas de le considérer comme un vieux marchand de livres. » (2)

Voici l'entrefilet dont il est question ; il avait été publié 9 jours auparavant :

« Hier, en bouquinant sur les quais, j’ai fait une découverte assez curieuse qui intéressera, je crois, plusieurs de mes confrères. J’ai trouvé une foule de livres avec dédicace, et parmi ceux qui paraissent pratiquer ce commerce sur une vaste échelle, il convient de citer M. Uzanne. Vous avez des livres qui ne vous plaisent pas, vous les vendez, c’est votre droit ; mais lorsque ces livres contiennent des dédicaces, je crois qu’il serait convenable de les faire disparaître avant de les donner en échange de quelques pièces de monnaie. M. Uzanne a commis dans cette circonstance une fort mauvaise action. »


Articles communiqués par Mikaël Lugan,
Bertrand Hugonnard-Roche


(1) Son identité est discutée. Il semble qu'il fut le chef des Echos du Gil Blas dès 1879 et ce pendant plusieurs années sous le pseudonyme "Le Diable boiteux". Il pourrait s'agir du Baron Ludovic de Vaux, proche de Guy de Maupassant, et qui servit très probablement de modèle au personnage de Bel-Ami. On sait par ailleurs que Guy de Maupassant signa la Préface pour Les Tireurs au pistolet, ouvrage signé du même Baron de Vaux. On évoque aussi le nom d'un certain Vauquelin.

(2) Article publié dans le Gil Blas du dimanche 27 septembre 1885. Article signé LE DIABLE BOITEUX (pseudonyme du Baron de Vaux).

(3) Article publié dans le Gil Blas du vendredi 18 septembre 1885 et signé LE DIABLE BOITEUX (pseudonyme du Baron de Vaux).

mercredi 1 août 2012

Exemplaires remarquables - Les Contes choisis de Guy de Maupassant publiés pour les Bibliophiles Contemporains (1891-1892). Reliure en maroquin décoré et doublé de Marius-Michel.


MAUPASSANT (Guy de)

Contes choisis. Le Loup.- Hautot père et fils. - Allouma. - Mouche. - La Maison Tellier. - Un soir. - Le Champ d'oliviers. - Mademoiselle Fifi. - L'Épave. - Une partie de campagne. 

Paris, Les Bibliophiles Contemporains, 1891- 1892.

10 livraisons reliées en un volume grand in-8, maroquin rouge, plats décorés d'un très large encadrement dessiné par des doubles filets dorés en entrelacs géométriques, dos à cinq nerfs, entre-nerfs ornés de filets dorés dans le même style que les plats, filets dorés en tête et en queue, roulette intérieure, doublure de maroquin vert orné d'un cadre de sept filets dorés, gardes de soie brochée, double garde de papier peigné, filet doré sur les coiffes et les coupes, tranches dorées sur témoins, chaque livraison interfoliée d'un feuillet de vélin filigrané, couverture (Marius-Michel).

Exemplaire bien complet des couvertures de livraison, des couvertures générales et du frontispice de Félicien Rops.

Tirage à 188 exemplaires, tous sur vélin.

Octave Uzanne fut le maître d'oeuvre de cette jolie publication, l'une des plus réussies des contes de Maupassant. Il confia l'illustration de chacun des dix textes à un artiste différent : on y trouve des gravures en noir et en couleurs de Georges Jeanniot, Pierre Vidal, Georges Scott, Paul Gervais, A. Gérardin, Paul Avril, Alexandre Lunois, etc.

Exemplaire provenant de la bibliothèque de Léon Rattier avec son ex libris.

C'est une reliure assez inhabituelle signée Marius-Michel que nous avons ici. Loin des décors fleuris mosaïqués qui s'épanouiront dans les années suivantes au fil de l'Art Nouveau, nous avons ici un décor tout en filets dorés géométriquement combinés. La doublure, sobre, presque janséniste, simplement soulignée par quelques filets dorés. On peut supposer que cet exemplaire a été relié pour Léon Rattier quelques mois ou quelques années après son impression, bien que les fascicules aient été imprimés au nom du premier souscripteur à savoir l'éminent bibliographe parisien Paul Lacombe, qui était des Bibliophiles Contemporains de la première heure.

Nous reviendrons bientôt plus longuement sur la genèse de cette très belle édition des Contes de Maupassant.

En attendant voici quelques photos de cet exemplaire remarquable.

Bertrand Hugonnard-Roche















collection Bertrand Hugonnard-Roche - août 2012

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